Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Les organisations de journalistes condamnent la suspension de RFI et France 24 au Mali

 

Les ondes FM de RFI sont coupées dans tout le Mali depuis ce jeudi à la mi-journée. Conséquence de la décision des autorités maliennes de transition de suspendre RFI et France 24, après la diffusion de témoignages faisant état d’exactions de l’armée malienne dans le centre du pays. Une suspension que dénoncent les différentes organisations de journalistes d'Afrique de l'Ouest.

Bamako, qui note que des allégations similaires ont été rapportées par les Nations unies et par l’association de défense des droits humains Human Rights Watch, estime qu’il s’agit, selon le communiqué officiel du gouvernement de transition, d’une « tentative de déstabiliser la transition, de démoraliser le peuple malien, et de discréditer les vaillantes Fama », les forces armées maliennes.

Le porte-parole du Secrétaire général de l’ONU, Stéphane Dujarric explique que les Nations unies font un travail indépendant sur le terrain. Il est au micro de notre correspondante à New York.

Stéphane Dujarric: «nous sommes très concernés par le rétrécissement de l'espace donné à la société civile, aux médias... qui sont des ingrédients clés d'une démocratie»

Le groupe France Médias Monde, maison mère de RFI et France 24, « déplore cette décision et proteste vivement contre les accusations infondées et rappelle son attachement sans faille à la liberté d’informer comme au travail professionnel de ses journalistes ».

► Le Mali suspend la diffusion de RFI et France 24

De son côté, le journaliste ivoirien Noël Yao, président de l’Union des journalistes de la presse libre africaine, demande aux autorités maliennes de réviser leur position, estimant que la liberté de la presse est « fondamentale et sacrée », et qu’elle « participe de tous les efforts démocratiques qui doivent être faits pour sortir ce pays de la crise ».

« Il est important que les autorités maliennes revoient leur position et reviennent sur cette décision, qui n’est bonne ni pour le processus démocratique, ni pour la liberté de la presse en Afrique, note Noël Yao. Lorsque des faits sont allégués, il existe toujours la possibilité de réagir, de porter le droit de réponse, de répliquer, pour que la version des autorités soit connue et qu’il y ait un équilibre de l’information. Mais la méthode n’est pas de faire taire ces deux médias parce qu’on n'est pas d’accord avec les faits relatés. La presse libre africaine ne peut pas accepter que des médias soient ainsi interdits. »

Au Mali, comment continuer à écouter RFI et à regarder France 24?

Même son de cloche du côté de l’Ujao, l’Union des journalistes d’Afrique de l’Ouest, dont le journaliste sénégalais Bamba Kassé est le secrétaire général. « Même si la junte au Mali a des problèmes avec le gouvernement français, nous ne pensions pas que ça allait s’étendre aux médias français. Or, dans cette affaire, la junte vise les médias français qu’il considère certainement comme étant des relais. Alors que la réalité est tout autre. Les journalistes sont des professionnels qui ne répondent pas à des commandes, qui font un travail d’information. »

Bamba Kassé rappelle que « si la junte pense que les médias incriminés n’ont pas fait leur travail correctement, il existe au Mali des mécanismes prévus par la loi : ils peuvent porter plainte. » Il souligne par ailleurs que « la même question a été traitée par l’ONU, par HRW, c’est tout à fait normal que des médias en parlent ». « Où est le problème ? », interroge-t-il.

La junte y voit la preuve d’une stratégie concertée pour déstabiliser la transition. « Quand on veut tuer son chien, on l’accuse de rage, rétorque le journaliste. Peut-être que ces deux médias les dérangeaient dans leur politique actuelle. Ils cherchaient la petite bête pour s’en débarrasser. »

La CPJ se dit inquiète

Au delà du continent, l’organisation américaine de protection des journalistes - la CPJ (Committee to protect journalists) – appelle, elle aussi, les autorités maliennes de revoir leur décision. Pour la CPJ cette décision – ainsi que la suspension d’accréditations de plusieurs journalistes, et l’interdiction des médias locaux de retransmettre RFI - est inquiétante.

