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Agriculture de demain : le Burkina Faso à la pointe de la micro-irrigation

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Irrigation au Burkina Faso.
Irrigation au Burkina

Pour lutter contre les effets de la sécheresse, Ouagadougou a promu cette technique ayant donné de très bons résultats. Niger, Gambie et Afrique du Sud lui emboîtent le pas.

Le pays des Hommes intègres entend être le pionnier du développement de la micro-irrigation. Cette méthode agricole vise à mener l’eau jusqu’au pied de la plante, arrosée le plus souvent goutte à goutte, grâce à un réseau de distribution en surface ou souterrain, en évitant au maximum l’évaporation.

Économe en main d’œuvre et couplée à la fertigation – utilisation d’engrais soluble dans l’eau d’irrigation –, elle permet d’optimiser l’utilisation des ressources hydriques locales et d’améliorer la productivité des cultures. Face aux effets de la sécheresse au Sahel, aggravée par le réchauffement climatique, elle a gagné de nombreux adeptes parmi les agriculteurs burkinabè, ainsi que, plus récemment, chez le voisin nigérien.

Essais concluants

Ouagadougou a notamment lancé un vaste programme de promotion de la micro-irrigation, avec quelque 2 000 hectares déjà aménagés pour cette technique culturale, grâce à 1 500 réservoirs d’eau pompée localement.

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NOUS BÂTISSONS UN MODÈLE D’EXPLOITATION AGRICOLE RÉSILIENT

Le Burkina Faso est ainsi passé d’une vingtaine de fermes pilotes en 2019 à près de cinq cents fermes mettant en œuvre la méthode.

« Nous bâtissons un modèle d’exploitation agricole résilient (…) qui s’appuie sur l’utilisation de l’eau souterraine, le pompage solaire et les technologies efficientes d’irrigation limitant au maximum l’évaporation », résume Donkora Kambou, directeur général du ministère de l’Agriculture burkinabè.

Au Niger, c’est l’israélien Netafim qui déploie cette technologie avec des économies d’eau estimées entre 30 % et 55 %. L’ONG américaine IDE qui a soutenu les initiatives burkinabè, a mené plus récemment des essais concluants en Gambie, ainsi qu’en Afrique du Sud.

Les perspectives de développement des techniques de micro-irrigation sont majeures, au Sahel, mais également en Afrique australe, région également en proie à la sécheresse. La taille du marché des systèmes d’irrigation goutte-à-goutte au Moyen-Orient et en Afrique, estimée à 572 millions de dollars par an à l‘horizon en 2025 par Market Data Forecast, devrait attirer les acteurs spécialisés du secteur sur le continent.

 

Niger-Mali : à Bamako, les propos de Mohamed Bazoum font polémique

| Par - à Bamako
Le nouveau président du Niger, Mohamed Bazoum, lors de son investiture au Centre international de conférences de Niamey, le 2 avril 2021.
Le nouveau président du Niger, Mohamed Bazoum, lors de son investiture au Centre international de conférences de Niamey,
le 2 avril 2021. © BOUREIMA HAMA / AFP

Lors de son investiture, Mohamed Bazoum a tenu des propos qui ont fâché à Bamako, dans la droite lignée de son prédécesseur Mahamadou Issoufou.

C’était le 2 avril, au centre Mahatma Gandhi de Niamey. Devant plusieurs chefs d’État africains, dont le président malien de transition, Bah N’Daw, le nouvel homme fort du Niger prêtait serment et égrainait ses priorités : lutte contre la corruption, pour la justice sociale, éducation, démographie… Et bien sûr, l’insécurité, obstacle majeur à la réalisation de ces ambitions.

Devant la délégation malienne, Mohamed Bazoum a cité l’État islamique au grand Sahara (EIGS) et Boko Haram comme étant les principaux acteurs des violences qui endeuillent le Niger, déstabilisent son économie et contribuent à grossir les rangs des personnes déplacées et des réfugiés. «  Ce groupe criminel (l’EIGS), dirigé par des ressortissants des pays du Maghreb, […] a ses principales bases en territoire malien, dans les régions de Ménaka et de Gao  », a dit le président nigérien.

