Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Afrique de l’Ouest : anciens, nouveaux partenaires et influences à géométrie variable

Les échanges avec la Chine, la Russie ou la Turquie sont devenus symboles de changement et gages d’émancipation. Les transitions en cours au Mali, en Guinée et au Burkina montrent à quel point les relations avec les pays extra-africains sont en plein bouleversement.

Mis à jour le 17 avril 2022 à 11:52
 
Oswald Padonou
 

Par Oswald Padonou

Docteur en sciences politiques. Enseignant et chercheur en relations internationales et études de sécurité

 

 manif

 

L’histoire et la géographie du continent africain en font un carrefour, un espace à la confluence des intérêts de puissances rivales en Occident (États-Unis, Union européenne, Royaume-Uni) et en Orient (Chine, Russie, Turquie). Si la géographie reste à peu près statique, l’histoire, elle, s’accélère et la stabilité et la prospérité de l’Afrique de l’Ouest, notamment, dépendent en partie du substrat de ses relations avec ces différents partenaires extra-africains.

L’accélération de l’histoire, c’est à la fois le refus du déclassement de l’influence de l’Occident en Afrique, les grandes ambitions africaines des émergents d’Orient – qui font croître leur influence aux plans économique, culturel, politique… et même directement sur les opinions publiques – et surtout, le énième rendez-vous manqué des États africains, dont l’attrait stratégique n’apporte jusqu’à présent qu’un supplément de chantage affectif et une redistribution des cartes toujours au détriment de la région.

L’appétence des nouveaux partenaires n’a pas d’incidence sur le volume des investissements directs étrangers (IDE) vers l’Afrique de l’Ouest qui, avant la crise sanitaire, a diminué de 21% en 2019 et de 18% en 2020 pour atteindre 9,8 milliards de dollars.

Volonté de ne rien choisir

Ce qui a changé, depuis plusieurs années maintenant, c’est que la Chine est devenue le premier partenaire commercial de la région, que la Turquie fait progresser ses parts de marchés, que la Russie est le premier fournisseur d’armes et l’un des plus importants exportateurs de blé vers la l’Afrique de l’Ouest. Inversement, les pays occidentaux ont perdu des parts de marchés en proportion, mais ils continuent d’investir dans la région pour se maintenir dans la compétition.

DANS LA PRATIQUE, LA “REALPOLITIK” L’EMPORTE SOUVENT SUR LE DISCOURS “DROITDELHOMMISTE”

On aurait pu conclure que les nouveaux grands partenaires ne sont pas fondamentalement différents des autres si la stratégie politique qui porte les investissements et le commerce n’avait pas été tout autre. Sur la politique des prêts et sur les exigences liées au respect de l’État de droit et de la démocratie, la Chine, la Russie et la Turquie sont peu regardantes. Comme certains Occidentaux pour lesquels dans la pratique et dans des contextes de violence politique, la “realpolitik” l’emporte souvent sur le discours “droitdelhommiste”.

L’influence économique des uns et des autres, marquée en Afrique de l’Ouest par la diversification des partenariats, se duplique dans l’espace politique avec des singularités. Sans antécédent colonial ou impérialiste sur le continent, la Chine, la Russie et la Turquie affichent leur volonté de se démarquer des Occidentaux, quand bien-même leurs méthodes ne sont pas toujours exemptes de reproches. Les Occidentaux, eux, s’efforcent de préserver leurs espaces d’influence en discréditant leurs rivaux. Quant aux Ouest-Africains, ils veulent ne pas choisir. Ne rien choisir ! Ni entre les partenaires ni parmi leurs offres, encore moins entre leurs conditions.

Au Mali, une aventure politique solitaire

Car si les partenaires anciens et nouveaux ont leur agenda africain renouvelé à l’occasion des sommets États-Unis-Afrique, Europe-Afrique, Chine-Afrique, Russie-Afrique et Turquie-Afrique, pour ne citer que ceux-là, l’Afrique de l’Ouest, comme l’Afrique subsaharienne tout entière, peine à définir une véritable stratégie pour capter d’importants dividendes de ses relations avec les puissances extra-africaines.

