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Burkina : pourquoi Yacouba Isaac Zida a rejoint la majorité

| Par - à Ouagadougou
Yacouba Isaac Zida à Montréal, en juin 2019

Yacouba Isaac Zida à Montréal, en juin 2019 © David Himbert pour JA

Après avoir réalisé un score décevant à la présidentielle de 2020, Yacouba Isaac Zida, toujours en exil au Canada, s’est résolu à rejoindre la majorité présidentielle. Un ralliement qui surprend et interroge.

Réélu pour un second mandat en novembre, le président Roch Marc Christian Kaboré continue d’enregistrer de nouveaux ralliements. Après l’Union pour le changement (UPC) de Zéphirin Diabré, qui été promu ministre d’État à la Réconciliation, et la Nouvelle alliance du Faso (NAFA) de l’ancien ministre des Affaires étrangères Djibril Bassolé, actuellement soigné à Paris, c’est au tour du Mouvement patriotique pour le salut (MPS), le parti de l’ancien Premier ministre de la transition, Yacouba Isaac Zida, de poser ses valises au sein de la famille présidentielle.

« Le MPS fait le difficile mais nécessaire pari de la réconciliation, convaincu que des relations positives plutôt que négatives peuvent créer une atmosphère plus propice à l’édification d’un Burkina meilleur, qui se trouve au cœur de son projet politique. C’est pourquoi il a souverainement décidé d’adhérer à la majorité », indique l’état-major du parti dans une déclaration parvenue aux médias locaux.

Farouche opposant

Un ralliement aussi inattendu que surprenant, tant Yacouba Isaac Zida, candidat malheureux à la présidentielle de 2020 et toujours en exil, et son parti, actuellement dirigé par le constitutionnaliste Augustin Loada, étaient jusque-là virulents sur la gestion « décevante » du président, en particulier sur le front sécuritaire.

En janvier 2016, après la fin de la période de transition politique, Zida avait rejoint sa famille au Canada. Un mois plus tard, il avait été radié des effectifs des forces armées pour « désertion en temps de paix » et « insubordination » par Roch Marc Christian Kaboré. L’opposant est également visé par une procédure devant le tribunal militaire.

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SON RETOURNEMENT DE VESTE VA-T-IL SIGNER LA FIN DES ATTAQUES CONTRE KABORÉ ? RIEN N’EST MOINS SÛR

Mais le MPS a appelé solennellement son président d’honneur à adhérer au processus de réconciliation nationale enclenché par le chef de l’État et son gouvernement. Et l’intéressé a rapidement répondu sur les réseaux sociaux, saluant un « courageux choix politique ». « Je m’inscris dans cette logique de la réconciliation nationale et de la cohésion sociale, a-t-il expliqué. Nous devons ensemble relever le défi car la grandeur d’un peuple réside en sa capacité à transcender ses divergences pour bâtir une nation forte. »

Une manigance en vue de 2025 ?

Son retournement de veste va-t-il signer la fin des attaques contre Kaboré ? Rien n’est moins sûr. Certains analystes burkinabè y voient une manoeuvre du clan Zida dans la perspective de la présidentielle de 2025. « Zida est déjà dans l’optique des prochaines élections. Au départ, il voulait un accord avec le MPP [Mouvement du peuple pour le progrès, au pouvoir] mais celui-ci n’a pas accepté, glisse une source gouvernementale. Cela a provoqué des divisions au sein du MPS et le départ de Fousséni Ouédraogo, l’ex-bras droit du Premier ministre sous la transition. Zida et le MPS se rallient par dépit parce qu’ils voient que l’opinion a besoin de solutions plutôt que de promesses et de contestation systématique. »

Alors que l’opposition semble réduite à sa portion congrue autour du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) de l’ex-président Blaise Compaoré, en exil à Abidjan depuis sa chute en octobre 2014, l’artiste et porte-parole du Balai citoyen, Serge Martin Bambara, alias Smockey, fait part de son incompréhension : « C’est déplorable de voir tout le monde courir vers la majorité. Cela affaiblit l’opposition et le contre-pouvoir ». Et de réaffirmer : « Dans ce contexte de ralliements tous azimuts à la majorité présidentielle, la veille citoyenne devient plus importante qu’elle ne l’a jamais été. »

Ce que Charles Kié prévoit pour son nouveau fonds avec SouthBridge

| Par 
Mis à jour le 08 mars 2021 à 11h50
Charles Kié.
Charles Kié. © Andy Tyler

Afrique de l’Ouest, fonds souverains, prévoyance… Le financier ivoirien dévoile pour Jeune Afrique les détails de sa coentreprise avec SouthBridge Investments, lancée le 1er mars.

