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Présidentielle au Bénin : sur qui Patrice Talon s’appuie-t-il
pour s’assurer un second mandat ?

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Mis à jour le 08 février 2021 à 10h34
En vue de la campagne présidentielle qui s’ouvre, le chef de l’État béninois s’appuie sur ses alliés de la première heure, dont certains sont devenus des intimes.

Candidat à la présidentielle du 11 avril, le chef de l’État béninois mène sa campagne épaulé par ses fidèles et piliers du Palais de la Marina. La plupart l’accompagnent au moins depuis le début de son premier mandat.

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De par les réformes politiques qu’il a menées à marche forcée au cours des deux dernières années de son mandat, Patrice Talon est parvenu à réduire son opposition à peau de chagrin et à s’assurer le soutien de nombreux ténors de la classe politique. S’il avait fait campagne en 2016 en promettant de ne faire qu’un seul et unique mandat, il a finalement décidé d’en briguer un second, jugeant qu’il avait encore besoin de temps pour achever ses réformes.

En vue de la campagne présidentielle qui s’ouvre – l’enregistrement de déclaration des candidatures s’est officiellement terminé le 4 février, le chef de l’État béninois s’appuie sur ses alliés de la première heure, dont certains sont devenus des intimes. Voici les soutiens indéfectibles de Patrice Talon.

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Conseiller spécial de Patrice Talon, dont il est le cousin, Johannes Dagnon est une pièce maîtresse dans le dispositif du président béninois. Associé majoritaire de la Fiduciaire d’Afrique, un cabinet de contrôle d’expertise comptable membre du réseau Exco, qui couvre 26 pays d’Afrique et affiche un chiffre d’affaires annuel de 20 millions d’euros, il a l’oreille de Patrice Talon pour toutes les questions relatives aux finances.

Il a également joué un rôle central dans la conception du Programme d’action gouvernemental, qui a constitué la feuille de route de l’exécutif depuis l’arrivée de Patrice Talon au pouvoir. Johannes Dagnon est aussi crucial dans la conception du programme économique que le président-candidat devrait dévoiler sous peu.

À la tête du Bureau d’analyse et d’investigation, directement rattaché à la présidence, il intervient dans tous les dossiers, au point de s’être vu attribuer le surnom de « président-bis » dans les couloirs des ministères. Il est également à la tête du comité de suivi des réformes au Port autonome de Cotonou (PAC), principale source de recettes douanières de l’État béninois. S’il fait figure de « technocrate », il intervient également sur  des arbitrages plus « politiques ».

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Conseiller du président dont il est également le cousin, il est surnommé par certains le « vice-président ». Olivier Boko, 55 ans, est de toutes les rencontres privées auxquelles participe Patrice Talon. Il l’accompagne d’ailleurs dans la plupart de ses déplacements à l’étranger, qu’ils soient officiels ou privés.

Il fait également le lien, au nom du chef de l’État, avec des personnalités politiques béninoises, aussi bien de la majorité que de l’opposition, pour leur apporter des messages. Un rôle qu’il jouera lors de la campagne présidentielle, auprès cette fois des cadres des principaux partis ayant apporté leur soutien à Talon.

Les deux hommes se sont liés d’amitié à l’époque où ils officiaient dans le secteur du coton. Si Talon a cédé les parts de ses entreprises à ses enfants à son arrivée au pouvoir, Boko reste un homme d’affaires très actif. Il est, entre autres, toujours administrateur de Bénin Control – une société dont le président détenait la majorité des parts avant d’accéder à au pouvoir -,qui intervient sur le Port autonome de Cotonou, notamment dans le domaine de la lutte contre la fraude douanière. Il est également à la tête de Denrées et fournitures alimentaires (DFA).

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Directeur du cabinet militaire du chef de l’État, le colonel Bertin Bada, 57 ans, est l’homme clé de Patrice Talon pour toutes les questions qui touchent à la sécurité. Cet ancien chef d’état-major des Forces aériennes béninoises (2014-2016), serait plus écouté sur les dossiers militaires que les ministres Sacca Lafia (Intérieur et Sécurité publique) et Fortunet Alain Nouatin (Défense nationale). S’il n’y intervient pas, le colonel Bada siège au Conseil des ministres.

