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Attaque de Solhan: «L’utilisation des Volontaires pour la défense de la patrie expose les civils»

L'armée burkinabè forme des civils volontaires à la défense face aux terroristes, le 23 janvier 2020. (Photo d'illustration)
L'armée burkinabè forme des civils volontaires à la défense face aux terroristes, le 23 janvier 2020. (Photo d'illustration) © ISSOUF SANOGO / AFP

Le nord-est du Burkina Faso a été frappé, dans la nuit de vendredi à samedi, par deux attaques dont l'une a fait au moins 138 morts, la plus meurtrière dans ce pays depuis le début des violences jihadistes en 2015. Comment les terroristes ont-ils pu faire autant de victimes et de dégâts ? RFI s’est entretenue avec Mahamadou Sawadogo, ancien gendarme et spécialiste des sujets de sécurité au Burkina Faso.

RFI: Comment réagissiez-vous face à cette attaque d’une extrême violence 

Mahamadou Sawadogo : D’abord, j’aimerais présenter mes condoléances au peuple éploré du Burkina et aussi lui dire que je suis affligé et presque sans mot face à ce drame lâche commis par des groupes armés terroristes. Et à l’heure actuelle, je suis convaincu que tous les Burkinabè sont meurtris dans leur âme face à un tel drame.

Maintenant, comment un tel drame a pu survenir ? Je pense que c’est lié à une succession d’évènements et à une succession d’alertes pour lesquels les autorités n‘ont pas pris leurs marques, parce que Solhan et la zone du Mansila ont longtemps été abandonnés et étaient carrément sous le contrôle de ces groupes armés terroristes depuis déjà quelques mois, depuis le début de l’année 2021. Donc, ces derniers n’ont fait qu’agir en toute liberté, sans trop de compromis.

Pourtant à la mi-mai, le ministre burkinabè de la Défense, Chériff Sy, s’était rendu à Sebba, à une dizaine de kilomètres de Solhan, et à l’époque il avait estimé que la situation était revenue à la normale dans la région. Il faut croire que non ?

Oui, il faut croire que non. Parce que vue la proportion des personnes déplacées internes qui ont continué d’affluer de Solhan vers Dori depuis plus de trois mois, et vu aussi le nombre d’incidents qui continuent à avoir lieu dans ces zones, il est clair que la situation n’était pas sous contrôle.

Faut-il voir avec cette attaque une réponse adressée au gouvernement qui justement parlait de « retour à la normale » ?

Je ne dirais pas une « réponse ». Mais cela fait partie tout simplement de leur stratégie, de la stratégie des groupes armés terroristes, de frapper là où ils peuvent le faire.

Cela fait partie [de leur stratégie] de frapper en cette période, parce que c’est la saison des pluies. Le début de la saison des pluies coïncide avec une montée de la violence, parce qu’après, ils [les groupes armés] n’arriveront plus à se mouvoir comme il se doit. Donc le niveau de la violence monte, avant de baisser lors de la saison des pluies.

Un autre facteur qu’il faut prendre en compte, c’est le changement à la tête de l’Etat islamique. Cela peut aussi être un message du nouveau leader qui veut montrer qu’effectivement il a les mains solides et la poigne pour diriger ce nouveau groupe.

Selon nos informations en tout cas, les assaillants ont d’abord pris pour cible le poste des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) avant de s’en prendre au reste de la population. Est-ce que c’est un message adressé au gouvernement sur son « utilisation civile » dans la politique sécuritaire ?

Oui, on avait prévenu que l’utilisation des VDP allait exacerber la violence et aller orienter la violence vers les populations civiles. Donc effectivement, c’est l’une des conséquences. Et [le poste] des Volontaires pour la défense de la patrie est un des postes armés qui restait encore dans cette ville. Du coup, il suffisait tout simplement de déstructurer ce poste et la ville était à eux.

C’est aussi un message pour empêcher les populations d’adhérer massivement à cette dynamique-là qui a porté ses fruits, c’est vrai, dans certaines régions, mais qui dans d’autres, est en train d’exposer au maximum les populations civiles.

Concernant les faits : les premiers groupes armés sont aperçus aux alentours de Solhan vers 21 heures le vendredi et pour des premières confrontations pendant la nuit, vers 2 heures du matin. Est-ce qu’il n’y a pas un problème dans le temps d’intervention des forces de sécurité ?

