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Mali – Bah N’Daw et Assimi Goïta : comment la transition a basculé

Mis à jour le 26 mai 2021 à 17h19
Assimi Goïta et Bah N’Daw lors de la cérémonie de prestation de serment, le 25 septembre 2020, à Bamako.

Assimi Goïta et Bah N'Daw lors de la cérémonie de prestation de serment, le 25 septembre 2020, à Bamako. © © Amadou Keita/REUTERS

Le vice-président Assimi Goïta a démis de leurs fonctions le président Bah N’Daw et le Premier ministre Moctar Ouane. Jeune Afrique raconte les coulisses de ce nouvel épisode décisif de la transition malienne.

Depuis la reconduction de Moctar Ouane au poste de Premier ministre par Bah N’Daw, le 14 mai, des rumeurs persistantes n’avaient pas tardé à circuler. Elles faisaient état de bisbilles entre l’ex-junte malienne (Conseil national pour le salut du peuple, CNSP, dissoute en janvier 2021) et le président Bah N’Daw au sujet du maintien de Ouane à la tête du gouvernement, lequel devait s’ouvrir aux regroupements politiques.

Tout s’est finalement accéléré le dimanche 23 mai, aux alentours de 17 heures, lorsque le vice-président de la transition, le colonel Assimi Goïta, accompagné de quelques proches, s’est invité au palais de Koulouba. Furieux d’avoir été écarté de la formation du nouveau gouvernement, qui était alors en cours, Goïta entendait protester contre la mise à l’écart dans la future équipe de deux membres influents de l’ex-CNSP, les colonels Modibo Koné et Sadio Camara.

Estimant avoir un droit de regard sur la formation du gouvernement et, surtout, sur les nominations à la Défense et à la Sécurité (comme le lui concède la charte de la transition), le vice-président a demandé à Bah N’Daw de revenir sur leur éviction. Selon nos informations, Goïta a alors menacé son supérieur officiel de sanctions « irréversibles » si ce dernier venait à ne pas suivre son conseil. L’heure en était alors encore aux négociations, même si celles-ci s’annonçaient musclées.

La « stupéfaction » de Goïta

Le cas de Sadio Camara, qui occupait le poste de ministre de la Défense, a en effet fait débat jusque tard dans la journée du dimanche 23 mai. « Ce remaniement a été une bataille d’hégémonie entre le président de la transition, qui voulait s’émanciper, et le camp militaire, qui souhaitait garder ses hommes et provoquer un changement de Premier ministre », explique à Jeune Afrique une source proche de Moctar Ouane. Mais le bras-de-fer a tourné à l’affrontement.

Selon nos sources, le président Bah N’Daw a ainsi choisi de faire fi des menaces et a refusé de se plier aux demandes d’Assimi Goïta. Lundi 24 mai aux alentours de 16 heures et sur les ondes de l’ORTM, le Dr Kalilou Doumbia, secrétaire général de la présidence, dévoilait ainsi le visage du deuxième gouvernement de la transition, au sein duquel les colonels Modibo Koné et Sadio Camara ont bel et bien été remplacés par des généraux.

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MOCTAR OUANE EST ARRÊTÉ PAR DES MILITAIRES DE LA GARDE NATIONALE, DIRIGÉE PAR SADIO CAMARA ET MODIBO KONÉ

Chez Assimi Goïta, la stupeur est totale. « C’est avec stupéfaction que le vice-président Goïta a découvert à la télévision la liste finale du gouvernement », confie un proche du Comité national de transition. Le colonel ne peut perdre la face : il décide d’agir. Quelques minutes plus tard, Moctar Ouane voit alors débarquer à son domicile des militaires de la garde nationale, un corps dirigé par Sadio Camara et Modibo Koné.

