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Burkina Faso : Kaboré tente de faire retomber la pression

Mis à jour le 26 novembre 2021 à 15:40
 

 

Roch Marc Christian Kaboré, lors de son discours télévisé, le 25 novembre 2021. © DR / Présidence burkinabè.

 

Dans une allocution à la télévision nationale, le président a annoncé un remaniement et des changements « imminents » au sein de l’armée pour tenter de désamorcer la colère populaire, alors que des appels à manifester samedi dans tout le pays ont été lancés par ses opposants et des organisations de la société civile.

« Il ne faut surtout pas croire que c’est en cassant le thermomètre qu’on guérit de la fièvre. » Jeudi 25 novembre, alors que la nuit était tombée depuis longtemps sur Ouagadougou, c’est un Roch Marc Christian Kaboré à l’air grave qui est apparu sur les écrans de télévision des Burkinabè. Dans cette allocution imprévue d’une dizaine de minutes, le président a tenté de calmer la grogne de ses compatriotes qui, depuis quelques jours, fait sérieusement vaciller son pouvoir.

À la base de ce mécontentement généralisé : la situation sécuritaire très préoccupante et, plus particulièrement, l’attaque d’Inata. Le 14 novembre, au moins 54 gendarmes de ce détachement du Soum ont été tués par des jihadistes. Jamais l’armée burkinabè n’avait subi une telle saignée. Un massacre d’autant plus incompréhensible que ces hommes n’étaient plus ravitaillés depuis quinze jours et avaient alerté leur hiérarchie sur leur sort.

« Changements imminents »

Alors que des appels à manifester dans tout le pays laissent craindre un vaste mouvement de contestation populaire ce samedi, Kaboré a proposé une série de mesures pour tenter de faire baisser la température. Il a d’abord annoncé un remaniement « dans les prochains jours » pour former un gouvernement « resserré et plus soudé ».

Il a aussi promis « des changements imminents » au sein des forces armées, même s’il avait déjà procédé à une série de nominations en septembre. Il a en outre promis une « présence active et effective » des chefs militaires sur le front « aux côtés de la troupe », laquelle, en plein doute, se plaint de plus en plus ouvertement d’être abandonnée par les autorités.

Concernant l’attaque d’Inata, le chef de l’État a indiqué que le rapport de l’enquête administrative lui serait remis mardi. « Toutes les conséquences disciplinaires seront tirées et les poursuites judiciaires appropriées seront engagées », a-t-il assuré. Il a également annoncé le lancement, dès la semaine prochaine, d’une « opération mains propres contre la corruption ».

Et internet ?

Rien, en revanche, au sujet du rétablissement de la connexion internet mobile. Depuis le 20 novembre, les Burkinabè n’y ont plus accès. Une décision radicale, appliquée parfois dans d’autres pays en crise mais inédite au Burkina Faso. Jeudi, à la sortie du conseil des ministres, le gouvernement a annoncé le prolongement de cette mesure pour 96 heures, la justifiant par la situation sécuritaire nationale et les appels à manifester malgré l’interdiction des autorités.

Les écoles sont par ailleurs fermées ces vendredi et samedi. Quant aux festivités prévues pour la fête nationale du 11 décembre, qui devaient se dérouler cette année à Ziniaré, elles ont été « reportées » en raison des « deuils successifs subis » par la nation et les forces de défense et de sécurité.

Kaya : « David » burkinabè contre « Goliath » le drone français

Mis à jour le 23 novembre 2021 à 10:28
 
Damien Glez
 

Par Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

 

Damien Glez © Damien Glez

 

Un drone abattu par un lance-pierre dans une ville burkinabè ? Ainsi naissent les légendes : l’appareil serait français et le sniper un manifestant d’une quinzaine d’années…

Dans un Burkina Faso devenu labyrinthe pour un convoi militaire français balloté entre Kaya et Ouagadougou, en passant par Laongo, le feuilleton offert, depuis la fin de semaine dernière, a tout d’un running-gag burlesque. Devant ce chassé-croisé entre militaires français figés, manifestants inflexibles et forces de l’ordre locales gênées aux entournures, un observateur extérieur aurait été bien incapable de comprendre tout à fait le comportement de chacune des trois parties.