Au contraire, la région est divisée. Au Mali, l’alliance militaire avec la Russie et Wagner comme la rupture avec la France et les Occidentaux reste une aventure politique solitaire dans laquelle la Cedeao et le gouvernement de transition ont été incapables de trouver un modus vivendi dans l’intérêt du pays et de la région. Les tensions ont été entretenues sur fond de reproches, de menaces, de volonté de libération, d’affirmation de souveraineté mais également de compromissions vis-à-vis de ce qui aurait dû être l’intérêt régional.

LES NOUVEAUX PARTENAIRES DÉPLOIENT UNE VÉRITABLE DIPLOMATIE PUBLIQUE, AVEC UNE STRATÉGIE DE CONQUÊTE DES CŒURS, POUR CAPITALISER SUR LES RESSENTIMENTS

Surfant sur cette division et sur la sensibilité de l’opinion publique ouest-africaine, majoritairement jeune, à un discours neuf, décomplexé et pragmatique, les nouveaux partenaires déploient une véritable diplomatie publique, avec une stratégie de conquête des cœurs, pour capitaliser sur les ressentiments, justifiés ou non.

Variabilité des rapports de force

Pour l’heure, ce que révèlent les enquêtes d’Afrobaromètre sur la perception des influences étrangères en 2021, c’est une appréciation positive à la fois de la Chine et des États-Unis. En moyenne, presque deux-tiers (63 %) des Africains estiment l’influence de la Chine dans leur pays « quelque peu positive » ou « très positive », tandis que 14% la considèrent négative. Les opinions quant à l’influence américaine sont à peu près similaires (60% d’opinions favorables contre 13% d’opinions défavorables).

L’ANGÉLISME DES NOUVEAUX VENUS ET LE STATU QUO IMPOSÉ PAR LES ANCIENS RECÈLENT DES RISQUES D’INSTRUMENTALISATION

Cet équilibre des forces cache cependant la complexité et la variabilité des rapports de force et d’influence dans la région. Quand, le 2 mars dernier, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté la résolution qui « exige que la Russie cesse immédiatement de recourir à la force contre l’Ukraine », il n’aura échappé à personne que la configuration des votes dispersés montre une fois de plus l’influence relative de chaque catégorie d’acteurs, les uns neutralisant les autres avec leurs alliés.

Le Burkina Faso, la Guinée et le Mali dirigés par des juntes militaires se sont abstenus ou n’ont pas pris part au vote. Leurs situations de transition politique et, à certains égards, géostratégique, exige d’eux prudence et non alignement.

Mais au fond, c’est toute l’Afrique de l’Ouest qui se trouve en transition. Une transition qui requiert lucidité et maîtrise car l’angélisme des nouveaux venus et le statu quo imposé par les anciens recèlent des risques d’instrumentalisation. Si les Russes et les Turcs se sont indirectement affrontés en Libye, ils peuvent encore le faire en Afrique de l’Ouest !

Sénégal: manifestation à Louga suite au décès d'une femme enceinte à l'hôpital

Des manifestants sont sortis dans la rue ce vendredi matin 15 avril à Louga - à 200 kilomètres de Dakar - pour demander justice pour Astou Sokhna, cette jeune femme enceinte de 9 mois qui est décédée à l’hôpital régional à cause de « négligences » selon sa famille, qui a saisi la justice. Le directeur de l’hôpital a été démis de ses fonctions mercredi, tandis que le ministre de la Santé a parlé d’un « décès maternel évitable » lors d’une conférence de presse jeudi qui n’a pas calmé les manifestants.