Elle dresse un tableau peu reluisant de la liberté de la presse dans le pays, s’inquiète Angela Quintal, coordinatrice de la CPJ, qui demande aux autorités de cesser leurs efforts pour contrôler les médias. « En ce qui nous concerne, il faut une diversité et une pluralité de l’information. Et donc, que le gouvernement tente de bâillonner la presse - alors que les gens ont besoin de plus d’informations - est vraiment inquiétant. Nous savons que RFI, à travers son travail, est un élément clé pour propager l’information. »

Angela Quintal pointe notamment le cas du journaliste Olivier Dubois : « Prenons un exemple  – en plus de ce que cela représente pour les Maliens pour obtenir des informations crédibles et justes – j’ai  pensé à ce reporter français Olivier Dubois, actuellement en captivité au Mali. Dans une vidéo récente, il demande qu’on redouble les efforts pour obtenir sa libération. Mais il parle également des messages de soutien de sa famille qu’il entend. Cela m’a marqué que, dans une telle situation, le gouvernement malien ferme ce canal de communication ».

« Soyons clairs, le plus important est que la majorité des Maliens a besoin d’informations fiables, insiste la coordinatrice de la CPJ. Ce n’est pas qu’une question de liberté de la presse mais pour les citoyens du droit à l’information. »

Tchad: des journalistes furieux de ne pas pouvoir couvrir les discussions de Doha

 

Aucun voyage de presse n’a été organisé pour permettre aux journalistes des médias privés de couvrir les négociations entre groupes rebelles et autorités tchadiennes, qui se tiennent depuis dimanche 13 mars à Doha, au Qatar. Des voyages nécessaires, selon les patrons de presse, compte tenu des difficultés financières des médias privés tchadiens. Ces derniers menacent donc de se retirer du processus de transition. Pour tenter d’apaiser les tensions, le ministre de la Communication a reçu les représentants de la presse privée jeudi 17 mars.

Avec notre correspondante à Ndjamena, Aurélie Bazzara-Kibangula

Les échanges ont été vifs. Les patrons de presse sont en colère : aucun média privé tchadien n’est parti à Doha pour couvrir les négociations entre autorités et groupes rebelles. Une humiliation pour Moussa Avenir de la Tchirée, porte-parole du collectif des médias privés au Tchad.

« Le Conseil militaire de transition lui-même nous a demandé d’accompagner le processus, nous avons donné le meilleur de nous-mêmes parce que nous sommes des journaux, des radios, des télévisions, des presses en ligne et on vient nous chasser à un moment crucial du processus. Le pré-dialogue de Doha, c’est le début capital du processus. Nous pensons que c’est une humiliation. »

Certains patrons de presse affirment que les autorités veulent cacher ce qui se passe à Doha. Faux, rétorque le ministre de la Communication, Abderaman Koulamallah : « On n'a exclu personne du processus de Doha, il y a eu des changements brusques dans l’organisation de ce dialogue et ça a un peu perturbé notre organisation. Nous sommes en train d’évoluer pour trouver une solution à ce que la presse nationale dans son ensemble puisse couvrir les événements de Doha. » 

Ce n’est pas suffisant pour calmer les esprits. Le collectif des médias privés donne 48 heures aux autorités pour faire partir des journalistes à Doha. Sinon, les médias ne couvriront plus le processus de transition.  L’Union des journalistes tchadiens a, elle, appelé à une journée sans presse ce samedi au Tchad.

►À relire aussi : Pré-dialogue tchadien, nouveau report des discussions à Doha

Un an après les émeutes qui ont embrasé le Sénégal, une famille réclame justice

Par  - à Dakar
Mis à jour le 10 mars 2022 à 18:07
 

 

Abdoulaye, le grand frère de Cheikh Wade, mort en mars 2021 lors des manifestations ayant suivi l’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko. © Carmen Abd Ali pour JA

 

Si la plupart des victimes ont renoncé à porter plainte, les circonstances de la mort de quatorze personnes restent à élucider. Parmi elles, un jeune homme dont les proches dénoncent des pressions politiques et espèrent toujours que la lumière sera faite.

Comme beaucoup au Sénégal, le jeune Abdoulaye Wade a suivi les manifestations et les émeutes de mars 2021 sur son téléphone portable quand le signal de deux chaînes de télévision, accusées d’« appels répétés au soulèvement populaire », a été coupé. Lui aussi a regardé les images des jeunes tabassés par les forces de l’ordre, vu les vidéos des boutiques pillées et des voitures incendiées. Il a entendu les slogans hostiles au pouvoir et à Macky Sall, accusé d’avoir comploté contre l’opposant Ousmane Sonko, arrêté le 3 mars alors qu’il se rendait au tribunal pour répondre aux accusations de viol d’Adji Sarr.

