Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

MSC, nouveau mastodonte du transport logistique en Afrique de l'Ouest

 

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Un porte-conteneur de la compagnie MSC dans le port de Norfolk aux Etats-Unis (image d'illustration). AP - Steve Helber

 

Numéro un mondial du transport maritime, l'italo-suisse MSC va reprendre pour 5,7 milliards d'euros la filiale Bolloré Africa Logistics, du groupe de Vincent Bolloré. MSC, géré par la famille de son fondateur Gianluigi Aponte, cherchait à développer son réseau africain

Ce serait faire insulte à l'intelligence de Gianluigi Aponte d'affirmer qu'il doit sa fortune à sa belle-famille. Néanmoins, c'est bien grâce aux capitaux apportés par Rafaela, son épouse, fille de banquier suisse, que le jeune capitaine Aponte achète en 1969 son premier cargo.

Ce fils de marin italien qui a vécu en Somalie se lance alors dans l'aventure du transport maritime avant de prendre le virage des porte-conteneurs dans les années 1980. C'est alors que le groupe italo-suisse Mediterranean Shipping Company acquiert une dimension mondiale.

► À lire aussi : Bolloré cède ses activités de logistique en Afrique à l'armateur MSC

Désormais, il manipule chaque année 21,5 millions de conteneurs dans plus de 40 ports répartis sur la planète. Cette entreprise familiale, au capital soigneusement protégé, est aussi très en cour auprès des dirigeants français. Le bras droit d'Emmanuel Macron, Alexis Kohler, est en effet lié à la famille Aponte. Il est d'ailleurs soupçonné de collusion d'intérêts avec le groupe MSC.

Néanmoins, cette proximité est vue par Paris comme un atout dans la préservation des positions commerciales et des bonnes relations avec les dirigeants africains. Quant à MSC, très présent dans le transport terrestre en Afrique via sa filiale Medlog et ses 650 camions, il renforce depuis plusieurs années ses actifs portuaires. 

Situation de quasi-monopole à Lomé

Mais si toutes les autorisations sont obtenues et que le rachat de Bolloré Africa Logistics se concrétise, MSC deviendra un mastodonte en Afrique de l’Ouest, rapporte notre correspondant à Abidjan, Pierre Pinto. En Côte d’Ivoire, Bolloré opère le premier terminal à conteneurs du port autonome d’Abidjan. Et bientôt le deuxième, en consortium avec son partenaire APM Terminals, filiale portuaire du danois Maersk.

Ce deuxième terminal, qui devrait être opérationnel d’ici quelques mois, donnera au port d’Abidjan une autre dimension lui permettant de rivaliser avec ses voisins dans la région : Téma au Ghana, où Bolloré est aussi très implanté, mais surtout Lomé ou Lagos dont le français se partage le port avec les Chinois de China Merchants Ports, les Italiens de Grimaldi, et Maersk notamment. 

C'est vraiment la fin d'une époque où il y avait aussi une rente politique compte tenu de la proximité des pouvoirs africains avec les pouvoirs à Paris.

Antoine Glaser, journaliste et auteur de plusieurs ouvrages sur les relations entre la France et l’Afrique

À Lomé, en reprenant les activités de Bolloré, MSC qui avait installé au Togo son hub continental, se retrouvera en situation de quasi-monopole sur le trafic de conteneurs. Toujours dans la région, MSC est aussi déjà implanté à San Pedro, dans l’ouest de la Côte d'Ivoire, porte de sortie des matières premières ivoiriennes et porte d’entrée pour certains pays de l’hinterland.

Au-delà des ports, MSC desservira donc également les pays enclavés de la sous-région. D’abord grâce à la Sitarail. Cette filiale de Bolloré relie par voie ferrée Abidjan à Ouagadougou via Bobo-Dioulasso. Avant le Covid-19, elle transportait 200 000 passagers et 900 000 tonnes de marchandises par an. Le groupe italo-suisse pourra aussi compter sur plusieurs ports secs : trois à Bamako et un à Kayes, au Mali, deux à Ouagadougou et un autre à Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso.

Après le départ de Barkhane et Takuba, l’UE gardera-t-elle ses missions au Mali?

 

Une réunion des ambassadeurs européens se penche sur la question. Des deux missions européennes au Mali, c’est EUTM qui se trouve le plus sur la sellette. La mission de formation des forces armées maliennes doit être revue selon le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell. Il estime que la réponse de la junte malienne aux demandes de précisions quant au rôle futur des militaires maliens formés par les Européens n’apporte pas suffisamment de garanties. 