« Agenda diplomatique centré sur le Mali »

Le combat contre ce groupe «  sera très difficile aussi longtemps que l’État malien n’aura pas exercé la plénitude de sa souveraineté sur ces régions  », a ajouté Mohamed Bazoum. «  La situation actuelle au Mali a un impact direct sur la sécurité intérieure de notre pays. C’est pourquoi notre agenda diplomatique sera centré sur le Mali, dans le cadre d’une coordination étroite avec les pays du G5 Sahel, l’Algérie, la France, les États-Unis et les autres membres permanents du Conseil de sécurité. Nous devons aider nos frères maliens à s’entendre, à mettre en œuvre l’Accord, à le dépasser même, à reconstituer leur État en vue de lutter efficacement contre le terrorisme  », a-t-il encore ajouté.

À Bamako, les propos du président Bazoum ont provoqué l’indignation de certains. Le Front du refus de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation (APR) a été le premier à dégainer, dénonçant dans un communiqué le 8 avril des «  propos [qui] portent atteinte à la souveraineté du Mali et mettent en cause son impartialité dans la gestion de l’Accord pour la paix et la réconciliation  ».

«  Cela constitue une raison suffisante pour que le gouvernement malien récuse la présence de ce pays parmi l’équipe de médiation. Le président de la République du Niger, Mohamed Bazoum, vient de se disqualifier comme partenaire ayant à cœur les intérêts du Mali et ceux de la sous-région  », dénonce le tout jeune regroupement d’opposants à l’APR signé en 2015 à Bamako.

Ce n’est pas la première fois que des propos tenus au plus haut sommet de l’État nigérien heurtent Bamako. En août 2019, déjà, dans une interview accordée à Jeune Afrique, Mahamadou Issoufou, alors président du Niger, avait affirmé : « Le statut de Kidal, au Mali, nous pose problème. Kidal est un sanctuaire pour les terroristes, et ceux qui nous attaquent s’y replient souvent. Kidal est une menace pour le Niger et il faut impérativement que l’État malien y reprenne ses droits.  » Des propos réitérés lors d’une visite au Mali quelques mois plus tard.

Selon Mohamed Maïga, analyste travaillant sur les politiques socioéconomiques de territoire, l’approche de Mohamed Bazoum, «  en disant que les Nigériens vont aider les Maliens, est aussi à analyser sous l’angle d’une volonté hégémonique de la diplomatie nigérienne dans le Sahel.  »

Bazoum, «  un grand ami du Mali  »

Selon une source diplomatique, plusieurs personnalités politiques étaient présentes lors de l’investiture, dont Bokary Treta du Rassemblement pour le Mali (RPM), Demba Traoré de l’Union pour la République et la démocratie (URD, parti de l’ancien chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé), Aliou Boubacar Diallo de l’Alliance démocratique pour la paix –  Maliba (ADP-Maliba), ainsi que Tiébilé Dramé du Parti pour la renaissance nationale (Parena).

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LE  NATIONALISME MALIEN  NE DOIT PAS NOUS EMPÊCHER DE REGARDER LA RÉALITÉ EN FACE

Ces derniers ont réagi sur un ton plus conciliant. Demba Traoré estime pour sa part que le nouveau président nigérien «  avait besoin d’un discours pour donner le ton  » et appelle à se concentrer sur l’essentiel : « l’insécurité galopante dont l’épicentre a glissé du Nord vers le Centre. » « La région de Sikasso, qui était hors de danger, commence à subir des attaques », s’alarme-t-il.

