Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Togo: la Dynamique Monseigneur Kpodzro se sent soutenue par l'arrêt de la Cédéao

 

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Agbéyomé Kodjo à Lomé, Togo, février 2020. PIUS UTOMI EKPEI / AFP

 

Au Togo, les membres de la Dynamique Monseigneur Kpodzro, qui ont soutenu la candidature d'Agbéyomé Kodjo à la présidentielle de février 2020, ont tiré les conséquences de l'arrêt de la cour de justice de la Cédéao, fin mars.

L'institution régionale avait condamné le 24 mars dernier l’État togolais pour avoir violé les droits d'Agbéyomé Kodjo, notamment sa liberté d'expression et son droit de manifester. L’opposant avait porté plainte après son arrestation durant plusieurs jours en avril 2020, après la présidentielle contestée. 

Cette décision de la Cédéao entraîne la libération de toutes les personnes interpellées dans le cadre des manifestations politiques au Togo, a expliqué Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson, ce mercredi au cours d'une conférence de presse. Elle avait elle aussi été brièvement arrêtée à la même date

La coordonnatrice de la Dynamique Monseigneur Kpodzro (DMK), principal soutien d’Agbéyomé Kodjo à la présidentielle de février 2020, est au micro de notre correspondant à Lomé, Peter Sassou Dogbé.

« L’arrêt dit bien qu’on a violé les droits du président Agbéyomé Kodjo à la liberté d’expression en lui interdisant désormais de parler de la victoire aux élections du 22 février 2020. Alors ça veut dire que par ricochet, nous aussi qui menons le même combat, nous aussi, désormais la porte est ouverte pour que nos compagnons de lutte qui sont en exil puissent revenir, pour que nous puissions continuer notre combat, sans craindre qu’on ne porte atteinte à notre droit d’agir librement en nous arrêtant, ce que la Cour a aussi condamné en parlant d’ 'arrestations illégales'. »

Crises nutritionnelles au Sahel : la réponse humanitaire ne doit pas délaisser le nord-ouest du Nigeria et le sud du Niger

Alors que gouvernements, institutions régionales, organisations internationales et bailleurs se réunissent ce 6 avril pour agir contre les crises alimentaires et nutritionnelles qui menacent les régions du Sahel et du lac Tchad, il est primordial de rappeler l’importance des besoins dans des zones oubliées.

Mis à jour le 6 avril 2022 à 15:38
 
Michel-Olivier Lacharité
 

Par Michel-Olivier Lacharité

Responsable du programme des Urgences de Médecins Sans Frontières

 

Cette année, déficit agricole, sécheresse, violences et hausse des prix font craindre une crise alimentaire particulièrement catastrophique au Niger. À Niamey, le 28 mars dernier, une femme continue malgré tout d’effectuer ses tâches quotidiennes. © Omer Urer / Anadolu Agency via AFP

 

Les récits que je retiens de ma récente visite à Katsina, au Nigeria, sont extrêmement violents. Des hommes armés sèment la désolation dans les villages, opérant des kidnappings pour de l’argent. Résultats : les agriculteurs ne peuvent plus se rendre dans leurs champs et les familles sont obligées de fuir. Selon le projet ACLED (Armed Conflict Location & Event Data Project) de collecte de données, d’analyse et de cartographie des crises, l’année dernière, en moyenne dix personnes ont été tuées quotidiennement dans le nord-ouest nigérian et 48 % de toutes les personnes kidnappées au Nigéria l’ont été dans cette partie du pays.

Indicateurs préoccupants

Les mères empruntent des routes dangereuses pour que leurs enfants malnutris, toujours plus nombreux, puissent être pris en charge. Même durant les mois de février et de mars, généralement considérés comme la basse saison de la malnutrition, nous avons continué d’admettre environ un millier de nouveaux enfants par semaine dans notre programme nutritionnel à Katsina.

SANS UN RENFORCEMENT RAPIDE ET SIGNIFICATIF DE LA PRÉVENTION ET DU TRAITEMENT DE LA MALNUTRITION, LA SITUATION VA SE DÉTÉRIORER

L’enquête nutritionnelle réalisée en décembre 2021 par le ministère nigérian de la Santé et l’Unicef faisait déjà état de plus de 100 000 enfants souffrant de malnutrition sévère dans le nord-ouest nigérian. À l’approche de la période de soudure – qui débute généralement en juin –, sans un renforcement rapide et significatif des activités de prévention et de traitement de la malnutrition, la situation sur place va se détériorer.