Avec notre correspondant à Bruxelles, Pierre Benazet

Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell force en quelque sorte les pays de l’UE à se positionner clairement lorsqu’il affirme que les deux missions vont devoir être recalibrées.

À une extrémité de l’échiquier diplomatique européen se trouvent ceux qui voudraient mettre sur la table l’hypothèse de la fin des deux missions et en tout cas d’EUTM Mali, la mission de formation des forces armées maliennes. Les exactions imputées à certaines unités de ces forces armées sont un argument pour revoir de fond en comble le cœur même du dispositif, voire carrément le mandat qui établit cette mission.

À l’autre extrémité se trouvent des pays plutôt méditerranéens qui veulent se contenter de réduire les entraînements militaires mais ne veulent pas que l’UE s’enfuie à chaque fois qu’elle voit arriver les mercenaires russes de Wagner. Mais la position de ces pays a perdu de sa force depuis que la junte a demandé le départ des troupes danoises.

Une hypothèse intermédiaire pourrait être de réorienter ces missions vers d’autres pays du Sahel et du Golfe de Guinée afin de ne pas renoncer à lutter contre le terrorisme dans la région.

La réunion des ambassadeurs du Comité politique et de sécurité de l’UE ne prendra pas de décision formelle sur l’avenir des missions au Mali mais elle sera déterminante pour connaître l’opinion de chacune des 27 capitales. La décision définitive pourrait être prise lors de la prochaine rencontre des ministres des Affaires étrangères le 11 avril.

Burkina Faso : l’arrestation d’Allassane Bala Sakandé fait tanguer l’ancien parti de Kaboré

Par  - à Ouagadougou
Mis à jour le 29 mars 2022 à 18:27
 

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llassane Bala Sakandé avec Roch Marc Christian Kaboré à Ouagadougou, le 15 octobre 2021. © OLYMPIA DE MAISMONT/AFP

La brève interpellation du président du MPP, dimanche 27 mars, fait craindre une chasse aux sorcières parmi les caciques de l’ancien régime. Et renforce les divisions au sein de la formation, affaiblie depuis la chute de son fondateur.

La libération d’Allassane Bala Sakandé, président du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), n’a pas mis fin aux interrogations et aux commentaires. Pourquoi le chef du parti du président déchu, Roch Marc Christian Kaboré, a-t-il été interpellé durant plusieurs heures dimanche 27 mars ? Le principal intéressé a la réponse : « La conférence de presse organisée le 24 mars dernier par notre parti pour demander la libération du président Kaboré en est la cause », assure Bala Sakandé.

Celui-ci avait alors dénoncé les difficiles conditions que subissait l’ancien chef de l’État, renversé en janvier dernier par le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba. Roch Marc Christian Kaboré est privé de téléphone et de visites autres que celles de son médecin, de ses aides de camp, de ses enfants et de son épouse, qui ne peuvent le voir qu’une heure par jour. Plus tôt dans la journée ce dimanche, les conseils de Bala Sakandé avaient dénoncé l’interpellation de leur client, jugeant que cet acte n’était « ni ordonné, ni autorisé par les autorités légales de poursuite ».

Cabale ?

Au sein du MPP, on craint qu’une chasse aux sorcières ne soit menée parmi les caciques de l’ancien régime. « Bala Sakandé n’a fait qu’exprimer une opinion. Réclamer la libération du président Kaboré ne devrait pas être une affaire d’État. Il y a des problèmes plus pressants à résoudre », fustige Hyppolite Aimé Bayala, un militant du parti, reflétant l’état d’esprit général au sein de l’ex-formation au pouvoir.

Mais l’analyste politique Siaka Coulibaly ne voit en cette arrestation ni une volonté de lancer une cabale contre le parti de Kaboré ni une tentative de restreindre les activités politiques. « Le MPP n’est pas dans le collimateur des putschistes, autrement, la junte aurait déjà procédé à des arrestations massives. L’interpellation de Bala Sakandé est un fait isolé lié à sa déclaration sur l’armée », explique Siaka Coulibaly. Bala Sakandé avait affirmé que tant qu’elle participerait à des coups d’État, l’armée ne serait pas républicaine.