De son côté, Tiebilé Dramé décrit Mohamed Bazoum comme «  un grand ami du Mali  », pays dont «  il était l’avocat sur la scène internationale, défendant sa souveraineté, l’intégrité de son territoire et l’unité de la nation malienne.  »

«  Devenu président, il n’a pas varié. Il veut aider ses frères maliens à se réconcilier et à reconstituer leur État, poursuit l’ancien ministre des Affaires étrangères du Mali. Il recommande comme toute la communauté internationale, comme l’État malien, l’application de l’accord. Mieux, reconnaissant les limites de l’APR, il recommande d’aller au-delà, de ‘le dépasser’, en d’autres termes de le relire ! Le  nationalisme malien  ne doit pas nous empêcher de regarder la réalité en face.  Les Maliens devraient  se concentrer sur leur pays. »

Trois bonnes pratiques pour booster la finance africaine en 2021

| Par 
Mis à jour le 16 avril 2021 à 10h59
La digitalisation constitue une priorité pour plus de 7 dirigeants sur 10 dans leur stratégie au cours des douze prochains mois.
La digitalisation constitue une priorité pour plus de 7 dirigeants sur 10 dans leur stratégie
au cours des douze prochains mois. © PeopleImages/E+/Getty


Plutôt optimistes, les banquiers et assureurs africains dégagent trois grandes tendances de l’ère post-Covid pour leur secteur, dans le cadre du premier baromètre Deloitte/Africa CEO Forum.

À défaut d’en tirer parti, les plus grands acteurs de la finance sur le continent semblent en tout cas tirer les leçons de la crise sanitaire. Bien décidés à s’en relever et à bénéficier de la mini-révolution digitale, ils entrevoient à court ou moyen terme de profonds changements pour leur secteur.

Et ce sont ces mutations qui ont été captées par le tout premier baromètre Deloitte/Africa CEO Forum*, établi en partenariat avec l’Africa Finance Industry Summit. Deux grandes orientations se détachent en conséquence directe de la pandémie et de la croissance rapide des fintechs : la digitalisation et la multiplication de nouveaux modèles d’affaires et de coopération entre acteurs financiers.

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41 % DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES ÉVALUENT LEUR MATURITÉ DIGITALE AU STADE ÉMERGENT

Des tendances qui représentent également des défis, en termes de moyens, en termes de risques. Pour autant, dans une large majorité (59 %), les institutions financières interrogées confirment la croissance de l’attractivité de l’industrie financière africaines vis-à-vis des partenaires et des investisseurs internationaux.

>>> Lire aussi notre dossier : Une nouvelle ère pour la finance africaine <<<

  • Accélérer la digitalisation du secteur

Entre ceux des acteurs interrogés qui avaient d’ores et déjà entamé le processus, et ceux qui en ont pris la mesure avec l’arrivée de la pandémie de Covid-19, la grande majorité s’accorde sur la nécessaire accélération de la digitalisation du secteur. C’est d’ailleurs une priorité pour plus de 7 dirigeants sur 10 dans leur stratégie au cours des douze prochains mois.

Et si la crise a chamboulé la façon dont les dirigeants de banques, assurances ou autres institutions financières entrevoient l’avenir pour leurs secteurs, elle a aussi mis l’accent sur la recherche de rentabilité et de meilleure efficacité opérationnelle (à près de 80 %) pour affronter l’ère post-Covid.

Alors qu’elles n’en sont qu’à leur balbutiement – 41 % des institutions financières évaluent leur maturité digitale au stade d’émergence –, plus de la moitié des acteurs interrogés affirment avoir entrepris des démarches concrètes pour accélérer leur digitalisation. On monte à près des trois quarts dans le segment banque, le plus avancé en matière de digitalisation.

Mise en place d’une stratégie digitale, création d’un « digital office », mobilisation de moyens financiers et techniques, sont les principales mesures adoptées par ces institutions financières pour l’heure. Et un tiers d’entre elles envisagent de s’y atteler à court terme.

  • Multiplier les partenariats avec les nouvelles technologies

Parmi les moyens à leur disposition pour dynamiser leur stratégie post-crise sanitaire, et notamment ficeler leur plan de digitalisation, les dirigeants du secteur financier africain adoptent en majorité un levier : la conclusion de partenariats.

Fintech, insurtech, regtech, les services financiers attirent de plus en plus d’acteurs en provenance d’autres industries. Bonne nouvelle, les secteurs plus traditionnels de la finance ne le voient pas d’un mauvais œil. Au contraire, et c’est ce que révèle l’étude Deloitte/Africa CEO Forum, en réponse à cette tendance, près des deux tiers des banquiers et des assureurs décident de mettre en place des partenariats avec ces nouveaux acteurs sur un périmètre spécifique d’activités.

