Témoignages

 

 
Kiye
 
homélie du dimanche 10 septembre 2023 :
De la rationalité d’un acte bon (Une réflexion du Père Vincent KIYE, Mafr)
 
Textes du jour :
1ère lecture : Ez 33, 7-9
2ème lecture : Rm 13, 8-10
Evangile : Mt 18, 15-20
 
« Si ton frère a commis un péché contre toi, va lui faire des reproches seul à seul. S’il t’écoute, tu auras gagné ton frère… » (Mt 18, 15-20) Voilà l’expression parfaite de l’amour, vu comme l’accomplissement parfait de la loi.
 
Bien-aimés dans le Seigneur, face à l’exigence de l’amour, plusieurs théories sont souvent évoquées pour justifier l’acte d’aimer par ses aspects extérieurs que sont le don, le partage, l’assistance matérielle et autres etc ou son contraire carrément, au point que nous nous demandons qu’est-ce que aimer l’autre ? 
 
Dans cette optique de vouloir justifier l’acte d’aimer, bon nombre de personnes cherchent à capitaliser les actes bons, les croyant suffisant pour confirmer de l’amour qu’elles ont envers X ou Y. Malheureusement, il arrive que beaucoup de nos actes bons, manquent de rationalité de l’acte bon. Nous les posons par complaisance. Aimer quelqu’un n’est pas synonyme de lui donner des bonbons tous les jours. La quinine fait certes, plus de bien que le bonbon à sucer pour quelques instants. Un acte est réellement bon lorsqu'il vise surtout à rendre l'autre meilleur, en l’arrachant de la médiocrité ou des erreurs. Ici donc, la correction fraternelle qui renferme l’esprit de la liturgie de ce 23ème dimanche de Temps ordinaire devient la règle d'or. Et Jésus nous y invite lorsqu'il dit que « Si ton frère a commis un péché contre toi, va lui faire des reproches seul à seul. S’il t’écoute, tu auras gagné ton frère… »
Bien-aimés dans le Seigneur, amer l’autre n’est pas nécessairement le caresser dans le sens des poils ; mais l’aider à devenir meilleur en l’éloignant le plus possible de tout ce qui peut corrompre son être tout entier, corps et âme ou sa conscience. Et l’option la plus recommandée par notre Seigneur Jésus Christ est celle d’être le guetteur (gardien) les uns les autres. Que le frère soit le gardien de sa sœur et que la sœur fasse de-même. Que le mari soit le gardien de son épouse et vice versa. Et l’accomplissement parfait de cette mission de veilleur passe par la correction fraternelle dont nous parlent les textes de la liturgie de ce dimanche. 
Dans la première lecture et dans l’évangile en effet, la dimension de la correction fraternelle est clairement mise en exergue. Lors Dieu investit le prophète Ezéchiel de la mission de dire au pécheur ses déviances. Dieu dit au prophète Ezéchiel qu’il fait de lui un guetteur, c’est-à-dire veilleur de la cité, de son peuple afin de l’avertir contre tout comportement indigne. Il poursuit en disant que si je dis au méchant : ‘Tu vas mourir’ et que tu ne l’avertisses pas, si tu ne lui dis pas d’abandonner sa conduite mauvaise, lui le méchant mourra de son péché, mais à toi, je demanderai compte de son sang.» Et dans l’évangile c’est le même son de cloche lorsque Jésus dit que « si ton frère a commis un péché contre toi, va lui faire des reproches seul à seul. » Voilà l’expression parfaite de l’amour mutuel que Saint Paul évoque dans la deuxième lecture en termes de dette envers le prochain, voilà la mission que Dieu confie à chacun de nous d’être le gardien de son prochain. De dénoncer surtout, les maux de la société pour que son peuple ne périsse pas. Il nous investit ainsi du courage de prophète pour dénoncer les antivaleurs et d’annoncer l’avènement d’un monde plus humain, sans armes ni larmes.
 
Et cela a un prix à payer : Les critiques des hommes de gauches, des ennemis de l’authentique vérité. Accomplissons-nous seulement cette mission sans craindre le regard des hommes ? Qui craignons-nous en réalité, les hommes ou Dieu qui nous a investies prophète, prêtre et roi ? Si nous nous taisons devant les irrégularités intolérables de notre monde actuel, Dieu nous demandera des comptes, nous dit-il.  Face à notre passivité devant les maux dont souffre notre monde aujourd’hui, face à toutes ces injustices et autres irrégularités sociopolitiques, devenues un nouveau mode de gouvernance à tous les niveaux, Dieu dit à chacun de nous d’être guetteur de la société. Et que si nous ne dénonçons pas ces injustices, ces corruptions, ce clientélisme et fanatisme, ce tribalisme et favoritisme, régionalisme et ethnicisme de la société, mieux tous ces péchés qui rongent notre monde aujourd’hui, les coupables (pécheurs) eux, mourront de leur péché. A nous, Dieu demandera des comptes. Pour atténuer l’ampleur de cette mission, il reformulera cette recommandation en forme de correction fraternelle dans l’évangile. 
 
