Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Enlèvements en Côte d’Ivoire: liens possibles des ravisseurs avec les groupes terroristes?

 danger

Depuis le début de l’année, au moins trois personnes ont été enlevées dans la région de Doropo, dans le nord de la Côte d’Ivoire, à la frontière avec le Burkina Faso. Elles ont été libérées contre des rançons s’élevant parfois à plusieurs millions de francs CFA. L’année dernière, au moins cinq enlèvements commis par des groupes criminels ont été recensés, selon différentes sources. 

Avec notre correspondant à AbidjanFrançois Hume-Ferkatadji

La population et les experts sécuritaires s’inquiètent de ce phénomène nouveau et des liens que pourraient entretenir les ravisseurs avec les groupes terroristes.

« Les jours de marché, la population se déplace la peur au ventre », confie une source locale. Dans le département de Doropo, au moins trois enlèvements ont été organisés depuis le début de l’année. Le dernier en date remonte au début du mois de février. La fille d’un riche orpailleur a été emmenée de force par des hommes armés déguisés en policiers.

Pour chaque cas, la méthode est similaire. Les victimes sont généralement des commerçants aisés, issus de la communauté Mossi, ou leurs proches. Les otages sont conduits vers des lieux secrets, avant que les ravisseurs ne parviennent à entrer en contact avec la famille pour réclamer une rançon. Si les enchères débutent à 50 ou 70 millions de francs CFA, les victimes sont libérées après un versement de 3 à 8 millions de francs CFA en général.

L’année dernière, un homme a connu une captivité de plus de trois mois, les yeux bandés. Le président de la jeunesse Mossi de Doropo a également été victime d’un kidnapping.

Le chercheur Lassina Diarra a étudié quatre cas d’enlèvements qui se sont déroulés, en 2021, dans la zone Bouna-Doropo. Parmi ces cas, au moins un est le fait d’un groupe armé jihadiste, l’otage ayant décrit par la suite l’idéologie des ravisseurs. 

« Il y a une collusion entre ces groupes criminels et les groupes terroristes. C’est une source de financement pour les jihadistes », assure le chercheur spécialisé sur les questions de sécurité-défense.

« Les braqueurs prennent leur temps, même en ce moment, il y a des braquages et des tentatives d’enlèvement à quelques kilomètres de Bouna », explique un habitant qui regrette l’inaction des forces de sécurité.

Ni l’armée ni la gendarmerie ivoirienne n’ont souhaité communiquer à ce sujet.

►À lire aussi: Côte d'Ivoire: un soldat ivoirien tué lors une attaque dans le nord-est du pays

Retrait français: le Tchad va renforcer son contingent dans la Minusma au Mali

 

Le Tchad va renforcer au Mali ses effectifs au sein de la force de l'ONU face aux jihadistes, a annoncé lundi le président Mahamat Idriss Déby Itno trois jours après l'annonce par la France et ses partenaire européens de leur retrait militaire de ce pays. 

« Le Mali est l'épicentre du terrorisme au Sahel. Avec l'accord des autorités maliennes et de la Minusma (la force de l'ONU), nous allons renforcer nos effectifs » qui sont « sous l'autorité de la Minusma », a déclaré à la radio-télévision d'Etat le président de transition Mahamat Déby.

Le général Mahamat Déby, dont l'armée est l'un des principaux piliers de la lutte antijihadiste dans la bande sahélienne aux côtés des militaires français, n'a pas précisé de combien de soldats il entendait renforcer les quelque 1 200 effectifs de son pays engagés actuellement au Mali, l'un des tout premiers contingent de la Minusma qui compte environ 15 000 Casques bleus.

► A lire aussi : La France et ses partenaires confirment un «retrait coordonné» du Mali

Des journalistes tchadien ont demandé à l'antenne si le Tchad allait retirer ses soldats du Mali à l'unisson de la France dont il est l'un des principaux alliés dans la région. « Certainement pas », a répondu Mahamat Déby, ajoutant: « Ce n'est pas le moment de quitter le Mali, tant que le terrorisme persiste, nous allons rester pour aider nos frères maliens ». 

« Le retrait de force européenne entraînera la détérioration de la situation sécuritaire au Mali. Nous devons rester au Mali pour aider nos frères maliens », a-t-il répété. Le 18 décembre déjà, le Mali avait annoncé avoir donné son accord à l'envoi par le Tchad de 1 000 soldats supplémentaires au sein de la Minusma.