42 % de ces institutions financières ont même déjà initié des partenariats avec des acteurs non traditionnels. Et le même ratio l’envisage à court terme. Dans quel cadre et pour quel but ? Les domaines largement plébiscités par les dirigeants interrogés sont le développement de nouvelles activités et produits en partenariat avec ces nouveaux acteurs. Dans une moindre mesure, ces partenariats portent sur la digitalisation des processus internes.


Baromètre AFIS 2 © Deloitte/Africa CEO Forum
  • Adopter un modèle de gouvernance pertinent

Si la pandémie de Covid-19 est mondiale, une tendance à la globalisation des réponses des opérateurs économiques est toute aussi réelle. Notamment dans le secteur de la finance, où les stratégies et les modèles de gouvernance sont lissés dans les pays du nord comme ceux du sud.

Aussi, il n’est pas surprenant de lire dans le baromètre Deloitte/Africa CEO Forum que pour faire face à l’émergence de nouveaux risques et méthodes de gouvernance, les acteurs de l’industrie financière africaine ont commencé à mettre en place de nouveaux comités (éthique, compliance, technologique) au sein de leur conseil d’administration en plus des comités classiques (audit, risques) bien établis.

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LE RISQUE CYBER CONSTITUE LA PLUS GRANDE MENACE POUR UNE MAJORITÉ DE DIRIGEANTS

Une pratique qui est déjà courante au niveau des conseils d’administration en Amérique du Nord ou en Europe. Tout comme la montée en puissance du recours aux administrateurs indépendants – près de 60 % de conseils d’administration d’institutions financières africaines déclarent vouloir se doter d’un conseil d’administration constitué à plus du quart d’administrateurs indépendants.

 

L’étude souligne, dans la même idée, l’arrivée de nouvelles fonctions au sein des comité exécutifs de ces entreprises, pour répondre à la transformation en cours du secteur : chief strategy officer (32 %), chief digital officer (25 %),…

Cette dernière fonction, bien qu’elle ne soit pas déployée dans toutes les entreprises du secteur financier, semble d’autant plus nécessaire dans un contexte où la digitalisation et la multiplication des partenariats avec les acteurs de la tech font croître de nouveaux risques. Ainsi du risque cyber, d’exposition aux menaces informatiques externes, considéré de modéré à très élevé par près de 9 dirigeants sur 10.

* Deloitte et l’Africa CEO Forum (membre de Jeune Afrique Media Group) en collaboration avec l’Africa Financial Industry Summit (AFIS) ont envoyé une enquête à différents participants du monde de la finance en Afrique (60 réponses). Ce questionnaire, réalisé en ligne ou en entretiens individuels, comportait six grands thèmes et une trentaine de questions.

Niger: fermeture d’une des plus grandes mines d’uranium

Employé d'une mine d'uranium au Niger.
Employé d'une mine d'uranium au Niger. (Photo : AFP)

L’une des plus grandes mines souterraines d’uranium au monde ferme ses portes. La Compagnie minière d’Akouta (Cominak), filiale d’Orano Cycle (multinationale française, ex-Areva), qui exploitait depuis 1978 des gisements d’uranium dans la province d’Agadez, au nord du Niger, arrête sa production ce mercredi 31 mars. Une fermeture réalisée dans des conditions non satisfaisantes pour les ONG qui dénoncent, au-delà du coût social, un lourd héritage qui aura des conséquences sanitaires et environnementales 

L’uranium, c’est le combustible des centrales nucléaires. Car la fission de l’uranium produit une très grande quantité d'énergie qui permet de faire tourner les turbo-alternateurs des centrales nucléaires et donc de produire de l'électricité. Un minerai très recherché par les pays qui se sont dotés de centrales électronucléaires et en particulier par la France qui dispose d’un important parc nucléaire avec 56 réacteurs en exploitation. Or, le Niger possède d’importants gisements d’uranium, c’est la principale richesse minière du pays. Mais ce secteur, qui représentait 60% des recettes d’exportation en 2010, est aujourd’hui en difficulté. Les mines seraient moins rentables depuis la chute des cours de l’uranium à la suite de la catastrophe nucléaire de Fukushima et la Compagnie minière d’Akouta (Cominak), qui fut jusqu’à ce jour la deuxième plus grosse exploitation d’uranium du Niger, ferme.