Ce qui ajoute sans doute à l’enjaillement offert aux jihadistes qui récoltent les fruits des germes de chaos semés depuis des années. Surtout – climax ! –, lorsque deux camions appartenant à l’armée burkinabè auraient été pris à partie, par erreur, alors qu’ils devaient ravitailler des soldats engagés au Nord contre le terrorisme. L’opinion nationale venait, justement, de dénoncer le manque de nourriture des troupes au front…

Symbolique et exaltation

Au milieu de cette pagaille irrationnelle, advient soudain un instant de grâce que les meilleurs storytellers n’auraient jamais osé planifier. Au troisième jour du blocus imposé, dans la ville de Kaya, par des pourfendeurs de la présence militaire française au Faso, un enfant abat un drone avec un lance-pierre…

Porté en triomphe, l’adolescent qui serait âgé de 15 ans a tout d’un Gavroche, du nom de ce personnage des Misérables qui offrit sa poitrine juvénile aux forces armées contestées. Mais ce jeune burkinabè ne chute pas comme Gavroche. Plutôt comme David, le personnage de l’ancien testament, il terrasse un géant armé jusqu’aux dents. Une fronde pour l’un, pour l’autre : un lance-pierre. Le géant Goliath pour l’un, pour l’autre : rien de moins que l’armée de l’ancien colon… Si l’on en croit les premiers posts enflammés sur les réseaux sociaux.

Certes, le doute persisterait quant à l’enregistrement dudit drone à l’arsenal de l’opération Barkhane. Certes, l’aéronef télécommandé n’a rien d’un avion de combat. Certes, le bataillon français au Sahel n’est pas décapité comme Goliath. Mais la symbolique est trop forte pour résister à l’exaltation. Il n’y a pas plus africain et plus enfantin – censément fragile –  que le lance-pierre qui sert à chasser les margouillats. Il n’y pas plus « exotique » – entendez occidental – qu’un objet volant sans pilote.

Cliché et tee-shirts

En mal de galvanisation depuis l’insurrection populaire de 2014, la foule porte en triomphe l’enfant frondeur et son arme du pauvre : voici viralement investi « le petit qui a fait tomber le drone de l’armée française avec un lance-pierre ». À peine le cliché visionné par la plupart des internautes locaux, c’est le trophée du drone qui est exhibé sur Youtube, sous la forme d’une pièce de l’appareil déchiqueté déjà propulsé au rang de relique. Puis les graphistes en herbe du Faso diffusent une sorte de logotype où le manche et l’élastique du sniper adolescent remplacent le “Y” de “Kaya”. Second degré ou vénalité ? D’autres apposent déjà un prix, 5000 francs CFA, à un modèle de tee-shirt floqué d’un lance-pierre…

Beaucoup de bruit pour rien ? Le convoi militaire évaporé au Niger, il reste aux autorités burkinabè le soin d’expliquer comment une armée étrangère peut effectuer des tirs de sommation à quelques encablures de leurs oreilles et comment les « manipulateurs de réseaux sociaux » dénoncés par le ministre français des Affaires étrangères peuvent faire la loi, plus de 24 heures, dans une paisible ville d’Afrique de l’Ouest…

Mali : qui sont les relais du soft-power russe à Bamako ?

Mis à jour le 22 novembre 2021 à 17:27
 

 

Manifestation antifrançaise, à Bamako, le 27 mai 2021. © Michele Cattani/AFP

 

L’annonce de la possible arrivée de la société de sécurité russe Wagner au Mali fait polémique. Ce n’est pourtant que le dernier acte de l’offensive médiatique, discrète et déterminée, que mène Moscou dans le pays. Au grand dam de la France.