On pourrait penser que tous les ingrédients sont réunis pour constituer une urgence humanitaire à laquelle les autorités, les Nations unies et d’autres organisations répondent en mettant des moyens financiers, logistiques, humains et opérationnels intensifiant les soins destinés à sauver des vies, notamment celles des enfants. À Katsina et dans d’autres États du nord-ouest nigérian, il n’en est rien pour l’instant.

SELON DES AGENCES DE L’ONU, UNE INTERVENTION HUMANITAIRE INTERNATIONALE NE SERAIT PAS NÉCESSAIRE CAR LA SITUATION N’EST « PAS UN CONFLIT INTERNE ». IL DEVIENT URGENT DE RÉVISER CETTE APPROCHE

Cela est en partie dû à l’approche des agences humanitaires onusiennes. Leur analyse des besoins dans le pays fait apparaître que le nord-ouest a récemment connu plus de décès que le nord-est et présente des indicateurs préoccupants, mais la conclusion est déroutante : une intervention humanitaire internationale ne serait pas nécessaire car la situation n’est « pas un conflit interne » et les causes ont principalement trait à « un manque de développement ». Est aussi invoquée la nécessite de « ne pas diluer » les ressources consacrées aux efforts humanitaires dans le nord-est du pays. En conséquence, le nord-ouest a été largement négligé et exclu du plan de réponse humanitaire coordonnée par les Nations unies au Nigeria pour l’année en cours. Il devient urgent de réviser cette approche.

Saison catastrophique

L’année dernière, plus de 30 000 femmes résidant à Katsina ont traversé la frontière pour que leurs enfants bénéficient d’une prise en charge dans les structures médicales de la région de Maradi au Niger. Nos équipes y prêtent main-forte aux soignants du ministère de la Santé pour démultiplier chaque année les capacités hospitalières face à l’afflux massif d’enfants malades durant les mois les plus critiques du pic et améliorer l’accès aux soins pédiatriques tout au long de l’année.

AU NIGER,  JUSQU’À 3,6 MILLIONS DE PERSONNES POURRAIENT ÊTRE EN SITUATION DE CRISE ALIMENTAIRE EN JUIN ET PRÈS DE 1,3 MILLION D’ENFANTS EN MALNUTRITION AIGUË

Cette année, déficit agricole, sécheresse, violences et hausse des prix font aussi craindre une saison particulièrement catastrophique au Niger : jusqu’à 3,6 millions de personnes pourraient être en situation de crise alimentaire en juin 2022, soit 15 % de la population, et près de 1,3 million d’enfants en malnutrition aiguë.

Dans ce pays, si l’attention des bailleurs se concentre à raison sur le sort des populations en zones de conflit à Tillabéri et Diffa, la réponse humanitaire ne devra pas délaisser les régions plus au sud densément peuplées et considérées comme plus stables, telles que Maradi et Zinder, qui représentent en volume les foyers de malnutrition aiguë les plus importants du pays et nécessiteront des moyens conséquents.

PARMI LES MESURES À PRENDRE, LE RENFORCEMENT DU SOUTIEN AUX STRUCTURES DE SANTÉ LOCALES SERAIT UNE DES PRIORITÉS

Nous devons agir et travailler ensemble pour éviter une nouvelle crise nutritionnelle majeure à Katsina, mais aussi dans le sud du Niger, dans quelques mois. Lors de la réunion entre gouvernements, bailleurs et organisations internationales, ce mercredi, il est nécessaire que des moyens à la hauteur des besoins soient mobilisés. Contrairement à Médecins sans frontières (MSF), dont les activités sont financées presque exclusivement par des dons privés, de nombreuses organisations humanitaires dépendent de ces engagements pour pouvoir déployer des opérations d’envergure.

Parmi les mesures à prendre, le renforcement du soutien aux structures de santé locales, en particulier pour assurer leur approvisionnement en aliments thérapeutiques prêts à l’emploi dans le nord-ouest du Nigéria, serait une des priorités. Actuellement dans l’état de Katsina, seulement 12 districts sur 34 font l’objet d’un tel soutien de la part d’Unicef. Face au risque de crises alimentaires et nutritionnelles particulièrement aiguës en 2022, la réponse doit être significative, et se mettre en place rapidement. Mais surtout, elle doit être guidée par l’importance des besoins, y compris au nord-ouest du Nigeria et au Sud du Niger.