Il faut remarquer que Solhan est à quelques encablures du Niger, dans une zone assez isolée et d’accès difficile, en tout cas pour les troupes à pied. Il ne restait plus à l’armée burkinabè que les aéronefs. Je ne suis pas dans le secret des dieux pour savoir de quels aéronefs dispose l’armée burkinabè, mais à mon avis, il y a peut-être un problème d’équipements, de logistique qui fait que l’armée n’arrive pas à intervenir à temps.

Mais par le sol, ça allait être difficile, au minimum il faut, pour les troupes, 4 heures de temps pour atteindre cette localité. Sans oublier qu’il y a des mines que ces groupes armés posent pour arrêter la progression des forces de défense et de sécurité. Apparemment, ils ont mis en place une stratégie imparable qui a permis de réussir leur coup.

À lire aussi : Burkina: dans la région du Sahel, des forces de police fatiguées et inquiètes

[Tribune] Mauritanie – « Il n’y a pire ennemi du développement que la mauvaise gouvernance »

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Mis à jour le 03 juin 2021 à 11h29
 
 

Par  Isselmou Ould Mohamed Taleb

Expert en développement et ancien ministre

Le siège de la Banque nationale de Mauritanie, à Nouakchott.


Le siège de la Banque nationale de Mauritanie, à Nouakchott. © Eric Leblond pour JA

Malgré les grandes richesses du pays, le réseautage, ancré dans les mœurs et de tradition tribale, empêche de construire une administration solide au service de l’État et de l’intérêt général, selon l’expert en développement Isselmou Ould Mohamed Taleb.

Peuplée de 4,5 millions d’habitants et dotée de ressources naturelles considérables, la Mauritanie est pourtant classée parmi les pays les moins avancés, avec la persistance de la pauvreté et un faible développement humain. Pourquoi un tel paradoxe ? Sur le plan culturel, le nomadisme, même s’il est devenu ultra minoritaire imprègne encore les esprits d’une majorité de mes concitoyens.

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L’AVERSION POUR LES PRATIQUES ADMINISTRATIVES SANS NÉGOCIATION NI MARCHANDAGE PERSISTE

C’est une quête incessante des origines, de l’appartenance tribale, de la mobilité et du changement des modalités de fonctionnement. Il en résulte une prédisposition aux frondes sociales, à la remise en cause de l’ordre établi qui aboutissent à une instabilité politique et institutionnelle. C’est aussi une aversion pour la rigidité des principes et pour les pratiques administratives sans négociation ni marchandage.

Rejet de la communication écrite

Sur les plans politique et économique, les conséquences sont très négatives, qu’il s’agisse des choix d’investissements, de la gestion des finances publiques, de l’indépendance de la justice ou de la répartition des richesses. Et ce, en dépit d’un meilleur accès à l’endettement public et de l’exploitation de nouvelles ressources naturelles.

Ce contrôle social et politique hérité du passé a donné naissance à une administration qui repose sur le parrainage. La plupart des cadres font plus confiance à un mentor qu’à leurs efforts pour leur promotion. L’hommage du vice à la vertu a atteint un point tel que le zèle dans le travail est ridiculisé ou considéré comme le reflet d’une certaine faiblesse de caractère ou d’un manque de personnalité.

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IL EXISTE SUFFISAMMENT DE COMPÉTENCES CAPABLES D’ACCOMPAGNER CETTE REMISE À PLAT INSTITUTIONNELLE

Le réseautage trouve son fondement dans des considérations raciales, tribales et politiciennes. Il explique pour une large part le cloisonnement entre les secteurs et les structures publiques, et le manque de liaison en leur sein. En conséquence, l’administration est fragmentée, incompatible avec le respect de l’autorité de l’État et la coordination des interventions publiques. En découle aussi un rejet de la communication écrite.

© GLEZ pour JA © © GLEZ pour JA
La réforme de l’administration en vue d’en faire un instrument au service de la cohésion nationale et du développement apparaît comme incontournable. Contrairement à une opinion répandue, il existe dans le pays, ou dans la diaspora, suffisamment de compétences capables d’accompagner cette remise à plat institutionnelle, une fois la volonté politique acquise.
 

Générations futures

Ce travail indispensable permettra de rétablir la crédibilité de l’État et des institutions, d’assurer une séparation effective et intelligente entre les pouvoirs – plus de transparence dans les processus de prise de décision et de nomination –, d’organiser un système de contrôle efficace et enfin d’appliquer avec célérité, fermeté et visibilité, sanctions et récompenses.