Il est arrêté sur le champ et conduit au palais présidentiel de Koulouba. Bah N’Daw est alors à son tour arrêté avec son conseiller spécial, le Dr Kalilou Doumbia. Aussitôt, le cortège du président et de son Premier ministre interpellés file vers le camp militaire de Kati avec à son bord le couple exécutif, le conseiller spécial de la présidence, ainsi que le nouveau ministre de la Défense (nommé quelques heures plus tôt), le général Souleymane Doucouré.

Les « menaces » de l’ex-junte

À l’arrivée au camp de Kati, les téléphones portables des personnalités arrêtées leur sont retirés et les quatre hommes sont privés de tout moyen de communication. « Ils ont passé la nuit sous le coup de menaces de la part des cadres de l’ex-junte », précise une source diplomatique. Une nouvelle fois, Assimi Goïta met la pression sur Bah N’Daw : il exige la démission immédiate de Moctar Ouane et la réintégration au gouvernement des colonels Camara et Koné. Le président de la transition reste inflexible.

Selon nos sources, les ex-putschistes ont alors en réalité déjà pris leur décision. Dans une autre salle du camp de Kati, d’autres tractations sont déjà en cours entre les militaires et les responsables du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP). Parmi eux, le président du comité exécutif du Mouvement, Choguel Maïga, et Mountaga Tall, président du Congrès national d’initiative démocratique (CNID).

Lors d’une entrevue qui s’est terminée aux alentours de 4 heures du matin mardi 25 mai, des cadres de l’ex-junte leur proposent de désigner au sein du M5 le futur Premier ministre. Maïga et Tall acceptent, mais, incapables de se mettre d’accord sur un nom, demandent un délai pour se décider. Entre temps, Bah N’Daw et Moctar Ouane sont officiellement placés « hors de leurs prérogatives ». Le nom du candidat à la primature, qui devra être validé par Goïta, devait être donné dans les prochaines heures, mais le M5-RFP est à l’heure actuelle très divisé.

« Un président mis aux arrêts ne revient plus aux manettes »

Quelle sera l’attitude de la communauté internationale ? Une délégation de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a atterri ce 25 mai aux alentours de 15 heures à Bamako. Celle-ci, qui a d’ores et déjà réaffirmé son opposition à « toute ingérence militaire », est conduite par le Nigérian Goodluck Jonathan, médiateur attitré de l’organisation, Jean-Claude Brou, le président de la Commission, le général Francis Béhanzin, commissaire aux Affaires politiques, paix et sécurité, et Shirley Ayorkor Botchway, la ministre des Affaires étrangères du Ghana.

Jonathan a prévu de s’entretenir avec chacun des acteurs de la transition, dont – avec l’accord d’Assimi Goïta – Bah N’Daw et son Premier ministre. Mais, selon nos sources au sein du CNT, le sort du Premier ministre Moctar Ouane est d’ores et déjà scellé. « Le Premier ministre proposé par le M5 va être nommé par le vice-président Goïta (…) puis nous mettrons en place un gouvernement d’union nationale », affirme un cadre du CNT. Quant à Bah N’Daw, son cas n’est guère plus reluisant. « Un président mis aux arrêts ne revient plus aux manettes », confie Issa Kaou Djim, le quatrième vice-président du Comité national de transition et soutien indéfectible du colonel Goïta.

[Tribune] Pourquoi les Sénégalais ont si peur du vaccin anti-Covid

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Mis à jour le 26 mai 2021 à 15h52
 
 

Par  Ousseynou Nar Guèye

Éditorialiste sénégalais, fondateur du site Tract.sn

Achat de masques, lors des célébrations de l’Aïd el-Fitr, à Colobane, Sénégal, le 13 mai 2021.
Achat de masques, lors des célébrations de l'Aïd el-Fitr, à Colobane, Sénégal, le 13 mai 2021. © CARMEN ABD ALI/AFP

En dépit des encouragements – jugés maladroits – du président Macky Sall, les Sénégalais restent très méfiants et ne se bousculent pas pour recevoir l’injection censée les sauver de la pandémie.