► A lire aussi : Départ de Barkhane du Mali: retour sur une opération française acclamée puis désavouée

Sur un tout autre sujet, le président du CMT a par ailleurs confirmé lors de son intervention à la radio télévision, le pré-dialogue de Doha - regroupant tous les mouvements politico militaire tchadiens - aura bien lieu ce dimanche  27 février. Ces derniers jours, une incertitude planait sur la tenue de ce pré-dialogue et sur la participation de l'UFR de Timan Erdimi. Mahamat Déby a coupé court à ces incertitudes.

Nous avons décidé de faire un dialogue national inclusif, où tous les fils et filles du tchad puissent se retrouver autour d’une table pour discuter de l’avenir de notre pays. Sans exclusion. Ça va être un dialogue inclusif. Ce qui veut dire qu’il faut absolument que les politico-militaires y assistent.

Mahamat Idriss Déby, président du Conseil militaire de transition

Pollution : plus d’un quart des cours d’eau du monde contiennent trop de médicaments

En réalisant des prélèvements dans plus de 250 rivières et fleuves du monde entier, une équipe internationale a montré une pollution aux molécules pharmaceutiques sur plus d’un quart des sites étudiés. Avec des conséquences pour la biodiversité et l’antibiorésistance.

  • Audrey Dufour, 
Pollution : plus d’un quart des cours d’eau du monde contiennent trop de médicaments
 
Les zones les plus touchées sont celles où la gestion des eaux usées est la moins bonne : l’Afrique subsaharienne, l’Asie du Sud et l’Amérique du Sud.JOHN WILKINSON

Des eaux bleu glacier de l’Antarctique aux méandres urbains du Tibre de Rome, plus de 250 fleuves, rivières et autres cours d’eau répartis dans 104 pays ont été analysés par des équipes internationales. Le projet, lancé en 2018 par l’université britannique de York, visait à connaître la concentration en actifs pharmaceutiques dans les eaux du monde.

→ CHRONIQUE. Les océans pour le bien de tous

Pour s’assurer de la fiabilité des résultats, tous les prélèvements ont été réalisés selon le même protocole et analysés selon les mêmes méthodes. Une soixantaine de produits étaient recherchés : des antihistaminiques, des antibiotiques, des antidépresseurs, des analgésiques, etc. Au final, d’après les résultats publiés dans la revue scientifique Pnas, pour plus de 25 % des sites échantillonnés, la concentration était au-delà des valeurs recommandées pour la vie aquatique ou pour éviter la résistance antimicrobienne.

La rivière la plus polluée se trouve au Pakistan

Les zones les plus touchées sont celles où la gestion des eaux usées est la moins bonne : l’Afrique subsaharienne, l’Asie du Sud et l’Amérique du Sud. Des lieux à proximité des usines pharmaceutiques sont aussi contaminés, par exemple l’agglomération de Barisal au Bangladesh, pourtant connue pour ses nombreux cours d’eau. Entre les usines et les échanges de marchandises, les eaux de la « Venise du Bangladesh » sont largement polluées. La concentration en métronidazole, un antiparasitaire, y est 300 fois plus élevée que la limite.

Dans le détail, la plus forte concentration, toutes molécules confondues, revient à la rivière Ravi, à Lahore au Pakistan, avec un taux moyen de 70 microgrammes par litre (µg/L) et un record sur un site de prélèvements à 189 µg/L. À titre de comparaison, le Manzanares qui traverse Madrid affiche une concentration moyenne en produits pharmaceutiques de 17 µg/L. Et c’est la rivière la plus contaminée en Europe, devant celles de Sofia en Bulgarie et du Luxembourg. Dans le monde, le triste podium derrière Lahore est complété par La Paz, en Bolivie, et Addis-Abeba, en Éthiopie.

Féminisation des poissons

Ces molécules peuvent avoir des effets nocifs sur la biodiversité des cours d’eau, provoquant par exemple une féminisation des poissons au contact des œstrogènes ou un comportement altéré en raison des molécules psychotropes. Dans ces zones déjà touchées par la pollution industrielle, les rejets pharmaceutiques mettent à mal la croissance et la reproduction des espèces. Les chercheurs s’inquiètent notamment des éventuels « effets cocktail », car certaines régions concentrent de fort taux pour plusieurs molécules. À Hong Kong, 34 éléments différents ont été détectés dans la rivière Kai Tak.