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LE RÔLE DES ÉLITES ÉCONOMIQUES ET POLITIQUES EST ESSENTIEL

Quatre décennies après les efforts louables du père de la Nation – le président Moktar Ould Daddah –, la viabilité de l’État, la légitimité démocratique et la pérennité des institutions restent à reconstruire et à consolider. Le rôle des élites économiques et politiques est essentiel. Celles-ci sont redevables de ces progrès envers elles-mêmes et les générations futures.

Il n’y a pire ennemi du développement que la mauvaise gouvernance. Tout le reste n’est que diversion. Tant que celle-ci trouvera écho auprès de la majorité, la transformation des richesses naturelles en croissance accélérée et en prospérité partagée attendra.

 

Mali : vers une rupture des canaux financiers avec Bamako ?

| Par - à Ouagadougou
Mis à jour le 28 mai 2021 à 13h11
Le colonel Assimi Goïta, au ministère de la Défense à Bamako, le 22 août 2020.
Le colonel Assimi Goïta, au ministère de la Défense à Bamako, le 22 août 2020. © AP/Sipa

Si l’heure est encore aux pourparlers, les institutions régionales disposent de puissants instruments capables d’asphyxier économiquement le régime et le pays. Vont-ils y recourir ?

Pour le moment, la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) maintient ses agences ouvertes au Mali, facilitant ainsi les opérations de refinancement du secteur financier. Mais jusqu’à quand ?

Une réunion prochaine des chefs d’État de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) devrait décider du sort réservé aux nouveaux maîtres de Bamako. Des sanctions ciblées contre des personnalités de la junte militaire ne sont pas exclues.

« Le président ghanéen Nana Akufo [président en exercice de la Cedeao] s’est rendu à Abuja le 27 mai. Les chefs d’État se concertent et un sommet extraordinaire de la Cedeao est prévu pour examiner la situation au Mali », explique à Jeune Afrique, l’entourage d’un président ouest-africain. Selon nos informations, cette réunion est prévue le 30 mai à Accra.

Un large éventail de sanctions

Selon une source autorisée, dans le cas où des sanctions seraient décidées, la Conférence des chefs d’État donnerait instructions pour leur mise en œuvre aux différentes institutions régionales : BCEAO, Commission de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), Banque ouest-africaine de développement (BOAD) et Banque d’investissement et de développement de la Cedeao -(BIDC).

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LA FERMETURE DES PORTES DE LA BCEAO AUX BANQUES LOCALES EST NOTRE PIRE CAUCHEMAR

Dans l’éventail des mesures de rétorsion possibles figurent : l’arrêt des refinancements et des compensations accordés par la BCEAO aux banques du Mali, la suspension des virements vers le pays, l’arrêt du déboursement des financements des banques de développement voire des sanctions financières spécifiques envers des dignitaires du régime.

Selon nos informations, il n’existe pas pour l’instant de consensus entre les dirigeants ouest-africains sur la nécessité ou l’étendue des sanctions financières à appliquer, certains estimant que la formation du nouveau gouvernement aurait dû être plus inclusive vis-à-vis des autorités militaires.

Tarissement des ressources

Quoi qu’il en soit, alors que s’ouvre pour le Mali une nouvelle période d’incertitudes, le secteur financier malien qui avait souffert en 2020 de la fermeture des agences de la Banque centrale fait part de son inquiétude.

« La fermeture des portes de la BCEAO aux établissements financiers locaux avait tari nos ressources. Nous espérons ne pas en arriver là, c’est notre pire cauchemar avec toute la gymnastique que nous avions dû accomplir pour payer les salaires des fonctionnaires et satisfaire la clientèle », explique-t-on à l’Association professionnelle des banques et établissements financiers du Mali.

Dans l’éventail des sanctions crainte des professionnels est d’autant plus fondée que la crise politique d’août dernier avait conduit non seulement à l’arrêt des compensations de la Banque centrale mais également à celle des virements vers l’extérieur.