Le 8 mars 2021, Abdoulaye Wade a donc les yeux rivés sur son écran. Il voit un jeune homme enveloppé dans le drapeau national s’effondrer – selon toute vraisemblance – sous les balles de la police. Il voit la voiture des forces de sécurité rouler vers le corps inanimé, puis le dépasser sans s’arrêter. Cet homme tué par la police de son pays, c’est son frère Cheikh, d’un an son cadet. Cela, Abdoulaye Wade ne l’apprendra que le lendemain, après un coup de fil de la police invitant sa famille à identifier son corps.

Plainte contre X

Dans une petite chambre du domicile familial de Cambérène (dans la banlieue dakaroise), sa voix se brise quand il évoque ce jour. « Nous ne savions même pas qu’il était sorti manifester ce jour-là. J’ai regardé la vidéo sans le reconnaître », confie-t-il. Il ajoute que son frère était un homme « timide » et discret, qu’il « n’attendait rien de l’État » mais n’était pas un habitué des manifestations. Bien malgré lui, Cheikh Wade est devenu l’un des symboles de ces émeutes, lors desquelles quatorze personnes ont trouvé la mort, dont douze par balles. Près de 600 personnes ont également été blessées, selon la Croix-Rouge.

Le 25 mai dernier, l’avocat de la famille Wade déposait devant la Cour d’appel une plainte contre X pour « homicide volontaire avec préméditation et abstention de porter secours à une personne en danger de mort ». Les Wade sont les seuls à avoir porté plainte.

IL NOUS A PROPOSÉ DE L’ARGENT, MAIS NOUS AVONS REFUSÉ. LA MORT DE CHEIKH NE SE NÉGOCIE PAS

Pendant les émeutes, des représentants de l’État ont tenté de les dissuader de se pourvoir en justice. Comme les autres familles de victimes, les Wade disent avoir reçu la visite informelle d’un émissaire de la présidence qui a d’abord tenté de négocier, puis les a menacés. « Il nous a proposé de l’argent, de participer à la reconstruction de notre maison, de rencontrer le président… Mais nous avons refusé. La mort de Cheikh ne se négocie pas. » Son frère se désole aujourd’hui que le dossier judiciaire n’ait pas avancé et que ni la justice ni des enquêteurs ne l’aient contacté.

La famille de Cheikh Wade dans la commune de Cambérène à Dakar, le 7 mars 2022. La famille de Cheikh Wade partage un moment dans la cour de la maison familiale dans la commune de Cambérène à Dakar, le 7 mars 2022. Cheikh Wade fait partie des 14 jeunes sénégalais décédés en mars 2021 au cours des manifestations ayant suivi l’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko. Un an après, malgré une plainte déposée le 25 mai 2021 par l’ainé Abdoulaye, la famille reste sans réponse de la justice.
© Carmen Abd Ali pour JA

 

La famille de Cheikh Wade dans la commune de Cambérène à Dakar, le 7 mars 2022. La famille de Cheikh Wade partage un moment dans la cour de la maison familiale dans la commune de Cambérène à Dakar, le 7 mars 2022. Cheikh Wade fait partie des 14 jeunes sénégalais décédés en mars 2021 au cours des manifestations ayant suivi l’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko. Un an après, malgré une plainte déposée le 25 mai 2021 par l’ainé Abdoulaye, la famille reste sans réponse de la justice. © Carmen Abd Ali pour JA

« Tout ce que nous demandons, c’est que la justice puisse faire son travail, que les responsables soient arrêtés et que les gens puissent continuer de manifester, déclare-t-il. C’est dur, mais je ne lâche rien. La mémoire de Cheikh me fait tenir. Ce qui est arrivé à ma famille, je ne veux pas que ça arrive à quelqu’un d’autre. »

« Beaucoup de familles ont été découragées. On leur a dit : “Vous ne pouvez pas lutter contre l’État, mais vous recevrez des compensations, confirme Ousmane Diallo, chercheur à Amnesty International, qui en a accompagné certaines. Pourtant, les sommes versées ont moins été des réparations que des gestes symboliques, pour couvrir le coût des obsèques par exemple. Bien souvent, ces émissaires s’adressaient à des gens démunis, qui méconnaissaient le fonctionnement du système judiciaire. » Le militant dénonce aujourd’hui la « léthargie » de la justice, et une volonté claire de « ne pas aller de l’avant » dans ce domaine.