Le 23 février dernier, le Sénégal lançait sa campagne de vaccination contre le Covid-19. Trois mois plus tard, quelque 500 000 habitants ont reçu l’une des 800 000 doses livrées par la Chine (Sinopharm) ou dans le cadre du programme Covax destiné à assurer aux pays pauvres l’accès à la vaccination. Avec un peu plus de 50 % des doses reçues écoulées, on est bien loin de l’objectif affiché de 4 millions de vaccinés – soit un quart de la population sénégalaise – d’ici à la fin de l’année 2021. À cette date, Dakar aura encore reçu 6,5 millions de doses supplémentaires. Serviront-elles seulement ? Rien n’est moins sûr. De toute évidence, les habitants ne se bousculent pas aux portes des hôpitaux et des centres de santé pour recevoir l’injection censée les sauver de la pandémie.

Faire du chiffre

Au début de la campagne, la stratégie était pourtant claire : vacciner d’abord les quelque 20 000 professionnels de santé et les citoyens de plus de 60 ans présentant des comorbidités. Venaient ensuite les personnes atteintes de maladies chroniques et les plus de 60 ans sans comorbidité. Ce qui représentait 3,5 millions de personnes capables d’absorber les 7,3 millions de doses annoncées pour 2021. Sauf que ce cœur de cible ne semblait pas sensible à la générosité vaccinale de l’État. A la mi-avril, des responsables de la vaccination à Touba (Centre) ont indiqué à la presse que le vaccin chinois Sinopharm et surtout l’AstraZeneca peinaient à trouver des candidats. Ils couraient ainsi le risque de perdre une partie des 7 000 doses sur les 8 000 livrées. Désormais, pour faire du chiffre, on vaccine tous les candidats au sérum, sans distinction, des adolescents aux personnes du troisième âge, les nationaux comme les étrangers. Tous les postes de santé, notamment à Dakar, sont approvisionnés en vaccins. Les files d’attente sont rares, voire inexistantes.  Il faut dire que deux décès attribués à tort ou à raison à l’AstraZeneca sont intervenus au Sénégal.

« Piqûre de Blancs »

Résultat, dans toutes les couches sociales du pays (analphabètes, instruits, jeunes et vieux), les appréhensions et les préjugés s’ancrent, alimentés par les théories conspirationnistes qui circulent sur les réseaux sociaux. Il y a d’abord la peur d’être les cobayes de l’Occident. On rappelle volontiers la polémique d’avril 2020, lorsqu’un médecin, évoquant un test du vaccin BCG contre le Covid-19 et se voulant « provocateur », s’était demandé si on ne devrait pas faire cette étude en Afrique où il n’y a pas de masques, pas de traitements, pas de services de réanimation suffisamment performants. Ce à quoi son interlocuteur, un chercheur, avait rétorqué :  « Vous avez raison, on est d’ailleurs en train de réfléchir à une étude en parallèle en Afrique.»

L’idée de se faire vacciner ramène à l’esprit d’anciens souvenirs qui, dans le contexte actuel, semblent trouver tout leur sens pour qui adhère justement aux thèses complotistes. On soupçonne cette « piqûre de Blancs » d’avoir pour dessein de réduire la natalité jugée trop importante du continent. Aux yeux de certains Sénégalais, pas de doute, le vaccin anti-Covid réduit ou annihile la fertilité des hommes et femmes. Ils ont beau jeu de rappeler la déclaration du président français lors de son premier G20, en 2017. Emmanuel Macron semblait alors regretter que dans certains pays, « [on] compte encore sept à huit enfants par femme ». Facile, dans ces conditions, d’imaginer un complot visant à exterminer les Africains. Dans ce Sénégal à 95 % musulman, on s’est aussi montré particulièrement réceptif aux arguments du « pasteur » musulman africain-américain Louis Farrakhan, de Nation of Islam. Bien qu’écrite en anglais, sa diatribe anti-vaccin Covid adressée aux présidents africains est vite devenue virale sur les réseaux sociaux sénégalais : « Ne prenez pas ce vaccin expérimental. Nous devons donner quelque chose de meilleur à nos populations, avec nos propres virologistes, épidémiologistes et chimistes noirs. »

