Vu au Sud - Vu du Sud

Burkina Faso, Sénégal… Le semencier Limagrain se cherche une place
en Afrique de l’Ouest

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Limagrain

Associé au zimbabwéen Seed-Co, dont il est actionnaire, le semencier vient de créer une filiale commune au Ghana pour desservir la sous-région, petit marché appelé à croitre grâce à la recherche.

Avec le groupe Seed Co dont il détient 32 %, Limagrain entend creuser son sillon en Afrique de l’Ouest. Une région qui fait figure de terre de mission pour le quatrième semencier mondial derrière les trois géants issus de fusions récentes, Bayer-Monsanto, Syngenta-ChemChina et Corteva (Dupont et Dow).

Dans la plupart des pays de la zone, le recours aux semences améliorées en grandes cultures, notamment le maïs hybride, reste marginal par les agriculteurs, souvent vivriers.

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SEED CO VIENT AINSI DE RÉALISER L’UNE DE SES MEILLEURES ANNÉES

« Nous pensons toutefois qu’il y a une marge de développement de l’agriculture commerciale dans la région. D’autant qu’avec la crise du Covid-19, les gouvernements africains – craignant pour la sécurité alimentaire  – se sont mis à réinvestir dans le secteur agricole.

En Afrique australe et en Afrique de l’Est, Seed Co qui travaille en partie sous contrats publics, vient ainsi de réaliser l’une de ses meilleures années », indique Frédéric Savin. Établi en Afrique du sud, celui-ci est directeur de Limagrain Africa qui toutes opérations confondues  (y compris une activité potagère au Maghreb) réalise autour de 160 millions de dollars de chiffre d’affaires annuel sur le continent.

Longue haleine

Pour aller plus loin avec Seed Co, Limagrain a donc créé à l’automne 2020 une filiale au Ghana, détenue à moitié par chacun des deux partenaires. Celle-ci a lancé une opération pilote de production et d’amélioration de maïs hybride, et s’attache à sélectionner et former des agriculteurs multiplicateurs sous contrat une opération de longue haleine.

Le projet est de développer une filière assez solide pour passer à grande échelle en termes de sélection variétale et de production de semences, puis de bâtir une usine de conditionnement au Ghana avant de dupliquer le schéma dans d’autres pays comme le Sénégal, le Burkina Faso ou la Côte d’Ivoire.

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SEED CO DISPOSE D’OUTILS INDUSTRIELS AU MEILLEUR NIVEAU

Cette stratégie, Seed Co, un ancien groupe coopératif aujourd’hui coté en Bourse (à Victoria Falls au Zimbabwe et au Botswana Stock Exchange) l’a déjà conduit dans le sud et l’est du continent : Zimbabwe, Tanzanie, Kenya, Malawi, Botswana, Zambie… Il a également fait une incursion au Nigeria, y louant des terres avec l’État pour gagner du temps.

“ Nous sommes très impliqués dans la gouvernance de Seed Co, qui a conduit avec succès son développement international et dispose d’outils industriels au meilleur niveau dans ces pays », fait valoir Frédéric Savin.

Champ immense

Basé à Harare, ayant bénéficié d’un appui de Proparco de 25 millions de dollars en octobre 2020, Seed Co est à plus de 90% tourné vers le maïs blanc pour la consommation humaine, une espèce prisée en Afrique australe. Mais les opérations en Afrique de l’Ouest de Seed Co et Limagrain ont vocation à couvrir une gamme plus large d’espèces : maïs blanc et jaune, soja, protéagineux, blé ou même riz.

« Nous sommes entrés au capital de Seed Co en 2014 à leur demande car ce groupe cherchait à diversifier ses gammes ainsi qu’un appui en génétique», rappelle Frédéric Savin.

Selon lui, le champ en R&D sur les semences reste immense sur le continent, moins sur l’accroissement des rendements que sur la résistance aux changements climatiques ainsi qu’aux maladies et insectes, telle que la noctuelle du maïs, venue d’Amérique du Sud, qui ravage les plantations en Afrique australe.