Il a joué un rôle central dans la fusion des services de la police et de la gendarmerie au sein du corps de la Police républicaine, créé en janvier 2018. Il a également été en pointe dans la stratégie sécuritaire déployée lors des violences post-électorales, après les législatives contestées du 28 avril 2019.

C’est par cet homme extrêmement discret que Patrice Talon passe pour ses relations avec les services de renseignement, notamment sur les questions de terrorisme. Un dossier qui est devenu prioritaire après l’enlèvement des deux touristes français et l’assassinat de leur guide Fiacre Gbédji en mai 2019. GardeRapprochéeTalon-05.

Extrêmement présent au début du mandat du chef de l’État béninois, il a été l’un des principaux artisans de la conceptualisation du renforcement du système partisan, objectif affiché des réformes politiques engagées par Talon. De la Charte des partis politiques, à l’instauration du parrainage pour les candidats à la présidentielle, celles-ci ont pour but, entre autres, de limiter le nombre de partis.

Après avoir été l’un des poids lourds du Parti social-démocrate (PSD), puis de l’Union fait la nation (UN), Amoussou fut l’un des fondateurs de l’Union progressiste, le parti majoritaire à l’Assemblée, qui tient également la plupart des 77 communes du Bénin, depuis les élections de mai 2020.GardeRapprochéeTalon-13 

Ancien avocat de Patrice Talon lorsque celui-ci était surnommé « le roi du coton », Joseph Djogbénou l’a défendu en 2014, lorsqu’il a été accusé de « tentative d’atteinte à la vie du chef de l’État », dans la rocambolesque affaire de l’empoisonnement supposé de Thomas Boni Yayi. 

Nommé à la tête du ministère de la Justice en 2016, Djogbénou a été désigné en mai 2018 pour siéger au sein de la Cour constitutionnelle. En juin 2018, à l’issue d’un scrutin à huis clos, il a été élu président de cette institution, dont l’un des rôles est de contrôler la régularité de l’élection présidentielle.

Au cours de ces deux dernières années, la Cour a également donné son feu vert aux réformes constitutionnelles et institutionnelles. Et, début janvier, lorsqu’elle a été saisie sur la question de la constitutionnalité du système des parrainages pour les candidats à la présidentielle, décrié par une partie de l’opposition, elle s’est déclarée incompétente en la matière.

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Très proche de Patrice Talon, Abdoulaye Bio Tchané, 68 ans, fait figure de Premier ministre dans un gouvernement qui n’en compte officiellement pas. Ministre du Plan et du Développement, c’est lui qui coordonne le Plan d’action du gouvernement, pilier de la politique de Talon depuis cinq ans.

Déjà candidat à la présidentielle en 2011, il a tenté à nouveau l’aventure en 2016. Il était alors arrivé en quatrième position, avant d’appeler à voter pour Patrice Talon au second tour. Membre fondateur du Bloc républicain (BR), il est un poids lourd politique, en particulier dans le nord du pays, où Patrice Talon peine parfois à mobiliser.

Enfin, son nom avait été cité avec insistance pour la candidature à la vice-présidence, avant que Patrice Talon ne désigne Mariam Chabi Talata Zimé Yerima.

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Nièce de Roseline Soglol’épouse de l’ancien président Nicéphore Soglo, Claudine Gbénagno, 63 ans, a eu deux enfants avec Patrice Talon, Lionel et Karen.

À la tête de la Fondation Claudine Talon qu’elle a créée en 2017, qui intervient dans le domaine de la santé et de l’autonomisation des femmes, elle participe régulièrement à des actions de charité. Très active sur les réseaux sociaux, où elle n’hésite pas à poser aux côtés des bénéficiaires des programmes soutenus par sa fondation, la Première dame l’est aussi, mais de manière plus discrète, dans la sphère politique.