 
Oui, faire des reproches à un prochain est une démarche qui consiste à l’arracher des ténèbres tant de l’ignorance que de l’emprise du mauvais pour lui apporter la lumière de la Vérité, de la justice, du respect de la dignité humaine dans son ensemble. Et cela est une expression parfaite de l’amour dont parle Saint Paul dans la deuxième lecture qui est en réalité, la conséquence du message de la première lecture et de l’évangile. C’est une démarche chrétienne qui vise à rendre l’autre meilleur c’est-à-dire, à le remettre sur le chemin de la vie conforme aux exigences de sa foi. 
Demandons la grâce du courage pour nous faire des reproches mais aussi de pas étouffer ni vouloir décourager ceux et celles à qui Dieu a donné la grâce d’une intuition particulière pour alerter la société du danger qui guette son peuple afin d’abandonner les attitudes et le comportement qui retardent l’avènement d’un monde plus humain. Amen. 
Le Seigneur soit avec vous !
✍🏾 Père KIYE Mizumi Vincent
Communauté des Missionnaires d’Afrique
Korofina-Bamako

Burkina – Tourisme : « Notre pays est fréquentable », réaffirme Gualbert Ouédraogo, directeur des sites et infrastructures touristiques

Accueil > Actualités > Culture • • lundi 28 août 2023 à 23h10min 
 
Burkina – Tourisme : « Notre pays est fréquentable », réaffirme Gualbert Ouédraogo, directeur des sites et infrastructures touristiques

 

Le Burkina Faso compte environ 1082 sites touristiques dont plus de 400 recensés dans la région touristique du Centre qui regroupe quatre régions administratives : le centre, le centre-ouest, le centre-sud et le plateau-central. Malgré l’insécurité qui touche le pays depuis 2015 et le Covid-19 en 2020, le secteur du tourisme tient debout. « Le Burkina Faso est un pays fréquentable. Beaucoup de médias internationaux tentent de faire croire à l’opinion internationale que notre pays est aujourd’hui une destination infréquentable. La réalité est tout autre. », soutient Gualbert T. Ouédraogo. Il est le directeur des sites et infrastructures touristiques à l’Office national du tourisme burkinabè (ONTB). Dans un entretien qu’il nous a accordé, vendredi 25 août, l’homme nous parle du secteur qui fait, en cette période de vacances, de bonnes affaires.

Lefaso.net : Pouvez-vous nous présenter votre direction ?

G.T.O. : La Direction des Sites et infrastructures touristiques est une direction technique de l’Office national du tourisme burkinabè (ONTB). Selon l’organigramme de l’Office en vigueur, elle est chargée de l’inventaire et de la mise en valeur des ressources touristiques, de la collecte, du traitement des informations relatives aux infrastructures d’accueil et de séjour du Burkina Faso.

Elle comprend trois services notamment le service des infrastructures d’accueil, de la gastronomie et de la ville, le service du patrimoine touristique et des aménagements et enfin le service de la documentation et des archives. La direction accompagne les sites et réceptacles touristiques dans leur fonctionnement quotidien afin qu’ils puissent répondre aux besoins des visiteurs.

C’est quoi la différence entre sites touristiques et infrastructures touristiques ?

Les sites touristiques sont les sites sur lesquels vous pouvez aller satisfaire votre curiosité. Ça peut être un musée, un bien culturel quelconque, un patrimoine immatériel, etc. Quant aux infrastructures touristiques, elles comprennent l’ensemble des installations physiques tels que les hôtels, les restaurants de tourisme qui sont des lieux où les touristes, dans le cadre de la consommation du produit touristique, séjournent afin de mener les visites des sites touristiques. On peut y ajouter l’ensemble des services fournis aux touristes (transport, excursions…).

Combien de sites touristiques compte le Burkina Faso ?

Le Burkina Faso compte environ 1082 sites touristiques répartis sur l’ensemble du territoire. Sur ces 1082 sites touristiques, certains sont mis en tourisme et d’autres ne sont pas encore mis en tourisme.

Quelques exemples de sites qui ne sont pas mis en tourisme ?

Les sites touristiques sont vastes. Par exemple dans la région du Plateau-central. Nous avons recensé le site de soins du guérisseur traditionnel Saïdou Bikienga. Nous le considérons comme un site touristique mais vous conviendrez avec moi que peu de gens se déplacent sur ce lieu dans un but touristique. C’est donc un site touristique mais, qui concrètement, n’est pas encore mis en tourisme, cela veut dire qu’il n’y a pas une organisation tout autour qui permet de recevoir de façon sereine les touristes qui arrivent sur le site. On peut citer d’autres sites allant des montagnes sacrées aux puits sacrés qui sont un peu éparpillés sur le territoire et qui ne sont pas mis en tourisme. Un site mis en tourisme est un site où il y a quand même un minimum de commodités pour recevoir les visiteurs.

Dans quelle région trouve-t-on le plus grand nombre de sites touristiques ?

Au niveau du tourisme, le Burkina Faso est divisé en quatre zones touristiques. Il y a la zone touristique du centre, la zone touristique de l’ouest, la zone touristique de l’est et la zone touristique du sahel. La zone touristique du centre compte à elle seule plus de 400 sites touristiques. Il est vrai que pour certaines personnes, les sites emblématiques se trouvent dans la zone de l’ouest, mais c’est la région touristique du centre qui compte le plus grand nombre de sites touristiques recensés par le ministère de la Culture. Il faut dire que cette région touristique du centre comprend quatre régions administratives à savoir la région du centre, la région du Plateau-central, la région du centre sud et du centre ouest.

Quel est le niveau de fréquentation des sites touristiques au Burkina Faso ?

Nous sommes en période de vacances. Et au regard de la situation d’ensemble, de la sous-région ouest-africaine, du Sahel, les autorités en charge du tourisme ont orienté leurs actions dans la promotion du tourisme interne. Le tourisme interne, c’est ce tourisme pratiqué par les nationaux. Et de nos jours, nous pouvons dire que ce tourisme interne connaît un essor satisfaisant au niveau du Burkina Faso.