Il est 14 heures, ce vendredi 29 octobre, et le goudron est brûlant à Bamako. Alors que les mosquées se vident, des milliers de personnes convergent vers la place de l’Indépendance. Dans les cortèges qui les conduisent au point de rassemblement, le drapeau russe épouse les couleurs nationales. « Dégage la France », « Vivement la venue des Russes. Mot d’ordre des Maliens », peut-on lire sur certaines affiches et pancartes fièrement brandies par les manifestants.

Slogans hostiles

Les slogans hostiles à la France et à la force militaire Barkhane succèdent aux discours souverainistes, qui glorifient Assimi Goïta, le président de la transition. La place de l’Indépendance et ses abords deviennent noirs de monde. Jamais on n’avait assisté à pareil rassemblement depuis la chute du président Ibrahim Boubacar Keïta, le 18 août 2020. Cette fois, les manifestants ne battent pas le pavé contre un régime mais en faveur du gouvernement de transition. Le mouvement Yerewolo-Debout sur les remparts, à l’initiative de cette mobilisation, est connu pour son hostilité à la présence française au Mali, à laquelle elle préfère une collaboration avec la Russie.

NOUS REFUSONS LE DIKTAT DE LA FRANCE ET DE LA CEDEAO », LANCE LE PORTE-PAROLE DU MOUVEMENT YEREWOLO.

À la tribune, des membres du Conseil national de transition (CNT) côtoient des cadres du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) et des figures de proue de Yerewolo, dont son porte-parole, Adama Diarra, dit « Ben le Cerveau ».

En bamanankan et parfois même en russe, ces protagonistes haranguent la foule. « Nous refusons le diktat de la communauté internationale, particulièrement celui de la France et de la Cedeao », lance Pape Diallo, le secrétaire à la communication de Yerewolo-Debout sur les remparts. Le ton est donné.

LE PREMIER DIPLOMATE À AVOIR ÉTÉ REÇU PAR LES PUTSCHISTES A ÉTÉ IGOR GROMYKO, L’AMBASSADEUR DE RUSSIE.

Cette manifestation pro-gouvernementale prend des apparences de référendum pour ou contre la venue de la nébuleuse Wagner. À la mi-septembre, alors que les forces de Barkhane s’apprêtaient à passer le relais aux Forces armées maliennes (FAMa) dans les zones de Tessalit, Tombouctou et Gao, la nouvelle qu’un contrat serait peut-être signé entre la société privée russe Wagner et l’État malien a autant inquiété que mécontenté les pays occidentaux, France en tête.

Farouchement opposé à cette initiative, Emmanuel Macron a, par la voix de Florence Parly, sa ministre des Armées, fait passer un message clair. « Si le Mali s’engage dans un partenariat avec des mercenaires, il s’isolera et perdra le soutien de la communauté internationale, qui est pourtant très engagée », a prévenu cette dernière.

Équipements militaires

Engagée aux côtés de Bamako, la Russie l’est déjà. Et elle l’a fait savoir dès les premiers jours de la chute d’IBK. Le premier diplomate à avoir été reçu par les putschistes, réunis au sein du Conseil national pour le salut du peuple (CNSP), a été Igor Gromyko, l’ambassadeur de la Fédération de Russie au Mali, le 21 août 2020. Une visite remarquée, mais dont rien n’a filtré. Peu bavard, Igor Gromyko avait été lapidaire devant les caméras : « Nous avons discuté de la sécurité ».

Mais de quelle sécurité parlait-il alors ? De la livraison prochaine d’équipements militaires russes (quatre hélicoptères MI-171 et des armes ont effectivement été livrés un an plus tard) ? Le nom de Wagner avait-il déjà été évoqué au cours de cette entrevue ? Officiellement, Moscou veut s’en dissocier : « [Wagner] n’est pas l’État. C’est une entreprise privée liée à l’extraction de ressources énergétiques, d’or ou de pierres précieuses. Si ses intérêts entrent en conflit avec ceux de l’État russe […], nous devrons réagir et nous le ferons », s’était contenté de déclarer, à la fin d’octobre, le président Vladimir Poutine. Néanmoins, à la lumière de ce qu’il se passe en République centrafricaine, difficile, aujourd’hui, de tracer une frontière entre cette entreprise détenue par Evgueni Prigojine – un oligarque proche de Poutine – et le Kremlin.