Commission d’enquête avortée

Une « commission d’enquête » avait pourtant été annoncée par le ministre des Forces armées, Sidiki Kaba. Mais Macky Sall déclarera qu’elle n’est plus d’actualité au cours d’un entretien accordé à RFI et France 24 le 8 décembre 2021. Pour la première fois, il évoquera l’existence d’une « procédure judiciaire avec des enquêtes internes », sans plus de précisions, appelant à laisser la justice faire son travail. Contacté par Jeune Afrique, le ministre porte-parole de la présidence, Seydou Guèye, n’a pas répondu.

CETTE LOI PERMET DÉSORMAIS D’INCULPER DES PERSONNES POUR DES ACTES COMMIS PAR D’AUTRES

Si aucune avancée dans ces enquêtes n’a été présentée, le gouvernement a en revanche fait le choix de renforcer sa législation concernant les manifestations. Le 25 juin, l’Assemblée nationale a adopté en procédure d’urgence un amendement de la loi sur le terrorisme qui constitue « une violation sérieuse au droit de manifester et à la liberté d’expression, selon Ousmane Diallo. Cette loi pourrait désormais permettre d’inculper des personnes pour des actes commis par d’autres [au cours de manifestations violentes]. »

En mars 2021 déjà, le ministre de l’Intérieur durcissait le ton et qualifiait les manifestants de « terroristes » et de « bandits ». L’existence de « forces occultes tapies dans l’ombre » était aussi avancée. Des accusations qui rendent Abdoulaye Wade amer. « Le ministre de l’Intérieur a parlé d’actes de terrorisme de la part des manifestants. Mais les vrais bandits, ce sont les nervis recrutés par le pouvoir ; les terroristes, ce sont les policiers armés qui tirent sur des jeunes sans défense. »

Le jeune homme veut voir en la personne d’Ousmane Sonko « l’espoir de la jeunesse » et, surtout, il n’imagine pas voir son dossier avancer tant que Macky Sall sera au pouvoir. Il préfère cependant ne pas parler d’Adji Sarr, jugée responsable par certains de la mort des quatorze personnes. « Je ne l’accuse pas. Ce que j’ai vu, c’est la police tirer sur mon frère. La responsabilité, elle est du côté de l’État, de ceux qui ont donné les ordres. L’Histoire retiendra que sous le régime de Macky Sall, quatorze jeunes sont morts, et que la justice n’a pas été rendue. »

COP 26 : cinq leviers pour limiter le réchauffement climatique 

Analyse

Les moyens de réduire les émissions de gaz à effet de serre ont été discutés lors des deux semaines de la COP26, du 31 octobre au 12 novembre à Glasgow (Écosse). Passage en revue des principaux leviers d’action.

  • Marine Lamoureux et Camille Richir, 
COP 26 : cinq leviers pour limiter le réchauffement climatique
 
Vue aérienne de zones brûlées de la forêt amazonienne, près de Porto Velho, au Brésil, le 24 août 2019. CARLOS FABAL/AFP

Désinvestir les énergies fossiles

Les deux tiers des émissions de gaz à effet de serre ont pour origine la combustion d’énergies fossiles, estime le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) dans son rapport d’août 2021. Toutes n’ont pas le même impact : une centrale électrique à charbon émet 2,2 fois plus de CO2 qu’une centrale à gaz. Mais rester sous la barre des 1,5 °C nécessite la diminution immédiate de leur production : de 11 % chaque année pour le charbon, 4 % pour le gaz et 3 % pour le pétrole, calcule l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dans un scénario pour atteindre la neutralité carbone, publié en mai 2021.

Même si certains s’en détournent (les banques multilatérales de développement ont diminué leurs investissements ces dernières années), la tendance reste pour l’heure à la poursuite des investissements. D’après un rapport des Nations unies pour l’environnement, la plupart des pays producteurs de pétrole et de gaz prévoient d’augmenter leur production, même après 2030. Le même rapport estime que les politiques actuelles des États conduiraient en 2030 à une production de charbon supérieure de 240 % à la limite nécessaire pour rester sous 1,5 °C (57 % pour le pétrole et 71 % pour le gaz).

