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[Tribune] Tchad : le Conseil militaire de transition doit revoir sa copie

 
 

Par  Kordjé Bedoumra

Ancien ministre tchadien des Finances et du Budget, ex-vice-président à la Banque Africaine de développement

Ue manifestation violemment réprimée à N’Djamena, le 27 avril 2021, quelques jours après la mort du président Idriss Déby Itno.
Une manifestation violemment réprimée à N'Djamena, le 27 avril 2021, quelques jours après la mort du président Idriss Déby Itno. © ISSOUF SANOGO/AFP

 

Pour la réussite de la transition et en vue du dialogue national souhaité par tous, le Conseil militaire de transition (CMT) doit immédiatement modifier la charte actuelle, laquelle concentre trop de pouvoirs entre les mains de son président.

Après le décès tragique et inattendu du président Idriss Déby Itno, des inquiétudes légitimes ont été exprimées sur les risques d’instabilité dans la région du Sahel et au Tchad. Et le processus de transition actuelle ne fait que les alimenter.

Commandement absolu

En effet, « la charte de transition de la République du Tchad » annoncée par les militaires n’est pas une base suffisante et rassurante. Cette « Constitution » met en place un Conseil militaire de transition (CMT) sur lequel le président, Mahamat Idriss Déby, dispose d’un pouvoir absolu sur tout et décide seul de la transition. Il nomme et révoque les membres du CMT et peut modifier la charte comme il veut, y compris la durée de la période transitoire. Il nomme et révoque le Premier ministre et les membres du gouvernement, ainsi que les 93 membres du Conseil national de transition (CNT, Parlement), qu’il peut dissoudre. Ce Parlement devra approuver la nouvelle Constitution et voter les lois, dont celles qui vont régir les élections.

Les travaux et conclusions du CNT ou de toute conférence nationale qui se fondent sur cette charte sont donc tributaires des décisions du président du CMT. Il a ainsi la haute main sur la transition et sur ce qui en sortira. Une telle charte ne peut aboutir à une transition apaisée, démocratique et inclusive. Sa mise en œuvre va générer la contestation et l’instabilité.

Jeunes affamés  « prêts à l’emploi » pour jihadistes

Le peuple tchadien a été oublié dans la recherche de la stabilité au Sahel. Le Tchad est devenu un pays où tous les indicateurs socio-économiques sont au rouge ; il est classé parmi les derniers en Afrique. La corruption et l’impunité sont institutionnalisées. L’égalité des chances et d’opportunités entre les citoyens a disparu, la compétence apparaissant comme un délit. Les États qui voient le Tchad juste comme un pays de soldats capables de veiller sur leur sécurité à eux n’ont pas tort. Mais la grogne sociale commence à sourdre et l’implosion qui en découlerait aurait pour eux aussi des conséquences encore plus désastreuses.

Le boycott massif de l’élection présidentielle du 11 avril 2021 constitue en réalité un signe avant-coureur d’une lame de fond prête à ébranler les piliers déjà fragiles de notre pays. Une nouvelle dynamique de contestation est lancée depuis février 2021, se traduisant par des manifestations hebdomadaires, dont le pic a été atteint le 27 avril aussi bien en termes de mobilisation que de niveau de répression. La grande mobilisation de la diaspora tchadienne (Sénégal, USA, France, Canada, Angleterre, etc.) ne peut être réduite à de simples agissements d’activistes. Les Tchadiens espèrent, avec le décès du président Idriss Déby Itno, un vrai changement, surtout pour les jeunes, majoritairement analphabètes, démunis, affamés et « prêts à l’emploi » pour les mouvements armés, les mercenaires, les jihadistes, etc.

Risques de manipulation

Des pays du G5 Sahel à l’Union africaine en passant par la France et les Tchadiens dans leur majorité – de l’intérieur comme de la diaspora -, tous appellent à un dialogue « inclusif », « apaisé », pouvant aboutir à des « élections transparentes, libres et démocratiques ». Certes, les Tchadiens ont déjà connu plusieurs dialogues, qui n’ont pas été inclusifs et dont les décisions essentielles n’ont pas été mises en œuvre – ce qui les rend méfiants. Comme la conférence nationale souveraine de 1993, saluée par tous, ou plus récemment, en 2018 et 2020, les deux « conférences inclusives » destinées à revoir la Constitution et créer la quatrième République, mais auxquelles les partis d’opposition et la société civile n’avaient pas participé.