Depuis le sommet de Sotchi, en 2019, l’une des stratégies de Moscou pour accroître son influence en Afrique consiste à cibler et à financer des leaders d’opinion. Au Mali, Wagner a déjà déployé sa propagande à travers des relais tels que Yerewolo.

 

russe

 

Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, avec son homologue malien Abdoulaye Diop, au siège de l’ONU, à New York, le 25 septembre 2021. © Russian Foreign Ministry/TASS/Si/SIPA
 
 

En septembre dernier, alors que l’opinion malienne se demandait encore si le fameux contrat avait été signé, Ben le Cerveau, le leader du mouvement, avait confirmé : « Cinquante experts militaires russes sont au Mali depuis plus d’un mois. Ils ont rendu un rapport d’expertise ».

Cet activiste, par ailleurs membre du CNT, avait ajouté : « Dans le contrat, [les experts russes] ont assuré qu’ils mettraient fin à la guerre au Mali dans un délai de six mois. C’est ce qui est convenu entre nous et la Russie. C’est ce qui est la vérité. » Propagande, ou information sérieuse ? Depuis quelques années, Ben le Cerveau s’est fait une notoriété en surfant sur le mécontentement populaire lié à l’enlisement du conflit et en appelant de ses vœux une intervention militaire russe. Laquelle, prétend-il, serait plus efficace que celle des forces de Barkhane.

Engin artisanal

Au sein de Yerewolo, d’autres personnalités jouent leur partition. Amina Fofana, elle aussi membre du CNT, est de ceux-là. En janvier 2021, lors d’un passage sur Afrique Media, une chaîne camerounaise qui passe pour faire de la propagande prorusse et dont les contenus sont massivement relayés par les antennes de Yerewolo, elle a fait parler d’elle en accusant la France d’avoir menti sur les raisons qui avaient conduit à la mort du brigadier-chef Tenerii Mauri et des chasseurs de première classe Dorian Issakhanian et Quentin Pauchet. En décembre 2020, ces trois militaires français étaient décédés dans l’explosion de leur blindé, qui avait roulé sur un engin artisanal, entre Hombori et Gossi.

Si les tensions entourant l’arrivée de Wagner ont exacerbé cette guerre de la communication, l’influence russe au Mali ne date pas d’aujourd’hui. Avant la montée en puissance de Yerewolo, le Groupe des patriotes du Mali (GPM) était déjà à l’œuvre.

LE GROUPE DES PATRIOTES DU MALI SURFE SUR LES FRUSTRATIONS QUOTIDIENNES DE LA POPULATION. »

En janvier 2019, ce groupe affirmait avoir déposé à l’ambassade de Russie à Bamako une pétition comportant 8 millions de signatures et réclamant un  accroissement de la coopération entre les deux pays. Il s’agissait de « faire contrepoids à la Minusma et à Barkhane », expliquait à Jeune Afrique Tania Smirnova, chercheuse au Centre FrancoPaix (Montréal). « Les militants du GPM surfent sur les frustrations quotidiennes de la population », avait-elle ajouté.

S’il est difficile de prouver que la Russie soutient activement ses activités, des sources indiquent qu’en juin dernier des personnalités du Groupe auraient rencontré l’ambassadeur Gromyko.

Réseau Prigojine

Toujours depuis le sommet de Sotchi, Moscou a lancé une vaste campagne de recrutement, par le biais d’outils de soft power appartenant au réseau Prigojine. Celui-ci organise régulièrement des conférences et des séminaires avec des leaders d’opinion pro-russes. Ces rencontres sont souvent pilotées par des institutions telles que l’Association for Free Research and International Cooperation (Afric) ou la Fondation de la protection des valeurs nationales. Lors de ces séminaires, il n’est pas rare d’apercevoir des figures de proue de la lutte contre la France-Afrique, aux premiers rangs desquels l’activiste Kémi Seba.