OFFENSIVE SUD-AFRICAINE

En Afrique du Sud, le plus important du continent du fait de ses grandes exploitations agricoles mécanisées, Limagrain entend également se renforcer. Le groupe français y a fusionné en juillet 2020 son ex-filiale Link Seed avec les opérations locales de Seed Co et celles de Klein Karoo Marketing (groupe Zaad) pour créer Limagrain Zaad South Africa dont il détient le contrôle.

Dans ce pays, où le maïs OGM comme le soja sont dominants – une exception en Afrique –, le semencier vise désormais les 10 % de part de marché face aux poids lourds Bayer-Monsanto et Corteva. 

 

Tchad : sur qui Idriss Déby Itno s’appuie-t-il pour s’assurer un sixième mandat ?

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Mis à jour le 22 mars 2021 à 10h10
La garde rapprochée d’Idriss Déby Itno.


Fidèles expérimentés, membres de sa famille… Idriss Déby Itno, candidat à la présidentielle du 11 avril, s’est entouré de son premier cercle pour mener sa campagne à la stratégie déjà bien rodée.

En matière d’élections présidentielles, Idriss Déby Itno (IDI) est sans doute l’un des dirigeants les plus expérimentés de la planète, tous continents confondus. 1996, 2001, 2006, 2011, 2016, 2021 : la liste de ses participations – et de ses victoires – au scrutin pour la magistrature suprême du Tchad s’allonge, sans suspense, depuis vingt-cinq ans.

Une nouvelle fois, c’est en immense favori que le Tchadien se présente, tandis que la quasi-totalité de ses opposants ont choisi, contraints ou non, la voie du boycott. Saleh Kebzabo n’en sera pas, tout comme Ngarlejy Yorongar et Succès Masra. Les anciens rebelles Baba Laddé, en exil, et Yaya Dillo Djerou, en fuite, ne s’aligneront pas davantage.

Cela n’a pas empêché IDI de lancer sa campagne, le 13 mars au stade de N’Djamena, entouré de ses partisans du Mouvement patriotique du salut (MPS, au pouvoir) et d’une équipe de stratèges et de communicants expérimentés. Voici les principaux lieutenants du maréchal du Tchad, qui l’entourent dans sa quête d’un sixième mandat.

Le secrétaire général du Mouvement patriotique du salut (MPS) a été nommé par Idriss Déby Itno directeur de campagne. Mahamat Zene Bada, ancien maire de N’Djamena, est depuis longtemps un rouage essentiel du système Déby Itno. Proche du président de la Commission de l’Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat, il fait le lien avec les hommes de terrain du MPS et contrôle les finances de la formation au pouvoir, via son bras financier, l’homme d’affaires Abakar Tahir Moussa.

Il s’est entouré de trois adjoints de poids : Mahamat Moustapha Masri, ancien trésorier payeur général, Elise Loum, ex-conseillère à la présidence, et Adeli Tarsoui, président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale. Onze conseillers figurent également dans son équipe – dont le propre frère aîné du président, Daoussa Déby Itno – tout comme un « rapporteur général », l’ex-ministre de la Santé, Abdoulaye Sabre Fadoul.

Ce fils du chef de l’État a été nommé en juillet 2019 directeur de cabinet adjoint, aux côtés du « dircab » de l’époque, le technocrate Abdoulaye Sabre Fadoul. Abdelkerim Idriss Déby fait aujourd’hui figure de pilier pour son père, qui lui a confié une partie de ses dossiers sensibles sur le plan des affaires et de la diplomatie. D’ordinaire discret, il n’a pas hésité à se rendre récemment sur le terrain pour faire campagne en son nom.