Mali: la Minusma pourra-t-elle enquêter à Moura

 

Plus de 200 jihadistes tués, une cinquantaine d’interpellations. C'est le bilan officiel de l’opération militaire malienne menée la semaine dernière sur le village de Moura, dans le centre du Mali. Mais cette action antiterroriste fait aussi l’objet de très nombreuses allégations de violences commises par les soldats maliens et leurs supplétifs russes. La Mission des Nations unies au Mali (Minusma), souhaite mener une enquête, mais rien n’est encore garanti.

« Il y a un imbroglio autour des demandes d’autorisations », explique une source onusienne impliquée dans l’organisation de la mission censée enquêter à Moura. Qui espère que les autorités politiques et militaires maliennes finiront par donner leur feu vert. 

L’armée malienne affirme ouvrir des enquêtes de manière systématique en cas d’allégation d’exactions portées contre les Fama, mais les défenseurs des droits humains, maliens et internationaux, tiennent à une enquête indépendante. Indépendante et rapide.

Car certaines sources locales craignent que le temps qui passe puisse être mis à profit pour dissimuler des preuves ou faire pression sur les habitants. Les témoignages faisant état de corps brûlés et enterrés à la chaîne dans des fosses communes laissant déjà penser que le nombre précis de victime sera long et difficile à établir.

Difficile d'enquêter

« Il est toujours possible d’enquêter à distance, d’identifier et d’entendre des témoins, explique tout de même un habitué de ce genre de travail. Mais évidemment, c'est moins précis ». Par le passé, la Minusma a pu enquêter sur de nombreuses allégations d’exactions commises par les forces maliennes ou françaises, comme à Bounty, il y a un peu plus d’un an. Le rapport onusien s’était montré accablant pour la force Barkhane. Mais l’arrivée de supplétifs russes aux côtés des soldats maliens et le secret entretenu par Bamako autour de leurs activités ont considérablement limité l’accès à certaines informations et à certaines zones.

Lorsque l'armée malienne est venue faire un assaut, il était important que notre armée républicaine agisse pour pouvoir bien identifier, cibler les terroristes, les neutraliser et ne pas faire un amalgame. Cet amalgame, au lieu de rassurer la population, a eu pour conséquence négative l'éloignement de ces populations-là.

Ismaël Sacko (Parti socialiste démocrate africain): «Il y a une bonne partie de la population civile qui a été prise pour cible»

►À lire aussi : Que s’est-il réellement passé à Moura ?

Afrique de l’Ouest : comprendre l’inflation de putschs, après coup…

Mis à jour le 4 avril 2022 à 16:14
 
Pierre D'Herbès
 

Par Pierre D'Herbès

Journaliste indépendant spécialiste des questions de défense

 

 

Des manifestants protestent contre les sanctions prises par la Cedeao à la suite du coup d’État, à Bamako, le 14 janvier 2022. © PAUL LORGERIE/REUTERS

 

Ces deux dernières années, des militaires ont pris le pouvoir en Guinée-Conakry, au Mali et au Burkina Faso, dans un contexte sécuritaire dégradé. Mais d’autres facteurs, notamment la grogne sociale, permettent d’expliquer le renversement des gouvernements en place.

Depuis dix-huit mois, l’Afrique de l’Ouest subit une recrudescence de putschs militaires : en Guinée-Conakry (Mamadi Doumbouya), au Mali (Assimi Goïta) et au Burkina Faso (Paul-Henri Sandaogo Damiba). Structurellement fragilisés par une mauvaise gouvernance endémique et une crise de légitimité, ces États sont en situation d’instabilité politique permanente.

Dans un environnement sécuritaire régional dégradé, marqué par des conflictualités multiformes (séparatisme, conflits communautaires, trafics, banditisme, terrorisme, etc), les rares unités d’élite composant les forces armées de chaque pays bénéficient d’un rapport de force et d’une excellente popularité leur ouvrant aisément les portes du pouvoir.

Faiblesse structurelle des armées

Économiquement fragiles, aussi bien la Guinée-Conakry, le Mali que le Burkina Faso ne disposent d’outils militaires fiables. Le mésusage des budgets alloués à la Défense lié à la corruption systémique, à la mauvaise planification budgétaire et aux pratiques douteuses dans les passations de marché public, est un facteur bloquant majeur à toute montée en puissance administrative, capacitaire et opérationnelle durable.