Les conditions de la suspicion

Dès le départ, on a créé les conditions de la suspicion à l’égard des vaccins. Issus des laboratoires Sinopharm, les premiers  sont arrivés dans la cacophonie, le ministre de la Santé ayant initialement affirmé qu’il s’agissait d’un don de la Chine, avant d’être sèchement démenti par le quotidien gouvernemental Le Soleil, selon lequel l’État sénégalais avait déboursé 2,2 milliards de francs CFA (3,3 millions d’euros) pour cette cargaison. Dès le lancement de la campagne, « pour vaincre les réticences de certains », d’après les mots du ministre de la Santé, plusieurs personnalités politiques ou médiatiques avaient payé de leurs personnes, se faisant vacciner les premiers, devant les caméras de télévision. L’infectiologue Moussa Seydi, que le Covid a élevé au rang de vedette, des PCA de sociétés publiques ou encore Hadj Mansour Mbaye, grand notable octogénaire et président des communicateurs traditionnels du Sénégal, tous avaient bien voulu se plier à l’exercice. Et le président Macky Sall n’avait pas été en reste, lui qui avait affirmé  : « Je vais me vacciner immédiatement », précisant toutefois qu’il n’exigerait pas de passe-droit.

Privilège de classe

Si les Sénégalais manifestaient peu d’empressement à se faire administrer le vaccin anti-Covid, ils n’en rouspétaient pas moins contre ce privilège de classe qui servait en premier les VIP. La pilule avait d’autant plus de mal à passer que, après s’être fait vacciner en même temps que ses ministres dans la salle des banquets du palais présidentiel, Macky Sall avait cru bon de déclarer devant les caméras : « Si les Sénégalais ne prennent pas les vaccins, je vais les donner à d’autres pays africains qui en ont besoin. » Le président voulait sans doute motiver ses concitoyens. Il n’en a pas moins commis une bourde qui a provoqué un véritable tollé dans la presse et dans l’opinion. On lui a rappelé que les 200 000 doses de vaccin Sinopharm avaient été achetées avec l’argent du contribuable et qu’elles n’étaient donc pas sa propriété. Macky Sall a beau s’époumoner pour persuader ses compatriotes de l’efficacité du vaccin, rien n’y fait. En dépit des images, certains Sénégalais doutent d’ailleurs que le président ait été vacciné : « C’était une seringue vide », a-t-on pu entendre dans la rue.

Le Sénégal n’est pas le seul pays africain à marquer son aversion pour le vaccin anti-Covid. Le Soudan du Sud et le Malawi ont respectivement détruit 60 000 et 16 000 doses, faute de candidats. En Côte d’Ivoire, on a dû ouvrir sans condition la vaccination aux plus de 18 ans afin d’éviter de perdre les 500 000 doses reçues de Covax avant fin juin. Atteindre l’objectif de 60 % de vaccinés fixé par l’Union africaine reste donc un pari difficile.

Pendant ce temps, au Sénégal comme ailleurs sur le continent, le masque anti-Covid est remisé au placard, notamment dans les banlieues dakaroises et à l’intérieur du pays. Les baptêmes, mariages et autres obsèques ont repris leurs droits sous les tentes dressées dans la rue. Et aucune distanciation n’est plus observée dans les transports en commun et taxis collectifs qui chargent à plein. Les crises de paludisme qu’ont connues tous les Sénégalais étant enfants, et l’exposition au soleil, auraient-elles créé une immunité collective insoupçonnée ?