« C’est elle qui, pendant la campagne de 2016, a organisé les premiers meeting de Patrice Talon », rappelle une source au Palais de la Marina. Elle joue également le rôle d’ambassadrice de son époux auprès de certains poids lourds de la scène politique, lorsqu’il s’agit notamment d’apaiser les tensions

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 Mathieu Adjovi, 66 ans, est le président de l’Association interprofessionnelle du Coton, organisme à la tête duquel il tient les rênes de la filière béninoise de l’or blanc, principal pourvoyeur de devises.

Des intrants à la fixation du prix d’achat aux producteurs, Mathieu Adjovi a son mot à dire sur tous les éléments de la chaîne de valeur. À ce poste, il a été chargé de procéder à une seconde libéralisation du secteur, après la vague de réquisitions des usines de la Société pour le développement du coton (Sodeco), dont Patrice Talon était le principal actionnaire. Il peut se targuer d’avoir hissé le pays au rang de premier producteur de coton d’Afrique.

Élu député sur la liste nationale de l’Union progressiste (UP) lors des dernières législatives, Mathieu Adjovi est également l’un des principaux cadres de ce parti pro-Talon

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À 44 ans, le ministre des Finances a appliqué les techniques du privé, dont il est issu, aux affaires publiques. Diplômé de la Harvard Business School et de l’École supérieure des affaires de Grenoble, il a fait toute sa carrière au sein du cabinet Deloitte, avant d’être sollicité par Patrice Talon, qui lui a confié les cordons de la bourse.

De presque tous les déplacements officiels de Patrice Talon, Romuald Wadagni échange très régulièrement avec le chef de l’État sur les – nombreux – sujets qui relèvent de ses prérogatives. Il a été l’une des chevilles ouvrières de l’accord sur la fin du franc CFA et l’avènement de l’Eco dans la zone de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA), signé le 21 décembre 2019 à Abidjan.

Plus récemment, il a levé 1 milliard d’euros sur les marchés financiers internationaux via un double eurobond dont le montant et les conditions sont sans précédent pour le pays et la sous-région. S’il se tient volontairement très en retrait sur les questions de politique intérieure, il est l’un des hommes clés du dispositif de Patrice Talon concernant, entre autres, la conception des politiques publiques.GardeRapprochéeTalon-01

Nommé au ministère des Affaires étrangères dès 2016, Aurélien Agbénonci, 62 ans, s’est toujours maintenu à ce poste. Diplomate, il a fait une longue carrière au sein des agences onusiennes et fut le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour la Centrafrique avant sa nomination à Cotonou.  Il se fait volontiers le chantre du multilatéralisme, dans un contexte géopolitique pourtant difficile.

Si, comme Romuald Wadagni, il se tient à bonne distance de la politique politicienne béninoise, il a été en première ligne dans l’un des dossiers les plus épineux auquel Patrice Talon a été confronté : le blocage de la frontière par le Nigeria. Il n’a, sur ce dossier , pas ménagé ses efforts, tant auprès d’hommes d’affaires – notamment le milliardaire Aliko Dangote – qu’auprès des responsables politiques nigérians. Il n’a d’ailleurs pas hésité à interpeller à ce sujet son homologue nigérian. 

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Ancien journaliste à La Nation, chroniqueur politique à la plume acérée envers l’ancien président Thomas Boni Yayi – il a écrit plusieurs livres à charge pour dénoncer la gouvernance de ce dernier, Wilfried Léandre Houngbédji est la voix de Patrice Talon. De plateaux télé en émissions de radio, il est partout pour répondre aux questions des journalistes et défendre les réformes menées par le président.

Directeur de la communication de la présidence depuis 2016, il est, au côté d’Édouard Loko, l’ancien vice-président de la Haute autorité de l’audiovisuelle et de la communication, à la tête d’une équipe de jeunes professionnels des médias qui ont largement investi les réseaux sociaux pour promouvoir la politique de Talon. Un savoir-faire qui, depuis plusieurs semaines, a été mis au service de la campagne de ce dernier, avec un leitmotiv : la « Dynamique Talon. »

[Tribune] Sénégal : affaire Diary Sow, du buzz compassionnel au bad buzz

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Par  Mehdi Ba

Mehdi Ba est rédacteur en chef du site internet de J.A. Anciennement correspondant à Dakar, il continue de couvrir l'actualité sénégalaise et ouest-africaine (Mauritanie, Gambie, Guinée-Bissau, Mali), et plus ponctuellement le Rwanda et le Burundi.