Cela avait contraint les banques maliennes à avancer les sommes nécessaires pour permettre le paiement des salaires, notamment pour les fonctionnaires et les militaires. Au sein du patronat malien, les craintes se concentrent sur une dégradation encore plus forte de l’image du Mali, dont la notation financière avait été ramenée en septembre 2020 au niveau « B3 », celui de l’Irak…

D’après nos informations, les dirigeants des quatorze banques et trois établissements financiers présents au Mali, sont inquiets et restent attentifs à l’évolution de la situation, comme l’a confié l’un d’eux à Jeune Afrique, « surtout que nous sortons d’une grève qui avait paralysé le pays ».

Mohamed Bazoum : qui forme le premier cercle du nouveau président nigérien ?

| Par 
La garde rapprochée de Mohamed Bazoum.

Le successeur de Mahamadou Issoufou s’est entouré d’une équipe fidèle à son programme,
entre renouvellement et continuité, et entretient aussi son carnet d’adresses diplomatique.

Les premières semaines ont été intenses. Investi mi-avril président du Niger, Mohamed Bazoum a, depuis, dû gérer le difficile dossier tchadien et la mort de celui qui aurait dû être son homologue pour les six prochaines années, Idriss Déby Itno. Il s’est ensuite envolé pour Paris, où la question de la relance des économies d’Afrique subsaharienne était au cœur d’un sommet organisé le 18 mai par Emmanuel Macron.

Comme son prédécesseur Mahamadou Issoufou, le nouveau président nigérien a fait de la sécurité et du développement les axes du programme de son premier quinquennat. Pour cela, il s’est entouré d’un cercle de fidèles entre diplomates chevronnés, jeunes communicants ou encore, caciques du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS, au pouvoir). Il s’appuie également sur un carnet d’adresses qu’il a lui-même développé depuis plus de trois décennies.

Il est le plus proche collaborateur de Mohamed Bazoum, au sens propre comme au figuré. Nommé directeur de cabinet du nouveau président nigérien, Ibrahim Sani Abani est avant tout un spécialiste des questions régionales et internationales. Il était, jusqu’à sa nomination, secrétaire exécutif de la Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD), au sein de laquelle il a tissé un carnet d’adresses non-négligeable pour Mohamed Bazoum, qui doit composer avec le difficile dossier sécuritaire sahélien.

Diplomate chevronné disposant de bonnes connexions à l’Union africaine (UA), le nouveau « dircab » a également occupé le poste de secrétaire général du ministère des Affaires étrangères nigérien. Discret, il accompagne aujourd’hui le chef de l’État, lui aussi rompu aux relations internationales, dans tous ses déplacements à l’étranger.

Ils auraient pu être rivaux, lorsque Hassoumi Massaoudou a caressé l’ambition de succéder à Mahamadou Issoufou dans le courant de l’année 2019, en lieu et place de Mohamed Bazoum. Mais les deux hommes sont redevenus de très proches collaborateurs.

Nommé ministre des Affaires étrangères par le nouveau président, l’ancien titulaire des portefeuilles de l’Intérieur, des Finances, de la Communication et de la Défense est l’un des plus fins connaisseurs de l’appareil d’État.

Très proche de Mahamadou Issoufou, il est un ami de longue date de Mohamed Bazoum, avec qui il a fondé le PNDS, puis milité en son sein pendant trois décennies. À 63 ans, cet ingénieur des mines est d’ailleurs l’un des piliers du parti au pouvoir, dont il est toujours le secrétaire général, et il est à ce titre un atout indispensable pour une éventuelle réélection.

Il reste l’homme de l’ombre et l’un des plus précieux soutiens de Mohamed Bazoum au sein du PNDS, dont il est un membre fondateur. Ancien porte-parole de la majorité présidentielle de Mahamadou Issoufou, Alkassoum Indatou est l’un des relais privilégiés du nouveau président sur la scène nationale, en partie grâce à son réseau dans la région d’Agadez, mais il a été nommé à un poste crucial dans l’actuel gouvernement : celui de ministre de la Défense.

En première ligne au niveau sécuritaire, le ministère est également très observé depuis l’affaire de l’audit des comptes de la Défense, qui a ébranlé les derniers mois de la présidence Issoufou et continue d’être une épine dans le pied de son successeur. Mohamed Bazoum a donc choisi d’y nommer un homme de confiance.

Longtemps directeur de cabinet de Mohamed Bazoum lorsque celui-ci était ministre de l’Intérieur, ce sexagénaire, né en 1956, a été nommé ministre de l’Agriculture dans l’actuel gouvernement. Son ancien patron a ainsi choisi de lui confier un portefeuille qui le rapproche de sa formation de base, puisqu’il est spécialiste en médecine vétérinaire et en agroéconomie.