La plupart des unités sont donc généralement mal entraînées, mal payées, mal équipées et surtout, étrangères au moindre esprit de corps. Dans de nombreux pays africains, la stabilité du régime repose ainsi uniquement sur la loyauté, parfois chancelante, des forces spéciales et des gardes présidentielles au chef de l’État.

Ces unités sont particulièrement favorisées et disposent de cadres formés dans les écoles militaires occidentales. Très minoritaires en effectifs, elles disposent pourtant, de facto, de l’essentiel des capacités coercitives du pays. Quand elles affrontent directement les groupes armés terroristes, comme c’est le cas au Mali ou au Burkina Faso, ces gardes prétoriennes bénéficient en outre d’un certain prestige.

Dès lors, d’un point de vue purement opérationnel, la prise de pouvoir devient presque une formalité. L’image d’Épinal d’une poignée de militaires d’élite dans quelques pick-up traversant la capitale pour se rendre dans le palais présidentiel est, dans les cas ouest-africains, proche des réalités de terrain.

LES COUPS D’ÉTAT N’ENTRAÎNENT QUASIMENT PAS DE RÉSISTANCE DE FORCES RESTÉES LOYALES

Le bilan humain du coup d’État guinéen de septembre 2021, n’est que d’une dizaine de morts tandis qu’au Burkina Faso, deux décès seraient à déplorer en marge du putsch. Signe que ces coups d’État, qui se déroulent dans une temporalité très courte – une journée en Guinée, deux au Burkina Faso – n’entraînent quasiment pas de résistance de forces restées loyales.

Grogne sociale

Dans les trois cas, les putschistes ont bénéficié d’un faisceau de conditions objectivement favorables à leurs actions. Le contexte de grogne sociale au Mali, en Guinée et au Burkina Faso a donné une forte légitimité aux juntes militaires qui ont bénéficié d’un appui notable des populations urbaines.

D’anciens activistes exilés par Alpha Condé reviennent à Conakry, le 18 septembre 2021. © CELLOU BINANI/AFP


D’anciens activistes exilés par Alpha Condé reviennent à Conakry, le 18 septembre 2021. © CELLOU BINANI/AFP

 

Ainsi, au Mali, le colonel Assimi Goïta est parvenu à légitimer son premier coup d’État, en août 2020, sur la promesse de combattre la corruption. Mais aussi sur la perspective de régler la question sécuritaire, qui oppose schématiquement Bamako aux Touaregs du nord du pays et à une partie des Peuls dans le centre, largement exploitée par les groupes armés terroristes de la région (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, GSIM ; État islamique au Grand Sahara, EIGS).

C’est la raison pour laquelle la junte malienne a pu compter sur le soutien du mouvement d’opposition du 5 juin (M5) et son leader très charismatique : l’imam Mahmoud Dicko, l’un des fer-de-lance de l’opposition politique à l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta et connu pour ses prises de position résolument anti-occidentales.

Au Burkina Faso, la junte menée par le colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, qui a renversé le président Roch Marc Christian Kaboré en janvier 2022, s’est appuyée sur le même type de revendications. Le pays connaît une recrudescence d’attaques terroristes depuis 2015, menées par une pluralité de groupes islamistes, parfois rivaux, affiliés à l’État islamique, à Al-Qaïda ou indépendants (Ansarul Islam), et nourris en combattants par la marginalisation croissante de la minorité peule.

Une problématique qui se double de la prolifération de groupes d’autodéfense communautaires (majoritairement mossis), les Koglweogo, indépendants de l’État central, se chargeant eux-mêmes de la lutte contre l’insécurité pour combler les béances des forces de sécurité burkinabè, au prix de nombreuses atteintes au droit humain.

En Guinée, le colonel Mamadi Doumbouya profite de la perte critique de popularité du président Alpha Condé. Ce dernier était jugé illégitime par l’opposition depuis son changement constitutionnel controversé en 2019 et surtout son troisième mandat en 2020, à l’issue d’un scrutin vivement contesté. Le putsch du colonel, en septembre 2021, est donc accueilli favorablement par l’opposition, dont la principale figure, le leader de l’Union des forces démocratiques (UFDG), Cellou Dalein Diallo, tant la dérive autoritaire du pouvoir d’Alpha Condé était prononcée.

Un échec déjà consommé ?