Proche des milieux d’affaires et ancien chargé des affaires militaires au ministère des Affaires étrangères, il a noué des contacts à l’international, notamment en Russie (avec le vice-ministre des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov), en Israël (initialement via Philippe Hababou Solomon), en France (où il a rencontré notamment Alexandre Benalla) ou, plus proche de N’Djamena, au Nigeria de Muhammadu Buhari.

Un autre fils du président gère, quant à lui, la sécurité de la campagne : Mahamat Idriss Déby Itno, dit Kaka, patron de la Direction générale de service de sécurité des institutions de l’État, la fameuse DGSSIE. Cette dernière, via son groupement numéro un, est déjà chargée de la sécurité du Palais présidentiel et fait office, depuis sa création en 2005 (alors que des dissensions frappaient l’armée tchadienne), de garde rapprochée du chef de l’État.

Il est officiellement le supérieur direct d’Abdelkerim Idriss Déby et occupe le poste de directeur de cabinet du président. Proche des milieux d’affaires du Batha, sa région natale, dont il est le principal représentant, Aziz Mahamat Saleh a officié de 2004 à 2009 au ministère des Finances, où il a côtoyé Abbas Mahamat Tolli, l’actuel gouverneur de la Banque des États d’Afrique centrale (BEAC), lorsque celui-ci était ministre.

Diplômé en droit de l’économie internationale et des affaires de l’université Paris-Descartes, il est un intime de l’ancien ministre de l’Éducation Ahmat Khazali Mahamat Acyl, frère de la Première dame, Hinda Déby Itno. Fils de Mahamat Saleh Ahmat Tibek (ancien ambassadeur aux États-Unis, plusieurs fois ministre et ex-conseiller d’IDI, décédé en 2017), il accompagne d’ailleurs l’épouse du président lors d’une partie de ses déplacements dans le cadre de la campagne.

Aziz Mahamat Saleh est un fin connaisseur des arcanes politiques à N’Djamena mais aussi dans les provinces – il a été gouverneur du Chari-Baguirmi et du Moyen-Chari. Il dispose également de relais précieux dans les milieux de la communication. Son beau-frère, Louane Mahamat Louani, est le directeur général de l’agence de communication LouaniCom, laquelle est parfois sollicitée par la présidence, comme lors de la campagne présidentielle de 2016.

Première dame depuis son mariage avec Idriss Déby Itno en 2005 (un an avant son troisième mandat), Hinda Déby Itno est l’une des pièces maitresses de la campagne actuelle. Habituellement très présente sur le terrain via sa fondation Grand cœur, active dans les domaines de la santé et de l’éducation, elle a prévu, en collaboration avec le directeur de cabinet Aziz Mahamat Saleh, des déplacements afin de mobiliser les électeurs et, surtout, les électrices.

Le 8 mars, à l’occasion de la Journée mondiale des droits des femmes, elle a lancé un appel aux Tchadiennes afin que celles-ci se rendent massivement aux urnes. Après avoir été au côté du président lors du lancement de sa campagne, le 13 mars, elle le représentera dans les régions qu’il n’aura pas le temps de visiter.

Secrétaire général adjoint et porte-parole du MPS, l’ancien ministre de la Justice et ex-secrétaire général de la présidence a été désigné responsable de la communication à la direction nationale de campagne du candidat Idriss Déby Itno. En relation directe avec Mahamat Zene Bada, Jean-Bernard Padaré assume la fonction de porte-parole et organise les relations du chef de l’État et de son parti avec les médias nationaux et internationaux sur les sujets ayant trait à la campagne présidentielle.

Avocat de formation, il est également responsable de la mobilisation dans sa région d’origine du Mayo-Kebbi Ouest, où IDI a besoin de barons du MPS fidèles pour contrer l’influence de l’opposant Saleh Kebzabo. Jean-Bernard Padaré et le MPS travaillent au jour le jour avec l’agence de communication OpenUnion. Dirigée par Mahamat Mamadou Djimtebaye, elle est chargée de conseiller le parti et de prendre en charge le versant numérique de la campagne.