(@mehdiba)

L’étudiante sénégalaise Diary Sow, en août 2020 au Palais présidentiel où elle a été reçue par Macky Sall.

 

 

De retour au Sénégal au terme d’une « fugue », l’étudiante Diary Sow est confrontée au soupçon d’avoir ourdi un coup promotionnel autour de son prochain roman.

« Il n’y a pas loin du Capitole à la roche Tarpéienne. » Depuis son retour discret à Dakar, après une fugue entre France et Belgique qui aura suscité l’émoi des Sénégalais pendant près de trois semaines, Diary Sow médite-t-elle cette maxime inspirée du destin funeste du consul romain Marcus Manlius Capitolinus ?

Cinq ans après avoir reçu tous les honneurs pour avoir vaillamment défendu la colline du Capitole contre les Gaulois, celui-ci fut reconnu coupable de vouloir instaurer une tyrannie, puis précipité du haut de la roche Tarpéienne, située sur la même colline. Diary Sow a, elle aussi, connu une gloire éphémère avant de s’exposer à la vindicte de ceux qui l’avaient encensée. En guise de colline : médias et réseaux sociaux.

Lauréate en 2018 et 2019 du concours général, Diary Sow portait en sautoir le titre – officieux – de « meilleure élève du Sénégal » avant de quitter son pays pour le prestigieux lycée Louis-le-Grand, à Paris, où elle était scolarisée en deuxième année de classe prépa scientifique.

Entre-temps, à 20 ans à peine, elle s’est offert le luxe de publier un premier roman chez L’Harmattan, Sous le visage d’un ange. Parrainée par le ministre de l’Eau et de l’Assainissement, Serigne Mbaye Thiam, chargé par son père, malade à l’époque et depuis décédé, de veiller sur l’enfant prodige, elle a même été reçue en audience par le président Macky Sall.

Buzz et mobilisation

Promise à une brillante carrière, la jeune étudiante disparaît sans laisser de traces au lendemain du Nouvel An, après avoir passé un bref séjour à Toulouse durant les vacances. En quelques jours, sur les réseaux sociaux, les Sénégalais sonnent l’alerte. À Paris, la diaspora se mobilise, colle des affiches et distribue des flyers dans le quartier de Paris où elle logeait en cité universitaire.

D’El País au New York Times, en passant par les principaux titres francophones, les médias font écho à cette disparition mystérieuse pour laquelle l’ambassade du Sénégal à Paris, à l’instigation de la présidence, saisit le service de police français en charge des « disparitions inquiétantes ». Qu’est-il arrivé à Diary Sow ? Le buzz et la mobilisation ne cessent d’enfler.

Trois semaines plus tard, la brillante étudiante réapparaît virtuellement. Son parrain publie en effet sur son compte Twitter une lettre d’explications de sa filleule authentifiant que son départ était volontaire : « Ceux qui cherchent une explication rationnelle à mon acte seront déçus, puisqu’il n’en a aucune », résume-t-elle, avant de rentrer discrètement au pays en esquivant prudemment les médias.

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LES SÉNÉGALAIS ATTENDAIENT UNE RÉPONSE RATIONNELLE À SON DÉPART

Face à ce dénouement pourtant heureux, l’empathie de ses compatriotes cède alors la place à l’ironie, voire à l’indignation. « Pauvre gamine ! Il lui reste à affronter les regards et les langues. Dure, dure la chute des stars ! », commente, en privé, une personnalité politique sénégalaise qui s’était, parmi d’autres, mobilisée pour alerter les médias européens au moment de sa disparition. « Le ministre Serigne Mbaye Thiam aurait pu lui trouver une ‘jolie » excuse : excès de stress, coup de fatigue extrême, etc. Culturellement, il est difficile d’accepter qu’elle ait pu laisser sa  mère et sa famille souffrir juste parce qu’elle a ‘le droit de disparaître’. C’est une notion très occidentale », ajoute la même source.