Lorsque nous jetons un regard sur les statistiques - je veux prendre l’exemple sur le site de Laongo que je connais bien - au premier semestre, nous avons eu plus de 4 500 visiteurs dont l’essentiel était composé de touristes nationaux. Depuis le mois de juillet 2023, le ministère de la communication, de la culture, des arts et du tourisme, à travers l’ONTB a lancé la grande saison du tourisme interne. C’est une période au cours de laquelle, on invite les Burkinabè à consommer les produits touristiques de leurs pays. Ce lancement a eu un effet très satisfaisant sur la fréquentation des sites.

En prenant l’exemple du site de sculptures sur granites de Laongo, du 16 juillet au 20 août 2023, le site a reçu 613 visiteurs enfants, 620 visiteurs adultes nationaux et 16 visiteurs internationaux, soit un total de 1249 visiteurs en l’espace d’un mois. C’est le fruit donc de la grande saison du tourisme interne. Ça continue car la campagne prend fin en septembre. Il faut dire que le tourisme interne est actuellement en vogue. Nous sommes satisfaits et espérons que cela va continuer et se renforcer.

Parlez-nous un peu plus du site de sculptures sur granit de Laongo.

Le site de Laongo a été créé en 1989 sur initiative d’un artiste sculpteur burkinabè, Siriki Ky. Il a organisé, avec le concours de l’Etat burkinabè, en janvier 1989, la première édition du Sympo granit de Laongo. Depuis cette première édition, chaque deux ans, à peu près, le site reçoit des sculpteurs qui viennent de tous les continents. Ils séjournent en résidence de création sur le site, pendant environ un mois, taillent la pierre et rendent des œuvres de très belles factures.

Depuis sa création à aujourd’hui, le site de Laongo a organisé une douzaine de symposiums. La dernière édition date d’octobre 2022. Ces symposiums ont regroupé des artistes venus de plus de 100 pays et de tous les continents. Sur le site, il y a plus de 300 œuvres sculptées par des artistes de renom. Ces œuvres abordent des thèmes divers : la femme, la richesse, la joie, la vie, la paix, la mort, la tradition, etc.

Il faut aussi noter que le ministère en charge du tourisme, à travers l’ONTB, mène des actions de promotion pour faire en sorte que le site puisse être connu par les nationaux et les internationaux. Nous avons une page Facebook et le site de Laongo a une place importante sur le site internet de l’ONTB. Nous avons également des dépliants qui parlent du site mais aussi des productions audiovisuelles qui sont diffusées sur les chaînes de télé. De nos jours, on peut affirmer sans se tromper que le site de Laongo constitue une très belle carte de visite pour le Burkina Faso. C’est un moyen de faire connaître notre pays et la région du Plateau-Central en particulier. Le site fait partie des sites les plus visités de notre pays.

Qu’est-ce qui est fait en dehors des grandes vacances pour promouvoir la destination Burkina Faso ?

Au Burkina, c’est l’ONTB qui est chargé de la promotion de la destination Burkina Faso. Ce que l’office fait est très remarquable. Au mois de février par exemple, il y a eu la rentrée touristique comme on le fait ailleurs avec la rentrée gouvernementale la rentrée de presse, etc. C’était une première au Burkina Faso.

Au-delà de cela, il y a un certain nombre d’activités qui sont menées. Il y a également des supports de communication qui sont produits et diffusés sur l’ensemble du territoire à destination des potentiels touristes nationaux et des non nationaux. Il y a des capsules vidéo que vous voyez sur les chaînes de télévision. Il y a pas mal d’activités qui sont faites dans le cadre de la promotion du tourisme au niveau national. Ces actions prennent effet car aujourd’hui on sent un engouement, une appropriation du tourisme par les nationaux.

Avons-nous le nombre des sites touristiques qui ne sont pas accessibles du fait de l’insécurité ?

Le Burkina Faso est un pays fréquentable. Beaucoup de médias internationaux tentent de faire croire à l’opinion internationale que le Burkina est aujourd’hui une destination infréquentable. La réalité est toute autre. Il y a certaines zones qui sont inaccessibles du fait de l’insécurité, mais il y a beaucoup de sites touristiques qui sont accessibles et sur lesquels vous pouvez passer de bons moments et profiter de vos vacances. Il est vrai que les sites situés dans les régions elles-mêmes inaccessibles demeurent inaccessibles actuellement.

Mais, l’essentiel des sites au centre, à l’ouest et dans d’autres régions du pays restent pour leurs majorités accessibles. Je ne peux pas donner un nombre de sites qui sont de nos jours inaccessibles mais cette inaccessibilité est due à l’inaccessibilité de la zone en question. Vous prenez l’exemple du musée de Oursi Hu-Beero, il va de soi qu’il soit inaccessible de nos jours parce que la zone elle-même est peu accessible.

En dehors de l’insécurité, quels sont les autres défis du tourisme burkinabè ?

Le défi majeur du secteur du tourisme burkinabè est l’insécurité. Ce défi est venu s’ajouter à d’autres qui étaient des difficultés inhérentes à la vie quotidienne de tous les secteurs d’activités dans notre pays. Je veux parler du manque de ressources financières. C’est vrai que les autorités mettent un accent très remarquable sur le développement du secteur du tourisme, mais il faut reconnaître que les problèmes budgétaires restent le principal souci du développement du tourisme au Burkina.

En plus, il faut noter l’inaccessibilité de certains sites touristiques, pas à cause seulement de l’insécurité, mais à cause des voies non praticables en saison pluvieuse.

En 2020, il y a eu le Covid-19 qui a porté un coup dur au secteur du tourisme parce que la mobilité de la population mondiale avait été fortement réduite. C’est vrai qu’on tend vers une période post-Covid-19, mais les effets de la maladie se ressentent toujours sur le secteur du tourisme. On va vers une sortie de crise, mais la relance n’est pas totalement assurée pour le moment.