Charles Kié, Paulo Gomes, Frannie Léautier, Lionel Zinsou, Donald Kaberuka, Andrew Alli… Derrière la succession de noms  leaders de la finance africaine , une même ambition : « contribuer à l’émergence d’un secteur financier fort, contrôlé par des Africains ou par des capitaux africains. »

C’est sur la base de cet objectif commun qu’a été lancée SBNA, coentreprise entre la branche investissements du groupe SouthBridge (SouthBridge Investments) et New African Capital Partners (NACP), fondé par l’ancien manager à Ecobank, Banque Atlantique ou encore AFC, avec Paulo Gomes, ex-ministre des Finances bissau-guinéen.

Et c’est aussi en raison d’un fort lien de confiance scellé entre les partenaires qui se côtoient depuis plusieurs années dans le « petit » milieu des affaires panafricaines que l’idée d’une joint-venture a germé. En effet, à la fin de 2018, SouthBridge devient conseil financier de NACP pour sa levée de fonds. Les discussions démarrent alors.

Un premier véhicule en Afrique de l’Ouest

Concrètement, SBNA est un « fonds de capital permanent » constitué à parts égales par ses associés-fondateurs, et avec pour mission d’attirer les investisseurs ayant une vision à long terme pour l’Afrique.

« Dans ce schéma, les investisseurs de notre fonds adoptent une posture d’actionnaires plutôt que de LPs (Limited Partners, les investisseurs en capital d’un fonds, ndlr) », confie à JA Charles Kié, appelé à présider la structure.

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NOUS VOULONS ATTIRER LES INVESTISSEMENTS EN MONNAIE LOCALE

Le financier ivoirien précise d’ailleurs que le plan stratégique de SBNA est déjà bien avancé. Plusieurs véhicules d’investissement dans lesquels les bailleurs privés internationaux et africains sont visés seront créés. Et un premier véhicule dévolu à l’Afrique de l’Ouest est « en cours de constitution », avec pour cible des investissements dans le secteur  exclusif  des services financiers au sens large, fintech, microfinance et mésofinance inclus.

Pour ce premier véhicule, les partenaires ont, selon nos informations, procédé au rachat d’une entité préexistante au Togo, qu’ils prévoient de rebaptiser sous une appellation rappelant la joint-venture. « Nous voulons attirer les investissements en monnaie locale pour ce véhicule ouest-africain », poursuit Charles Kié.

Il ajoute : « Certains investisseurs africains comme les fonds souverains, les compagnies d’assurances, les sociétés de prévoyance sociale, les fonds de pensions, disposent d’une certaine capacité d’épargne que nous souhaitons pouvoir investir. Nous nous proposons d’accompagner ces acteurs dans la durée dans leur stratégie d’investissement dans le secteur financier . »

Quid des premières cibles ?

C’est donc à un créneau de niche, bien connu de l’ancien DG d’Ecobank Nigeria, que ce nouveau fonds souhaite s’attaquer. Un choix qui paraît par ailleurs cohérent avec les visées du cofondateur de NACP sur Oragroup, quand il a décidé de quitter Ecobank pour revêtir l’habit d’investisseur.

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DES DISCUSSIONS BIEN AVANCÉES SONT ACTUELLEMENT MENÉES

Le holding bancaire panafricain est alors détenu par le capital-investisseur Emerging Capital Partners (ECP) à près de 50 %, et ce dernier devait céder ses parts un an plus tard à la l’Institut de prévoyance sociale – Caisse générale de retraite des agents de l’État (IPS-CGRAE). Une opération annoncée à la fin de 2019, mais qui s’est vu opposer le veto du régulateur un an plus tard.

Charles Kié a-t-il toujours, d’une manière ou d’une autre, Oragroup à l’esprit ? Pour le moment, aucun nom d’investisseur potentiel n’est dévoilé, « des discussions bien avancées sont actuellement menées ».

Plusieurs centaines de millions de dollars

Pour ce qui est du calendrier, SBNA semble très avancé, en tout cas pour son premier véhicule. Puisque la « liste des pays est arrêtée » et le « pipeline de cibles en cours de constitution », selon Charles Kié.