[Tribune] Ces frontières qui enferment les Africains 

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Par  Fouad Laroui

Ecrivain

Un trou béant montre le passage des contrebandiers sur la clôture nouvellement construite à la frontière entre l’Afrique du Sud et le Zimbabwe, près de la ville frontalière de Musina, en Afrique du Sud, le 30 juin 2020.
Un trou béant montre le passage des contrebandiers sur la clôture nouvellement construite à la frontière entre l'Afrique du Sud
et le Zimbabwe, près de la ville frontalière de Musina, en Afrique du Sud, le 30 juin 2020. © Jerome Delay/AP/SIPA

Cinquante-huit ans après la création de l’Organisation de l’unité africaine, la délimitation des États africains imaginée par les ex-puissances coloniales entrave encore, jusqu’à l’absurde, les déplacements des populations sur le continent.

Lorsqu’ils fondèrent l’Organisation de l’unité africaine en 1963, les trente chefs d’États qui étaient à la manœuvre (Haïlé Sélassié, Nkrumah, Senghor, Hassan II, Modibo Keïta, Nyerere…) établirent le principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation. Ce fut une sage décision.

Ces lignes tracées dans le sable ou la roche étaient le plus souvent absurdes – voyez celles du golfe de Guinée, par exemple, qui sont verticales alors qu’elles auraient dû être horizontales. Mais les remettre en question aurait ouvert la boîte de Pandore et causé d’interminables palabres qui auraient dégénéré en conflits sanglants.

Barrières à la circulation

Sage décision, donc. Mais pour autant, faut-il faire de ces frontières autant de barrières à la libre circulation des gens ? Pour ne prendre qu’un exemple, ce n’est que récemment que j’ai appris que les Marocains avaient besoin d’un visa pour aller chez leur voisin du sud, la Mauritanie. Et vice versa : les Mauritaniens ne peuvent entrer dans le royaume chérifien sans le précieux sésame. Et il n’est pas facile à obtenir : il faut fournir toute une paperasse pour que des fonctionnaires pointilleux consentent à le lâcher.

Pourtant, tant de choses rapprochent les deux pays. Du temps de l’Empire romain, le territoire qui constitue le nord du Maroc actuel était nommé Maurétanie tingitane – Tingis étant l’ancien nom de Tanger. Les grandes dynasties qui ont soumis quasiment tout le Maghreb et Al-Andalous au cours des siècles, les Almoravides par exemple, aussi bien les Marocains que les Mauritaniens peuvent les revendiquer.

La langue officielle et la religion sont les mêmes, des deux côtés de la frontière. On y boit le thé, on y mange à peu près les mêmes plats, on y rit des mêmes blagues. Les mêmes types ethniques existent ici et là. Un Marocain de Tarfaya ou Tan-Tan n’aurait aucun mal à se faire passer pour Mauritanien.

Grotesque

Et pourtant, il est difficile de franchir la frontière sud, pour un Marocain. Et l’Est ? C’est encore pire : la frontière terrestre qui le sépare de l’Algérie est hermétiquement close depuis… 1994. Pour deux pays qui sont membres de l’Union du Maghreb arabe, de l’Union africaine et de la Ligue arabe, c’est grotesque. Deux Unions et une Ligue, tout ça pour rien ?

C’est d’autant plus grotesque qu’on parle la (ou les) même(s) langue(s) de part et d’autre et que le citoyen d’un des deux pays se sent chez lui quand il se promène dans les rues d’une ville de l’autre pays. Un Algérien est chez lui à Casablanca, un Marocain à Tlemcen.