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UN BUSINESS DE LA RÉBELLION S’EST INSTALLÉ DANS NOTRE PAYS. IL FAUT Y METTRE FIN


Conseil militaire de transition du Tchad © CHADIAN PRESIDENCY/AFP

Pourtant, cette fois-ci, les chances de réussite sont grandes, même si les risques de manipulation sont tout aussi importants. Les prédateurs de la République espèrent également contrôler la transition pour préserver leurs intérêts, en intégrant le gouvernement de transition ou le CNT. Et des puissances extérieures pourraient être tentées d’imposer leur poulain, à la faveur de la charte. Les Tchadiens et leurs partenaires devront prendre en compte ces risques dans la recherche des solutions. Surtout, n’excluons personne. Chaque groupe de Tchadiens exclu ira chercher « l’aide extérieure » pour faire la guerre. Un business de la rébellion s’est installé dans notre pays. Il faut y mettre fin en trouvant des solutions ensemble, METTRE EN PLACE UN ORGANE COMPOSÉ DE PERSONNALITÉS NEUTRES, CRÉDIBLES ET INDÉPENDANTES, CHARGÉ D’ORGANISER LA CONFÉRENCE NATIONALE INCLUSIVE
Pour que la conférence souhaitée par tous soit un véritable succès – c’est-à-dire qu’elle débouche sur des « élections transparentes, libres et démocratiques » –, il faut respecter quelques étapes essentielles. D’abord, mettre en place un organe composé de personnalités neutres, crédibles et indépendantes, chargé d’organiser la conférence nationale inclusive, en concertation avec l’UA et les Nations unies. Ensuite désigner un facilitateur international crédible, accepté par tous, pour aider au rapprochement des différents acteurs, et aussi les assister dans des domaines comme la sécurité des participants et la recherche de financement, avec l’appui des partenaires. Enfin, organiser la conférence nationale inclusive avec toutes les forces politiques, politico-militaires et sociales tchadiennes : partis politiques, militaires, société civile, syndicats, diaspora, représentants religieux, personnes ressources. Cette conférence approuvera la charte de la transition, définira les organes de la transition et en nommera les membres, et adoptera leurs cahiers des charges.

Le CMT peut bénéficier du soutien de tous, en modifiant immédiatement la « charte de transition de la République du Tchad » actuelle pour donner des chances à la conférence nationale inclusive de se tenir librement, et, donc, quitter la scène la tête haute à l’issue de ses travaux. Il devra veiller à assurer les libertés individuelles et publiques pour tous, y compris ceux qui ne partagent pas son point de vue. La répression violente n’est pas une solution. L’armée continuera à jouer son rôle en matière de sécurité. Elle a annoncé que le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad ne représentait plus un danger non seulement au Kanem, mais sur l’ensemble du territoire national. Le CMT peut donc quitter la scène la tête haute à la fin de la conférence nationale inclusive.

Quel profil pour le nouveau gouvernement au Mali ? La difficile équation de Moctar Ouane

| Par 
Mis à jour le 17 mai 2021 à 09h09
Le Premier ministre de la transition au Mali, Moctar Ouane (ici en mars 2016 à Alger).


Le Premier ministre de la transition au Mali, Moctar Ouane (ici en mars 2016 à Alger). © REUTERS/Louafi Larbi/File Photo

 

Reconduit à la primature, Moctar Ouane a été chargé de former un nouveau gouvernement. Mais entre les exigences de la classe politique et les revendications des syndicats et de la société civile, l’équation s’avère difficile à résoudre.

La démission du Premier ministre Moctar Ouane a suscité peu de réactions à Bamako. « Ce remaniement n’est pas une victoire du M5, mais c’est la chronique d’une mort annoncée », affirme même à Jeune Afrique Mohamed Aly Bathily, membre du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP). Dix mois mois après la chute d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), et neuf mois après le début officiel d’une transition qui doit, théoriquement, durer 18 mois, le climat politique est particulièrement tendu.