Quant à la levée de fonds, si le montant visé reste confidentiel, il devrait constituer une « part substantielle » du chiffre de 800 millions de dollars dévoilé par Jeune Afrique Business+, en tant qu’enveloppe globale de SouthBridge Investments, pour ses trois véhicules d’investissement, dont SBNA.

« La prochaine fois que l’on reparlera, ce sera pour annoncer le closing d’une première opération. Et on y travaille déjà très activement », conclut notre interlocuteur.

[Édito] Non, les armées africaines ne sont pas nulles !

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Par  François Soudan

Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.

Le président tchadien Idriss Déby Itno en avril 2020, pendant l’opération « colère de Bohama ».

Le président tchadien Idriss Déby Itno en avril 2020, pendant l’opération « colère de Bohama ». © DR

Alors que de la Casamance à la Somalie, en passant par le Sahel, le Cameroun, la Centrafrique, la RDC et l’Éthiopie, l’Afrique subsaharienne a rarement connu autant de conflits militaires qu’en ce moment, les forces armées semblent de mieux en mieux maîtriser « l’art de la guerre ».

Il y a un peu plus de huit ans, en décembre 2012, JA publiait une enquête qui suscita une petite tempête sous les képis du continent. Son titre : « Armées africaines, pourquoi sont-elles si nulles ? » Presque une décennie plus tard, ce diagnostic au vitriol est-il toujours valable ?

On verra que non, alors que de la Casamance à la Somalie, en passant par le Sahel, le Cameroun, la Centrafrique, la RDC et l’Éthiopie, l’Afrique subsaharienne a rarement connu autant de conflits militaires qu’en ce moment. Mais avant cela, un rappel s’impose.

À la fin de 2012, souvenez-vous. Au Mali, les Forces armées maliennes (FAMa) en déroute viennent d’être chassées de Kidal, Gao et Tombouctou en moins de trois mois après avoir abandonné aux jihadistes armes, bagages et munitions. Dans l’est de la RDC, la chute de Goma aux mains des rebelles du M23 a jeté sur les routes une cohorte informe d’hommes en uniforme de l’armée congolaise, officiers en tête, soldant au fil des kilomètres ce qui leur restait de dignité dans l’allure et dans la tenue, comme aspirés par le siphon de la déroute.

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CES ARMÉES IMPUISSANTES À DÉFENDRE LEUR PROPRE TERRITOIRE NATIONAL SONT ALORS LE SYMBOLE D’UNE SORTE DE CASTRATION COLLECTIVE

Aux yeux des civils, auxquels elles inspirent autant de sarcasmes que de peur, ces armées impuissantes à défendre leur propre territoire national sont alors le symbole d’une sorte de castration collective.

Des régiments de parade, aussi remarquables les jours de défilé qu’inaptes au feu, aussi redoutables dès qu’il s’agit de taxer les véhicules qui s’aventurent aux abords de leurs barrages qu’incapables de tenir leurs positions sous la mitraille : c’est en ces termes peu flatteurs que sont décrits par les attachés militaires des chancelleries étrangères ces naufragés, casques sur l’oreille, raclant le sol de leurs godillots, de leurs baskets ou de leurs tongs.

Bravoure et sens tactique

Le choc des débâcles de 2012 aurait-il eu un effet salutaire ? C’est probable. Prenons le cas de l’armée malienne, hier si décriée. Opérant dans des zones dangereuses sans toutes les protections balistiques dont bénéficient les Français de l’opération Barkhane, les FAMa ne désertent plus leurs camps et font souvent preuve de bravoure face aux colonnes jihadistes.

Certes toujours portés à bout de bras par les Occidentaux pour ce qui est de l’entraînement et du paiement de la solde, les militaires maliens ont développé une vraie capacité à faire au mieux avec peu, le règne de la débrouille ayant pour effet de développer leur aptitude à l’innovation.

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AU SEIN DU CONTINGENT ONUSIEN DE LA MINUSMA CE SONT LES AFRICAINS – EN PARTICULIER LES GUINÉENS – QUI SONT EN PREMIÈRE LIGNE

C’est d’ailleurs ce sens tactique intuitif de beaucoup de chefs d’unité qui fait qu’au sein du contingent onusien de la Minusma ce sont les Africains – en particulier les Guinéens – qui sont en première ligne. Des qualités intrinsèques qui expliquent aussi les succès enregistrés par le BIR (bataillon d’intervention rapide) camerounais dans la lutte contre Boko Haram, la bonne tenue des forces spéciales djiboutiennes face aux Shebab en Somalie et le rôle clé qu’a joué l’infanterie légère rwandaise – réputée l’une des meilleures du continent – en Centrafrique. C’est à cette dernière et aux contractuels russes, beaucoup plus qu’à ses propres forces armées en piteux état, que le président Touadéra doit d’avoir pu conserver son fauteuil.