Les infrastructures touristiques ont-elles pu s’adapter à la demande au fil du temps ?

Le sous-secteur hébergement, transport, restauration est beaucoup plus développé par le secteur privé. Ce secteur privé fait des efforts pour moderniser les infrastructures et les disponibiliser sur le territoire national afin d’accompagner et satisfaire les touristes. Il y a quand même une amélioration par rapport aux années antérieures et l’ONTB ne peut qu’être satisfait et encourager le secteur privé à continuer dans ce sens, à accompagner l’offre pour que le tourisme burkinabè soit compétitif dans la sous-région ouest africaine, en Afrique et dans le monde.

Et les guides touristiques dans ça ?

Le métier de guide de tourisme à deux volets. Il y a le côté libéral. C’est dire que vous pouvez vous former à vos frais et exercer le métier sous l’encadrement du ministère en charge du tourisme qui accompagne les guides de tourisme à mener leurs activités. Avec la situation, ces personnes vivent des moments difficiles parfois mais elles arrivent à s’en sortir parce que quoi qu’on dise le tourisme burkinabè continue de survivre et le métier a de l’avenir devant lui.

A côté de ces guides de tourisme libéraux, il y a des guides qui sont recrutés par l’Etat, formés et envoyés sur les sites touristiques. Il y a par exemple les guides de musées qui accueillent et accompagnent les touristes. Ces personnes sont souvent plus nanties, mieux formées mais leur action se limite souvent à des sites donnés. Un guide de tourisme sur le site de Laongo ne pourra faire son activité de guide que sur le site de Laongo. Alors que pour les guides libéraux, il y a des guides nationaux, régionaux, etc.

Le métier a de l’avenir devant lui. Comme tous les métiers, il rencontre des difficultés, mais il y a ce qu’on appelle la résilience. Les gens y font face. Ils font de leur mieux pour que l’activité puisse continuer.

Existe-t-il des sites touristiques autour de Ouagadougou et qui ne sont pas assez connus ?

Les sites n’ont pas la même notoriété. Quand vous prenez le Mémorial Thomas Sankara, le site de Laongo, la mare aux crocodiles sacrés de Bazoulé, ce sont des sites qui reçoivent beaucoup de visiteurs. Par contre, quand vous parlez du musée de Warba de Zorgho, peut-être que peu de personnes sont au parfum de son existence. Il y aussi le Mausolée de Naaba Oubri à Ziniaré. Il accueille des visiteurs. Beaucoup de personnes ont entendu parler de Naaba Oubri, mais peu de personnes ont visité le Mausolée. A côté de Koubri, il y a un parc animalier qui présente des animaux sauvages domptés que l’on peut visiter, mais que peu de personnes connaissent. Pourtant, tous ces sites autour de la capitale offrent un réel cadre de plaisir.

Avez-vous un appel à lancer aux Burkinabè ?

Nous sommes en période de la grande saison du tourisme interne. C’est une période pendant laquelle chaque Burkinabè doit s’efforcer de visiter un site touristique. Nous sommes en vacances. Offrez à vos enfants des sorties sur les sites touristiques. Dans les classes, dans les leçons de géographie, on parle de ces sites touristiques. Si les enfants vont au contact de ces sites, ont un contact visuel, cela va les aider pour la suite de leurs études. Il y a beaucoup de choses que l’on peut tirer de ces sites touristiques pour la formation de nos futurs leaders. Nous ne pouvons pas être Burkinabè et ne pas consommer nos produits locaux.

Et la consommation de nos produits locaux commence par nos sites touristiques. Vous ne pouvez pas aller en Europe pour un colloque, une activité culturelle ou non, sans visiter un site touristique. Il y en a qui viennent de très loin pour visiter nos sites touristiques. Il va de soi que nous, Burkinabè, nous soyons les premiers consommateurs de nos produits touristiques. J’appelle les Burkinabè à s’approprier leur culture, à sortir le temps d’un week-end pour prendre de l’air, aller découvrir et redécouvrir les sites touristiques. Ce sera génial et cela va mieux nous booster dans ce que nous faisons au quotidien.

Entretien réalisé au téléphone par Fredo Bassolé
Lefaso.net

Cheikh Lô : « La musique est le seul langage universel »

À l’approche de ses 50 ans de carrière, Cheikh Lô, installé depuis plus de vingt ans à Keur Massar, une commune de la région de Dakar, prépare son sixième album. Musicien et chanteur, il poursuit sa quête : transmettre et partager la musique.

Mis à jour le 26 août 2023 à 10:20
 
 
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Le chanteur sénégalais Cheikh Lô chez lui à Keur Massar (Dakar), en février 2015. © Youri Lenquette

 

Située à une heure de Dakar, à l’entrée de la presqu’île du Cap Vert, la maison de l’artiste Cheikh Lô est desservie par une rue rebaptisée de son propre nom ! Originaire de Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso, il a rejoint Dakar à l’adolescence. Musicien autodidacte, dont la carrière débute à la fin des années 1990, il a depuis parcouru les scènes internationales, chantant en wolof, anglais et français, mêlant les registres musicaux, et invitant à ses côtés des voix comme Oumou Sangaré, Flavia Coelho, ou plus récemment Adiouza. Dans sa maison-studio, la musique est aussi une histoire de famille : son jeune fils est ingénieur du son, et sa fille, parallèlement à ses études, s’essaye déjà au chant.

Jeune Afrique : Pourquoi avoir choisi de vous installer ici, à Keur Massar ?