Démissions

Cet événement va-t-il permettre au MPP de resserrer les rangs ou contribuer au contraire à affaiblir son chef ? Depuis le coup d’État, Bala Sakandé est de plus en plus contesté. Alors que l’ex-président de l’Assemblée nationale était supposé très proche de Roch Marc Christian Kaboré et que beaucoup voyaient en lui un dauphin potentiel, certaines franges du MPP tentent de lui en ôter la présidence. D’autres personnalités, tel le député Abdoulaye Mossé, ont décidé de démissionner de la formation.

« Bala Sakandé a été imposé à la tête du parti au grand dam des ténors comme Simon Compaoré [fondateur du MPP au côté de Kaboré en 2014]. Cela alimente les dissensions au sein de la formation et a contribué à amenuiser l’influence du président Kaboré au sein de sa famille politique, qu’il n’a jamais vraiment associée à sa gestion du pouvoir », commente Siaka Coulibaly.

« De plus en plus loin » : une série tournée au Burkina sur la migration et le trafic humain

Mis à jour le 28 mars 2022 à 10:47
 

 

L’équipe de la série burkinabè « De plus en plus loin ». © Canal+ International

Tournée au Burkina, cette première série originale Canal+ vient confirmer le rayonnement de la création audiovisuelle locale. Et adopte le genre du thriller social pour aborder ce thème bien connu.

Une série de huit épisodes de 52 minutes tournée au Burkina Faso sous le label Canal+ International : du jamais vu dans le paysage audiovisuel local. Pourtant, le pays des hommes intègres rayonne sur la scène cinématographique et audiovisuelle africaine depuis 1969 grâce au Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco).

PAS ASSEZ DE SÉRIES DE CE GENRE POUR INONDER LE MARCHÉ LOCAL

« C’est un pays très dynamique, ça tourne beaucoup sur place, constate Alex Ogou, co-producteur de la série De plus en plus loin créée par l’acteur ivoirien Michel Bohiri (vu dans Ma famille) et la Malienne Adiaratou Sangaré. Mais les créations peinent à sortir du continent et ne sont pas commercialisées », note le scénariste et réalisateur franco-ivoirien, déjà à l’origine du succès télévisé de la série de 52 minutes estampillée Canal+ Afrique, Les Invisibles (2018), tournée en Côte d’Ivoire.

Conditions difficiles

Pour ce nouveau projet sélectionné au festival TV de Luchon aux côtés de grosses productions françaises, Alex Ogou s’est entouré d’Arnaud de Buchy, producteur installé au Burkina. « Nous n’avons pas bénéficié des mêmes moyens ni des mêmes compétences qu’une grosse production, mais nous avons prouvé qu’on pouvait le faire. S’il n’y a pas assez de séries de ce genre pour inonder le marché local, c’est justement parce que ce n’est pas facile », expose-t-il.

Tournée pendant quatre mois dans des conditions difficiles, en pleine saisons des tornades, la série révèle une variété de décors qui vient confirmer le potentiel du Burkina comme véritable plateau de tournage. Côté budget, on ne saura rien, « les équipes de Canal+ n’ont pas pour habitude de communiquer sur les budgets investis en lien avec la production des séries Canal+ Original. »

Thriller social

Tirée de faits réels, l’histoire raconte le parcours migratoire de Léon et de son meilleur ami Ibra vers l’Europe. Bientôt victimes d’un réseau de trafiquants d’humains, ils seront bloqués en Libye. Animé par la vengeance, le protagoniste parvient à s’enfuir et décide de remonter le réseau de passeurs-ravisseurs avant de s’enfoncer dans une folie meurtrière.

ON VOULAIT S’INTÉRESSER AUX CAUSES DE LA MIGRATION

Au documentaire et au reportage sur la migration, genres déjà bien connus du public occidental, l’équipe de la série – qui a réuni 10 auteurs venus du Burkina, du Mali, de la Côte d’Ivoire, du Bénin et du Sénégal – a préféré la fiction sous forme de thriller social. « On ne voulait pas s’arrêter à la conséquence de la migration mais s’intéresser aux causes. Il nous fallait personnifier le phénomène pour permettre au public d’aller à la rencontre de corps qui n’ont d’ordinaire ni visage ni histoire », analyse Arnaud de Buchy.