L’exploitation de l’uranium au Niger

C’est dans la province d’Agadez, au nord du pays que s’est développée l’exploitation de l’uranium au Niger, sur des territoires où vivaient des populations touarègues. Une histoire industrielle qui va donner lieu à la création de plusieurs sites miniers en plein désert et à la création d’une ville, « Arlit », pour y loger les travailleurs. La ville minière compte aujourd’hui plus de 100 000 habitants.

À l’origine de la première mine d’uranium, toujours en exploitation, créée en 1968, est la mine à ciel ouvert d’Arlit, exploitée par la société des mines de l’Aïr (Somaïr), détenue à l’origine à 69% par la société française Areva (aujourd’hui Orano Cycle) et à 31% par l’Office national des ressources minières du Niger. En 1974, au sud d’Arlit est créée l’une des plus grandes mines souterraines d’uranium du monde, dotée d’une usine de retraitement du minerai, la Compagnie minière d’Akouta (Cominak) dont les actionnaires sont Orano Cycle (34% – français), SOPAMIN (31% – nigérien), OURD (25% – japonais), Enusa (10% – espagnol). La Cominak a décidé, il y a un an, d’arrêter son activité en invoquant l’épuisement du site.

Cette histoire minière est donc fortement liée à la France, en grande demande d’uranium pour alimenter son parc nucléaire, qui a fait du Niger sa principale source d’approvisionnement mais qui, depuis, s’est diversifiée en important de l’uranium du Canada, du Kazakhstan et de Mongolie, tout en continuant à explorer de nouveaux sites à travers le monde. Cette quête de nouveaux gisements concerne également le Niger où il pourrait être question de relancer notamment l’immense gisement d’Imouraren dont l’entrée en production a été gelée en 2014 et qui devait être exploitée par Imouraren SA, également filiale d’Orano Cycle. Un site qui aurait pu produire, d’après Areva, 5 000 tonnes d’uranium métal par an pendant trente-cinq ans et qui aurait fait du Niger le deuxième producteur mondial d’uranium.

En 2007, à la suite d'un effondrement des cours de l’uranium, Areva perd sa position de monopole et l’État nigérien reçoit des demandes de permis de sociétés nord-américaines, australiennes, asiatiques et sud-africaines. En 2008, 139 permis de recherche et d’exploitation seront vendus en moins d’un an. Dans ce contexte, en 2007, un autre gisement voit le jour, la mine d’Azélik, exploité par la Somina, une coentreprise de l’État nigérien et de China Nuclear International Uranium Corporation, filiale de CNNC (la compagnie nucléaire nationale chinoise). Dans la région, un autre projet canadien d'ouverture de mine à récemment fait l’objet d’une inauguration, mais seules les mines exploitées par la Somaïr et par la Somina sont dorénavant en phase de production.

Le ministre des Mines, Omar Hamidou Tchiana (G) et le PDG d'Areva  signent un accord de partenariat sur plusieurs mines.
Le ministre des Mines, Omar Hamidou Tchiana (G) et le PDG d'Areva signent un accord de partenariat sur plusieurs mines. AFP

L’une des plus grandes mines souterraines d’uranium du monde

La mine de la Cominak, créée en 1974 et mise en exploitation en 1978, aura produit 75 000 tonnes d’uranium jusqu'en 2021. Soit plus d’un tiers de la production moyenne du Niger, qui est de 3 000 tonnes par an, répartie en 1 100 tonnes pour la Cominak et 1 900 tonnes pour la Somaïr. La production globale d’Orano sur l’année étant de l’ordre de 7 300 tonnes. Contrairement à la Somaïr qui est en plein air, la mine de la Cominak a été l’une des plus grandes mines souterraines d’uranium du monde avec plus de 200 km de galeries exploitées à 250 mètres de profondeur où ont travaillé 600 employés et 700 sous-traitants. Mais la décision a été prise de fermer définitivement cette exploitation car, comme l’explique Gilles Recoche, le directeur engagement, responsabilité et communication d’Orano, « l’exploitation s’arrête, car clairement les ressources sont épuisées. Bien sûr, il y a toujours de l’uranium en terre, mais encore faut-il qu’il soit exploitable, rentable et qu’il puisse permettre de payer des gens… On a commencé les réflexions sur le réaménagement du site en 2002. À la suite de cela, des décisions ont été prises à l’unanimité par le conseil d’administration en 2019 et l’arrêt de fermeture a été validé le 15 octobre 2020. »