Aux crispations politiques s’est ajouté le retour d’une grogne sociale un temps mise en sourdine. Les autorités de la transition, conscientes de la nécessité de sortir de l’ornière, avaient d’ailleurs tendu la main aux nombreux mécontents. Début mai, à l’initiative du président Bah N’Daw, le Premier ministre Moctar Ouane – qui vient d’être reconduit à son poste après la démission du gouvernement –  avait ainsi entamé une série de rencontres avec les acteurs politiques et de la société civile en vue de renouer le dialogue.

Sortir de la défiance

Le M5 avait alors réclamé, par la voix de Choguel Maïga, président du comité stratégique du mouvement, « la démission du gouvernement » et une « rectification de la transition ». Faut-il voir la démission du gouvernement comme une victoire du mouvement ? Surtout, la composition du futur exécutif correspondra-t-elle aux exigences, nombreuses et divergentes, qui se sont exprimées ces derniers mois ? Le remaniement suffira-t-il pour en finir avec la défiance qui prévaut entre les autorités de la transition et une partie de la classe politique ? 

Un ministre de l’équipe sortante ne fait pas mystère de la volonté qui sous-tend ce remaniement. Cette « phase 2 de la transition » sera, à l’en croire, plus « inclusive », et le gouvernement à venir fera à la fois « plus de place à la classe politique » et aux représentants de la société civile. Dans cette perspective, le M5 ne cache pas son envie de prendre sa part des postes à pourvoir. « Je ne serai pas contre la participation du M5 au gouvernement, confie Mohamed Aly Bathily. Je souhaite que le Mouvement puisse avoir d’autres alternatives, pour faire avancer ses idées, que d’être en permanence dans une stratégie de revendication et de renversement des régimes. »

Au-delà de la seule chasse aux maroquins, Bathily assure que le M5 entend s’impliquer pleinement dans le processus électoral en « veillant à la mise en place d’un système libre et transparent » et en veillant, également, à ce que les enquêtes sur la répression lors des manifestations contre IBK soient menées à leur terme. Autre cheval de bataille du M5 : « Mettre en lumière la corruption sous l’ancien régime ».

                                               Des électrices consultent les listes électorales, le 28 juillet 2013 à Kidal (illustration). © Rebecca Blackwell/AP/SIPA

Du côté du Rassemblement pour le Mali (RPM), l’ancien parti au pouvoir, un retour au gouvernement n’est pas exclu non plus. « Nous œuvrons inlassablement au retour à un mode constitutionnel normal. Le parti a toujours montré sa disponibilité et sa volonté d’aider la transition. Nous restons constants sur cette ligne », assure BaberGano, le secrétaire général du parti.

Mais les huit mois qui viennent, à l’issue desquels la transition doit arriver à son terme, seront compliqués pour l’exécutif. « Le remaniement est une tentative de correction qui tombe tard. On aurait gagné du temps en passant à l’inclusivité plus tôt », regrette Houssein Amion Guindo, leader de la Convergence pour le développement du Mali (Codem). À ce stade, Guindo estime que la seule marge de manœuvre qui subsiste porte sur le chronogramme proposé par le Conseil national de la transition (CNT)

La question de la répartition des postes et du calendrier électoral ne sont pas les seules équations que le futur gouvernement devra résoudre. « Au fil des neuf mois qui viennent de s’écouler, on a clairement constaté la persistance de pratiques anciennes. De la corruption, des détournements de fonds… Le gouvernement de transition aurait dû se saisir de ces dossiers dès le début de son mandat« , constate Boubacar Haïdara, chercheur associé au laboratoire Les Afriques dans le monde (LAM), rattaché à Sciences Po Bordeaux. Pour le politologue, le plan gouvernemental présenté était utopique. Cette feuille de route était celle d’un plan quinquennal, qu’il est impossible de tenir en 18 mois. En ne se focalisant pas sur des points plus précis, le gouvernement s’est, au final, dispersé, sans rien résoudre. »

Apaiser le dialogue social

Autre inconnue pour le gouvernement à venir : la donne sociale. Le climat social, très tendu avant le putsch du 18 août 2020, s’est un temps apaisé dans les premiers mois de la transition. Mais les syndicats n’ont pas tardé à revenir à la charge, remettant sur la table leurs revendications. L’ancien gouvernement n’a pas su les convaincre.