Tchad: mise en place d'un Observatoire de la transition

Tchad : la transition prend forme
Tchad : la transition prend forme © MARCO LONGARI/AFP

Au Tchad, une partie de la société civile décide de mettre la junte militaire, au pouvoir depuis le 20 avril dernier suite à la mort du président Idriss Deby, sous surveillance. À travers l’Observatoire de la transition, une trentaine d’associations de la société civile s’engagent à ausculter au quotidien l’action du Conseil militaire de transition. 

avec notre correspondant à NdjamenaMadjiasra Nako

Une semaine après la mort du président Idriss Déby Itno, une partie de la société civile s’est retrouvée pour réfléchir à la meilleure manière d’influer sur la transition. Au bout du processus, il a été décidé de créer l’Observatoire de la transition, un organe chargé d’aiguillonner le processus.

L'avocat Me Nodjitoloum Salomon, et militant des droits humains -il fut le président de l'Acat-Tchad-, est le président de cet observatoire. « « D’abord, (il s'agit) de faire une veille citoyenne de ce qui va se passer au niveau de la transition. Nous prenons, par exemple, le dialogue inclusif qui est appelé de tous les vœux : il va falloir essayer de regarder qui doit participer à ce dialogue, comment ce dialogue va être organisé, comment ce dialogue peut aboutir à des résolutions, à des recommandations qui doivent unir tous les Tchadiens ».

Il s’agira concrètement pour la société civile de suivre étape par étape la transition qui, bien que contestée par une partie des Tchadiens, reste un fait. Nous allons être à la fois critiques et une force de proposition, conclut Me Nodjitoloum Salomon, alors que les réseaux sociaux tchadiens sont agités par des polémiques autour des nominations de la junte qui ne répondent, selon les contestataires, à aucun souci d’équilibre national.

À lire aussi Les opposants à la junte tchadienne déçus de la décision de l'Union africaine de ne pas sanctionner le conseil militaire de transition 

Le président et le Premier ministre maliens toujours retenus dans le camp militaire de Kati

Bah N'Daw, le président de transition du Mali, le 25 septembre 2020. (illustration)
Bah N'Daw, le président de transition du Mali, le 25 septembre 2020. (illustration) AP

Au Mali, peu après l’annonce du remaniement ministériel ce lundi 24 mai, la situation s'est tendue à Bamako. Des hommes armés se sont rendus au domicile officiel du Premier ministre Moctar Ouane. Le président et le Premier ministre ont été conduits dans le camp militaire de Kati, près de la capitale dans la soirée.

S'il a fallu patienter 10 jours pour connaître le nouveau gouvernement, la réaction des militaires ne s'est pas faite attendre. Peu après l’annonce du remaniement ministériel, des hommes armés se sont rendus au domicile du Premier ministre Moctar Ouane. Il a eu le temps de déclarer, au téléphone, la présence de militaires chez lui : « Des militaires actuellement chez moi. Ils sont en train de me conduire chez le président de la transition [Bah N'Daw ndlr] », avec lequel il partage un mur mitoyen.

Le président Bah N’Daw, le Premier ministre Moctar Ouane, leur tout fraîchement nommé ministre de la Défense le général Souleymane Doucouré et d’autres « collaborateurs » ont été conduits par les armes hier au camp militaire de Kati. Cette ville-garnison, située à une quinzaine de kilomètres de la capitale, est l'ancien fief de l'ex-junte. Il a été demandé à leurs chauffeurs et gardes qui les accompagnaient de redescendre sans eux vers la capitale malienne, rapporte notre correspondant à BamakoSerge Daniel.

Dans la soirée et la nuit, la ville de Bamako était plutôt calme et la télévision nationale a même rediffusé cette nuit le communiqué officiel annonçant la liste des membres du gouvernement.

Mécontentement des militaires après l'annonce du remaniement ?

Les militaires n'ont pas encore fait de communiqué pour expliquer ces initiatives mais selon plusieurs sources, c’est le colonel Sadio Camara, qui venait tout juste de perdre son fauteuil à la Défense, et le colonel Assimi Goïta, vice-président de transition et leader de la junte pourtant officiellement dissoute, qui sont à l’origine de ce coup de force.