Cheikh Lô : J’ai construit cette maison en l’an 2000. Cela fera vingt-trois ans, en décembre, que j’y habite avec ma petite famille. Avant, j’étais aux Mamelles [quartier périphérique du centre-ville de Dakar]. Mais Dakar, à un moment donné, est devenue invivable. C’était le début des embouteillages. Imaginez à l’époque, au minimum 100 voitures débarquaient chaque jour au port pour être mises en circulation. Pour calmer le jeu, le président Abdoulaye Wade avait créé les autoroutes, agrandi les voies. Mais finalement, ici aussi nous avons des embouteillages, et ça va arriver aussi plus loin dans les régions. Chacun veut avoir une autonomie, avoir sa voiture, ne pas prendre les transports tout le temps.

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Vous êtes régulièrement en concert sur la scène dakaroise, en plus des tournées internationales. Après bientôt cinquante ans de carrière, comment appréhendez-vous l’exercice de la scène ?

Comme d’habitude… depuis quarante-huit ans. Dans deux ans, je fêterai mes 50 ans de scène. Je prévois d’inviter beaucoup de gens, ici à Dakar, avec lesquels j’ai collaboré pendant toutes ces années. Je l’avais fait pour mes 40 ans de carrière lors d’un grand concert à la gare. Je venais de décrocher le prix Womex lors de sa 15e édition, c’était la première fois qu’un africain recevait ce trophée. Cinquante ans, c’est un demi-siècle dédié à la musique ! Je fêterai aussi mes 70 ans. Beaucoup de choses à célébrer.

Sur scène, vous reprenez plusieurs classiques de votre répertoire, en les adaptant avec des rythmes de salsa notamment. Comment abordez-vous votre musique et ses multiples influences ?

Dans la musique aujourd’hui, il n’y a que des fusions. La musique n’a jamais eu de frontières. Elle est le seul langage universel. Hier, par exemple, sur la scène à Dakar, je jouais avec trois sénégalais – le percussionniste, le guitariste et le batteur. Le trompettiste est congolais, le bassiste camerounais, le claviériste nigérien. On ne parle pas la même langue mais une fois sur scène nous pratiquons la musique. Le langage, ce sont les notes, les accords. Même si tu ne sais pas l’expliquer dans une même langue, tu fais l’accord, et l’autre va comprendre l’ossature d’émotions que tu veux transmettre. Des personnes avec des nationalités différentes peuvent communiquer devant des milliers de gens sans parler la même langue.

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La salsa est l’une des influences que l’on retrouve beaucoup dans vos titres et vos prestations.

La salsa est jouée en Afrique depuis fort longtemps. C’était à la mode dans les années 1960 et 1970, on écoutait Bembeya JazzTabu Ley Rochereau,Las Maravillas de Mali. Tout le monde jouait de la salsa mais avec sa langue. Le Bembeya Jazz de la Guinée a été soutenu par l’ancien président Sékou Touré. Il a fait voyager l’orchestre à Cuba, pour que les musiciens soient formés. Un de leur disque s’appelait Authenticité 73, un autre Regard sur le passé. Cette musique et son rythme, joué partout dans les Caraïbes et dans les Amériques, viennent de l’Afrique.

 

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Cheikh Lô, à Dakar en 2010. © Youri Lenquette

 

Comment composez-vous ces fusions musicales ?

Je crois qu’il faut être déjà un bon musicien, un bon instrumentiste qui ne triche pas, qui sait ce qu’il joue, qui sait où poser le pied. Je compose toute ma musique avec ma guitare et ma voix d’abord. Puis je vais en studio et je fais appel aux musiciens par rapport à chaque style de musique de mon répertoire. Les musiciens sur l’album et sur scène ne sont pas forcément les mêmes. Parce que les uns ou les autres voyagent, et il faut les remplacer. C’est dur de faire de la musique ici : il n’y a pas assez de festivals ni de scènes. Et il faut beaucoup jouer pour pouvoir gagner quelque chose.

Vous êtes en train de préparer le prochain album, annoncé pour 2023.

Nous sommes en phase de mix. Espérons que ça ne tarde pas et qu’il sorte avant la fin de l’année. Je garde la surprise. La seule chose que je peux dire, c’est qu’il y a une personne à qui je vais rendre hommage dans cet album ; un copain américain, saxophoniste, disparu en 2021, qui jouait avec James Brown. Lorsque James Brown est décédé, Pee Wee Ellis qui habitait alors à Londres, m’a contacté pour reprendre un morceau de cette légende de la musique mondialement reconnue, aux côtés de musiciens comme Maceo Parker.

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Choisir un africain pour célébrer James Brown dans une tournée européenne et américaine, alors que pleins d’américains auraient pu le faire, c’est reconnaître que cette personne peut apporter une originalité qui va sonner différemment de ce que l’on entend. C’était un honneur. Et on l’a fait en 2008-2009. Dans mon nouvel album, je rends donc hommage à Pee Wee Ellis, qui a par ailleurs joué dans trois de mes albums, dont Bambay Gueej. Nous avons enregistré ensemble à l’époque au studio de Youssou N’dour.

En novembre dernier vous avez repris un titre de votre dernier album Balbalou, sorti en 2015, avec une jeune artiste, Adiouza.

Je voulais une voix féminine pour réactualiser la chanson d’amour, « Geumoumako » (« Je n’y crois pas » en français). Cela m’a enchanté d’autant plus que son père est une personne importante. Lorsque je suis arrivé au collège, à Rufisque d’abord, j’ai côtoyé le premier musicien du Sénégal, Ousmane Diallo, connu sous le nom de Ouza. C’est le père de Adiouza. J’ai joué avec son père, j’ai été son batteur. Lui chantait, et jouait aussi du saxophone de temps en temps. C’était magnifique.

