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La Côte d’Ivoire prépare des législatives indécises

Le siège de l'Assemblée nationale à Abidjan, en Côte d'Ivoire.  (Image d'illustration)
Le siège de l'Assemblée nationale à Abidjan, en Côte d'Ivoire. (Image d'illustration) Wikimedia
7 mn

La campagne officielle pour les élections législatives de samedi 6 mars prend fin jeudi soir en Côte d’Ivoire. Ce scrutin intervient quatre mois après la présidentielle qui a vu Alassane Ouattara obtenir un troisième mandat controversé, en l’absence de la quasi-totalité de l’opposition qui avait choisi de boycotter, et dans une ambiance tendue, puisque 85 personnes au moins ont perdu la vie dans des violences.

De notre envoyé spécial,

Depuis le 31 octobre, la scène politique ivoirienne a grandement évolué, à tel point que ces législatives s’annoncent indécises, car cette fois les opposants ont choisi de redescendre dans l’arène électorale, et même de participer massivement. Les électeurs auront le choix entre près de 1 500 candidatures validées par la Commission électorale, pour conquérir les 255 sièges de l’Assemblée.

Le PDCI, l’ex-parti unique, est bien là, tout comme le FPI-légal, le COJEP, l’UDPCI, et de multiples indépendants… et pour la première fois depuis la crise post-électorale de 2010-2011, ceux qu’on appelle les FPI-GOR, les « Gbagbo ou rien », sous les couleurs de la plate-forme EDS.

► À lire aussi : La Côte d’Ivoire entre en campagne électorale pour ses législatives

Le sociologue Fahiraman Rodrigue Koné estime que quatre mois après avoir boudé la présidentielle, les opposants ont changé de stratégie après avoir acté leur échec : « La stratégie de la chaise vide a finalement montré qu’il y avait beaucoup plus de conséquences à ne pas participer aux élections. Donc, il est très important pour les opposants de continuer à se repositionner, au risque de perdre la réalité du terrain et également à diminuer ses forces dans le jeu de pouvoir avec le RHDP ».

Le PDCI et EDS font même alliance pour ce scrutin, contre le RHDP d’Alassane Ouattara. Dans la plupart des circonscriptions où l’on vote au scrutin uninominal, c’est-à-dire pour une seule personne, un accord de désistement a été trouvé. Chacun laisse l’autre présenter ses candidats dans ses fiefs. Pour schématiser, le centre pour le PDCI, l’ouest pour les pro-Gbagbo. Mais dans une dizaine d’entre elles, chacun est resté campé sur ses positions, comme à Gagnoa, une sous-préfecture. 

Reportage : à Gagnoa, l'opposition à couteaux tirés

Dans les trente-six circonscriptions qui élisent plusieurs députés, et où l’on vote donc pour une liste, on part sous des couleurs communes. Par exemple à Yopougon, la circonscription la plus peuplée d’Abidjan : on trouve sur la même liste Michel Gbagbo, le fils de l’ex-président et Augustin Dia Houphouët, petit-fils du père de l’indépendance et membre du PDCI. Cette liste est conduite par Georges-Armand Ouegnin, le leader d’EDS, qui expliquait la stratégie la semaine dernière sur notre antenne : « Nous visons la majorité absolue, nous allons aux élections pour gagner le Parlement. Il n’est pas question pour nous de faire de la figuration. Il faut que ceux qui nous gouvernent sachent que nous sommes là, que nous existons, nous allons marquer notre présence sur l’échiquier politique. »

► À lire aussi :Côte d'Ivoire: Yopougon, enjeu majeur des législatives 

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Alors EDS et le PDCI peuvent-ils contraindre le président Alassane Ouattara à une cohabitation ? Celui-ci, en tout cas, ne compte pas se laisser faire. Une trentaine de ministres et de cadres du régime sont ainsi candidats. Le chef de l’État leur a assigné un objectif ambitieux : « Je souhaite que nous puissions renforcer cette majorité que nous avons déjà », a-t-il déclaré lors du lancement de la campagne du RHDP, c’est-à-dire faire mieux que les 167 sièges actuellement occupés sur 255.