On ignore si les autres membres du CNSP sont aussi impliqués. Alors que cherchent-ils ? La recomposition du gouvernement qui avait été nommé hier ? La démission du Premier ministre, du Président ? Que peut-il sortir de cette situation surréaliste ?

Au Mali, ce coup de force suscite beaucoup d’incompréhension. Les messages atterrés se multiplient sur les réseaux sociaux et certaines figures politiques, également, ont déjà publiquement fait part de leur indignation comme l’ancien Premier ministre Moussa Mara, ou encore les anciens ministres Mamadou Ismaila Konaté et Housseini Amion Guindo, précise David Baché, du service Afrique de RFI.

Condamnation de la communauté internationale

Du côté de la communauté internationale, la « tentative de coup de force » est condamnée dans un communiqué commun de la mission de l'ONU au Mali (Minusma), la Communauté des États ouest-africains (Cédéao), l'Union africaine, la France, les États-Unis, le Royaume-Uni l'Allemagne et l'Union européenne. C'est la première prise de position depuis le début de l'affaire.

Le comité local de suivi de la transition composé de tous les représentants de la communauté internationale au Mali s'inquiète et exige « la libération immédiate et inconditionnelle » des autorités de transition arrêtées. Et comme pour montrer sa fermeté, le comité ajoute dans le même communiqué que les auteurs de l'arrestation du Premier ministre et du président de la transition « seront personnellement rendu responsables de leur sécurité ».E2L4SpxXEAQwtWd

De son côté, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a appelé lundi dans un tweet « au calme » au Mali et à la « libération inconditionnelle » de ses dirigeants civils, arrêtés dans la journée par les militaires. « Je suis profondément préoccupé par les informations sur l'arrestation des dirigeants civils chargés de la transition au Mali », a-t-il ajouté dans son message.

La communauté internationale rappelle aussi son soutien à la Transition qui doit maintenir comme priorité l'organisation de l'élections libres dans le délai imparti. 

Le chef de la Minusma, El Ghassim Wane, est rentré en urgence à Bamako, hier soir, alors qu’il était en visite dans le centre du pays et le médiateur de la Cédéao dans la crise malienne et ex-président nigérian, Goodluck Jonathan est attendu à Bamako ce mardi. 

Guinée : la « guerre de la farine » aura-t-elle lieu ?

| Par - À Conakry
Mis à jour le 20 mai 2021 à 18h03
La minoterie Les Moulins d’Afrique (LMA), sur la zone industrielle de Sonfonia, à Conakry.
La minoterie Les Moulins d'Afrique (LMA), sur la zone industrielle de Sonfonia, à Conakry. © Youri Lenquette pour JA

Alors que les Moulins d’Afrique et les Grands moulins de Conakry couvrent déjà largement la consommation nationale de farine, un troisième concurrent – en cours d’installation – veut bousculer l’ordre établi.

Avec une capacité de production cumulée de 2 100 tonnes (t) de farine par jour, l’industrie meunière guinéenne couvre largement la demande nationale. Cette production est assurée par deux minoteries : d’une part, les Moulins d’Afrique (LMA), coentreprise créée par le groupe guinéen Société nouvelle de commerce (Sonoco), de Mamadou Saliou Diallo, en partenariat avec le marocain Les Moulins Lahlal et, d’autre part, les Grands Moulins de Conakry (GMC), filiale du groupe Taher Fabrique de Guinée (Tafagui), de l’homme d’affaires d’origine libanaise Ibrahim Taher.

Production et exportations accrues pour LMA

Installée sur la zone industrielle de Sonfonia, à Conakry, et opérationnelle depuis mars 2014, la minoterie de LMA a nécessité un investissement de près de 30 millions de dollars.