« Les Sénégalais attendaient une réponse rationnelle à son départ. Par exemple, qu’elle avait fui avec son copain, analyse une jeune cheffe d’entreprise sénégalaise, féministe revendiquée, active sur les réseaux sociaux. Mais quand elle a réapparu sans fournir cette explication, ils se sont déchaînés. Le concept de choix individuel déconnecté de la communauté n’a pas cours au Sénégal. Ce bashing, c’est en quelque sorte la seule option pour trouver un réconfort face à cette attitude qui, chez nous, est incompréhensible. »

Dans son courrier, la jeune femme ne précise pas clairement si elle entend changer d’existence ou reprendre les études qu’elle avait entamées, évoquant un « répit salutaire dans [sa] vie », à laquelle elle « ne renonce pas » pour autant.

Un livre à point nommé

Mais au Sénégal comme dans la diaspora, l’affaire Diary Sow laisse un goût d’autant plus amer que la réapparition de la jeune femme se combine avec une opération de marketing éditorial jugée largement inopportune par la plupart de ses soutiens d’hier. Le 1er février, la jeune étudiante relançait en effet son compte Instagram en y postant un clip promotionnel – plutôt élaboré – de son prochain roman, que L’Harmattan entend publier sous peu. Il est vrai que dans les deux ouvrages de Diary Sow, la thématique de la fugue d’une jeune femme cherchant à échapper à sa condition est omniprésente.

Sous des tonalités un peu bling-bling et sirupeuses, elle y alimente malgré elle les supputations de ses détracteurs, qui dénoncent sans prendre de gants un opportunisme mercantile hors de propos. « L’affaire Diary Sow n’était-elle donc qu’une vulgaire opération de promotion ? » s’interrogent désormais en chœur ses compatriotes.

« Elle ne nous doit rien ! pondère notre interlocutrice. Les Sénégalais doivent tirer des questionnements de cette histoire. Sommes-nous libres de faire nos propres choix une fois adultes, sans forcément rendre de comptes à notre famille ou à la communauté ? »

Pour l’heure, si ce n’est sa lettre d’explications à son parrain, amplement relayée sur les réseaux sociaux, Diary Sow garde pour elle l’alchimie, probablement complexe et intime, qui a présidé à cette fugue devenue affaire d’État(s).

Saura-t-elle en ressortir indemne, loin de la roche Tarpéienne ?

Burkina Faso: les autorités prêtes à négocier avec les groupes jihadistes?

Des militaires dans la zone de Dori, au Burkina Faso. (Image d'illustration)

Des militaires dans la zone de Dori, au Burkina Faso. (Image d'illustration)
 OLYMPIA DE MAISMONT AFP/File
Texte par :RFISuivre
2 mn

Se dirige-t-on vers un changement de stratégie au Burkina Faso dans la lutte contre le terrorisme ? La question se pose depuis les propos tenus par le premier ministre, en marge de son discours de politique générale, ce jeudi. Christophe Dabiré a affirmé qu'il n’excluait pas de négocier avec les groupes jihadistes.

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Ces propos ont été prononcés en réponse à la question d’un député de l’opposition, précise-t-on ce matin au sein du gouvernement. Ce n’était pas dans le discours de politique générale du Premier ministre et du côté des autorités, clairement, on cherche à minimiser l’ampleur de ces déclarations.

Christophe Dabiré n’a d’ailleurs parlé hier que de « la possibilité d’engager éventuellement des discussions avec les groupes jihadistes », sous-entendu, rien n’est encore fait, rien n’est encore décidé. Le Premier ministre a surtout donné hier l’impression de vouloir ouvrir la porte à de possibles discussions. « Les négociations avec les terroristes, nous ne disons pas que le Burkina Faso est contre, a-t-il dit, parce que même les grands pays (...) sont arrivés à un moment où a un autre à s'asseoir autour d'une table avec les terroristes. »

Interrogations

Ces propos interrogent : est-ce là le seul point de vue du Premier ministre ou la volonté de l’État burkinabè de s’engager dans une telle démarche ? Difficile à dire pour l’heure. Toujours est-il que si cette ouverture venait à se confirmer, ce serait un vrai changement de stratégie au Burkina Faso, car Roch Marc Christian Kaboré y a toujours été fermement opposé. À l'inverse, la majorité des candidats de la dernière présidentielle y était, eux, favorables.