Outre la formation et la motivation, il est un autre point sensible sur lequel les armées africaines ont progressé : le respect des droits de l’homme. Progression encore très inégale il est vrai, comme ne devrait guère tarder à le démontrer l’ampleur encore inconnue des exactions commises depuis trois mois par l’armée éthiopienne au Tigré.

Au Mali, au Burkina Faso, au Nigeria, le comportement des troupes face aux civils soupçonnés de sympathiser – voire simplement de pactiser – avec les jihadistes est loin d’être toujours exemplaire, tout comme celui des militaires camerounais dans le Sud-Ouest anglophone.

Mais l’enseignement, désormais obligatoire dans les écoles de formation, des bonnes pratiques à adopter vis-à-vis des populations et du caractère contre-productif des mauvaises, ainsi que la généralisation des téléphones équipés de caméras qui permettent aux témoins de rendre compte des abus sur les réseaux sociaux ont fait leur œuvre.

Aucune exaction notable contre les civils n’a ainsi – tout au moins pour l’instant – été signalée dans le cadre de l’opération d’envergure menée à la fin de janvier et au début de février contre les rebelles casamançais par l’armée sénégalaise, il est vrai l’une des plus professionnelles d’Afrique francophone.

Même si, en ce domaine, nul n’est à l’abri d’un dérapage, pas même les soldats français, soupçonnés d’avoir bombardé à tort un rassemblement nuptial non loin de Bounti, au Mali, au début de janvier, le spectacle d’une soldatesque terrorisant ceux qu’elle est censée protéger appartient de plus en plus au passé.

L’élite : les forces armées tchadiennes

Ce sont ces progrès qu’Emmanuel Macron a tenu à saluer lors du sommet du G5 Sahel le 16 février. C’était, il est vrai, le minimum qu’il puisse faire, le Tchadien Idriss Déby Itno ayant annoncé la veille l’envoi d’un bataillon supplémentaire dans la zone des trois frontières, permettant ainsi à l’opération Barkhane de concentrer ses efforts sur le centre et le nord du Mali.

Combativité, forte mobilité, grande expérience de la contre-­insurrection : les qualités des forces armées tchadiennes sont connues et sont sans équivalent dans la région.

Sensible depuis dix ans, la montée en gamme de leurs performances opérationnelles est due à plusieurs facteurs. Engagée sur plusieurs fronts, l’armée tchadienne absorbe près de 30 % du budget de l’État, et c’est surtout une armée à deux vitesses.

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LE DÉSORMAIS « MARÉCHAL DU TCHAD » EST TOUT SAUF UN OFFICIER DE SALON

Les troupes de première ligne, celles qui affrontent les jihadistes au Mali et au Nigeria, ainsi que les groupements anti­terroristes forment une élite bien entraînée et régulièrement payée, issue en majorité de la communauté zaghawa, réputée pour ses aptitudes guerrières.

Lui-même zaghawa, le désormais « Maréchal du Tchad » est tout sauf un officier de salon, son propre itinéraire s’apparentant à un parcours du combattant. En avril 2020, c’est encore lui qui, à 67 ans, est monté au front, en battle dress et talkie-walkie à la main, pour diriger sur le terrain l’opération anti-Boko Haram « Colère de Bohama », sur les rives du lac Tchad.

Plusieurs de ses fils sont militaires, à commencer par le plus gradé d’entre eux, le général Mahamat Idriss Déby, qui a fait le coup de feu dans le nord du Mali avant d’être nommé par son père à la tête de la redoutable DGSSIE, une unité d’élite suréquipée et qui fait aussi office de garde présidentielle.

Impunité

À cinq semaines d’une élection présidentielle (le 11 avril) à laquelle il se présente pour un sixième mandat, Idriss Déby Itno est sans doute le seul chef d’État du continent à faire de sa qualité de militaire un argument politique majeur. À l’intérieur, elle fonde sa légitimité sur une garantie de stabilité et de sécurité du territoire (un discours toujours accueilli avec faveur par une partie de la population). À l’extérieur, la carte de la diplomatie sécuritaire et les services rendus à la cause antiterroriste lui valent la reconnaissance apparemment indéfectible de la France et des États-Unis – au grand dam de ses opposants.