Dans les heures qui ont précédé la démission de Moctar Ouane, le gouvernement sortant a d’ailleurs à nouveau prouvé son incapacité à trouver les voies d’un dialogue social apaisé. Après deux jours d’intenses négociations au cours desquelles l’Union national des travailleurs du Mali (UNTM) et le Conseil national du patronat Mali (CNPM) ont présenté leurs doléances aux ministres du Travail, des Finances, de la Justice et du Commerce, les discussions se sont terminées sans qu’un accord ne soit trouvé.

Sur ce front, comme sur le plan politique, le remaniement pourrait permettre de normaliser les relations entre les autorités et les différentes composantes du corps social. En procédant à ce remaniement, Bah N’Daw et son vice-président Assimi Goïta, jouent aussi la montre car le M5 avait annoncé son intention d’organiser de nouvelles manifestations à partir de la fin du Ramadan. Alors qu’il n’a pas trouvé de terrain d’entente avec le gouvernement quant à l’harmonisation des primes et la revalorisation de la grille salariale, l’UNTM a pour sa part appelé à une grève de quatre jours à partir du 17 mai. L’organisation syndicale menace que celle-ci devienne illimitée si aucun consensus n’est trouvé d’ici le 28 mai. « Avec ce remaniement, les acteurs syndicaux et les membres du M5 vont être dans l’expectative. Certains de leurs membres espèrent en effet y prendre place », souligne Boubacar Haïdara. 

Mauritanie : Biram Dah Abeid en quête de reconnaissance

| Par - à Nouakchott
Biram Dah Abeid dans son appartement de Dakar, le 7 mai 2021.
Biram Dah Abeid dans son appartement de Dakar, le 7 mai 2021. © SYLVAIN CHERKAOUI pour JA

Arrivé deuxième lors de la présidentielle de 2019, le chef de parti veut être reconnu comme leader de l’opposition et demande au président Ghazouani d’agir concrètement contre le racisme et l’esclavage.

Biram Dah Abeid semble serein. Le bouillonnant et charismatique leader de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA-Mauritanie), arrivé deuxième à la présidentielle de 2019, est un homme politique écouté.

Après avoir connu la solitude de la prison et dénoncé dans des discours très virulents, voire clivants, le pouvoir de Mohamed Ould Abdelaziz, il a normalisé ses relations avec le président Mohamed Ould Ghazouani, avec lequel il s’est entretenu à plusieurs reprises, comme les autres opposants.

Assises nationales

Lui aussi n’avait pas anticipé la chute d’Aziz, poursuivi notamment pour s’être enrichi illégalement pendant ses deux mandats. « Cela prouve l’indépendance totale de Ghazouani, dit-il. C’est un coup inédit porté à l’impunité, qui pourra servir d’exemple dans d’autres pays. Mais il faut que les procédures aillent jusqu’au bout. Lorsque le pouvoir déçoit l’espoir qu’il a lui-même suscité, il y perd des plumes. »

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IL CONTINUE DE DEMANDER UNE REFONTE DU SYSTÈME ÉLECTORAL

Avec le chef de l’État, Biram discute notamment des modalités des échanges que le premier souhaite organiser avec l’ensemble de la classe politique. Le député élu en 2018 continue de demander une refonte du système électoral et de défendre avec force ses premiers combats contre l’esclavage et le racisme, pour une gouvernance démocratique et pour une reconnaissance du « passif humanitaire » – disparitions et expulsions de Mauritaniens noirs vers le Sénégal et le Mali entre 1989 et 1991.

Bataille de légitimité

« Il y a des avancées positives avec l’agence Taazour [délégation à la solidarité nationale et à la lutte contre l’exclusion créée par le président], mais elles ne répondent pas aux attentes. Depuis que les militaires ont décrété la démocratie en Mauritanie, ils en ont confisqué beaucoup de piliers. »

Sans relâche, il réclame également la légalisation de son parti Radical pour une action globale, le RAG. « Il est toujours interdit car nous nous ne cautionnons pas la sémantique du pouvoir sur l’esclavage ! » s’emporte-t-il.

Bien qu’il ait coupé les liens avec l’opposition institutionnelle (« ancrée dans la nomenklatura féodale, elle s’est liguée avec le pouvoir contre nous »), il estime être aujourd’hui son véritable chef de file, ayant obtenu 18,59 % des voix à la présidentielle. Or, comme le veut la loi, ce statut revient de droit depuis 2014 aux islamistes de Tawassoul, qui comptent le plus de députés à l’Assemblée nationale.

