Tchad : ce que les autorités reprochent à l’opposant Yaya Dillo Djerou 

| Par 
Mis à jour le 01 mars 2021 à 14h38
L’ancien chef rebelle tchadien Yaya Dillo Djerou à N’Djamena, le 10 novembre 2007.

L'ancien chef rebelle tchadien Yaya Dillo Djerou à N'Djamena, le 10 novembre 2007. © THOMAS COEX/AFP

Le domicile de Yaya Diallo Djerou était encore encerclé par les forces de l’ordre tchadiennes le matin du lundi 1er mars. Une tentative d’arrestation de l’opposant y a fait au moins deux morts la veille. 

Selon les autorités tchadiennes, au moins deux personnes ont été tuées et cinq autres blessées dimanche 28 janvier à N’Djamena, dans des échanges de tirs au cours d’une tentative d’interpellation au domicile de l’opposant et ancien ministre Yaya Dillo Djerou.

« Il y a eu deux morts et cinq blessés dont trois parmi les forces de l’ordre, a indiqué Chérif Mahamat Zene, porte-parole du gouvernement. Les forces de défense et de sécurité […] ayant essuyé des tirs d’armes », elles « n’ont pas eu d’autre choix que de riposter ».

« Le gouvernement condamne avec la dernière énergie cette rébellion armée au cœur de la capitale, qui n’est qu’une tentative de déstabilisation des institutions de l’État fomentée de longue date », a accusé le porte-parole.

Confrontation avec Hinda Déby Itno…

« Ils viennent de tuer ma mère et plusieurs de mes parents », a quant à lui affirmé Yaya Dillo Djerou, qui s’est déclaré candidat à l’élection présidentielle du 11 avril. « Un blindé a enfoncé ma porte principale. La lutte pour la justice doit continuer pour sauver notre pays. […] Mes chers compatriotes, levons-nous ! » a-t-il ajouté dimanche 28 février dans la soirée.

Yaya Dillo Djerou est sous le coup de deux mandats d’arrêt à la suite d’une plainte déposée en mai 2020 par la première dame, Hinda Déby Itno, et sa fondation Grand Cœur pour diffamation et injures. L’opposant avait dénoncé sur les réseaux sociaux une convention signée entre Grand Cœur et le gouvernement dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de coronavirus.

Ancien ministre des Mines et de l’Énergie et ex-conseiller à la présidence de la République, il avait parlé de « conflit d’intérêts » à propos de cet accord dans une vidéo qui était par la suite devenue virale. Selon Dillo Djerou, la fondation s’attribue de façon abusive les prérogatives de certains ministères, notamment dans les secteurs de la santé et de l’éducation.

… et candidature à la présidentielle

À la suite de cette plainte, l’ancien conseiller du président avait été suspendu, le 11 mai 2020, de ses fonctions de représentant tchadien à la Commission économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) pour « manque de neutralité et violation du droit de réserve ». Sous la pression de N’Djamena, et notamment de la vice-présidente de la Commission, Fatima Haram Acyl, sœur d’Hinda Déby Itno, il en avait été licencié le 6 juillet.

Selon nos informations, plusieurs convocations ont été émises depuis mai 2020 par la justice tchadienne pour entendre Yaya Dillo Djerou, lequel ne s’est pas présenté, mettant en avant jusque début juillet l’immunité que lui conférait son rôle au sein de la Cemac.

La police a aussi tenté de se présenter à son domicile à au moins deux reprises, mais a rebroussé chemin face aux partisans présents sur les lieux.

https://www.jeuneafrique.com/wp-content/themes/ja-3.0.x/assets/img/mondial2018/quote-article.png") left top no-repeat;">

INTERROGÉ EN PLACE PUBLIQUE DEVANT UNE FOULE DE SPECTATEURS FILMANT LA SCÈNE

L’ancien ministre a toutefois été entendu début juillet par des agents de la police judiciaire, lors d’un séjour privé dans son village d’Iriba, dans la province de Wadi Fira (frontalière avec le Soudan). Une scène étonnante puisque l’ancien rebelle du Socle pour le changement, l’unité et la démocratie (Scud), rallié en 2007 à Idriss Déby Itno, y a été interrogé en place publique devant une foule de spectateurs filmant la scène.

« De la barbarie pure et simple », selon Saleh Kebzabo

Le 26 février, Yaya Dillo Djerou avait déposé son dossier de candidature pour la présidentielle du 11 avril prochain, lors de laquelle le président Idriss Déby Itno briguera un sixième mandat. Il avait été désigné mi-février par le Parti socialiste sans frontières (PSF), à l’issue d’un congrès extraordinaire organisé sur le thème « L’heure du changement a sonné ».

Ce 1er mars, Saleh Kebzabo, autre opposant ayant déclaré sa candidature à la magistrature suprême, a annoncé suspendre sa participation au processus électoral. Il a qualifié les événements au domicile de Yaya Dillo Djerou de « barbarie pure et simple » de la part de « dirigeants indignes ». Succès Masra, autre prétendant ayant déposé son dossier de candidature pour la présidentielle, a réclamé la démission d’Idriss Déby Itno.