Ancien étudiant à Zinder, Dakar puis aux États-Unis, Alambedji Abba Issa reste, de par son ancien poste, un bon connaisseur des dossiers sécuritaires, en particulier autour de la zone du lac Tchad, où les questions de développement et d’agriculture s’entremêlent avec les problématiques de lutte contre le terrorisme.

Il est l’un des plus anciens amis du nouveau président du Niger. Ce philosophe, chercheur et professeur agrégé, enseigne à l’université française de Montpellier, et partage surtout ses lectures, ses ouvrages et ses réflexions avec Mohamed Bazoum depuis plusieurs décennies.

Conseiller officieux et lecteur assidu des grands penseurs, de Platon à Hegel en passant par Kant, ce spécialiste en philosophie et en épistémologie est l’un des inspirateurs du programme de Mohamed Bazoum sur l’éducation, l’un des axes prioritaires du quinquennat en cours.

Président de la section France du PNDS, il a longtemps été le principal artisan des opérations du parti au pouvoir en Europe. Bien implanté dans les médias internationaux, il est secrétaire à la communication et porte-parole de l’organisation de la jeunesse du PNDS. Idrissa Waziri a en grande partie organisé les visites de Mohamed Bazoum, lorsque celui-ci était en campagne pour succéder à Mahamadou Issoufou.

Le jeune homme est aujourd’hui conseiller spécial du président pour la communication, et est toujours sollicité pour entretenir les réseaux nigériens à Paris, du Quai d’Orsay de Jean-Yves Le Drian à l’Assemblée nationale, où Mohamed Bazoum a tissé des liens avec le député des Français de l’étranger M’Jid El Guerrab.

Mohamed Bazoum le considère comme son propre enfant. Le fils de Mahamadou Issoufou connaît en effet Mohamed Bazoum depuis sa naissance. Conseiller en communication de l’ancien chef de l’État, il a pris peu à peu de l’importance au sein de l’appareil politique nigérien, au point d’être nommé directeur de campagne de Bazoum pour la dernière présidentielle.

Bon communicant, proche de la jeune génération de Niamey, Sani Mahamadou Issoufou, que chacun au Niger surnomme Abba, a été nommé au stratégique portefeuille du Pétrole – Niamey ayant l’ambition de devenir un important exportateur d’or noir. Une façon également pour le nouveau président de ne pas couper avec les réseaux d’affaires de son prédécesseur.

Mohamed Bazoum a connu son actuel homologue sénégalais à l’université de Dakar, à la fin des années 1970. Certes, l’un était dans un cursus scientifique et l’autre préférait les lettres, mais Mohamed Bazoum et Macky Sall fréquentaient à l’époque les mêmes réseaux marxistes-léninistes de la capitale sénégalaise. Depuis, le Sénégalais a quitté ces cercles de gauche, tandis que le Nigérien se revendique toujours d’un certain socialisme. Mais les deux hommes sont restés proches.

Ancien ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bazoum bénéficie en outre d’un important carnet d’adresses diplomatique. Il s’entend particulièrement bien avec Muhammadu Buhari, au Nigeria, mais aussi avec le Burkinabè Roch Marc Christian Kaboré, le Tchadien Moussa Faki Mahamat, président de la commission de l’UA, et le Mauritanien Mohamed Ould Ghazouani. Plus au sud du continent, il entretient également de bons rapports avec le Congolais Denis Sassou Nguesso.

Tchad : un frère Déby peut en cacher un autre

| Par 
Abdelkerim Idriss Déby, fils d’Hadjé Halimé et demi-frère de Mahamat Idriss Déby, est directeur de cabinet adjoint. Il a été formé à l’académie militaire américaine de West Point.
Abdelkerim Idriss Déby, fils d’Hadjé Halimé et demi-frère de Mahamat Idriss Déby, est directeur de cabinet adjoint.
Il a été formé à l’académie militaire américaine de West Point. © Présidence du Tchad

Depuis le décès d’Idriss Déby Itno, deux de ses fils tiennent le pouvoir à N’Djamena : Abdelkerim et Mahamat, l’un dans l’ombre, l’autre en pleine lumière. Au risque d’alimenter les craintes d’une succession dynastique.