Conflit avec Bouamatou

En parallèle de cette bataille de légitimité, il a publiquement ouvert un autre front, plus inattendu, contre Mohamed Ould Bouamatou. L’homme d’affaires et le militant politique s’étaient rapprochés en 2016 pour « coordonner la lutte anti-Aziz ». « En 2017, il m’a demandé de me ranger derrière la candidature de Sidi Mohamed Ould Boubacar. Je lui ai répondu de se ranger plutôt derrière la mienne ! »

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JE N’AI D’ORDRES À RECEVOIR DE PERSONNE !

Finalement, le patron de Bouamatou SA (BSA), mécène de plusieurs candidats à la présidentielle, aurait accepté de financer sa campagne, à hauteur de « 140 millions d’anciens ouguiyas » (317 000 euros). « Il a estimé ensuite qu’il pouvait me donner des ordres, mais je n’en ai à recevoir de personne ! Il m’a soutenu, d’accord, mais très peu comparativement aux autres et cela ne fait pas de moi un partisan, ni un associé. » Biram lui a alors tourné le dos, la liberté chevillée au corps.

Burkina Faso: bilan positif de la campagne cotonnière écoulée

Cueillette de coton à Ouagadougou, au Burkina Faso (image d'illustration).
Cueillette de coton à Ouagadougou, au Burkina Faso (image d'illustration). ©PATRICK HERTZOG/AFP

Au Burkina Faso, même si le pays a perdu sa première place de producteur de coton en Afrique, la production a connu une augmentation. La production totale de la campagne 2020/2021 s’établit à 492 613 tonnes de coton graine, alors qu’elle était de 460 114 tonnes lors de la campagne précédente. Le pays reste à la troisième place derrière la Côte d’Ivoire et le Bénin.  

Pour la campagne à venir, l’association inter professionnelle du coton du Burkina maintient le prix des intrants agricoles au même niveau que la campagne écoulée, mais procède à une hausse du prix d’achat au producteur. L’objectif : atteindre  629 500 tonnes de coton graine en 2022.

Le Burkina Faso arrive derrière la Côte et le Bénin à l’issue de la campagne cotonnière 2020/2021, avec une production de 492 613 tonnes de coton graine. « Le volume de la production du coton conventionnel à l’échelle nationale est de 491 040 tonnes. Il y a le coton biologique et équitable, dont la production est de 1 573 tonnes de coton graine », explique Louis Ye, le secrétaire général de l’association interprofessionnelle du coton du Burkina (AICB). 

L’objectif initial qui était de 550 000 tonnes de coton graine n’est pas atteint. Cela s’explique par la mauvaise pluviométrie, mais surtout les conséquences des mesures anti-Covid-19 qui ont entrainé des difficultés dans l’approvisionnement des producteurs en intrants agricoles. La situation sécuritaire a fortement perturbé la campagne également, surtout dans la région de l’Est où la production a chuté de 70%, selon Ali Compaoré, le directeur général de la société cotonnière du Gourma.

« Nous étions à 115 000 tonnes et la campagne qui s’achève, l’Est ne va récolter que 36 000 tonnes de coton. Avant la survenue de l’insécurité, sur les 115 000 tonnes que l’Est avait produites, nous avions reversé 17 milliards de francs CFA à l’ensemble des producteurs de l’Est. Si je prends l’exemple de cette année où nous récoltons que 36 000 tonnes, nous reversons seulement 4,2 milliards de francs CFA », détaille-t-il.   

Pour la prochaine campagne, les sociétés cotonnières annoncent une batterie de mesures afin de booster la production et atteindre 629 500 tonnes. « Du prix d’achat plancher du coton graine conventionnel pour la campagne 2021/2022, le coton graine premier choix : 270 francs CFA le kilo ; deuxième choix : 245 francs CFA le kilo. Ce niveau de prix planchers représente une hausse de 13% par rapport à la campagne précédente », affirme Louis Ye.  