Principaux freins : les pays hésitent à arrêter les subventions aux énergies fossiles face au risque d’instabilité sociale ; investisseurs et entreprises privées poursuivent l’exploitation des ressources et la demande de certains secteurs – à l’image du transport – reste orientée vers les fossiles. Quant au gaz, il est considéré comme une énergie de transition par de nombreux pays.

À la COP26. La présidence britannique souhaite rallier un maximum de pays à un objectif de sortie du charbon en 2030 (pour les pays développés) et en 2040 (pour les pays en développement). Elle pousse aussi les pays et les entreprises à cesser la vente de véhicules thermiques dès 2035.

Promouvoir les énergies renouvelables

Réduire le recours aux énergies fossiles se traduirait par un usage accru de l’électricité, notamment dans les secteurs du transport, du bâtiment ou de l’industrie. L’AIE estime qu’elle devra compter pour la moitié du mix énergétique en 2050 contre 20 % aujourd’hui. Encore faut-il que cette électricité soit elle-même décarbonée. Il faudrait, selon l’agence, multiplier par 5 notre production solaire et éolienne d’ici à 2030 et par quasiment 10 d’ici à 2050 pour atteindre la neutralité carbone.

→ À LIRE. Climat : la transition énergétique est « trop lente », alerte l’Agence internationale de l’énergie

Les freins au développement des énergies renouvelables sont régulièrement cités : manque d’ambition politique, opposition locale, tensions entre différents usages des sols. Surtout, investir coûte cher. Alors que 750 milliards de dollars ont été dépensés dans les énergies renouvelables et les technologies « propres » en 2021, il en faudrait trois fois plus pour atteindre l’objectif de neutralité en 2050, pointe l’AIE. L’accès à ces financements est encore plus difficile dans les pays en développement où l’accès au prêt reste onéreux.

Face à cela, le prix de ces énergies a longtemps freiné les investisseurs. La donne change : en 2020, un autre rapport de l’Agence internationale de l’énergie concluait que les coûts des renouvelables devenaient de plus en plus inférieurs aux coûts de la production conventionnelle, malgré de grosses variations entre pays (en Inde ou aux États-Unis, le charbon reste encore le plus compétitif). Certains verrous technologiques doivent aussi être levés, à l’instar des systèmes de stockage de l’électricité produite.

À la COP26. Comme les énergies fossiles, les renouvelables ne font pas l’objet de négociations formelles. Mais en coulisses, un Conseil de la transition énergétique lancé par 21 pays en 2020 espère rallier d’autres acteurs à son engagement de doubler les investissements dans les renouvelables d’ici à 2030.

Limiter la consommation de viande et transformer l’élevage

L’élevage, en particulier intensif, est à l’origine d’une part importante des émissions de gaz à effet de serre. De fait, la production annuelle de viande est massive – 325 millions de tonnes en 2020, selon la FAO, qui, toutes filières de production confondues, estime que l’élevage représente 14,5 % des émissions anthropiques.

→ LES FAITS. Climat : la planète bat un nouveau record de concentration de gaz à effet de serre

Elles proviennent de quatre sources : la fermentation entérique ; la gestion du fumier ; la production d’aliments pour le bétail (et la déforestation qu’elle entraîne) ; la consommation énergétique pour la transformation et le transport de la viande.

Il faut donc réduire la consommation, en particulier des pays riches, d’autant que la population mondiale continue de croître. En France, Terra Nova avait ainsi préconisé en 2017 de « diviser par deux notre consommation de chair animale » dans les vingt à trente ans. « Il faut certes agir en ce sens, mais on ne peut pas se contenter d’un message univoque, relève Henri Waisman, à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). Dans certains pays du Sud, l’élevage et la viande font partie des trajectoires de développement. »

De même, si la production bovine est l’une des plus émettrices, « ce n’est pas si simple de trouver des alternatives, car nourrir les porcs et les volailles pose des problèmes pour la biodiversité », poursuit l’expert. Il faut donc privilégier les solutions locales, et, au-delà de la consommation, transformer les manières de produire de la viande.

À la COP26. La journée du 6 novembre sera consacrée à la biodiversité (et à l’impact des pratiques agricoles), indissociable de la lutte pour le climat. Le président français Emmanuel Macron pousse à la création de coalitions d’action comme « OP2B », qui depuis 2019 rassemble de grands acteurs de l’agroalimentaire.