Le silence s’étire. Sous les trois imposants lustres de la salle du conseil des ministres, Mahamat Idriss Déby sait le moment solennel. Crucial même. Toujours en uniforme, ses quatre étoiles de général fixées à la poitrine, le président du Conseil militaire de transition (CMT) observe les hommes et les femmes rassemblés de part et d’autre de la longue table encadrée par des drapeaux tricolores tchadiens.

Certains membres du gouvernement de transition nommé le 2 mai dernier ont l’air tendu. D’autres, plus expérimentés, affichent moins d’anxiété. La minute de recueillement se poursuit, en l’honneur d’Idriss Déby Itno, disparu le 18 avril. Concentré pour l’un de ses premiers grands rendez-vous de chef d’État, Mahamat Idriss Déby a préparé son intervention avec soin.

Au pouvoir depuis le décès de son père, il se sait scruté, observé, analysé. Sous pression à l’international, mis en doute à N’Djamena par une opposition qui a vu sa prise de pouvoir comme un « coup d’État familial », il a écouté ses visiteurs. Les généraux lui ont rappelé les impératifs de sécurité. Les diplomates ont parlé d’engagements internationaux. Les hommes politiques ont prononcé les mots « fidélité », « ouverture » et « dialogue ».

Souvent silencieux, il a enchaîné les rendez-vous avec un mot d’ordre : rassurer. « Non », le Tchad n’a pas l’intention de rappeler son contingent du G5 Sahel. « Bien sûr », un dialogue sera organisé durant la transition. « Oui », des élections démocratiques seront organisées dans dix-huit mois au maximum.

« Se mettre rapidement au travail »



Abdelkerim Idriss Déby, fils d’Hadjé Halimé et demi-frère de Mahamat Idriss Déby, est directeur de cabinet adjoint.
Il a été formé à l’académie militaire américaine de West Point. © Présidence du Tchad


La minute de silence s’achève et l’ombre d’Idriss Déby Itno s’efface. Suspendu par le deuil, le temps de la politique reprend son cours. Ce 6 mai, l’ordre du jour est mince. Il s’agit d’un conseil de « présentation » qui ne durera, en tout et pour tout, qu’une petite heure. Albert Pahimi Padacké, le Premier ministre, souligne les enjeux. Son équipe, insiste-t-il, a « un impératif » : le « succès pour un Tchad uni, stable et en paix ».

En bout de table, Mahamat Idriss Déby approuve. Depuis la nomination du chef de gouvernement, les deux hommes s’entretiennent quasi quotidiennement. Ils se connaissent bien, le courant passe. Alors que Pahimi Padacké était à la primature de 2016 à 2018, « Kaka » (son surnom) était déjà l’ombre de son père et le patron de la garde présidentielle.

Ce 6 mai, assis à la place qu’occupait le défunt, Mahamat Idriss Déby prend la parole. « Calme » et « posé » selon un ministre, le nouvel homme fort ne traîne pas. Rappelant la nécessité de « cimenter le vivre-ensemble » et d’« assurer la sécurité », il insiste : « Chacun de nous a l’obligation citoyenne de se mettre rapidement au travail pour préparer la tenue d’élections démocratiques à l’issue des dix-huit mois de transition. » Quelques minutes plus tard, les quarante ministres sont réunis sur le perron du palais. Devant eux sur le tapis rouge, Mahamat Idriss Déby, lunettes noires, se tient droit, en pleine lumière, face aux photographes et à l’Histoire.

Un frère peut en cacher un autre

Ce même jour, un autre fils d’Idriss Déby Itno est à pied d’œuvre. Lui aussi est un ancien du lycée français Montaigne de N’Djamena, où une bonne partie de la fratrie a étudié. Colonel, il a été formé à l’académie américaine de West Point (d’où il est sorti diplômé en 2014), tandis que son aîné a suivi les cours de l’école interarmées de la capitale tchadienne. Si Mahamat Idriss Déby, 37 ans, est le patron de la transition, son demi-frère, Abdelkerim Idriss Déby, en est la cheville ouvrière. Jeune homme de 30 ans à la carrure solide, fils d’Hadjé Halimé (comme Amira, Adam et Hissein Idriss Déby), il est aujourd’hui considéré comme le véritable patron du palais présidentiel.