Pour le politologue Sylvain N’Guessan, ce ne sera pas si simple : « Au regard du taux de participation de la présidentielle, en dehors des localités du nord, ça m’étonnerait que le RHDP puisse écraser l’opposition dans le centre, l’est, l’ouest et le sud. N’empêche, avec le nord acquis à sa cause, le RHDP pourrait sortir largement vainqueur, mais ne pourrait pas écraser l’opposition dans la partie sud de la Côte d'Ivoire. »

Et puis il y a un autre caillou dans la chaussure de l’alliance PDCI-EDS, c’est qu’elle n’a pas réussi à faire l’union de l’opposition. Fâchées de leur boulimie de candidatures, les autres formations ont claqué la porte et trouvé leur propre accord : la branche légale du FPI menée par Pascal Affi N’Guessan, l’UDPCI d’Albert Toikeusse Mabri, l’URD de Danièle Boni Claverie ou encore le COJEP de Charles Blé Goudé, soutiennent une centaine de candidats communs, ce qui accentue la possibilité de dispersion des voix, dans un scrutin à un tour. Sans oublier les indépendants qui, localement, joueront les trouble-fête.

Reste l’incertitude de la participation. La présence de toutes les familles politiques à ce scrutin fera-t-elle revenir les électeurs dans les urnes ? C’est le pari de l’opposition, mais cela reste à prouver, dans un contexte encore tendu et alors que nombre d’Ivoiriens s’impatientent d’un renouvellement de leur classe politique.

► À lire aussi : Législatives en Côte d’Ivoire: tour d'horizon des forces en présence

Covid-19: aidé par le programme Covax, le Mali a reçu ses premières doses de vaccin

Bah N'Daw, le président de transition du Mali, le 25 septembre 2020. (illustration)
Bah N'Daw, le président de transition du Mali, le 25 septembre 2020. (illustration) AP
Texte par :RFISuivre
3 mn

Le Mali a reçu, vendredi 5 mars, 396 000 doses de vaccin Oxford-AstraZeneca à l'aéroport de Bamako. Un premier lot sur plus de 1.4 million doses attendues d'ici fin mai 2021 grâce à Covax, un dispositif créé par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) au bénéfice des pays les plus démunis, pour un accès à des vaccins sûrs et efficaces.

Avec notre correspondant à Bamako, Kaourou Magassa

Sur le tarmac de l’aéroport de Bamako, le président de la transition, Bah N'Daw, le Premier ministre, Moctar Ouane, et la ministre de la Santé, Fanta Siby, tous trois accompagnés de nombreux diplomates, ont fait acte de présence pour la réception du premier lot de vaccins contre le Covid-19, ce vendredi 5 mars. Tout un symbole. Ces 396 000 premières doses seront inoculées par les services d’Ousmane Dembélé, directeur général de la Santé et de l’hygiène public.

« Au niveau de nos structures, nous avons défini des cibles. La première cible, ce sont les personnels de santé. La deuxième cible, ce sont les personnes vivant avec une comorbidité : diabète, hypertension, goutte... La troisième cible, ce serait les personnes de plus de 60 ans », explique-t-il.

Des équipes mobiles prévues pour couvrir la totalité du Mali

Une stratégie motivée par une quantité limitée de vaccins disponibles pour l’heure. À raison de deux doses par personne pour une efficacité optimale du vaccin Oxford-AstraZeneca, cette première livraison couvre 1% de la population malienne. À terme, et dans l’attente de nouveaux arrivages, le plan prévoit 610 équipes mobiles en plus des vaccinations dans les centres de santé, pour couvrir la totalité du pays selon Sylvie Fouet, représentante de l’Unicef au Mali qui appuie le processus.

« La personne ne peut pas forcément venir à un point de vaccination, mais la vaccination vient à la personne, avec les agents communautaires qui jouent un rôle extrêmement important, puisque le territoire a des défis en terme d’accès et de déplacement de populations », détaille Sylvie Fouet.

Au 6 mars, le Mali comptabilise 8 509 cas identifiés de Covid-19, dont 6435 guérisons et 358 décès, selon l'université John-Hopkins.

[Édito] Bénin : la démocratie selon Patrice Talon

RÉSERVÉ AUX ABONNÉS | |
Mis à jour le 02 mars 2021 à 18h17

Par  François Soudan

Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.

Patrice Talon à son domicile a Cotonou lors d’une interview accordée a Jeune Afrique, le 9 septembre 2020

Faut-il voir dans l’absence des principaux leaders de l’opposition à l’élection du 11 avril le symptôme d’une régression démocratique ? Fort de son bilan, Patrice Talon assume une forme de recul, destiné à éradiquer le mal qui ronge la classe politicienne depuis trois décennies.