Tout y est ultra moderne et contrôlé : les échantillons de blé importé d’Allemagne sont soumis à une série d’analyses réalisées en interne et par correspondance en France, avant de passer par un moulin d’essai ; une production expérimentale de pain est réalisée, etc.

Bénéficiant de la confiance des bailleurs de fonds, la société a obtenu 25 millions de dollars de IFC (Groupe Banque mondiale) en juillet 2019, afin de construire six silos à grains supplémentaires afin d’accroître ses capacités et de développer ses exportations dans la sous-région.

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LES GRANDS MOULINS DE CONAKRY RÉALISENT UN CHIFFRE D’AFFAIRES ANNUEL DE PRÈS DE 100 MILLIONS DE DOLLARS

Numéro un de son secteur en Guinée avec une production de 1 200 t par jour et une part du marché national de 80 %, LMA commercialise sa farine fortifiée sous la marque AGB (Association guinéenne des boulangers).

Elle l’exporte également vers la Sierra Leone et le Liberia voisins, et produit par ailleurs 250 t de son par jour (t/j) pour l’alimentation du bétail et des volailles, dont une grande partie est exportée vers le Sénégal.

Opérationnels depuis mars 2016 et implantés dans la zone industrielle de Kagbélen (Dubréka), les Grands moulins de Conakry ont nécessité un investissement de 80 millions de dollars. Et disposent d’une capacité d’écrasement quotidienne de 900 t de blé pour une production de 650 t/j de farine, exclusivement vendue en Guinée, sous la marque Bravo.

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GMN PRODUIT ENVIRON 55 % DES 550 000 SACS DE FARINE CONSOMMÉS CHAQUE MOIS EN GUINÉE

Ils réalisent un chiffre d’affaires annuel de près de 100 millions de dollars. Parallèlement, l’entreprise est en train d’installer une unité consacrée à la nutrition animale, dont les activités doivent démarrer en octobre 2021.

Le directeur général de GMC, Christophe Ratier, qui a une trentaine d’années d’expérience dans le secteur, est plutôt fier du parcours réalisé en cinq ans. « J’ai rencontré Ibrahim Taher à Casablanca. Il m’a dit : “Toi, tu travailleras pour moi”, et j’ai répondu : “Pas de problème.” Cinq ans plus tard, il m’annonçait qu’il démarrait et me demandait de venir. Résultat, alors que nous n’avions aucun client en 2016, nous avons réussi à nous imposer sur le marché national. Sur les 550 000 sacs de farine consommés chaque mois en Guinée, nous en produisons environ 55 %. »

Saine concurrence

Autant dire que LMA et GMC ont tous deux le vent en poupe et se livrent une saine concurrence. D’autant que d’autres moulins ont jeté l’éponge ces dernières années – les Moulins d’or ont suspendu leurs activités et les Grands Moulins de Guinée (GMG) sont en liquidation judiciaire – et que les deux concurrents ont plus d’un terrain où se confronter .

De même que Sonoco, le groupe Tafagui est en effet présent dans l’industrie métallurgique, le transport et la distribution alimentaire, et comme la filiale Agro Food Industries de Sonoco, qui s’apprête à ouvrir une usine de bouillon cube, GMC en fabrique déjà (en cube et en poudre) et doit lancer prochainement une unité de production de biscuits et de bonbons, qui seront également commercialisés sous la marque Bravo.

Reste qu’un troisième acteur pourrait changer la donne. En effet, non loin du site industriel de GMC, l’homme d’affaires Mamadou Bobo Barry – plus connu sous le nom de Bobo Hong Kong, patron de la société Global multi-services – est en train de construire sa minoterie (un investissement de 14 millions de dollars), qui devrait commencer à tourner en octobre prochain, avec une capacité d’écrasement de 500 t/j.

Mamadou Bobo Barry connaît bien le secteur pour avoir été importateur de farine. Toutefois, prévient Christophe Ratier, « s’il y a certes de la place pour tout le monde, pour passer de commerçant à industriel, il y a un océan ».