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ABDELKERIM A UN MEILLEUR CARNET D’ADRESSES QUE SON FRÈRE, EN PARTICULIER EN FRANCE ET AU PROCHE-ORIENT

Certes, il n’en occupe pas le bâtiment principal, où Kaka a investi le bureau de son père. Il travaille à 300 mètres de là, au sein d’une annexe regroupant le secrétariat général et le cabinet civil dont il est le directeur adjoint. Mais nul ne doute de son influence. Venu du ministère des Affaires étrangères, où il était coordinateur militaire, Abdelkerim était devenu le bras droit d’Idriss Déby Itno, qui lui avait donné une préséance officieuse sur son directeur de cabinet, Aziz Mahamat Saleh. Les hommes d’affaires et les diplomates ne s’y trompent guère et s’adressent à lui pour favoriser les intérêts de leurs entreprises. « Abdelkerim a un meilleur carnet d’adresses que son frère, en particulier en France et au Proche-Orient », assure un businessman familier de N’Djamena.

« Abdelkerim connaît très bien le milieu de l’entrepreneuriat. Il est issu d’une génération dorée qui a eu l’opportunité de se former à l’étranger, d’en apprendre les codes et de les ramener à N’Djamena, avant d’intégrer la haute administration. Ce sont eux qui ont le vent en poupe, tandis que la génération d’avant, celle d’Amira ou de Zakaria Idriss Déby, est moins en vue », détaille un habitué du palais. « Idriss Déby Itno voulait s’appuyer sur cette génération pour son sixième mandat. C’était sa vision du renouvellement et cela passait par Abdelkerim », croit savoir notre source.

Mahamat et Abdelkerim, les gardiens du temple

Mahamat Idriss Déby a-t-il fait siennes les ambitions supposées de son père ? « Il cherche surtout la stabilité pour pouvoir s’occuper sereinement de la sécurité et du domaine militaire », tempère un ancien ministre. Les hauts gradés attachés à Idriss Déby Itno, de Bichara Issa Djadallah à Taher Erda (renseignements militaires), ont conservé leur poste et forment une garde rapprochée autour de Kaka. Ce dernier a également opté pour un fidèle au ministère de la Défense en la personne de Daoud Yaya Brahim. Il a aussi choisi de nommer un secrétaire général plus technocrate que politique, en remplaçant Kalzeubé Pahimi Deubet par l’ex-ministre David Houdeingar Ngarimaden, un professeur de droit un temps envisagé à la primature et qui appartient au bureau politique du Mouvement patriotique du salut (MPS, ancien parti au pouvoir).

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ENTRE LES DEUX FRÈRES, LES RENDEZ-VOUS SONT QUOTIDIENS ET LES STRATÉGIES PARTAGÉES

« Aujourd’hui, les choses sont claires : les gardiens du temple sont Kaka pour la sécurité et la défense, et Abdelkerim pour la politique et les affaires », affirme l’un de leurs proches. Entre les deux frères, les rendez-vous sont quotidiens et les stratégies partagées. « Abdelkerim n’est jamais loin de Kaka dans les couloirs de la présidence », résume un membre du gouvernement. Le 6 mai, alors que l’un se tient en pleine lumière devant le palais rose, le second a pris depuis la veille la direction du Rwanda, mais leur objectif est le même : rassurer au sujet de la transition et de l’organisation d’élections.

Dans la soirée du 5 mai, Abdelkerim délivre le message à Paul Kagame. Deux jours plus tard, il répète l’exercice à Oyo face à Denis Sassou Nguesso, puis à Yaoundé devant Paul Biya. Tandis que Kaka prépare son premier voyage officiel dans le Niger de Mohamed Bazoum (où il se rendra le 10), la manœuvre diplomatique bat son plein. Pas question de laisser les institutions internationales ou l’Union africaine douter des intentions de N’Djamena et lui appliquer des sanctions. Les ministres respectifs de l’Économie et des Finances, Issa Doubragne et Tahir Hamid Nguilin (opportunément maintenus à leurs postes dans la transition), et l’expérimenté chef de la diplomatie, Mahamat Zene Cherif, ont été priés de mettre leurs réseaux en branle.

Une succession en accéléré ?