Fièvre obsidionale

Bref, avec ces visas et frontières fermées, le Marocain ne peut aller ni au sud ni à l’est ni au nord (l’Europe s’est barricadée). La fièvre obsidionale, ce désordre mental qui frappe la population d’une ville assiégée, guette les Marocains, comme d’autres Africains cernés comme eux de hauts murs. Heureusement qu’il leur reste l’océan Atlantique sur lequel ils ont le plus long littoral du continent – plus de 3 000 kilomètres – et dans lequel ils peuvent piquer une tête pour apaiser leur fièvre d’assiégés… Et on s’étonnera après cela qu’ils aient fait le choix du grand large et de l’alliance avec l’Amérique, le continent d’en face.

Les grands ancêtres de 1963 auraient dû ainsi compléter le principe : « Les frontières héritées de la colonisation sont intangibles… mais ne les prenons pas trop au sérieux ! »

Nouveau gouvernement en Côte d’Ivoire : le profil de la future équipe se dessine  

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Mis à jour le 25 mars 2021 à 05h03
Alassane Ouattara, lors du conseil des ministres du 30 décembre 2020.

Alassane Ouattara, lors du conseil des ministres du 30 décembre 2020. © DR / Présidence Côte d'Ivoire

La composition du prochain gouvernement d’Alassane Ouattara doit être dévoilée dans les jours qui viennent. Mais déjà, les noms de certaines personnalités sont cités avec insistance.

Tous le reconnaissent : la mort brutale de Hamed Bakayoko, le 10 mars, a profondément secoué l’échiquier politique ivoirien. Mais comme l’explique une figure du gouvernement à la sortie du deuil national de sept jours décrété en l’honneur de l’ancien Premier ministre, « la vie doit désormais reprendre son cours ». Et pour les ministres et autres cadres du Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), celle-ci dépendra grandement de leur présence ou non dans le futur gouvernement, dont la composition est attendue dans les jours à venir.

Les spéculations vont bon train, mais les grandes lignes de la prochaine équipe gouvernementale se dessinent. L’effectif devrait déjà être réduit. Avec 41 ministres et six secrétaires d’État, le gouvernement sortant est en effet l’un des plus pléthoriques que le pays ait connu ces dernières années. « Ce gouvernement était notamment guidé par des intérêts électoraux, avec le souci d’y faire figurer des représentants de chaque région du pays, explique une source diplomatique à Abidjan. Mais sur le plan purement administratif, cela n’avait pas beaucoup de sens. Beaucoup de ministères faisaient doublons. »

Renouvellement générationnel

Une équipe réduite, donc, mais aussi rajeunie. Comme il l’a plusieurs fois répété depuis sa réélection, en octobre 2020, le chef de l’État entend amorcer un renouvellement générationnel. Avant d’être terrassé par un cancer foudroyant à 56 ans, Hamed Bakayoko avait lui aussi exprimé ce souhait de rajeunir l’exécutif. Peu de ministres dans la soixantaine ou plus, avec l’idée de faire la place belle aux « jeunes » – entendez les moins de soixante ans.

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QUE FAIRE DES POIDS LOURDS DE SA MAJORITÉ S’IL LES ÉCARTE DU GOUVERNEMENT ?

Les ministres quadragénaires déjà en place et ayant donné satisfaction durant le dernier mandat pourraient ainsi être appelés à occuper de plus hautes fonctions, à l’instar d’Abdourahmane Cissé, ministre du Pétrole et de l’Énergie, de Mamadou Touré, ministre de la Promotion de la jeunesse, ou encore de Myss Belmonde Dogo, secrétaire d’État auprès du ministre de la Femme et de la Famille. « Le président a clairement dit qu’il comptait rajeunir son équipe après les élections. Mais cela est parfois plus facile à dire qu’à faire. Certains ministres “âgés” gardent une vraie influence », glisse un membre du gouvernement.

Voilà un des casse-tête du remaniement à venir pour Alassane Ouattara : que faire des poids lourds de sa majorité s’il les écarte du gouvernement ? Il faudra donner à certains des compensations pour ne pas leur donner l’impression qu’ils sont mis sur la touche et éviter de se les mettre à dos.