Autre question que pose les propos du Premier ministre, c’est avec qui discuter ? Sur ce point, le chef du gouvernement n’a pas souhaité en dire en plus, expliquant jeudi que « les terroristes et leurs mentors n’étaient pas toujours clairement identifiés ».

[Tribune] Biopiraterie : l’Afrique francophone doit lutter contre ce fléau

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Par  Téguia Bogni

Chargé de recherche au Centre national d’éducation, ministère de la Recherche scientifique et de l’Innovation du Cameroun. A coordonné l’ouvrage collectif "La Cuisine camerounaise : mots, pratiques et patrimoine", préfacé par Bruno Gain (ancien ambassadeur de France au Cameroun) et paru chez L’Harmattan en 2019

Vue d’un plan d’Iboga,  plante d’Afrique équatoriale, potentiellement utilisable dans le traitement des addictions. Ici au Jardin botanique de Limbe, Cameroun.

 Vue d'un plan d'Iboga, plante d'Afrique équatoriale, potentiellement utilisable
dans le traitement des addictions. Ici au Jardin botanique de Limbe, Cameroun. © Marco Schmidt/WIkipedia/Licence CC

La biopiraterie est l’appropriation, sans consentement ni contrepartie, des connaissances et savoir-faire des peuples autochtones en rapport avec la biodiversité. Pour le chercheur Téguia Bogni, ce pillage de la culture et de la nature organisé par les multinationales doit être implacablement combattu.

Se rapportant prioritairement aux secteurs du cosmétique, de la pharmaceutique et de l’alimentation, cette criminalité d’un autre genre est l’apanage des multinationales, mais aussi des centres de recherche originaires, dans leur grande majorité, d’Europe, d’Amérique du Nord et du Japon. On comprend dès lors que les zones de piraterie par excellence sont surtout, mais pas exclusivement, les pays du Sud.

Le mode opératoire est presque toujours le même. Les matières végétales et animales à fort potentiel, généralement économique, sont identifiées après une analyse de données obtenues par diverses techniques de collecte sur des terres écologiquement riches. Une fois ces matières identifiées, celles-ci sont étudiées dans des laboratoires de recherche des pays industrialisés.

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CETTE PRATIQUE MÈNE À UNE INJUSTICE SOCIALE GRAVE

Et lorsque les résultats sont concluants, les entreprises, les instituts et les organismes à la manœuvre procèdent, sans le consentement des populations détentrices, aux dépôts de brevet, d’obtention végétale et de noms de marque qui rappellent directement ou indirectement des espèces biologiques d’une localité donnée.

Trafic de ressources génétiques

Il s’ensuit insidieusement un trafic de ressources génétiques, qui peut conduire, entre autres, à un monopole des semences et, par prolongement, à un appauvrissement des espèces écologiques au travers notamment de la monoculture.

Cette pratique est une entorse à l’économie écologique dans la mesure où elle mène inéluctablement à une injustice sociale grave avec un impact considérable sur les générations futures.

Il existe deux textes fondamentaux à l’échelle internationale pour lutter contre la biopiraterie. En l’occurrence, la Convention sur la diversité biologique (1992) et le Protocole de Nagoya (2010) qui fixent un ensemble de conditions à satisfaire pour quiconque souhaite exploiter des ressources génétiques : le consentement éclairé et le partage équitable des bénéfices.

Protéger le patrimoine culturel des populations

Mais des instruments supplémentaires sont, depuis peu, en cours d’élaboration, particulièrement dans plusieurs pays membres de la Francophonie. Le premier instrument s’articule autour de la propriété intellectuelle tandis que le second se rapporte aux normes, c’est-à-dire à la normalisation.