La présence à Addis-Abeba de Moussa Faki Mahamat, à la tête de la Commission de l’UA, est loin d’être négligeable, tout comme celle de Mahamat Saleh Annadif au poste de représentant de l’ONU en Afrique de l’Ouest et au Sahel. Mais la diplomatie de Mahamat et d’Abdelkerim Idriss Déby est loin d’avoir apaisé les inquiets. Plusieurs membres du Conseil de paix et de sécurité de l’UA, notamment d’Afrique australe, ont plaidé pour l’application de sanctions – certes sans succès. Surtout, au cœur de la capitale tchadienne, une partie de l’opposition, notamment menée par Succès Masra et ses Transformateurs, a continué de s’élever contre la prise de pouvoir de Mahamat Idriss Déby.

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AU FOND, LE DÉCÈS D’IDRISS DÉBY ITNO N’A RIEN CHANGÉ

Si les manifestations ont été réduites au silence par la police, la question continue de se poser : la transition dirigée par Kaka accouchera-t-elle d’une succession familiale ? « Au fond, le décès d’Idriss Déby Itno n’a rien changé, analyse un diplomate basé au Tchad. C’est le calendrier qui s’est accéléré. Certains s’imaginaient que la succession allait se mettre en place avec le nouveau mandat de six ans obtenu en avril par Idriss Déby Itno. Désormais, cela se fera en dix-huit mois. » Le premier round de la prochaine présidentielle s’est-il donc joué dès la nomination du gouvernement de transition, le 2 mai ?

En coulisses, Albert Pahimi Padacké est parvenu à s’imposer à la primature, plaçant plusieurs de ses fidèles au gouvernement. Le MPS, lui, avait parié sur une autre stratégie, qui s’est avérée perdante pour le moment. Plaidant pour un gouvernement de technocrates, son secrétaire général, Mahamat Zen Bada, avait choisi de ne pas envoyer ses cadres les plus politiques et avait plaidé pour la nomination de l’opposant Saleh Kebzabo comme Premier ministre. Mais Mahamat Idriss Déby n’a pas suivi son conseil, ouvrant même l’incontournable portefeuille de la Justice à un autre poids lourd de l’opposition, Mahamat Ahmat Alhabo.

Que fera le clan Déby en 2022 ?

« La formation de Kebzabo est aujourd’hui moins bien positionnée que celle de Pahimi Padacké, qui est lui-même plus jeune [54 ans contre 74] et qui se prépare à l’après-Déby depuis 2016 », explique un cadre du MPS. Le parti est-il le premier grand perdant de la transition ? Alors qu’il considérait que la victoire d’Idriss Déby Itno à la présidentielle d’avril lui donnait des droits sur les années à venir, il a perdu du terrain, tandis qu’Albert Pahimi Padacké « va pouvoir se servir de la primature pour asseoir son influence », grimacent ses détracteurs. « Ils ont dépensé et se sont dépensés pour la campagne et ils ont l’impression de ne pas être payés en retour », résume un proche du MPS.

Prochaine étape : un dialogue national dont les dates n’ont pas encore été fixées mais dont l’opposition compte profiter pour se faire entendre. « Albert Pahimi Padacké a pris une longueur d’avance et maîtrisera l’organisation via le gouvernement, tandis que Succès Masra attend l’événement pour s’offrir une tribune. Quant au MPS, il est en mauvaise posture car il représente l’ancien régime et va être forcé de se renouveler, sans doute en s’appuyant sur les mouvements de jeunes qui ont animé la campagne de 2021 », détaille un politologue tchadien. Dans le jeu politique de N’Djamena, le décès d’Idriss Déby Itno a rebattu les cartes, favorisant les ambitions des uns et contrecarrant les plans des autres. Mais cet événement si soudain a-t-il vraiment changé la donne ?

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NOTRE PAYS EST AU CARREFOUR DE SON HISTOIRE

« L’interrogation principale reste la même : que va faire le clan Déby en 2022 ? Jouer la carte Mahamat si celui-ci prend goût au pouvoir ? Soutenir Abdelkerim et maintenir la famille aux manettes sous couvert d’un changement de générations ? », s’interroge un diplomate. Le 27 avril, vêtu de son uniforme et coiffé de son béret rouge, Kaka a résumé la situation lors de son premier discours à la nation en quelques mots. Se défiant du « désordre », de « l’anarchie » et du « chaos », le général quatre étoiles, capitaine de la transition, a ajouté à l’attention de ses compatriotes : « Notre pays est au carrefour de son histoire. »

Reste désormais à choisir un cap, entre les vents contraires des uns, les courants ascendants des autres et les écueils familiaux du passé.