À six semaines d’une élection présidentielle atypique, à laquelle les principaux leaders de l’opposition ne participent pas et en laquelle nombre d’observateurs croient discerner la preuve d’une « régression démocratique » du Bénin sur fond de « dérive autoritaire » du pouvoir, la question de savoir comment (et pourquoi) on en est arrivé là est plus que jamais à l’ordre du jour.

Jusqu’à la révision, fin 2019, de la Constitution de décembre 1990, le Bénin comptait pas moins de 278 partis et alliances de partis (soit le double de ceux enregistrés au Sénégal et quinze fois plus qu’au Togo voisin) – ce qui, au regard de sa population (11,5 millions d’habitants), aurait pu lui valoir de figurer dans le Livre Guinness des records. Une liste de 120 membres fondateurs suffisait pour créer un parti, seule une poignée d’entre eux justifiant de la tenue d’un congrès et de comptes transparents.

Les parrainages de la discorde

Résultat : une collection hétéroclite et pagailleuse de clubs d’intérêts, souvent claniques, voire familiaux, la plupart suscités pour obtenir des financements publics et induisant une Assemblée nationale – au sein de laquelle 50 d’entre eux étaient représentés pour 83 députés – aussi émiettée qu’ingérable et improductive.

Afin de mettre un terme aux majorités de circonstance à géométrie variable, tout en rationalisant un calendrier électoral chronophage et budgétivore au point que les électeurs béninois étaient appelés aux urnes en moyenne tous les 18 mois, Patrice Talon a donc fait adopter une révision constitutionnelle aux termes de laquelle le nombre de membres fondateurs d’un parti passe de 120 à 1 555 à raison de 15 par commune, seules les formations bénéficiant d’un taux de représentativité de 10 % au plan national pouvant prétendre participer à la répartition des sièges lors des élections législatives et communales.

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LE PROBLÈME N’EST PAS LE SYSTÈME DES PARRAINAGES EN TANT QUE TEL MAIS LE FAIT QUE L’OPPOSITION N’A PLUS AUCUN DÉPUTÉ

Dernière pierre à cet édifice juridique d’assainissement et de clarification du maquis politique béninois : l’obligation pour un candidat à l’élection présidentielle de justifier de 16 parrainages de maires ou de députés, soit 10 % des élus. C’est sur ce dernier point que s’est noué le contentieux qui impacte, vu de l’extérieur, la lisibilité du scrutin du 11 avril prochain.

Le problème n’est évidemment pas le système des parrainages en tant que tel – obligatoire en France pour tout candidat à la présidentielle depuis un demi-siècle, avec des clauses de représentativité nationale plus restrictives qu’au Bénin – mais le fait que l’opposition, à la suite du boycott des législatives d’avril 2019, n’a plus aucun député et par ailleurs pas assez de maires élus lors des communales de 2020 (six seulement).

La seule possibilité pour obtenir les seize parrainages était donc d’aller piocher dans les rangs de la majorité présidentielle, la loi béninoise autorisant ce type de braconnage, tout comme la française d’ailleurs – ce qui a permis à un certain Jean-Marie Le Pen d’être candidat à cinq reprises.

Querelles d’ego

Mais encore aurait-il fallu pour y parvenir que les deux formations les plus significatives de l’opposition béninoise évitent de se disperser et s’accordent sur un candidat unique. Or les Démocrates et le Front pour la restauration de la démocratie (FRD) se sont déchirés tout en hésitant, jusqu’à 72 heures de l’ouverture du dépôt des candidatures, sur leur participation effective au scrutin et la validité même – pour ne pas dire l’honorabilité – d’une démarche qui les contraignait à solliciter le parrainage de leurs adversaires politiques un peu comme on se rend à Canossa.

À cela s’est ajouté l’inclusion au sein du ticket des Démocrates d’une candidate clivante, Reckya Madougou, certes ancienne ministre de Thomas Boni Yayi mais aussi proche collaboratrice d’un chef d’État étranger (le Togolais Faure Essozimna Gnassingbé) et fraîchement inscrite sur les listes électorales, ainsi que l’éclosion de deux candidatures issues de cette même opposition. Le fait que ces dernières (Alassane Soumanou et Corentin Kohoué) aient, elles, obtenu sans difficultés apparentes les parrainages nécessaires, signifie-t-il que le système relevait de la « supercherie » comme le dénoncent les recalés Joël Aïvo et Reckya Madougou ?