Face à la fronde de certains producteurs, qui a entraîné une crise dans la filière, les responsables ont décidé également de faire le ménage. « L’effet de l’assainissement permet aux producteurs qui veulent vraiment travailler, de se sentir rassurés. Nous sommes dans une logique économique, et il faut que les producteurs qui travaillent puissent bénéficier de leur argent », justifie Wilfrid Yameogo, le directeur de la société des fibres textiles, la première société cotonnière du pays.

Pour la prochaine campagne, les sociétés cotonnières ont bénéficié d’une subvention de 12 milliards de francs CFA de la part du gouvernement. Ce qui va entraîner une baisse du coût d’achat des intrants.

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Côte d’Ivoire, Togo, Mali… Ce que la BIDC va faire concrètement des 50 milliards de F CFA mobilisés

| Par 
Unité de transformation du Cacao dans l’usine de Choco Ivoire à San Pedro, dans le sud-ouest de la Côte d’Ivoire. Mars 2016.

 Unité de transformation du Cacao dans l'usine de Choco Ivoire à San Pedro, dans le sud-ouest de la Côte d'Ivoire. Mars 2016. © Jacques Torregano pour JA

Jeune Afrique décrypte le nouveau programme d’investissements de la banque de développement ouest-africaine.

La Banque d’investissement et de développement de la CEDEAO (BIDC), bras financier de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) est retournée le 10 mai sur le marché financier de l’UEMOA. Pour sa quatrième incursion sur la place financière sous-régionale (après 2014, 2017 et 2019), l’institution dirigée depuis février par le Ghanéen George Agyekum Nana Donkor mobilise 50 milliards de CFA, à 6,5% pour une maturité de sept ans dont deux ans de différé sur le remboursement du capital.

Les fonds mobilisés permettront à la banque de financer des projets dans sept pays de l’UEMOA à hauteur de 22 milliards de F CFA pour des initiatives menées par le secteur privé et de 34 milliards de F CFA par les États de l’Union.

Dix-neuf projets déjà identifiés

Parmi ces initiatives, on recense des projets dans l’agroalimentaire : la construction et l’exploitation d’une minoterie à Cotonou (1 milliard de F CFA), celle d’une usine de transformation de cacao (pâte, beurre, tourteaux et poudre de cacao) en Côte d’Ivoire (2,4 milliards), l’accompagnement du projet d’appui au développement agricole au Togo (1 milliard).

D’autres projets concernent les infrastructures : la réhabilitation des aménagements hydroélectriques de Selingue et de Sotuba au Mali (1,3 milliard), la construction de 5 000 pompes solaires et kits de stockages pour les zones rurales en Côte d’Ivoire (7,2 milliards) ainsi que l’acquisition, toujours dans ce pays, de deux aéronefs (8,5 milliards). De même, 3,4 milliards de F CFA seront alloués à la construction d’un pont de liaison entre la gare TER de Dakar et l’Aéroport international Blaise-Diagne, près de la capitale sénégalaise.

« Le financement de ces projets contribuera non seulement à la reprise de l’économie mais également à la création d’emploi, au renforcement de la sécurité alimentaire, à la lutte contre la pauvreté et au soutien des PME à travers des institutions financières », explique la BIDC.

Pour cette nouvelle excursion sur la marché régional, la banque de développement a choisi un trio d’institutions financières : Impaxis, arrangeur principal et chef de file, Coris Bourse, co-arrangeur et co-chef de file et EDC Investment Corporation (EIC, membre du groupe Ecobank) également co-chef de file pour mobiliser ces fonds. Ils interviennent dans un programme d’emprunts obligataires de 240 milliards de F CFA sur la période 2021-22.

Un portefeuille de 124 prêts en cours

La BIDC détenait à la fin l’année 2020 un portefeuille de crédits de 124 dossiers de prêts (118 en 2019), pour un cumul de financements approuvés et éligibles aux décaissements de 890 milliards F CFA (+6,9% sur un an).

Le Bénin (15,6%), le Mali (13,6%) et la Côte d’Ivoire (13,3%) sont les premiers bénéficiaires du portefeuille de financements de la BIDC. Le secteur public représente 69,3% des engagements contre 30,7% pour le secteur privé.

En 2020, la Banque a enregistré un produit net bancaire de 13,63 milliards de F CFA (-16,7%), pour un bénéfice de 2,16 milliards de F CFA (-33,5%).