NOMBRE DE MÉDIAS RUSSES SE SONT DOTÉS D’UNE ÉDITION FRANÇAISE POUR TOUCHER LE PLUS DE LECTEURS POSSIBLE EN AFRIQUE.

À Bamako, l’African Back Office, un think tank informel lancé par Prigojine, « propose des leitmotiv qui viennent se greffer sur les nationalismes locaux », confie un observateur des mouvements sociaux au Mali. Il a notamment été alimenté par le politologue Alexandre Douguine, maître à penser de l’influence russe et expert dans la diffusion de théories complotistes.

Nombre de médias russes se sont par ailleurs dotés d’une édition francophone pour toucher le plus de lecteurs possible en Afrique. Cette stratégie s’est révélée payante au Mali.

Dans une étude parue en juillet 2021, portant sur « les pratiques et récits d’influences informationnelles russes en Afrique subsaharienne », le chercheur français Maxime Audinet a montré qu’en 2020, avec 16 628 visites par mois, le Mali est de loin le pays d’Afrique francophone où le site Russia Today France a été le plus consulté. Durant la même période, l’audience de Sputnik France a fortement crû dans le pays, avec 107 360 visites par mois, juste derrière le Cameroun.

Ligne éditoriale

Tout comme elle le fait en Centrafrique, la Russie étend son réseau d’influence au Mali à travers les médias locaux. Depuis que les négociations entre Wagner et l’État malien ont été révélées, de nombreux titres adoptent une ligne éditoriale de plus en plus pro-russe. Et se font volontiers les relais d’informations diffusées par Russia Today France et Sputnik France.

Le site franco-malien Maliactu (détenu par Séga Diarrah, qui a fait ses études en France et en Suisse), est sans doute celui qui va le plus loin. Arborant un bandeau « exclusif », il a, le 5 octobre dernier, publié une interview d’Alexandre Ivanov, le patron de la Communauté des officiers pour la sécurité internationale (Cosi), une officine installée à Bangui.

ON MÈNE UNE GUERRE DE L’INFORMATION CONTRE NOUS CAR NOUS DÉTRUISONS LE SYSTÈME NÉOCOLONIAL. »

Connu de tous en RCA, Ivanov se charge de légitimer le rôle des «instructeurs » russes dans ce pays. Lors de son passage à Bamako, il s’est, sans surprise, exprimé sur l’arrivée de Wagner au Mali. « Nous sommes confrontés à une guerre de l’information menée contre nous parce que nous détruisons le système néocolonial […]. Nous continuerons à aider ceux qui ont besoin de nous », a-t-il noté, vantant les « prouesses » du groupe Wagner, à l’opposé d’une France « qui n’est pas intéressée par le développement des armées nationales ».

« Cette interview d’Ivanov est le premier article dans lequel une personnalité russe commence à diffuser des éléments de langage sur Wagner au Mali, relève Maxime Audinet. Tout à leur stratégie de séduction, les Russes essaient de faire converger des récits ancrés dans leur pays, comme la défense de la souveraineté, et des récits déjà ancrés en Afrique, qui dénoncent l’ingérence occidentale et la Françafrique ».

Comment ce site malien a-t-il mis la main sur cet homme influent ? Habituellement, Ivanov ne s’exprime que sur Lengo Songo, l’une des principales radios de Bangui, réputée financée par Prigojine. Le patron de Maliactu, Séga Diarrah, se défend pour sa part d’être financé par les Russes. Sa démarche, assure-t-il, a pour but de sortir du « conformisme ». « Nous traitons toutes les informations susceptibles d’intéresser nos lecteurs. Si une entreprise privée, qui est sur le point de signer un contrat avec l’État malien, entre en contact avec nous, rien ne nous empêche de travailler avec elle », se défend-il. C’est ainsi que, depuis quelques mois, Maliactu donne régulièrement la parole à des « experts russes » sur lesquels il est incapable de mettre un visage.