La mine a réalisé son dernier tir le 25 mars et arrête l’exploitation de son site le 31 mars, mais la société Cominak va continuer à exister au moins une quinzaine d’années pour gérer son démantèlement et la mise en sécurité du site, conformément aux engagements pris avec les autorités nigériennes et aux normes internationales requises pour ce type d’exploitation, selon Gilles Recoche, qui précise : « Maintenant, on va entrer dans la phase de réaménagement du site qui va durer dix ans, qui sera suivi pendant cinq ans au moins d’un monitoring environnemental de ces travaux. C’est une phase importante pour nous. Bien gérer la fermeture et le réaménagement d’une mine aujourd’hui, c’est pour nous essentiel. »

Arlit est en deuil !

Dans les rues d’Arlit, l’annonce de la fermeture de l’exploitation est un choc pour une bonne partie de la population d’autant que la Cominak, qui a pris grand soin de ses 600 employés, refuse de verser des indemnités et un suivi médical à long terme aux 700 sous-traitants qui ont travaillé aussi dans la mine. Pour Almoustapha Alhacen, le président de l’ONG AGHIRIN’MAN, l’arrêt de l’activité de la Cominak est une catastrophe. « Arlit est en deuil. Pour nous, cette fermeture ne s’explique pas. Dire que c’est la fin du gisement est faux : il n’y a aucune étude qui le prouve et nous avons le problème de ces 700 travailleurs [sous-traitants] qui ont travaillé dans les mêmes conditions, qui ont été exposés aux mêmes dangers de rayonnement que leurs collègues pendant au moins vingt ans et qui ne toucheront pas de prime de licenciement économique. Pour nous, rien ne justifie la fermeture de cette mine, la main-d’œuvre est là et elle veut travailler. On a besoin de l’énergie et l’uranium est là. En moyenne chez nous, chacun a deux femmes et huit enfants et mettre ce monde sans ressource, sans lui laisser le temps de préparer son avenir, c’est de l’insouciance et de l’irresponsabilité. On ne peut pas agir uniquement en fonction de l’argent, c’est cela que nous condamnons »dit-il, notant avec humour et consternation que « la Cominak a organisé une fête avec méchoui et coupure de ruban pour la fermeture. Il n’y a qu’à Arlit que l’on peut voir cela. On peut se demander si ce n’est pas un effet de la radioactivité… »

La mine d'uranium d'Arlit en 2019
La mine d'uranium d'Arlit en 2019 AFP

La menace radioactive

Car derrière la question sociale, il y a la menace sanitaire et environnementale de la radioactivité. L’uranium est un métal radioactif, qui a une période physique de 4,5 milliards d’années, c’est-à-dire que sa radioactivité n’est divisée par deux qu’au bout de 4,5 milliards d’années. Donc, sa durée de vie est excessivement longue et les produits radioactifs associés à l’uranium sont pour certains très radiotoxiques par inhalation et d’autres par ingestion. Or, quand on extrait de l’uranium, on remonte à la surface du sol une vingtaine de produits radioactifs différents qui vont se retrouver ensuite dans l’air, dans les eaux, dans la chaîne alimentaire, dans les sols et qui vont créer une pollution à très long terme.