→ EXPLICATION. Antibiorésistance, une nouvelle arme tueuse de bactéries

À cela s’ajoute le risque d’antibiorésistance : à force d’être au contact de médicaments, les bactéries évoluent pour s’en accommoder, ce qui, en bout de chaîne, peut rendre la molécule inefficace chez les malades. D’après les estimations de l’OMS, l’antibiorésistance était responsable de plus de 700 000 décès en 2019. Un article paru dans la revue médicale The Lancet en janvier dernier évoquait même le chiffre de 1,27 million de décès.

Au Mali, le départ des militaires suscite inquiétudes et soulagement

barkhane

Après près de 10 ans de présence au Mali, l'annonce du retrait des militaires français et européens du Mali laisse un vide à combler. Pour certains, c'est au tour des forces armées maliennes de prendre le relais, mais d'autres émettent des doutes quant à leur capacité de couvrir tout le territoire malien. 

Avec nos correspondants à Bamako, Serge Daniel et Kaourou Magassa

Il va falloir attendre ce vendredi pour que les autorités maliennes se prononcent officiellement. Preuve, selon certains, que le gouvernement malien entend choisir ses mots afin de parler de l’après Barkhane et Takuba. Deux officiels contactés par téléphone par RFI se contentent pour le moment de dire que le gouvernement prend acte de la décision de retrait.

Une réunion, initialement prévue mercredi, a eu lieu ce jeudi après-midi à Bamako entre les autorités maliennes et les représentants de pays européens membres de la force anti-jihadiste Takuba. D’après nos informations, la partie malienne a expliqué aux diplomates en poste à Bamako que le départ annoncé des deux forces n’est pas de la faute du Mali. Toujours d’après nos informations, en matière de coopération sécuritaire sur le terrain, le Mali va maintenant privilégier des accords bilatéraux. 

La prise de relai des Famas

Maintenant que le départ des militaires français et de ses partenaires est acté, au Mali, il va falloir combler un vide. Actuellement, 66% de la superficie totale du Mali qui se situe dans le nord est habitée par seulement 9% de la population malienne. C’est une zone vaste avec des problèmes de sécurité qui demeurent.

Quand j’entends le président français dire que l’armée malienne, la junte ne peut pas combattre le terrorisme ? Je me porte en faux.

Abdel Kader Maiga, M5, le mouvement dont est issu le Premier ministre malien de transition, Choguel Maïga

Cette semaine, selon différentes sources, des dizaines de civils ont été encore tués par de présumés jihadistes laissant place à de nombreuses questions. Les ex-rebelles sont-ils toujours armés ? Que vont-ils faire ? Et surtout, les Famas vont-elles pouvoir se déployer pour occuper la place laissée pas le départ de Barkhane et de Takuba ? Une autre piste est sur la table, faire appel au grand voisin du Nord : l’Algérie.

Les casques bleus des Nations unies vont, de leur côté, rester sur place, mais ils n’ont pas un mandat robuste pour lutter efficacement contre le terrorisme.

Sentiment anti-français

D’autre part, dans les rues de Bamako, c’est une journée somme toute banale. Les gens sont véritablement préoccupés sur leur quotidien et leur journée de travail. Il faut dire que l’annonce d’Emmanuel Macron n’est pas une surprise et nombreux sont les habitants de la capitale qui réclamaient ce départ des troupes françaises du Mali.

Il y a beaucoup de facteurs qui ont contribué à la crise actuelle

Baba Dakono, secrétaire exécutif de l'observatoire citoyen, membre de la coalition citoyenne pour le Sahel

Le principal argument des détracteurs est de dire qu’en près de dix ans, les rares succès militaires et l’élimination de certains chefs terroristes n’ont pas permis de mettre fin au cycle de la violence dans le pays. Et même si le président français récuse ce terme, l’intervention française au Mali est perçue comme un échec.

Avec le départ français, on compte surtout, au Mali, sur l’action des forces armées maliennes et la coopération avec la Russie et celle supposée avec la société Wagner, en vue d’une amélioration de la situation sécuritaire au Mali. Mais Bamako dément la présence de mercenaires de Wagner sur son territoire.