Avec notre envoyée spéciale à Louga, Théa Ollivier

Plusieurs centaines de manifestants ont marché vendredi matin de la mairie à la gouvernance de la ville de Louga. Beaucoup portaient un t-shirt avec une photo d’Astou Sokhna, dont ils ont scandé le nom et pour qui ils réclament justice. 

Malgré la chaleur en plein ramadan, des femmes de tout âge et des hommes aussi se sont déplacés pour exprimer leur « ras le bol », comme Fatoumata Gueye, jeune manifestante qui explique que ce n’est pas la première fois qu’une affaire similaire se déroule dans cet hôpital et qui demande que des mesures soient prises. 

À la fin de la marche, le collectif Justice pour Astou Sokhna a remis au gouverneur un mémorandum. Parmi les revendications : de meilleures conditions de travail pour le personnel de santé afin qu’il puisse octroyer les soins nécessaires aux patients et le recrutement de gynécologues.

La famille d’Astou Sokhna a porté plainte pour « négligence et non assistance à personne en danger ». Jeudi, le personnel de santé avait tenu un sit-in pour démentir cette thèse et demander une enquête avec autopsie.

Un autre manifestation de soutien à Astou Sokhna sera organisé le 23 avril prochain à Dakar. 

► A lire et écouter : Sénégal : le décès d'une femme enceinte soulève des questions sur le système de santé

Mali : où est l'opposant Oumar Mariko ?

 

Le 4 avril dernier, des gendarmes ont fait irruption au domicile  d'Oumar Mariko, alors qu’il était absent, sans mandat mais avec une lettre de convocation. Le président du Sadi, figure de l’opposition malienne, devait déjà être jugé le mois prochain pour des propos virulents visant le Premier ministre de transition, dans une conversation privée.

Cette fois, il semble que ce soit une sortie contre l’armée malienne, actuellement accusée de multiples exactions, qui soient la cause de ses nouveaux déboires judiciaires. Mais Oumar Mariko n’a jamais répondu à la convocation qui a été laissée à son domicile. Près de deux semaines plus tard, où est-il ? 

On le dit en Côte d’Ivoire, au Niger ou en Guinée, on le dit aussi caché à l’intérieur du pays ou dans une ambassade à Bamako. Mais les rares qui savent vraiment où se trouve Oumar Mariko se gardent bien de le révéler. « Ses camarades lui ont conseillé de ne pas se rendre aux autorités qui cherchent à le faire taire, et de se mettre à l’abri, explique l’un de ses proches, qui déplore : lorsqu’on a peur de la justice de son pays, c’est que la situation est grave. »

Quelles sont les intentions d’Oumar Mariko ? Le président du Sadi doit être jugé le 18 mai prochain pour des propos qualifiés d’injurieux contre le Premier ministre de transition Choguel Maïga, tenus dans une discussion privée WhatsApp.

« Une plainte contre le Tribunal qui le poursuit est déjà prête », affirme l’un des conseils d’Oumar Mariko, qui affirme que l’enregistrement en question a été obtenu par la Justice de manière frauduleuse.

► A lire aussi : Mali: l’opposant Oumar Mariko à nouveau inquiété par la justice

Quant à la seconde procédure, plusieurs sources judiciaires maliennes ont indiqué à RFI qu’elle avait été initiée par le tribunal de la Commune 3 de Bamako, sur instruction du ministre de la Justice, après des propos tenus cette fois lors d’une réunion politique au début du mois. Oumar Mariko s’était risqué à critiquer l’armée nationale, accusée de nombreuses exactions contre des civils maliens. « Nous n’avons pas appris les bases de la poursuite, explique encore l’un de ses conseils, s’il s’agit de diffamation contre l’armée, la plainte viendra de l’armée. Nous n’avons rien vu. »

« Il n’a rien dit de mal, affirme un proche. Est-il dorénavant interdit de dire ce qu’on l’on pense ? Tous ceux qui tentent d’alerter sur la situation du pays sont réduits au silence. Regardez ce qui arrive à Etienne Fakaba Sissoko ! » 

Les forces maliennes sont toujours à la recherche du président du Sadi. Son entourage indique que le dispositif autour de son domicile a été allégé, mais assure que des patrouilles ainsi que des agents de la Sécurité d’Etat continuent de passer régulièrement alentours.