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LA CORRUPTION, L’IMPUNITÉ, LES TRAFICS ET LES PROMOTIONS ÉCLAIR SONT LE LOT DE TOUTES LES ARMÉES À DEUX VITESSES

Pourtant, même si l’armée tchadienne s’est professionnalisée au point de servir de référence à ses voisins en matière de formation des forces spéciales, elle n’en demeure pas moins ambivalente. Ici comme ailleurs sévissent encore le racket, la corruption, l’impunité, les trafics et les promotions éclair qui sont le lot de toutes les armées à deux vitesses.

Mais au Tchad comme partout ailleurs sur le continent, en dépit d’obstacles matériels parfois insurmontables, les armées démontrent qu’elles savent apprendre et s’approprier ce qu’elles apprennent. De tout temps, les sociétés africaines ont maîtrisé à leur manière ce que Sun Tzu appelait « l’art de la guerre », lequel aujourd’hui peut se résumer dans cet aphorisme d’un autre sage chinois : « Une armée s’entretient mille jours et ne s’emploie qu’un moment. »

Émeutes au Sénégal : la contestation prend de l’ampleur, Sonko devant le juge lundi

| Par Jeune Afrique avec AFP
Mis à jour le 07 mars 2021 à 18h29
Un manifestant agite un drapeau sénégalais lors d’une manifestation de soutien à Ousmane Sonko, le 3 mars à Dakar.

Un manifestant agite un drapeau sénégalais lors d'une manifestation de soutien à Ousmane Sonko, le 3 mars à Dakar. © Leo Correa/AP/Sipa

 

Le Sénégal va au-devant de nouvelles journées à hauts risques à partir de lundi, un collectif formé après l’arrestation du principal opposant au pouvoir ayant appelé à de nouvelles manifestations.

Après avoir connu pendant trois jours ses pires troubles depuis des années, le pays et sa capitale Dakar ont connu une relative accalmie samedi.

La tension n’est pas retombée pour autant. Le collectif Mouvement de défense de la démocratie (M2D), comprenant le parti de l’opposant arrêté, des partis d’opposition et des organisations contestataires de la société civile a appelé « à descendre massivement dans les rues » à partir de lundi.

Lundi, Ousmane Sonko, dont l’arrestation a mis le feu aux poudres mercredi, doit être présenté à un juge. La décision du magistrat de le relâcher ou de l’écrouer s’annonce lourde de conséquences et pourrait provoquer de nouveaux troubles à Dakar et dans plusieurs grandes villes du pays

Le collectif M2D réclame « la libération immédiate de tous les prisonniers politiques illégalement et arbitrairement détenus », le rétablissement du signal suspendu de deux chaînes de télévision accusées d’avoir diffusé « en boucle » des images des troubles, et une enquête sur ce qu’il appelle un « complot » du pouvoir.

Usure

Le collectif, donnant lecture d’un communiqué dans les locaux du parti d’Ousmane Sonko, s’en est durement pris au président Macky Sall, qualifié « d’apprenti dictateur ». Il a perdu « l’autorité morale » pour rester président, a dit un des leaders du mouvement, Cheikh Tidiane Dieye. Il s’en est tenu à ces mots quand la presse lui a demandé si le collectif appelait les Sénégalais à réclamer la démission de Macky Sall, président depuis 2012.

Le Sénégal est le théâtre depuis mercredi d’affrontements entre jeunes et forces de sécurité, de pillages et de saccages. L’arrestation d’Ousmane Sonko, troisième de la présidentielle de 2019 et pressenti comme un des principaux concurrents de celle de 2024, a provoqué la colère de ses partisans, mais aussi, disent de nombreux Sénégalais, porté à son comble l’exaspération accumulée par la dégradation, au moins depuis le début de la pandémie de Covid-19 en 2020, des conditions de vie dans un pays déjà pauvre.

Un collégien a été tué samedi à Diaobé, dans le sud du Sénégal, selon des sources de sécurité, portant à cinq le nombre de morts.

Les autorités sénégalaises ont annoncé dimanche suspendre l’école sur tout le territoire à partir de lundi et pour une semaine en raison des troubles auxquels le pays est en proie depuis mercredi.