Outre le fait qu’au Bénin comme partout ailleurs la politique n’est pas un monde de bisounours – il ne fallait certes pas s’attendre à ce que Patrice Talon facilite la tâche à ses adversaires les plus déterminés – Démocrates et Frontistes ont en définitive payé cash leur incapacité à surmonter le mal qui ronge la classe politicienne béninoise depuis trois décennies : les querelles d’ego. La présidentielle du 11 avril se fera donc sans eux.

Sacrifices et performances

Reste la question de fond posée par cet épisode pré-électoral : est-ce là le symptôme d’une régression démocratique ? Dans le long entretien qu’il a accordé à Jeune Afrique en septembre dernier à Cotonou, Patrice Talon a semblé assumer, voire revendiquer, une forme de recul qui l’a conduit à « recadrer » l’exercice du droit de grève, le code du numérique et – on l’a vu – les règles de représentativité des partis politiques.

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SI TALON PEUT SE PERMETTRE CET ACCÈS DE FRANCHISE, C’EST PARCE QUE L’AUTRE FACE DE LA MÉDAILLE EST FLATTEUSE POUR LUI

« On peut dire que nous avons renoncé à certains de nos acquis », reconnaissait-il, avant d’ajouter : « Mais, quand ces acquis sont nuisibles, il faut faire un choix. Se remettre au travail signifie parfois faire le sacrifice de jours de congé. » À l’entendre, c’est d’ailleurs dans un objectif d’exemplarité, tant vis-à-vis d’une justice contaminée par « les miasmes de la corruption » que vis-à-vis des citoyens à qui il convient de démontrer que « nul n’est à l’abri de la reddition des comptes », qu’a été établie la redoutée Criet (Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme), qui a lourdement condamné l’homme d’affaires Sébastien Ajavon et l’ancien ministre Komi Koutché, tous deux réfugiés à l’étranger.

Si Patrice Talon peut se permettre cet accès de franchise assez peu commun pour un chef d’État, c’est parce qu’il sait que l’autre face de la médaille est flatteuse pour lui. Sous son leadership, l’économie béninoise est devenue l’une des plus performantes d’Afrique subsaharienne, faisant réussir au pays un « frog jump » remarqué dans la catégorie des revenus intermédiaires.

L’indice de développement humain (IDH) est désormais supérieur à celui de tous les autres pays francophones d’Afrique de l’Ouest et l’aboutissement des deux émissions d’eurobonds émises par le Bénin (un milliard d’euros au total, la dernière en pleine pandémie de Covid-19) démontre que les banquiers internationaux ont confiance dans les capacités de bonne gouvernance d’une équipe dirigeante qui table crânement sur une croissance de 6 % en 2021.

Ces performances, dont la traduction en matière d’indicateurs sociaux est palpable, compenseront-elles les « jours de congé » dont Patrice Talon demande le sacrifice à ses concitoyens ? C’est tout l’enjeu du 11 avril.

Tchad : ce que les autorités reprochent à l’opposant Yaya Dillo Djerou 

| Par 
Mis à jour le 01 mars 2021 à 14h38
L’ancien chef rebelle tchadien Yaya Dillo Djerou à N’Djamena, le 10 novembre 2007.

L'ancien chef rebelle tchadien Yaya Dillo Djerou à N'Djamena, le 10 novembre 2007. © THOMAS COEX/AFP

Le domicile de Yaya Diallo Djerou était encore encerclé par les forces de l’ordre tchadiennes le matin du lundi 1er mars. Une tentative d’arrestation de l’opposant y a fait au moins deux morts la veille. 

Selon les autorités tchadiennes, au moins deux personnes ont été tuées et cinq autres blessées dimanche 28 janvier à N’Djamena, dans des échanges de tirs au cours d’une tentative d’interpellation au domicile de l’opposant et ancien ministre Yaya Dillo Djerou.

« Il y a eu deux morts et cinq blessés dont trois parmi les forces de l’ordre, a indiqué Chérif Mahamat Zene, porte-parole du gouvernement. Les forces de défense et de sécurité […] ayant essuyé des tirs d’armes », elles « n’ont pas eu d’autre choix que de riposter ».

« Le gouvernement condamne avec la dernière énergie cette rébellion armée au cœur de la capitale, qui n’est qu’une tentative de déstabilisation des institutions de l’État fomentée de longue date », a accusé le porte-parole.