Ça remonte à la fin des années 1970. Adiouza n’était pas encore née. Aujourd’hui c’est une artiste avec beaucoup de courage, une battante. Elle joue aussi du piano. Pour moi, être musicien ça te donne une ouverture quand tu chantes, pour pouvoir mieux comprendre la musique, les notes, les accords.

Comment vous définissez-vous ? D’abord comme musicien ou comme chanteur ?

D’abord musicien. J’ai joué de la batterie avec beaucoup de gens. Et dans mes disques je joue presque toutes les batteries, et aussi des congas et des timbales – mes premiers instruments.

Comment un morceau comme « M’Bedeemi », sorti en 1999, résonne-il aujourd’hui ?

Il parle de la rue, de gens qui habitaient dans des maisons, qui étaient dans une bonne situation mais qui, soudainement, se retrouvent sans-abri. Est-il fou pour autant celui qui vit dans la rue ? Je pose la question aux gouvernants. Vous qui reconnaissez ceux qui sont fous, ceux qui ne le sont pas, essayez de sauver ces gens-là. « M’Bedeemi » évoque cela, mais dans la joie.

Comment regardez-vous le succès d’un titre comme « Né la Thiass » ?

C’est le morceau fétiche, celui de ma première apparition en musique ici au Sénégal. Mon premier, tout premier album. Il était sur cassette à l’époque, sortie en décembre 1990. Chaque décembre, les artistes sortaient les cassettes pour finir l’année en beauté. Il y avait presque 20 autres artistes qui sortaient quelque chose et qui concouraient pour le prix du meilleur nouveau talent. J’ai été le premier nouveau talent au Sénégal. Quand l’album Né la thiass est sorti, Youssou N’dour était à l’époque le roi du mbalax. Moi, j’apportais une autre touche jamais entendue dans la musique sénégalaise, différente de tout ce qu’on attendait et entendait. Et ma musique est passée sur la seule chaîne de télévision, la radio-télévision sénégalaise (RTS).

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J’ai commencé à jouer dans une place connue de l’époque, le Tringa. J’y étais tous les vendredis, en acoustique, avec ma guitare. À ma grande surprise, un soir, Youssou N’dour était là. Il m’écoute. Je finis, je range ma guitare et une personne m’interpelle « Youssou a besoin de toi ». Je le retrouve et il me dit : « J’aime bien ce que tu fais. Est-ce que tu as une maquette ? » Je lui ai fait écouter la maquette, avec différents styles. Et Youssou me répond : « On va le produire. » Dans cette maquette il y a « Doxandem ». Si le titre existait déjà, on l’a remis dans l’album Né La Thiass cinq ans plus tard. Tout le monde voulait produire cet album. Comme nous étions en collaboration avec Youssou N’dour, il a fait la tractation. Tous mes albums sauf un ont été produits par World Circuit Records à Londres.

Pourquoi ces musiques résonnent encore autant aujourd’hui ?

Dans la musique, il y a des morceaux, tu sais que ça va être des tubes. Un tube ne meurt pas. « Né La Thiass », dès qu’il est sorti, est entré au musée. Et tout ce qui entre au musée devient immortel.

Dans quelles conditions écrivez-vous ?

Je n’ai pas de secret de fabrique. Je chante ce que j’observe, ce que je sens dans la vie. Je pense aussi au texte, aux rimes également. Et tout s’apprend. Je n’ai jamais eu de professeur de quoi que ce soit dans ma vie. Je suis un musicien autodidacte. Et il y a beaucoup de gens qui sont allés à l’école et ne jouent pas mieux que moi à la batterie. J’ai appris la musique, je l’ai comprise. Je connais mes accords à la guitare. Je peux toucher au piano et à la batterie bien sûr. J’aimerais apprendre le saxophone.

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Dans votre musique, on retrouve aussi des rythmes baye fall.

Les Baye Fall ont une autre approche avec ce qu’on appelle les khines (tambour traditionnel sénégalais), c’est une autre résonance. Ce n’est pas très aigu, contrairement aux percussions qu’on écoute au Sénégal en général. C’est plus capricieux, plus tendu. Tu entends les basses. La différence de son aussi vient du fait que, généralement, les percussions ici sont faites avec la peau de chèvre, alors que les khines des Baye Fall, c’est de la peau de vache. La résonance est complètement différente. Parce que chèvre est capricieuse (rires).

Qu’est-ce qu’être un artiste baye fall aujourd’hui ?

Est-ce que Baye Fall ne doit pas être artiste ? Peut-être est-ce ce que certains diront. Chacun a sa croyance, sa foi. Et cela n’a rien à voir avec la musique. Peut-être parfois, on peut sentir ta foi se refléter dans ta musique. Cela reste toujours de la musique.

Comment lisez-vous la situation au Sénégal aujourd’hui ?

Je n’ai pas attendu que le pays commence à brûler pour en parler. Je me suis exprimée il y a deux ans lorsque les problèmes ont commencé, ici, au Sénégal. J’en ai parlé, j’ai fait une vidéo en m’adressant directement au président de la République, Macky Sall [« Mon message pour jamm si Sénégal » – « Mon message pour la paix au Sénégal »]l. Et je l’avais averti, je lui ai donné mes conseils de ce qui peut réparer, mes conseils pour apporter la paix. Tout en lui disant, fais de ton mieux pour que ce pays ne brûle pas entre tes mains.