D’autres voix beaucoup plus minoritaires pensent que le Mali va regretter ce départ. Un cadre politique contactée par RFI a fait part de sa crainte de voir le pays livré à son propre sort, tout en trouvant dommage de perdre un partenaire du calibre de la France alors que les niveaux d’insécurité sont toujours très élevés dans le pays.

Bien évidemment que le départ de la France nous inquiète

Kassoum Tapo, porte-parole du Cadre, qui rassemble les partis d'opposition du mali

À Gao, plus de craintes que d’enthousiasme

La ville de Gao accueille la principale base française de Barkhane, amenée donc à disparaître. Comment, là-bas, l’annonce du départ des soldats français de Barkhane et européens de Takuba est-elle accueillie ? David Baché a posé la question à des habitants. Pour des raisons de sécurité, leur anonymat est préservé.

A Gao comme dans tout le Mali, beaucoup reprochent à la force française Barkhane, et à la force européenne Takuba, ne pas avoir su mettre un terme aux attaques jihadistes. Et qui espèrent donc que leur départ, et l’action couplée de l’armée malienne et de ses soutiens russes, permettra plus d’efficacité. Certains en sont même déjà convaincus.

Pour autant, nombreux sont ceux qui, à Gao mais aussi dans les localités voisines comme Ansongo, ne cachent pas leurs craintes. Plusieurs interlocuteurs estiment que l’armée malienne n’est pas prête pour prendre le relais. L’un d’entre eux parle carrément de « catastrophe » et craint « une extension du terrorisme. »

Tous gardent en tête la période d’occupation jihadiste de 2012, qui avait duré dix mois. C’est l’intervention militaire française qui avait permis de mettre un terme au contrôle de la ville par le Mujao.

Neuf ans plus tard, les attaques, terroristes mais aussi criminelles, demeurent pourtant très fréquentes à Gao ville, et dans toute la région : « mais la présence de Barkhane, surtout les survols des avions, est dissuasive », assure un habitant, qui craint que l’insécurité augmente encore davantage.

Au-delà de l’aspect sécuritaire, un habitant s’inquiète enfin des conséquences économiques : « Barkhane fait travailler plusieurs dizaines d’entreprises locales » rappelle-t-il, « beaucoup de gens, surtout des jeunes, vont se retrouver au chômage ».  

Nous devons nous mettre en tête que tôt ou tard, ces gens-là vont finir par partir donc c’est à nous de prendre notre destin en main.

Les Bamakois s'interrogent, entre espoir et inquiétude

Comment l’Afrique prépare sa révolution industrielle 

Enquête

Avec la création d’une zone de libre-échange et le développement de ses infrastructures, le continent africain, qui profite encore peu de la mondialisation, espère attirer de nouvelles usines. L’Union européenne organise, jeudi 17 février, un sommet Europe-Afrique et affirme sa volonté d’être un partenaire « fiable » des Africains.

  • Alain Guillemoles, 
Comment l’Afrique prépare sa révolution industrielle
 
Dans une entreprise du groupe Mohan, implantée en Éthiopie.EDUARDO SOTERAS/AFP

En moins de quinze ans, la zone industrielle de Tanger-Med, au Maroc, est devenue l’une des toutes premières d’Afrique. Un millier d’entreprises y produisent pour l’aéronautique, l’automobile ou le secteur textile. « L’industrie automobile marocaine exporte pour plus de 8 milliards d’euros par an. Elle va bientôt dépasser celle de l’Italie », constate Patrick Dupoux, directeur Afrique du Boston Consulting Group (BCG).

Le site de Tanger abrite à la fois un port, une zone industrielle et des écoles d’ingénieurs. « On est dans une industrie pleinement compétitive à l’échelle mondiale, et pas seulement dans la recherche d’une main-d’œuvre à bas coût », insiste Patrick Dupoux. Tanger-Med est l’exemple d’une réussite, qui reste cependant très rare en Afrique.