Confrontation avec Hinda Déby Itno…

« Ils viennent de tuer ma mère et plusieurs de mes parents », a quant à lui affirmé Yaya Dillo Djerou, qui s’est déclaré candidat à l’élection présidentielle du 11 avril. « Un blindé a enfoncé ma porte principale. La lutte pour la justice doit continuer pour sauver notre pays. […] Mes chers compatriotes, levons-nous ! » a-t-il ajouté dimanche 28 février dans la soirée.

Yaya Dillo Djerou est sous le coup de deux mandats d’arrêt à la suite d’une plainte déposée en mai 2020 par la première dame, Hinda Déby Itno, et sa fondation Grand Cœur pour diffamation et injures. L’opposant avait dénoncé sur les réseaux sociaux une convention signée entre Grand Cœur et le gouvernement dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de coronavirus.

Ancien ministre des Mines et de l’Énergie et ex-conseiller à la présidence de la République, il avait parlé de « conflit d’intérêts » à propos de cet accord dans une vidéo qui était par la suite devenue virale. Selon Dillo Djerou, la fondation s’attribue de façon abusive les prérogatives de certains ministères, notamment dans les secteurs de la santé et de l’éducation.

… et candidature à la présidentielle

À la suite de cette plainte, l’ancien conseiller du président avait été suspendu, le 11 mai 2020, de ses fonctions de représentant tchadien à la Commission économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) pour « manque de neutralité et violation du droit de réserve ». Sous la pression de N’Djamena, et notamment de la vice-présidente de la Commission, Fatima Haram Acyl, sœur d’Hinda Déby Itno, il en avait été licencié le 6 juillet.

Selon nos informations, plusieurs convocations ont été émises depuis mai 2020 par la justice tchadienne pour entendre Yaya Dillo Djerou, lequel ne s’est pas présenté, mettant en avant jusque début juillet l’immunité que lui conférait son rôle au sein de la Cemac.

La police a aussi tenté de se présenter à son domicile à au moins deux reprises, mais a rebroussé chemin face aux partisans présents sur les lieux.

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INTERROGÉ EN PLACE PUBLIQUE DEVANT UNE FOULE DE SPECTATEURS FILMANT LA SCÈNE

L’ancien ministre a toutefois été entendu début juillet par des agents de la police judiciaire, lors d’un séjour privé dans son village d’Iriba, dans la province de Wadi Fira (frontalière avec le Soudan). Une scène étonnante puisque l’ancien rebelle du Socle pour le changement, l’unité et la démocratie (Scud), rallié en 2007 à Idriss Déby Itno, y a été interrogé en place publique devant une foule de spectateurs filmant la scène.

« De la barbarie pure et simple », selon Saleh Kebzabo

Le 26 février, Yaya Dillo Djerou avait déposé son dossier de candidature pour la présidentielle du 11 avril prochain, lors de laquelle le président Idriss Déby Itno briguera un sixième mandat. Il avait été désigné mi-février par le Parti socialiste sans frontières (PSF), à l’issue d’un congrès extraordinaire organisé sur le thème « L’heure du changement a sonné ».

Ce 1er mars, Saleh Kebzabo, autre opposant ayant déclaré sa candidature à la magistrature suprême, a annoncé suspendre sa participation au processus électoral. Il a qualifié les événements au domicile de Yaya Dillo Djerou de « barbarie pure et simple » de la part de « dirigeants indignes ». Succès Masra, autre prétendant ayant déposé son dossier de candidature pour la présidentielle, a réclamé la démission d’Idriss Déby Itno.

[Tribune] L’Afrique peut encore réussir sa transformation numérique

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Par  Faten Aggad

Conseillère en négociations internationales

Service après vente de Jumia, à Lagos, en janvier 2020

Service après vente de Jumia, à Lagos, en janvier 2020 © Temilade Adelaja/REUTERS

 

La pandémie de Covid-19 le confirme : en matière de transformation numérique, l’Afrique est en retard. Au centre d’une guerre d’influence entre Chine et Occident, elle doit faire primer ses intérêts.

En 2020, la crise sanitaire liée au Covid-19 a révélé au grand jour les lacunes du continent en matière de transformation numérique et la nécessité d’y remédier. Malgré des progrès tels que l’extension spatiale des réseaux, le continent est à la traîne dans ce domaine et reste au centre de guerres d’influence technologique et géopolitique entre Occidentaux et Asiatiques.