Plusieurs pistes s’offrent au chef de l’État, notamment à travers les différentes institutions. Les postes de vice-président et de président du Conseil économique, social, environnemental et culturel (Cesec) sont toujours vacants.

Les présidents du Sénat, Jeannot Ahoussou-Kouadio, et celui de l’Assemblée nationale, Amadou Soumahoro, pourraient aussi être remplacés – même si ce dernier fait activement campagne pour son maintien au perchoir. Idem pour Henriette Diabaté à la tête de la Grande chancellerie. Il faudra aussi trouver un successeur à Hamed Bakayoko à la mairie d’Abobo, bastion stratégique du RHDP à Abidjan.

Un gouvernement d’ouverture ?

Pour l’aider à faire le tri, Alassane Ouattara pourra s’appuyer sur les résultats de ses ministres aux législatives. Avant les élections, la règle (implicite) était connue de tous : pour rester au gouvernement, mieux valait être élu député et oint de la légitimité populaire. Sur la trentaine de ministres et secrétaires d’État, huit ont perdu. Seront-ils forcément absents de la liste ? « Ce n’est pas garanti, répond un ministre élu. Certains ne l’ont pas emporté mais ont permis des percées du RHDP dans des régions qui ne nous sont pas favorables. Il y a aussi ceux qui n’étaient pas candidats mais qui ont fait du bon boulot dans leur ministère. »

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OUATTARA A INTÉRÊT À OUVRIR SON ÉQUIPE À L’OPPOSITION ET À LA SOCIÉTÉ CIVILE

Autre question : ce gouvernement sera-t-il celui de l’ouverture, comme le président l’avait laissé entendre après sa réélection pour un troisième mandat ? « Ouattara a intérêt à ouvrir son équipe à l’opposition et à la société civile pour montrer qu’il tient son engagement d’apaisement. Mais va-t-il vraiment le faire ? Difficile de le savoir », s’interroge un opposant.

En décembre, la reprise du dialogue politique entre la majorité et l’opposition avait permis de faire retomber la tension et avait abouti à des élections législatives apaisées, le 6 mars. Les trois principaux partis politiques du pays – RHDP, Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et Front populaire ivoirien (FPI) – ont tous participé à ce scrutin, ce qui n’était plus arrivé depuis dix ans.

En parallèle, Kouadio Konan Bertin, seul candidat à s’être présenté face à Alassane Ouattara à la présidentielle du 31 octobre, a été nommé ministre de la Réconciliation nationale mi-décembre. Le maintenir à son poste ou lui confier un portefeuille plus prestigieux pourrait être perçu comme un signe d’ouverture à moindre frais.

Reste maintenant à savoir si des figures de l’opposition pourraient intégrer le gouvernement et si oui, lesquelles. Beaucoup ne seraient pas surpris de voir un Pascal Affi N’Guessan (le président du FPI légalement reconnu) ou d’autres opposants réputés modérés intégrer l’exécutif. Mais des nominations de cadres PDCI ou du FPI-pro Laurent Gbagbo paraissent plus improbables – et seraient, si elles se réalisent, perçues comme de belles prises politiques du président.

Qui pour succéder à Hamed Bakayoko ?

Reste quelques cas précis qui seront scrutés de près. À commencer par le poste de Premier ministre : l’intérim est assuré par Patrick Achi. Secrétaire général de la présidence avec rang de ministre d’État, le nouveau député d’Adzopé, qui n’a cessé de prendre de l’ampleur dans le dispositif de Ouattara ces derniers mois, fait figure de favori. « Je ne vois pas ce qui pourrait jouer contre lui, confie un ministre. C’est lui qui a conçu le programme de gouvernement, c’est lui qui a été choisi pour assurer l’intérim d’Hamed Bakayoko… »