Étant donné que la biopiraterie prospère davantage au travers de l’obtention des titres de propriété intellectuelle, l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI) a engagé, depuis quelques années, une profonde réflexion sur les savoir-faire traditionnels.

Il s’agira, dans un futur proche, de mettre sur pied des instruments pour encourager les communautés locales à protéger certains éléments de leur patrimoine culturel, mais également et surtout à faire invalider toute demande de titre qui porterait atteinte à leurs droits.

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LES NORMES SONT DE PUISSANTS OUTILS D’INTELLIGENCE ÉCONOMIQUE

D’un autre côté, le Réseau Normalisation et Francophonie (RNF) et le groupe AFNOR travaillent de concert pour l’élaboration de nouvelles normes ISO sur la biodiversité. En y associant ses adhérents, 80 membres répartis dans 30 pays, dont 18 situés en Afrique, elles espèrent mettre sur pied des normes qui concourent à la valorisation et la préservation de la biodiversité avec en toile de fond les questions climatiques et les Objectifs de développement durable (ODD).

Pour prévenir la biopiraterie, des mesures devront être prises en compte dans chaque Organisation nationale de normalisation (ONN) suivant à la fois les spécificités écologiques des pays respectifs et les enjeux économiques y afférents. Faut-il le rappeler, les normes sont de puissants outils d’intelligence économique et de développement économique durable.

La compagnie aérienne Sky Mali effectue son premier vol Bamako-Tombouctou

Vue aérienne de Tombouctou, au Mali, le 16 janvier 2020.
Vue aérienne de Tombouctou, au Mali, le 16 janvier 2020. Souleymane Ag Anara/AFP
Texte par :RFISuivre
4 mn

Il est désormais possible d’effectuer un vol Bamako-Tombouctou. Un avion commercial s’est posé lundi pour la première fois depuis 2012 à Tombouctou.

La fréquence des vols entre Bamako et Tombouctou devrait être de deux vols par semaine. Avec dans les prochains jours une escale à Mopti. Ces deux nouvelles destinations s’ajoutent à celles de Kayes et Gao, elles aussi desservies depuis peu.

Depuis qu’Air Mali a cessé son activité en 2012, il n’y avait plus de vol civil commercial vers ces localités. C’est la naissance d’une nouvelle compagnie, Sky Mali, l’année dernière qui a permis de relancer une offre de liaisons vers l'intérieur du pays, et ce malgré les contraintes sécuritaires importantes.

Il n’y avait jusque-là que la route souvent dangereuse et le bateau pour circuler. Alors à Tombouctou, l’arrivée de ce premier vol est accueillie avec soulagement par nombre d’habitants. « Si tu as une affaire urgente, tu peux te déplacer facilement à Bamako pour résoudre le problème et revenir rapidement. Donc c’est un grand soulagement, parce que ça développe la région. C’est un moyen plus sûr, plus rapide », se réjouit un commerçant.

Mais pour que ces nouvelles liaisons aériennes voient le jour au nord du Mali, il a fallu forcément penser à la sécurité, que ce soit pour l’enregistrement des passagers mais aussi pour les décollages et les atterrissages. Sky Mali s’est appuyé sur les Famas, la Minusma et surtout la force Barkhane, explique le directeur général Tahir Ndiaye.

« Ils ont vraiment facilité l’installation, ils ont déployé toutes les procédures sécuritaires que Sky Mali a dû adopter. Et quitte avant d’opérer à prendre contact avec les forces Barkhane pour ne pas mélanger les couloirs de navigation. »

Selon le directeur de la compagnie, les premières lignes ouvertes, fin 2020, Kayes et Gao affichent déjà un taux de remplissage de 80%.

Les problèmes d’insécurité font que les déplacements par voie terrestre sont difficiles, donc c’est un besoin des populations maliennes et des autorités. Cela fait six mois d’activité depuis que la compagnie est lancée, il y a une réponse du marché, les vols sont remplis… C’est inattendu, inespéré…

Tahir Ndiaye, directeur général de Sky Mali

CONTENUS SPONSO