Tentacules

Séga Diarrah « ne croit pas en la venue de Wagner à Bamako » et se dit persuadé que « si Barkhane et la Minusma s’en vont, c’en est fini pour le Mali ». Il ne refuse pas pour autant de publier toutes les informations que des experts russes lui envoient.

Profitant de la montée d’un discours de plus en plus hostile à la France, la Russie compte retrouver une place de choix en Afrique. Moscou s’intéresse de plus en plus aux dynamiques médiatiques de la sous-région, avec un objectif assumé : étendre ses tentacules à tous les médias de l’Afrique de l’Ouest.

Présidentielle en Gambie : la task force d’Adama Barrow

Mis à jour le 21 novembre 2021 à 21:15
 


La garde rapprochée d’Adama Barrow.

 

Le président gambien est en pleine campagne électorale. Pour s’assurer d’être réélu le 4 décembre, il a rassemblé autour de lui ses fidèles… et a scellé de nouvelles alliances.


Il était arrivé à ce poste par surprise. Cette fois-ci, Adama Barrow entend maîtriser son destin. Le 9 novembre, le président sortant a officiellement lancé sa campagne électorale. Rejetant sa promesse de ne rester au pouvoir que trois ans après avoir battu l’autocrate Yahya Jammeh, cet ancien membre de la diaspora a finalement décidé de s’y maintenir pour un quinquennat.

Le 4 décembre prochain, il fera face à cinq adversaires. Parmi eux, l’opposant Ousainou Darboe, candidat de l’UDP (Parti démocratique unifié), l’ancienne formation de Barrow. Avant qu’il ne soit révoqué de son poste de vice-président, en 2019, les deux hommes étaient alliés.

Le Parti national du peuple (NPP), lancé par le chef de l’État en janvier 2021 pour le conduire au scrutin, n’aura en revanche pas à affronter la formation de son prédécesseur, Yahya Jammeh. À deux semaines du scrutin, le sortant a en effet scellé un accord avec l’Alliance patriotique pour la réorientation et la construction (APRC). Sera-t-il suffisant pour garantir sa réélection ? Pour mettre toutes les chances de son côté, Adama Barrow a constitué autour de lui une équipe resserrée.

Isatou Touray 

Cette activiste de 66 ans engagée depuis plusieurs décennies pour la cause des femmes, la lutte contre les violences liées au genre et l’excision était l’ancienne ministre de la santé d’Adama Barrow. En 2016, elle avait renoncé à une candidature indépendante à la présidentielle pour lui apporter son soutien.

En mars 2019, Isatou Touray a été nommée vice-présidente après le limogeage de Ousainou Darboe. Proche du président dont elle est, selon un membre du gouvernement, la « première confidente », elle l’accompagne souvent dans des évènements à l’intérieur ou à l’extérieur du pays.  Cette ancienne figure de l’opposition contre Yahya Jammeh le représente également à l’international, comme en septembre dernier à la tribune des Nations unies.

Musa Drammeh 

Cet ancien membre de l’UDP a fait son entrée dans le gouvernement de Barrow en 2018 en tant que ministre des Territoires. Un poste qui s’avère clé pour la présidentielle : Musa Drammeh  coordonne en effet l’action des chefs de districts à travers le pays dans le cadre de la campagne.

Déjà présent en 2016 pour conseiller Adama Barrow, le ministre est aujourd’hui en première ligne pour défendre son bilan. Décrit comme l’« oncle d’adoption » du président par un proche de ce dernier, cet ancien parlementaire a une longue expérience du système politique gambien. Il est aussi le trésorier national du NPP.

 

Fabakary Tombong Jatta

Fabakary Tombong Jatta est un allié de poids pour Adama Barrow. Bien que le secrétaire exécutif de l’APRC ait été démis de ses fonctions par Yahya Jammeh, l’accord qu’il a conclu avec le NPP en septembre dernier n’est pas remis en cause, affirment les proches du président. Ce dernier pourrait ainsi profiter d’un report de voix important des militants du parti de son prédécesseur, exilé en Guinée équatoriale.