Autre « intérimaire » qui pourrait se voir confirmé : Téné Birahima Ouattara, le frère cadet du président, choisi pour remplacer « Hambak » à la tête du ministère de la Défense durant son absence. Très au fait des dossiers militaires et sécuritaires, « Photocopie », qui était auparavant ministre des Affaires présidentielles, pourrait être maintenu à son poste. Mais les critiques seraient nombreuses. « Ce serait trop gros de le laisser à la Défense, dénonce déjà un opposant. Il n’est là que parce que son frère est président. Ce serait du népotisme déplacé, on frôlerait l’abus de pouvoir. »

Enfin, plusieurs autres intimes de Ouattara pourraient faire leur entrée au gouvernement ou être appelés à occuper de hautes fonctions. Adama Bictogo, le secrétaire exécutif du RHDP, devrait prendre la tête d’un important ministère ou monter au perchoir de l’Assemblée nationale, ce qui ferait de lui le troisième personnage de l’État. Fidèle Sarassoro, le directeur de cabinet du président, devrait lui aussi être appelé à occuper un rôle de premier plan. Quant à Jean-Claude Kassi Brou, le président de la commission de la Cedeao, beaucoup l’annoncent bientôt de retour à Abidjan.

Niger: les attaques de masse contre les civils, nouvelle méthode sauvage des jihadistes

                Patrouille militaire. Des attaques sans précédent contre des villages et des campements dans l’ouest du Niger ont fait plus de 200 morts en l'espace de six jours.
           Des attaques sans précédent contre des villages et des campements dans l’ouest du Niger ont fait plus de 200 morts 
Texte par :RFISuivre
5 mn

Des attaques sans précédent contre des villages et des campements dans l’ouest du Niger ont fait plus de 200 morts en l'espace de six jours. Ces violences n’ont pas été revendiquées, mais elles portent la marque du groupe État islamique au Grand Sahara, seul grand groupe jihadiste dans cette zone suffisamment bien organisé pour mener des assauts de cette ampleur. Depuis le début de l'année, quatre attaques ont visé des civils dans cette zone. Le gouvernement parle d'un nouveau mode opératoire.

Depuis deux ans, le groupe État islamique renforce son emprise à l’ouest du Niger. Selon Ibrahim Yahaya Ibrahim, analyste principal à l’International Crisis Group, des chefs de villages ont été tués. La population a parfois été obligée de fuir et les taxes prélevées par les jihadistes et le vol de bétail sont en augmentation : 

« Il faut lire cette nouvelle dynamique de conflit où des civils sont pris à partie comme une riposte des jihadistes de l'État islamique contre cette forme de résistance qui s'organise localement par les communautés. »

Punition collective et message à Mohamed Bazoum

Mais l’ampleur des tueries est inédite. Jusqu’à présent, si le groupe État islamique ciblait quelques individus isolés, en représailles par exemple à leur collaboration avec le gouvernement ou avec un groupe jihadiste ennemi, cette fois, il s’agit d’une punition collective. Toute la communauté est visée, explique Ibrahim Yahaya Ibrahim.

De telles attaques peuvent aussi être un message adressé à Niamey pour le journaliste Lamine Ould Salem, spécialiste du Sahel : « Ces événements interviennent aussi au moment où Mohamed Bazoum est officiellement reconnu par la Cour constitutionelle comme le président élu au Niger. Et Mohamed Bazoum est considéré comme un des principaux architectes de la politique sécuritaire au Niger ces dernières années, quand il a notamment occupé le poste de ministre de l'Intérieur sous Mahamadou Issoufou. »

 

L’intensification de ces attaques sera le plus grand défi du nouveau chef de l’État.

« Le groupe État islamique au Grand Sahara veut montrer qu'il est toujours en capacité d'agir et qu'il retrouve même des forces. Soit il est parvenu à refaire ses forces en élargissant sa base de recrutement, soit il a tiré des leçons des défaites subies depuis janvier 2020. (...) Il est légitime de se poser la question : la stratégie adoptée n'est-elle pas en train de montrer ses limites ? » 

Lemine Ould Salem, journaliste, à propos de la recrudescence d'attaques du groupe État islamique au Niger