Des baskets « made in Éthiopie »

 

Ailleurs sur le continent, les usines qui produisent pour l’exportation ne sont pas légion. La plupart sont liées au secteur extractif ou à l’agroalimentaire pour le marché local. « Aujourd’hui, alors que la Chine se désengage de l’industrie textile, les usines se déplacent plutôt vers le Cambodge et le Vietnam. L’Afrique en profite peu du fait d’un retard sur la qualité des infrastructures et le niveau de qualification de la main-d’œuvre », regrette l’économiste de l’Agence française de développement (AFD) Julien Gourdon.

→ ANALYSE. Le Sénégal inaugure son TER tant attendu

Malgré tout, un certain nombre de pays africains connaissent un début d’essor industriel, comme l’Éthiopie qui fabrique des baskets, l’Afrique du Sud qui produit des automobiles et des médicaments, la Tanzanie qui fait des vaccins. D’autres pays accueillent des centres d’appelset de services informatiques comme l’île Maurice, Madagascar, le Kenya, la Côte d’Ivoire ou le Sénégal.

Un certain nombre de conglomérats africains commencent également à émerger. Le BCG en a identifié 75, comme le groupe Dangote, au Nigeria, qui fait à la fois du ciment, des boissons, des pâtes et du pétrole raffiné. Plusieurs gros projets pourraient également changer la donne : le Royaume-Uni pourrait investir l’équivalent de 13 milliards d’euros pour produire au Maroc 8 % de ses besoins en électricité, tandis que le groupe australien FMG se prépare à investir 70 milliards au Congo pour produire de l’hydrogène vert à partir de grands barrages.

L’Europe prête à investir 150 milliards d’euros

Pour soutenir l’Afrique dans son décollage, l’Union européenne (UE) a, le 10 février, annoncé son intention d’investir 150 milliards d’euros d’ici à 2030 dans le développement des infrastructures, des énergies renouvelables et de la production de vaccins dans le cadre de son programme « Global Gateway ». Il s’agit de ne pas laisser le terrain à la Chine, mais aussi d’accélérer l’entrée du continent africain dans la mondialisation.

La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a indiqué à cette occasion que l’Europe se voulait le partenaire « le plus fiable et le plus important » de l’Afrique. Les Européens devraient le confirmer à l’occasion du sommet Europe-Afrique qui a lieu à Bruxelles ce jeudi 17 et vendredi 18 février.

Au-delà de ces chiffres, ce qui se joue aussi est un changement d’approche. Car tout le monde est d’accord pour dire que la logique qui a prévalu jusqu’ici a montré ses limites. Malgré les milliards de l’aide publique au développement, les pays européens ont perdu en influence et en part de marché, en Afrique, depuis trente ans. « C’est que les grosses sommes annoncées arrivent rarement à ceux qui en ont besoin. Elles sont mangées par la corruption et la bureaucratie », relève un bon observateur.

La création d’un grand marché, l’affaire d’une génération

Ce décalage crée de la frustration et du ressentiment vis-à-vis des gouvernements occidentaux et oblige les Européens à se remettre en question. « On sent que l’Europe est prête à changer d’approche pour soutenir davantage des projets concrets, portés directement par la société civile ou par des entreprises. Cela peut permettre de construire des filières locales », se réjouit Philippe Gautier, directeur général de Medef International.

Ce qui peut changer la donne pour l’Afrique, c’est également la création d’une zone de libre-échange à l’échelle du continent, la Zlecaf. « Cette zone a vu le jour le 1er janvier 2021. À ce jour, 25 pays africains sur 54 commercent déjà entre eux avec des droits de douane réduits sur un panier de 90 % des produits », relève Julien Gourdon. Cette zone devrait accélérer les échanges entre pays africains et rendre le continent plus attractif pour des investisseurs. Mais ce processus d’intégration prendra encore du temps. C’est au moins l’affaire d’une génération.

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L’UE vise à tripler ses envois de vaccins vers l’Afrique

À l’occasion du sommet Europe-Afrique des 17 et 18 février, l’Union européenne devrait prendre l’engagement de tripler le nombre de vaccins fournis aux pays africains. À ce jour, seulement 11 % de la population du continent est entièrement vaccinée contre le Covid. L’UE a déjà fourni 150 millions de doses et vise 450 millions d’ici à la fin de 2022. À titre de comparaison, la Chine a fourni seulement 35 millions de vaccins aux pays d’Afrique. L’UE veut aussi aider à lancer la production de vaccins au Rwanda, en Afrique du Sud et au Sénégal.