Préserver les forêts, précieux puits de carbone

Pour gagner la bataille du climat, il faut réduire nos émissions et préserver les puits de carbone qui captent et stockent le CO2. Les forêts jouent un rôle essentiel : d’après la FAO, elles « emmagasinent de 20 à 100 fois plus de carbone par unité de surface que les terres cultivées ». Pourtant, ces précieux alliés se réduisent de 5,3 millions d’hectares par an, sous l’effet des catastrophes naturelles et de la déforestation (1).

Première cause de celle-ci ? L’extension des terres agricoles, pour nourrir le bétail, produire de l’huile de palme, de la canne à sucre, du maïs, etc. L’exploitation des énergies fossiles et l’urbanisation ont aussi leur part dans ce processus délétère, que le réchauffement climatique vient aggraver dans un inquiétant cercle vicieux. Ainsi, ces dix dernières années, l’Amazonie brésilienne a rejeté plus de carbone qu’elle n’en a absorbé, notamment en raison des sécheresses qui fragilisent la biomasse (2).

Pour limiter ces saignées, la régulation des importations liées à la déforestation est cruciale. À cet égard les projets d’accords commerciaux comme celui négocié entre l’Union européenne et le Mercosur (Argentine, Brésil, Uruguay et Paraguay) sont pointés du doigt. En mars 2021, l’Institut Veblen et l’interprofession bovine Interbev ont aussi proposé l’adoption d’un règlement européen sur les « mesures miroirs », afin que les standards de production du continent s’appliquent aux produits importés.

À la COP26. La présidence britannique va mettre autour de la table exportateurs et importateurs de produits impliqués dans la déforestation. Objectif : trouver, ensemble, des solutions concrètes.

Débloquer des milliards pour les pays du Sud

Le financement est l’un des points de crispation entre pays développés et pays en voie de développement. Depuis les années 1990, les négociations climat reconnaissent une asymétrie entre les pays riches, à l’origine de la majorité des émissions historiques, et les pays les moins avancés, qui en subiront les effets de façon disproportionnée.

→ DÉBAT. Biodiversité, le Nord doit-il financer les aires protégées du Sud ?

À Copenhague, en 2009, les pays développés se sont engagés à mobiliser 100 milliards de dollars de financements publics et privés, chaque année, jusqu’en 2020 pour les pays les moins riches. En 2015, l’accord de Paris a précisé que ces financements devaient être répartis à parts égales entre projets d’atténuation du changement climatique (investir dans un champ de panneaux solaires, par exemple) et projets d’adaptation (construire une digue pour contrer la montée du niveau de la mer).

Le compte n’y est pas. Selon le dernier pointage réalisé par l’OCDE, 79,6 milliards de dollars (68,6 milliards d’euros) ont été mobilisés en 2019. Les financements pour l’adaptation n’en représentent qu’un quart. « Au-delà de la quantité, il y a un problème de qualité, souligne Armelle Le Comte, de l’ONG Oxfam. Les États ont aussi tendance à recourir excessivement aux prêts : ils gonflent leur effort financier réel, puisqu’ils seront remboursés ensuite. » Pour donner un ordre de grandeur, l’adaptation seule coûte déjà 70 milliards de dollars par an aux pays en développement, selon l’agence ONU climat. Ce chiffre devrait atteindre 140 à 300 milliards en 2030.

À la COP26. Mandatés par le Royaume-Uni, le Canada et l’Allemagne ont réussi une semaine avant la COP à collecter des engagements fermes des pays développés permettant de débloquer les 100 milliards promis en 2023. À Glasgow, il s’agira surtout de définir un cadre de négociation pour un nouvel objectif, plus ambitieux (après 2025).

REPÈRES
→ COP26 : à quoi sert une conférence climat ?
→ L’historique de trente années de négociations climatiques
→ Comment sont choisies les villes d’accueil de la conférence climat ?

(1) Selon L’Atlas du climat, de François-Marie Bréon et Gilles Luneau, Autrement.

(2) Étude parue dans la revue Nature Climate Change.