Identification

Son camarade de compléter : « Il ne s’agit plus d’histoires lointaines. L’objectif était d’amener les récits africains à l’international et dans l’universel, ce qui ne signifie pas créer une histoire à l’occidentale, précise celui qui a fait le retour au pays. Le public africain peut se retrouver dans des productions asiatiques – l’Asie étant aussi touchée par l’immigration clandestine. L’inverse est également possible grâce à la fiction réalité, laquelle permet une distanciation tout en autorisant une identification à une histoire ancrée dans le réel. Le contexte africain peut être compris par tout le monde », insiste-t-il.

Présentée au Canal Olympia de Pissy, à Ouagadougou, fin février, cette série sobre et réaliste a réussi le pari de toucher le public local, grâce à un travail d’enquête effectué au plus près des populations lors d’une résidence réalisée par l’équipe courant 2018. « Il n’y a pas une famille ouest-africaine qui n’est pas concernée par la traversée », rappelle Arnaud de Buchy.

De plus en plus loin, réalisé par les burkinabés Fabien Dao et Hervé-Eric Lengani, Canal+, diffusion depuis le 28 février

Peut-on pallier le manque d’engrais en Afrique?

 

La guerre en Ukraine fait exploser les prix des engrais importés en Afrique. En effet, Russes, Ukrainiens et Biélorusses sont les premiers exportateurs d’engrais azotés vers le continent. Aujourd’hui, les pays et les partenaires au développement s’inquiètent d’une possible crise alimentaire dans certaines régions d’Afrique qui pourrait durer plusieurs années. Comment y faire face ? Peut-on remplacer les engrais importés par des engrais locaux ?

 

Les agriculteurs africains devront-ils se passer d’engrais cette année ? La question se pose alors que les prix des fertilisants azotés ont explosé sur le marché mondial en raison notamment de la guerre en Ukraine. L’urée, par exemple, produite à partir d’ammoniac a vu son prix multiplier par huit. Il atteint désormais 1 000 dollars la tonne. Résultat, les agriculteurs ne peuvent plus en acheter.

► À écouter aussi : Flambée du prix des engrais: inquiétude des grands pays agricoles

« Aujourd’hui, en règle générale, une tonne d’engrais équivaut à une production de quinze à vingt tonnes de grains. Du blé ou maïs. Si on n’importe pas aujourd’hui - et l’on voit un manque d’un million de tonnes sur l’Afrique de l’Ouest –, alors automatiquement, on aura un manque de grains de vingt millions de tonnes. Après, explique Mounir Halim, consultant et spécialiste des marchés des engrais en Afrique pour le cabinet Afriqom, le calcul est très facile. On prend le prix du blé à la tonne, et le budget qu’il aurait fallu pour ce million de tonnes d’engrais va être multiplié par cinq ou six pour importer des grains. » 

Et les engrais organiques ?

Dans l’immédiat, la solution ne viendra pas des producteurs de fertilisants africains. Car les Nigérians, notamment, profitent de l’aubaine des prix élevés pour écouler une partie de leur production d’engrais azotés au Brésil et en Europe. Peut-on imaginer remplacer les engrais azotés par des engrais organiques ? Ce type de fumure produite à partir de déchets agricoles dans les campagnes. L’organique intéresse de plus en plus les entreprises que ce soit au Ghana, au Burkina Faso ou en RDC, mais la filière n’en est qu’à ses balbutiements, juge Roland Portella, PDG de Dratigus Development, cabinet de stratégie d’entreprises.

« Avant de parler d’industrialisation, il y a des savoir-faire locaux qui existent depuis des millénaires, mais c’est simplement que chaque agriculteur ou bien chaque petit exploitant utilise ou fabrique ces engrais biologiques à minima. Maintenant, comment passer à une échelle industrielle ? Pour cela, affirme Roland Portella, il faut des politiques publiques efficientes qui puissent encourager ces entrepreneurs qui ont l’ambition de créer des usines d’engrais biologiques dans les dix ans à venir. »

À court terme, c’est-à-dire pour assurer en Afrique de l’Ouest les récoltes plantées cette année, des interventions étatiques seront nécessaires. Les banques de développement régionales ou africaines, comme la BOAD ou la BAD disposent de lignes de crédit pour l’achat d’engrais. Il devient urgent de les mobiliser et de subventionner les prochaines campagnes céréalières.

► À lire aussi : Avec la crise ukrainienne, les matières premières flambent