Il s’agit de « protéger les élèves, les enseignants et l’administration scolaire des manifestations accompagnées de scènes de violence qui ont fortement perturbé le déroulement des enseignements-apprentissages la semaine dernière », ont indiqué les ministères de l’Education nationale et de l’Emploi dans un communiqué commun publié sur Facebook.

« Complot »

Ousmane Sonko a été arrêté officiellement pour trouble à l’ordre public, alors qu’il se rendait en cortège au tribunal où il était convoqué pour répondre à des accusations de viol portées contre lui par une employée d’un salon de beauté dans lequel il allait se faire masser pour, dit-il, soulager ses maux de dos.

Personnalité au profil antisystème, le député crie au complot ourdi par le président pour l’écarter de la prochaine présidentielle.

Les manifestants croient au « complot ». Ils expriment individuellement l’usure des épreuves quotidiennes et la lassitude vis-à-vis du pouvoir. Un certain nombre montrent la France du doigt, premier partenaire commercial vu comme l’un des principaux soutiens étrangers de Macky Sall.

Appels au dialogue

Le Mouvement de défense de la démocratie a désigné les « parrains étrangers » à qui Macky Sall s’emploierait à « faire plaisir ».

Le président élu sur la promesse de mettre son pays sur la voie de l’émergence a démenti fin février avoir quoi que ce soit à voir avec les ennuis judiciaires d’Ousmane Sonko. Il a depuis gardé le silence, mais la pression augmente pour qu’il prenne la parole.

Samedi, c’est son ministre de l’Intérieur Antoine Félix Abdoulaye Diome qui a tenu un langage vigoureux. Il a appelé au calme et fait miroiter « la perspective » d’un allègement du couvre-feu instauré contre la pandémie et qui pèse sur l’activité d’un grand nombre. Mais il a aussi dit que l’Etat emploierait « tous les moyens nécessaires » pour rétablir l’ordre.

« Toutes les personnes auteures d’actes criminels seront recherchées, arrêtées, poursuivies et traduites devant la justice », a-t-il promis.

« Des conspirations et des actes de terrorisme qui relèvent du grand banditisme sont organisés’’, a fustigé Antoine Félix Abdoulaye Diome.

La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a appelé « toutes les parties à la retenue et au calme ».

L’Union africaine a exprimé sa « préoccupation » et son attachement à un solution « par la voie pacifique, le dialogue et dans le strict respect de l’ordre ».

 
 

Niger: saisie record de 17 tonnes de résine de cannabis à Niamey

                                   Saisie de cannabis au nord du Niger (Photo d'illustration).
                                    Saisie de cannabis au nord du Niger (Photo d'illustration). AFP - JEREMY LEMPIN
Texte par :RFISuivre
2 mn

C’est une saisie de drogue record au Niger. Dix-sept tonnes de résine de cannabis ont été interceptées mardi 2 mars à Niamey. Le ministère de l’Intérieur a rendu publique cette information le vendredi 5 mars.

Treize personnes ont été arrêtées par la police nigérienne, onze Nigériens et deux ressortissants algériens. La valeur de la cargaison saisie est estimée à 20 milliards de francs CFA. Cette drogue d’origine libanaise a d’abord transité par le port de Lomé au Togo.

►À lire aussi: Sahel: les trafics illicites se substituent à l’économie réelle

Selon le commissaire Adili Toro Ag Ali, responsable communication de l’Office central de répression du trafic illicite de stupéfiants (Ocretis), « la drogue a quitté Beyrouth dans un container transporté par une société indienne jusqu’au port autonome de Lomé où elle a été chargée dans un camion d’immatriculation béninoise à destination de Niamey ».

Drogue venant du Liban

La drogue a été emballée dans des cartons de fruits. « Donc, à Niamey, elle sera sûrement reconditionnée dans un entrepôt qui est toujours au niveau du quartier Plateau, l’entrepôt a été construit et équipé à cet effet. Donc, cette drogue devrait être transportée dans des citernes ou des camions à destination de Tripoli en passant obligatoirement par Agadez », poursuit le commissaire Adili Toro Ag Ali, de l’Ocretis.

C’est la première fois que la police nigérienne saisit de la résine de cannabis en provenance du Liban. « Le cannabis qu’on retrouve ici souvent vient de pays avec lesquels on partage les frontières. Quand ça passe par les régions, c’est toujours les mêmes circuits : la drogue quitte des pays limitrophes qui produisent et elle transite au Niger. Elle passe toujours par Agadez avant de remonter sur Tripoli », conclut Adili Toro Ag Ali.