Pour Bruno Chareyron, le responsable du laboratoire de la Criirad (Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité), « l’uranium et certain de ses descendants radioactifs émettent des radiations que l’on appelle les rayonnements gamma, qui sont des radiations invisibles, extrêmement puissantes, qui peuvent traverser le plomb et les murs. Par conséquent, les mineurs de l’uranium sont exposés en permanence à cette radiation dont on ne peut pas se protéger, car même des vêtements en plomb n’arrêterait pas ces radiations. Alors si ces matériaux sont répandus pour faire des pistes et des routes ou encore pire dans des maisons [comme cela fut révélé à Arlit par des ONG il y a plusieurs années, NDLR], cela veut dire que les habitants de ces lieux vont être exposés à ces radiations invisibles. »

Ce risque de contamination touche particulièrement les personnels, comme le commente Bruno Chareyron : « Le suivi des travailleurs de l’uranium français montre un taux de décès par cancer du poumon 40% au-dessus de la normale et un taux de décès par cancer du rein 90% au-dessus de la normale. C’est pour cela que le suivi des mineurs du Niger est un enjeu très important, parce que les pathologies apparaissent souvent au bout de quelques années et parfois après quelques décennies. D’où la nécessité de les suivre, de la mise en place de diagnostics, de soins et d’indemnisation sur du très long terme. Que Cominak ferme sans qu’il y ait un véritable plan de suivi des sous-traitants en particulier, ce n’est pas une attitude responsable de la part d’un grand industriel filiale d’Orano. »

L’héritage empoisonné

L’autre énorme sujet d’inquiétude, c’est la gestion des millions de tonnes de résidus radioactifs qu’a produits l’entreprise et l’usine Cominak et qui sont aujourd’hui à l’air libre. Ces poussières et ces gaz radioactifs se dispersent facilement et atteignent l’environnement de l’agglomération urbaine d’Akokan Arlit. La mise en place d’importantes solutions à long terme pour sécuriser et confiner ces déchets radioactifs sera le principal enjeu de la Cominak pour les années à venir.

Pendant des décennies, des ferrailles contaminées ont été vendues sur des marchés et se sont parfois retrouvées à l’intérieur de maisons, parfois pour faire des murs. La Cominak est aussi attendue sur l’identification et la décontamination de ces maisons, sans parler de l’accès à l’eau potable et à l’électricité qui risque de se compliquer une fois que l’entreprise sera partie.

La fermeture d’une mine est toujours une affaire difficile, une mine d’uranium l’est encore plus. Orano, à travers sa filiale Orano Cycle Niger, qui gère la Cominak, s’est engagé à être exemplaire et joue son image. La population d’Arlit attend des réponses concrètes et s’inquiète face à l’immensité du défi.

► À lire aussi : Le Niger réintègre l’Initiative pour la transparence des industries extractives

Mali : le M5, contestataire un jour, contestataire toujours…

Par Manon Laplace

Fer de lance de la fronde qui a mené au coup d’État du 18 août 2020, le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques considère que la transition lui a été confisquée. Et ses membres entendent incarner l’opposition face aux militaires,
comme ils l’avaient fait contre IBK. 


« Le M5 est mort de sa belle mort. »  En septembre 2020, alors que s’installaient les autorités de la transition, Issa Kaou Djim prononçait l’oraison funèbre du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP). Le président de la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’imam Mahmoud Dicko (CMAS), devenu quatrième vice-président du Conseil national de la transition (CNT), fut pourtant, avec son chef religieux, l’un des fervents porte-parole de la lutte un temps incarnée par le M5 face au régime d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK).


Comme Issa Kaou Djim, plusieurs de ses figures emblématiques ont pris leurs distances avec les contestataires ou estimé que la mission du mouvement s’était achevée avec la chute de l’ancien chef de l’État. Des positions qui se sont généralement accompagnées de prises de fonctions au sein de la transition.

Départs successifs

Alors qu’il considère que la révolution et la transition lui ont été confisquées par les militaires, le M5-RFP a en effet perdu quelques têtes d’affiche lors de la recomposition des autorités de l’État. Aux côtés du très populaire imam Mahmoud Dicko et d’Issa Kaou Djim, des personnalités comme Nouhoum Sarr, important acteur de la jeunesse du mouvement, l’imam Oumarou Diarra ou l’activiste Adama Ben Diarra ont rejoint le CNT, qui fait office d’organe législatif.