Après 18 mois de transition, et malgré un soutien encore important de la population, le régime malien se retrouve de plus en plus isolé. Son bilan, et la volonté d’Assimi Goïta de s’accrocher au pouvoir au-delà de l’échéance électorale initialement fixée en février, sont de plus en plus critiqués par ses anciens sympathisants, comme l’imam Dicko. Ce dernier a aussi plus récemment critiqué la dégradation des relations avec Paris et le départ des forces françaises. L’imam n’est pourtant pas connu pour être profrançais. Mais plus qu’un alignement sur l’Hexagone, ses prises de position semblent indiquer la fin de l’État de grâce pour la junte.

En cédant aux influences russes et algériennes, le colonel Goïta a probablement signé l’échec de son régime. Car ni Alger ni Moscou, y compris le groupe Wagner, n’ont les capacités de fournir un spectre d’appui militaire, dans la région, aussi important que celui de l’opération Barkhane.

In fine, le départ de l’armée française devrait mettre en évidence les failles béantes des forces armées maliennes (Fama). Comme elles l’ont encore récemment démontré après un lourd revers à Mondoro (centre), et même si la France a récemment indiqué qu’elle continuerait à fournir un soutien aérien.

En Guinée, on note une volonté affichée du Comité nationale du rassemblement pour le développement (CNRD) d’assainir la sphère publique et l’armée à grande vitesse (mise à la retraite d’officiers supérieurs, ambassadeurs, fonctionnaires, mesures anticorruption, etc). Mais cette procédure paraît avoir plus pour but d’affermir le propre réseau du colonel Doumbouya, un passage obligé pour celui qui était jusque-là inconnu sur la scène guinéenne.

LE REFUS DE DOUMBOUYA D’ETHNICISER SES DISCOURS POLITIQUES POURRAIT CONSTITUER UNE PORTE DE SORTIE VIABLE DU FLÉAU COMMUNAUTAIRE

La stratégie de la junte semble être de disqualifier rapidement l’opposition, qui avait pourtant accueilli favorablement le coup d’État. Ainsi, Cellou Dalein Diallo (UDFG) et Sidya Touré (Union des forces républicaines, UFR) sont-ils la cible de plusieurs mesures de harcèlement (expulsion du domicile, enquête pour des faits présumés de corruption, etc). Ces mesures hostiles pourraient être perçues comme une forme de prise de contrôle prédatrice (et communautaire) de l’État.

Compte tenu de son poids politique et de son expérience d’homme d’État, il apparaît difficile de se passer du leader de l’UFDG dans le cadre d’une transition se voulant réformatrice et apaisée. D’autant que, contrairement à Alpha Condé, le refus de la junte d’ethniciser ses discours politiques pourrait constituer une porte de sortie viable du fléau communautaire pour la vie politique guinéenne.

PAR LE PASSÉ, CERTAINS PUTSCHS ONT PERMIS DE ROMPRE LE STATU-QUO : CELA A ÉTÉ LE CAS AU NIGER EN 2010

Les similitudes modales du putsch burkinabè plaident pour des effets similaires dans un futur proche. Mais l’exercice du pouvoir par la junte militaire n’en étant qu’à ses prémisses, les éléments ne permettent pas encore de se prononcer sur sa capacité à amorcer un redressement du pays.

Il ne s’agit pas ici de critiquer ces coups d’État en tant que tels qui, comme en Guinée, viennent mettre un terme à un ordre profondément inconstitutionnel. Mais plutôt de montrer qu’ils ne résoudront rien aux crises protéiformes (économique, sécuritaire, institutionnelle…) rencontrées par ces pays, et pourraient même les aggraver.

Par le passé pourtant, certains putschs ont permis de rompre le statu-quo : cela a été le cas au Niger en 2010, lorsque Mamadou Tandja a été renversé par l’armée. C’est aujourd’hui un pays relativement stable, qui a su temporiser ses relations avec ses minorités nomades (touaregs et arabes). Fiable sur le plan militaire et partenaire de confiance de Paris, le pays semble aussi avoir bien solidifié ses institutions. En témoigne l’échec du coup d’État mené en mars 2021 par… des éléments de l’armée. Un fait survenu deux jours avant l’intronisation du président Mohamed Bazoum, membre d’une ethnie minoritaire (Oulad Souleymane).

Un texte reçu de notre confrère Andreas Göpfert chargé de Justice et Paix dans notre congrégation

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