À LIRESénégal – Sahad Sarr : « Il faut créer des alternatives pour la jeunesse »

Qu’il m’écoute ou non, l’essentiel pour moi, c’est que j’ai fait mon devoir en tant que porteur de voix. Je n’ai pas attendu, comme beaucoup de gens, aujourd’hui, qu’il y ait des morts, des blessés, et beaucoup de dégâts ; non, il faut avertir avant qu’il ne soit trop tard. Je ne sais pas si je me suis fait entendre ou pas, mais je ne vais pas répéter encore la même chanson. Trop parler revient à un moment donné à parler pour ne rien dire, parce que ton message ne passe pas. Si tu as ta personnalité, tu t’abstiens, tu parles une fois. Il n’a pas compris ? Tu le laisses faire, il comprendra un jour.

Bola Tinubu face au choix des armes

Élu président il y a moins de six mois, porté à la tête de la Cedeao voici quelques semaines, le chef de l’État nigérian se dresse aujourd’hui face aux putschistes du Niger. Mais ira-t-il jusqu’à endosser ses habits de chef de guerre ?

Mis à jour le 27 août 2023 à 10:18
 
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Le chef de l’État nigérian, Bola Tinubu, après sa prestation de serment, à Abuja, le 29 mai. © REUTERS/Temilade Adelaja

 

Le destin de l’Afrique de l’Ouest repose-t-il sur les épaules d’un seul homme : Bola Tinubu, président du Nigeria, celui qu’on appelait il y a quelques mois encore « le parrain de Lagos » ? Nommé à la tête de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) le 9 juillet 2023, 41 jours seulement après son investiture au palais présidentiel d’Abuja, il avait alors délivré un premier discours sans équivoque devant ses pairs de l’organisation régionale : il n’y aurait désormais plus aucune tolérance envers les coups d’État.

À peine trois semaines plus tard, sa détermination allait être rudement mise à l’épreuve : le 26 juillet, les hommes du général Abourahamane Tiani se saisissaient du président Mohamed Bazoum à Niamey et officialisaient quelques heures plus tard leur prise de pouvoir au Niger, voisin septentrional du Nigeria et partenaire le plus solide d’Abuja dans la lutte contre le terrorisme dans la région. En 2021 et 2022, la Cedeao s’était contentée d’imposer des sanctions économiques au Mali, au Burkina Faso et à la Guinée après de précédents putschs. Allait-elle adopter la même ligne sous Bola Tinubu ?

L’homme de Washington ?

La réponse a été rapidement connue : la Cedeao a cette fois accepté le principe d’une intervention militaire, malgré quelques voix discordantes dans la région. Une prise de position particulièrement vigoureuse. Il faut dire que Bola Tinubu sait pouvoir compter sur le soutien d’un allié de poids : les États-Unis, pays où il a tissé des liens depuis longtemps.

Après y avoir étudié dans les années 1970, il retourne au Nigeria, se lance en politique et est élu sénateur de l’État de Lagos en décembre 1992. Son parcours prend alors un tour inattendu avec le coup d’État du général Sani Abacha : Bola Tinubu entre en résistance. Devenu une cible du régime, il se réfugie à Londres avant d’obtenir l’asile aux États-Unis, en 1995. Depuis l’outre-Atlantique, qui, après avoir été son pays de formation, est devenu en quelque sorte sa base arrière, il continue ensuite à financer les groupes prodémocratiques au Nigeria.

En 1993, Bola Tinubu entre en résistance. Devenu une cible du régime, il se réfugie à Londres avant d’obtenir l’asile aux États-Unis, en 1995. Depuis l’outre-Atlantique, qui, après avoir été son pays de formation, devient en quelque sorte sa base arrière, il continue à financer les groupes prodémocratiques au Nigeria. Après la mort d’Abacha, Tinubu rentre à Lagos et s’y fait élire gouverneur de l’État en 1999. De justesse : durant son séjour aux États-Unis, le futur président a en effet été l’objet d’une enquête des autorités locales pour complicité de blanchiment d’argent de la drogue.

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Candidat contesté au Nigeria en raison de ce passé judiciaire, il risquait alors de ne pas pouvoir défendre ses chances. Mais c’était sans compter l’intervention des Américains. Ceux-ci vont assurer, via une lettre de leur ambassade au Nigeria, que Bola Tinubu n’a jamais fait l’objet d’aucune arrestation ou condamnation pour un quelconque délit aux États-Unis. Ce document, signé par l’attaché juridique Michael H. Bonner, va sauver la carrière politique du Nigérian, en même temps que renforcer considérablement ses relations avec Washington.

Certains câbles diplomatiques divulgués par Wikileaks le présentent ainsi comme un informateur du gouvernement américain. Plus parlant encore : l’ancien consul général des États-Unis à Lagos, Brian Browne, est devenu son chef de cabinet et principal conseiller, notamment en matière de politique étrangère. Le dernier coup d’État au Niger offre donc aux Américains l’occasion d’exploiter leurs relations avec Tinubu, en soutenant le message de fermeté de la Cedeao sans jamais prendre publiquement position quant à l’utilisation de la force.

« French connection »

Outre les États-Unis, la France également utilise sa relation avec Bola Tinubu pour tenter de débusquer la junte nigérienne. Depuis sa victoire, en février, le président nigérian a fait de Paris sa deuxième maison. Il s’y est rendu trois fois pour des examens médicaux, et une quatrième fois en tant qu’invité d’Emmanuel Macron lors du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial. La vidéo le montrant en train de rire et d’embrasser le chef de l’État français et son épouse a été largement diffusée sur les réseaux sociaux par des collaborateurs du gouvernement nigérian.