Bras de fer

Bien que les données fiables soient rares, on estime que 70 % de l’infrastructure 4G africaine est reliée à la technologie Huawei. Il semble dès lors plus avantageux pour les pays africains de bâtir l’infrastructure 5G sur celle de cette 4G déjà existante – ce qui, de fait, consolide leurs liens avec le groupe chinois. Mais les sanctions prises par l’ancien président américain Donald Trump à l’égard de Huawei a mis un frein aux plans de plusieurs grands fournisseurs internet à travers le continent africain.

À titre d’exemple, Safaricom, la plus grande compagnie de télécommunication d’Afrique de l’Est, a annoncé début janvier qu’elle suspendait le déploiement de la 5G au Kenya, arguant d’un changement de stratégie. De grandes entreprises de télécommunications africaines ayant des liens financiers avec des pays occidentaux comme le Royaume-Uni ont également cherché à diversifier leurs partenariats.

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SI BIDEN POURSUIT LE BRAS DE FER ENGAGÉ PAR TRUMP AVEC LA CHINE, L’AFRIQUE VA CONTINUER À EN PÂTIR

Si Huawei reste aujourd’hui premier sur le continent, la pression internationale que le groupe subit et ses effets sur la vitesse de conversion des pays africains à la 5G ont conduit certains dirigeants à réagir ouvertement. C’est le cas du président sud-africain Cyril Ramaphosa, qui s’est clairement inquiété du fait que l’économie de son pays soit freinée par la lutte entre les États-Unis et la Chine. Si l’administration Biden devait poursuivre le bras de fer engagé par Trump, les pays africains continueraient à en pâtir.

En quête d’alliances

Et en matière de transformation numérique, les infrastructures physiques ne représentent que la partie émergée de l’iceberg. L’utilisation des données et les normes sont tout aussi capitales. L’Union européenne l’a tant et si bien compris que la « souveraineté numérique » est pour elle un sujet majeur, avec un triple questionnement : qui fabrique les matériels et construit l’infrastructure ? Qui contrôle les données, au regard de la montée en puissance des objets et de l’intelligence artificielle (IA) ? Qui établit les normes ?

Pour reprendre les termes du Conseil européen pour les relations internationales : « Les arbitres ne gagnent pas la partie ». L’UE a compris qu’elle devait fixer les règles.

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L’AFRIQUE PEUT SE FAIRE ENTENDRE DANS LE DÉBAT MONDIAL. SI SES DIRIGEANTS COMPRENNENT L’IMPORTANCE DE L’ENJEU

Dans cette perspective, elle voit en Joe Biden un allié potentiel. Au printemps 2020, évoquant les technologies 5G et l’IA, le nouveau locataire de la Maison-Blanche avait plaidé pour une alliance plus forte entre les États-Unis et ses « alliés démocratiques » pour éviter que « les règles de l’ère numérique [soient] écrites par la Chine et la Russie ». Peu de temps après son élection, l’UE a proposé la création d’un « Conseil commercial et technologique UE-États-Unis » pour contrer la montée en puissance de la Chine dans le domaine du numérique.

Depuis un certain temps déjà, l’UE lorgne aussi vers le Sud, vers l’Afrique notamment. Les tentatives pour bâtir une « alliance numérique » avec le continent font partie de sa stratégie, pour « le développement des normes numériques et leur promotion au niveau international » au sein d’un « nouveau partenariat pour l’économie numérique Afrique-Europe ».

Voix africaine

La Chine a également rejoint la course au contrôle de l’économie numérique en annonçant une « initiative mondiale de sécurité des données » en septembre 2020. Les détails n’ont pas été rendus publics, mais celle-ci vise à fixer les règles au niveau multilatéral. Le choix de ces standards dictera le choix de l’infrastructure, y compris l’infrastructure de téléphonie, et même l’offre des téléphones portables disponibles sur le marché africain.

Aussi, les lois régissant l’usage des données numériques devront protéger la population, les processus politiques. Elles devront aussi être ancrées au sein du projet économique dans lequel le continent s’est lancé : la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) et, surtout, son protocole relatif au commerce électronique.

L’articulation d’une politique de transformation numérique qui regroupe les trois piliers (standards, infrastructure et gestion de données) est primordiale. Les pays africains doivent faire des choix prenant effectivement en compte leurs intérêts. Cela suppose de trouver le juste équilibre entre l’accessibilité financière à la technologie, les critères de qualité et les règles de gouvernance d’internet. L’action et l’articulation d’une voix africaine dans le débat mondial est encore possible. À condition que les dirigeants comprennent l’importance de l’enjeu.