Comment sortir l’Afrique de sa dépendance aux céréales importées

Mis à jour le 11 mars 2022 à 11:08
 

 

© Photomontage JA /Crispin HUGHES/PANOS-REA

Le mil et le sorgho africains ont été délaissés au profit du riz asiatique et du blé européen, accentuant la dépendance du continent aux importations, et l’exposant aux fluctuations des cours sur les marchés mondiaux. Un phénomène encore exacerbé par l’inflation et les conséquences de la guerre en Ukraine. Décryptage d’une dépendance et des pistes pour en sortir.

L’incertitude créée par la guerre en Europe a provoqué une flambée inédite des cours des céréales, dont l’Ukraine et la Russie comptent parmi les principaux exportateurs vers le continent. Quelles répercussions aura l’embargo imposé à Moscou sur les hydrocarbures par Washington ? Et si Bruxelles suivait ? Faute de visibilité, les marchés internationaux paniquent, et les cours s’envolent. Le 7 mars, la tonne de blé tendre sur le marché à terme a atteint 422,5 euros, soit plus du double de son prix un an auparavant. Pour l’Afrique, qui consomme de plus en plus de céréales importées, c’est une catastrophe en germe, d’autant que l’inflation est de retour.

En 2008 et 2009, le continent avait payé au prix fort l’envolée des cours des céréales, et plusieurs pays avaient été le théâtre de ces « émeutes de la faim ». En Afrique de l’Ouest, particulièrement touchée, les gouvernements avaient réagi en lançant de vastes programmes visant à assurer l’autosuffisance alimentaire, multipliant les initiatives tous azimuts pour développer les filières rizicoles locales. Plus de dix ans après, les résultats sont cependant encore « mitigés », juge Patricio Mendez del Villar, spécialiste en économie internationale sur le riz au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). Il estime notamment que ces politiques « ont manqué de cohérence et de constance, et sont le reflet d’une vision un peu trop “urbaine”, éloignée des réalités locales ».

Mil, sorgho et fonio : l’alternative

Le chercheur du Cirad plaide au contraire pour diversifier la réponse et ne pas tout miser sur l’agro-industrie rizicole. « C’est une erreur de penser que des investissements lourds dans les infrastructures pour intensifier la riziculture et améliorer la qualité de la transformation peuvent suffire à mettre en valeur les énormes ressources agricoles dont dispose le continent africain, et assurer la sécurité alimentaire », résume-t-il.

L’Afrique possède en effet des variétés des céréales – dites « indigènes » – tels que le mil, le sorgho, le fonio ou encore le teff, dont les qualités nutritives n’ont rien à envier aux graines occidentales ou asiatiques. Ces dernières se sont imposées dans les habitudes alimentaires lors de la période coloniale, et ont ensuite profité de politiques volontaristes, pour ne pas dire agressives, de la part des pays exportateurs. Une concurrence déloyale qui, dans le cas du blé européen, a été alimentée par les subventions massives accordées aux grands céréaliers dans le cadre de la politique agricole commune.

Pourtant, les semences traditionnelles apparaissent plus adaptées aux écosystèmes secs, qui couvrent 45 % du continent. Au-delà des derniers soubresauts des marchés internationaux, elles pourraient aussi se révéler stratégiques dans l’adaptation aux effets du dérèglements climatiques et dans la lutte contre l’insécurité alimentaire.

Ainsi, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), dans son rapport du 28 février, met avant les communautés locales africaines qui ont d’ores et déjà converti leurs champs de maïs pour y planter du sorgho et du mil afin de pallier le manque de pluie. L’Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides (Icrisat) en a également fait son cheval de bataille, et milite, au travers de son programme « Smart Food » lancé en 2013, pour les remettre au goût du jour via l’éducation, la recherche et même des émissions culinaires, comme le Smart Food Reality Show diffusé depuis 2017 au Kenya.

Comment les habitudes alimentaires des Africains ont-elles évolué ? Quelle est l’ampleur de la dépendance du continent aux céréales importées ? Pourquoi les céréales rustiques ont-elles été si négligées ? Et comment faire pour renverser la tendance ? Décryptage et pistes de solutions en infographie.

 © Les Africains ont de plus en plus faim de céréales étrangères

© Les Africains ont de plus en plus faim de céréales étrangères

 © Autosuffisance en riz : des politiques volontaristes

© Autosuffisance en riz : des politiques volontaristes

 © Céréales locales vs importées

© Céréales locales vs importées

© Déréglement climatique, indépendance alimentaire… Le mil et le sorgho à la rescousse ?