Par ailleurs, Bola Tinubu est un partenaire commercial et un ami de l’industriel libano-nigérian Gilbert Chagoury, milliardaire vivant à Paris et membre éminent du Conseil d’affaires France-Nigeria. Les membres de ce conseil, qui accueille les Nigérians les plus riches, sont connus pour exploiter leur relation avec le dirigeant français afin de réaliser des investissements dans les pays francophones. Comme Washington, mais de façon plus directe et plus affirmée, Paris a donc décidé de soutenir dans la crise nigérienne les efforts déployés par la Cedeao et son actuel président en exercice, Bola Tinubu.

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La fermeté de Tinubu face aux putschistes trouve également ses racines dans son histoire politique au sein du Nigeria. Après s’être fait connaître comme « héros de la lutte démocratique » au début des années 1990, il cherche aujourd’hui à diffuser cette image, la crise au Niger voisin lui offrant une excellente occasion d’endosser à nouveau ce costume de champion. D’autant que ce dernier pourrait lui permettre de cacher quelques problèmes de légitimité, son élection ayant été décrite par la mission d’observation de l’Union européenne comme manquant de crédibilité et sa victoire restant contestée devant les tribunaux.

Déjà l’œil sur 2027 ?

Bola Tinubu est toutefois confronté à un dilemme sérieux. L’establishment musulman du nord du Nigeria est opposé à toute forme d’intervention militaire au Niger, pays qui partage de forts liens religieux et culturels avec son voisin du Sud. Or il envisage déjà de se présenter en 2027 pour briguer un second mandat. Et s’il veut l’emporter, le président sait qu’il doit conserver le soutien du Nord musulman, qui détient la majorité des voix. Les États qui le composent partagent des frontières avec le Niger et craignent que toute action militaire n’aggrave la crise humanitaire et sécuritaire d’une région en proie aux exactions terroristes.

Plusieurs actions ont été en outre entreprises auprès de la Cour de justice de la Cedeao et du Parlement de l’organisation régionale afin de mettre en garde contre une solution passant par les armes. Surtout, ce scepticisme s’est propagé au Sénat du Nigeria, lequel, sans s’opposer à un dernier recours militaire, préfère privilégier l’option de la diplomatie. La Constitution prévoit que le président doit obtenir l’approbation du Parlement avant de déployer des troupes à l’étranger – sauf en cas d’urgence absolue, laquelle autorise une action armée pendant cinq jours au maximum. De quoi bloquer Bola Tinubu ? Le All Progressives Congress (son parti) contrôle fermement les deux chambres du Parlement, lequel n’ira donc probablement pas jusqu’à lui barrer la route.

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Mais de proches collaborateurs du dirigeant affirment lui avoir déconseillé d’intervenir militairement. Conscient de ces avertissements et des enjeux, Bola Tinubu insiste pour le moment sur le fait que la décision ne dépend pas de lui, mais de tous les chefs d’État de la région. Une façon de détourner quelque peu l’attention, sans doute en vain : si Bola Tinubu ne décide pas seul, il est bien celui vers qui tous les regards finiront par se tourner si aucun terrain d’entente n’était trouvé avec les putschistes de Niamey. Fera-t-il alors le choix de reculer sous la pression, comme l’espère la junte nigérienne ? Ou endossera-t-il, au nom de la puissance régionale nigériane, celui des armes ?

Pour Laurent Gbagbo, être président n’est « plus une obsession »

L’ancien président ivoirien s’est néanmoins dit disponible pour la présidentielle de 2025. C’était lors d’une conférence de presse organisée ce mardi, lors de laquelle il s’est également prononcé contre une intervention de la Cedeao au Niger.

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 22 août 2023 à 18:41
 
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VICOAST-L’ancien président ivoirien et actuel président du PPA-CI Laurent Gbagbo lors d’une conférence de presse au siège du parti à Abidjan, le 22 août 2023. -VOTE © Sia KAMBOU / AFP

Au cours d’une conférence de presse de près de trois heures organisée à Abidjan ce 22 août, l’ancien chef de l’État ivoirien Laurent Gbagbo a affirmé que redevenir président n’était « plus une obsession », tout en laissant la porte ouverte à une candidature à la prochaine élection présidentielle en 2025. « J’ai voulu être président, je l’ai été […] mais ce n’est plus une obsession », a-t-il déclaré.

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« Si mes camarades estiment qu’il n’y a pas mieux que moi pour les échéances à venir, alors on se mettra en route pour travailler », a-t-il ajouté. Pour l’heure, Laurent Gbagbo est radié des listes électorales et ne pourra pas voter aux élections locales du 2 septembre.

« Je souhaite que Bazoum soit libéré »

Acquitté par la justice internationale de crimes contre l’humanité commis lors de la crise postélectorale de 2010-2011, il reste sous le coup d’une condamnation à 20 ans de prison en Côte d’Ivoire pour le « braquage » de la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) en 2011. Cette condamnation, prononcée en 2018 alors qu’il était emprisonné à La Haye, avait entraîné la déchéance de ses droits civiques et politiques et donc sa radiation des listes électorales.

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Il a de nouveau dénoncé une « injustice », répétant qu’il n’était « pas un voleur » ni « un braqueur ». Il assure qu’il combattra cette décision après le scrutin de septembre.

Également interrogé sur la situation au Niger, Laurent Gbagbo s’est prononcé contre une éventuelle intervention militaire de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) pour y rétablir l’ordre constitutionnel. « Je souhaite que Bazoum soit libéré, mais je ne souhaite pas que cette guerre ait lieu. Ce serait la guerre la plus idiote », a-t-il dit, appelant la Cedeao à combattre plutôt « les terroristes » qui sévissent au Sahel.

(Avec AFP)

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