Burkina : les nouveaux «comités locaux de dialogue pour la paix» suscitent des questions

 

Le conseil des ministres a adopté mercredi un décret pour créer la Coordination nationale des comités locaux de dialogue pour la restauration de la paix. Ces comités ont été annoncés la semaine dernière par la présidence. L’objectif est de mettre en place un mécanisme de discussion avec les Burkinabè ayant rejoint les groupes armés. Dans son compte rendu, le conseil des ministres insiste sur le caractère « endogène » de ces comités, c’est-à-dire que chacun doit prendre en compte des problématiques très locales. Cette initiative est accueillie de manière mitigée. 

« L’extrémisme violent ne vient pas de l’extérieur », a expliqué jeudi, Paul Henri Sandaogo Damiba, lors d’une rencontre avec les directeurs des médias burkinabè. Pour le président de la transition, le dialogue doit donc démarrer sur le terrain, grâce aux autorités locales.

Oui mais lesquelles ? Interroge l’ancien maire d’une commune du Soum, dans le Nord du pays. Car début février, les conseils régionaux et municipaux ont été dissous, et remplacés par des délégations spéciales. « Désormais, les préfets gèrent les collectivités, poursuit l’édile. Mais certains n'y ont jamais mis les pieds. »

Quant aux autorités coutumières, beaucoup ont fui les violences. Sur les quatre émirs du Soum par exemple, seul celui de Djibo est encore sur place.

Badini Idrissa, du cadre de concertation des organisations de la société civile du Soum, salue cette initiative de dialogue mais estime quant à lui que le rapport de force n’est pas bon. « Les terroristes arrivent aujourd’hui à isoler des communes entières, je me demande s’ils ne vont pas trop en demander », poursuit un autre acteur de la société civile. 

Depuis plus d’un mois, la ville de Djibo subit un blocus. Elle n’a pu être ravitaillée qu’une seule fois, grâce à une escorte des forces de défense et de sécurité. 

Mali : pourquoi la suspension des sanctions reste sans effet

Bamako n’a toujours pas accès à ses avoirs financiers gelés, en dépit de la décision en sa faveur de la Cour de justice de l’UEMOA. Le bras de fer qui oppose le pays aux instances ouest-africaines menace de virer à l’imbroglio politico-juridique.

Mis à jour le 14 avril 2022 à 17:46
 

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Manifestation à Bamako en faveur du gouvernement de transition après l’annonce de sanctions à l’encontre du Mali par la Cedeao, le 14 janvier 2022. © REUTERS/Paul Lorgerie.

Rien n’a changé. Cela fait pourtant près de trois semaines que la Cour de justice de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) a ordonné, le 24 mars, la suspension des sanctions de la Communauté des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) qui frappent le Mali depuis janvier. Alors que l’application de cette décision aurait dû être immédiate, le pays n’a toujours pas accès à ses avoirs à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) et dans les banques commerciales. Les transactions commerciales et financières avec les autres pays de la région restent impossibles, et toute assistance et transactions provenant d’institutions régionales ou internationales demeurent suspendues.  

D’après plusieurs indiscrétions, la mise en application de cette décision de l’UEMOA est en effet suspendue à l’appréciation de la conférence des chefs d’État de la zone. À Bamako, l’incompréhension est totale. Dans un communiqué daté du 6 avril, le gouvernement de la transition dénonce ainsi un « flagrant déni de justice » et « prend à témoin la communauté nationale et internationale face au non-respect par l’UEMOA de ses propres textes et aux dangers que cela constitue pour la crédibilité et la fiabilité » de l’organisation. Le bras de fer qui oppose le Mali et les instances ouest-africaines menace de virer à l’imbroglio politico-juridique.