Une « décision individuelle par laquelle ils se sont démarqués de la position du M5-RFP, dont il se sont exclus de fait », tranche l’opposante historique Sy Kadiatou Sow, l’une des leaders du mouvement.
 

La junte a réussi là où IBK avait échoué

"La junte a réussi là où IBK avait échoué. Pendant toute la mobilisation, l'ancien chef de l'État a cherché à faire imploser le M5. Les militaires y sont parvenus en débauchant plusieurs personnalités. Une manière d’atténuer son influence sur la transition", décrypte Lamine Savané, enseignant-chercheur en sociologie politique à l’université de Ségou.

Dès les premiers jours qui suivent le coup d’État, les premiers désaccords apparaissent entre les putschistes et le M5. « Il y a eu d’emblée un problème dans la démarche. Les premières discussions amenées par les militaires portaient sur la répartition des postes, quand il fallait poser les bases du Mali que nous voulions voir naître. Pour reconstruire le pays, il fallait en effet en poser les fondations avant d’attribuer des rôles sans se soucier des compétences », déplore Choguel Maïga, l’un des leaders du M5-RFP.

Pour cet ancien ministre de l’Économie, les départs successifs de certains de ses membres n’ont en rien ébranlé la force de frappe du M5 et sa capacité à mobiliser. « La composante politique du mouvement, celle-là même qui a conçu et théorisé les éléments amenant à exiger le départ d’IBK, est restée intacte. Les partis, les organisations de la société civile… Tous sont restés, relativise-t-il. Il est vrai que la frange constituée essentiellement des organisations liées à l’imam Mahmoud Dicko a joué un rôle de mobilisation très important et porté le message du M5 avec éloquence, mais ceux qui nous ont quittés n’avaient pas de rôle politique. »
 

Poils à gratter

Et c’est bien un rôle d’opposant qu’entendent camper les routiers de la politique malienne membres du M5-RFP, qui ont longtemps joué les poils à gratter des régimes en place. Parmi eux, des caciques tels que Sy Kadiatou Sow, déjà très active lors des manifestations de 1990, qui ont mené à la chute du régime de Moussa Traoré, Mountaga Tall, chef de l’opposition parlementaire à une époque, ou encore le cinéaste Cheick Oumar Sissoko.

Faute de discussion avec les autorités de la transition, le mouvement fourbit ses armes et multiplie les meetings, se préparant à de nouveaux appels à la désobéissance civile et à des manifestations de masse. « La porte n’a jamais été fermée de notre côté, mais sans dialogue ni réelle rectification de la transition, une nouvelle crise politique est inévitable. Qu’elle intervienne avant, pendant ou après les élections à venir. On ne fait pas tomber un régime pour appliquer les mêmes formules par la suite », avertit Choguel Maïga.

Les motifs qui ont fait sortir les Maliens dans la rue en juin 2020 sont toujours valables

Des appels qui pourraient de nouveau être très suivis par les Maliens, selon Lamine Savané. « Pour beaucoup, aucun changement de gouvernance réel n’a eu lieu entre le régime d’IBK et la transition. Peu importe les changements de figures au sein du M5 : les motifs qui ont fait sortir les Maliens dans la rue en juin 2020 sont toujours valables », renchérit-il.
 

Un air de déjà-vu

Déjà, le mouvement se prépare à mobiliser les Maliens « sur l’ensemble du territoire », sur fond de revendications dont la substance a un air de déjà-vu. Comme lors des manifestations qui réclamaient le départ d’IBK, les contestataires exigent une gouvernance plus vertueuse « où les oncles, tantes et neveux ne se retrouvent pas propulsés ministres ou députés pour leur premier poste », ironise Choguel Maïga. Ils revendiquent aussi, pêle-mêle, la création d’un organe indépendant pour l’organisation des élections, la relecture de l’accord d’Alger et la poursuite en justice des acteurs reconnus de faits de corruption.

Rien de nouveau sur le fond. Quant à la forme, le M5-RFP envisage « tous les scenarii possibles ». Le ramadan (du 13 avril au 12 mai) est « le mois du calme », tempère Choguel Maïga. Une accalmie avant la tempête ? En juin, le mouvement contestataire célèbrera son premier anniversaire.