>> Lire notre dossier Le Mali face aux sanctions de la Cedeao

Une décision qui ne fait pas l’unanimité 

À Ouagadougou, siège de l’UEMOA, la cause malienne divise. La décision de la Cour de justice de suspendre les sanctions en raison de leurs conséquences sur le peuple malien, en attendant de se prononcer sur leur légalité, ne fait pas l’unanimité. Selon nos informations, une partie des juges de cet organe, dont l’Ivoirienne Suzanne Ebah-Touré, pointe la présence toujours en poste de l’actuel président de la Cour, le Malien Daniel A. Tessougué, malgré les sanctions à l’encontre de son pays. 

LE LOBBYING DE CES JUGES QUI S’OPPOSENT À LA SUSPENSION DES SANCTIONS A ÉTÉ INTENSE AUPRÈS DE CERTAINS CHEFS D’ÉTAT DE LA ZONE

Certes, l’ordonnance du 24 mars a été émise par le juge burkinabè Salifou Sampinbogo, qui assure l’intérim de Tessougué, mais certains des confrères du président de la Cour lui reprochent de ne pas avoir annoncé publiquement qu’il se « déportait » du dossier, lequel a été transféré à un autre juge. Les mêmes ne manquent pas de signaler au passage la bonne entente entre le Mali et le Burkina Faso, l’un des rares pays, avec notamment la Guinée, à n’avoir pas fermé ses frontières avec son voisin (seule la frontière aérienne est fermée). « Le lobbying de ces juges qui s’opposent à la suspension des sanctions a été intense auprès de certains chefs d’État de la zone », nous confie l’une de nos sources.    

Sorties « suspectes » de fonds

Certains ministres des Finances de la sous-région craignent aussi qu’une suspension des sanctions, notamment celles portant sur le gel des avoirs du Mali à la BCEAO, ouvre à nouveau la voie à des sorties « suspectes » de fonds. Selon nos informations, anticipant l’embargo qui allait les frapper, les autorités maliennes avaient effectué d’importants retraits à la Banque centrale et dans des banques commerciales. Une partie de cet argent, dont l’utilisation n’a pu être retracée, aurait été déposée à la Banque de développement du Mali (BDM), détenue à quelque 20 % par l’État malien. « Il s’agit là de pratiques qui pourraient sérieusement mettre en difficultés les finances publiques du pays et déstabiliser les équilibres financiers de la communauté », soutient une autre de nos sources.                 

Il n’empêche que de Lomé à Dakar en passant par Ouagadougou, de nombreuses voix réclament la suspension effective des sanctions, voire leur levée pure et simple. L’on se souvient ainsi du tweet de l’économiste togolais Kako Nubukpo, seul commissaire de l’UEMOA à avoir pris publiquement position contre une utilisation des outils de la BCEAO visant à sanctionner le Mali, lequel avait dit craindre un affaiblissement irréversible des instruments ouest-africains d’intégration économique.  

Défauts de paiement et forte inflation

Dans leur ensemble, les opposants aux sanctions redoutent que celles-ci ne fragilisent durablement le Mali (troisième économie de l’UEMOA après la Côte d’Ivoire et le Sénégal) et impactent négativement toute l’économie de la sous-région. 

Au 31 mars, le cumul des engagements non honorés de Bamako auprès de ses créanciers était estimé à 205 milliards de F CFA (312 millions d’euros) – des chiffres dévoilés par le ministre malien de l’Économie et des Finances dans une interview au journal L’Essor. La fermeture des frontières prive en outre le Mali d’une grande partie de ses ressources douanières (32 % des recettes de l’État). À Bamako, même s’il n’y a pas eu de mouvement populaire pour dénoncer le renchérissement de la vie, les effets des sanctions se font sentir. L’inflation y dépasse largement celle des voisins de l’UEMOA, qui affichent une moyenne de 6,5 % selon la BCEAO.