Hamat Bah

À la tête du Parti de la réconciliation nationale, le ministre du Tourisme et de la Culture appartenait à la coalition de 2016 qui a porté Adama Barrow au pouvoir. Il le soutient depuis lors. Il appartient désormais à l’alliance dirigée par le NPP.

Cet homme d’affaires de 57 ans est d’ailleurs l’un des leaders de la campagne électorale du président sortant et travaille étroitement à sa réélection. Il fut lui-même candidat à la magistrature suprême en 1996, 2001 et 2011.

 

Ebrima Sillah

En 2004, Ebrima Sillah, alors jeune journaliste, correspondant de la BBC, avait fui la dictature gambienne pour le Sénégal. Basé au Ghana lors de l’élection de 2016, il avait œuvré au sein de l’UDP à la stratégie de communication pour la diaspora.

Il est rentré à Banjul en 2017, où il a rencontré le président fraîchement élu pour la première fois. Celui-ci l’a nommé à la tête de la la GRTS, la télévision nationale. Il est ensuite devenu un élément clé du dispositif d’Adama Barrow, coordonnant à la fois la communication de son gouvernement – qu’il a rejoint en 2018 en tant que ministre de l’Information – et de son parti.

Maimuna Ceesay Darboe

Considérée comme le « fantassin » d’Adama Barrow, dont elle est proche, Maimuna Ceesay Darboe a l’habitude de l’accompagner lors de ses meetings politiques. En 2016, elle fut l’une des premières responsables de l’UDP à soutenir sa candidature. Aujourd’hui, elle est en première ligne dans sa nouvelle campagne, en tant que chargée de la mobilisation de la diaspora au sein du NPP. Elle est d’ailleurs l’un des piliers de la nouvelle formation du chef de l’État, tout comme Maimuna Balde, responsable des femmes.

Lamin Cham

Cet ancien responsable de la jeunesse à l’UDP – il en a démissionné en 2016 – connaît bien le président Barrow. Après avoir œuvré pour sa victoire lors du dernier scrutin, il a été nommé directeur de campagne au sein du NPP. Il est également le conseiller politique du président.

Demba Sabally

Le second vice-président du NPP est chargé des activités politiques de la campagne. Très connecté dans les différentes régions gambiennes, le businessman a notamment pour rôle de mobiliser les militants de l’opposition au sein de l’alliance centrée autour du nouveau parti de Barrow. Ancien membre du Congrès démocratique de la Gambie (GDC), il a rejoint ce dernier fin 2020.

Togo: le passe vaccinal bientôt obligatoire pour se rendre dans les lieux de culte

 
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Au Togo, malgré la « stabilité relative » de la situation du coronavirus, selon l'expression des autorités, ces dernières prennent de nouvelles mesures, pour lutter contre la propagation de la maladie. Dans un peu moins de trois semaines, l’accès aux lieux de culte (toutes religions confondues) devra se faire sur présentation d'un passe vaccinal ou du résultat d’un test PCR datant de moins de 72 heures. Une mesure qui n’a pas l’assentiment des chrétiens.

Avec notre correspondant à Lomé, Peter Sassou Dogbé

La nouvelle mesure, rendue publique par le ministre de l’Administration territoriale, concerne tous les lieux de culte, sur l'ensemble du territoire, et s'appliquera à partir du 3 décembre prochain. Les autorités togolaises veulent agir à l'approche des fêtes de fin d'année, qui occasionnent des rassemblements. Jusqu'à présent, le passe vaccinal était obligatoire pour accéder aux administrations publiques. 

Pour ce chrétien, la décision est surprenante : « Aujourd'hui, on constate que les marchés sont ouverts, les écoles sont ouvertes et on ne nous demande pas de passe vaccinal pour entrer dans ces lieux et ce sont toujours les lieux de cultes qui sont visés. Je pense que le problème est ailleurs. »

La décision des autorités préoccupe les évêques, qui ont décidé de se concerter en visioconférence. Mgr Benoit Alowonou, président de la conférence des évêques du Togo, ne cache pas sa déception : « Nous avions dit clairement notre désaccord à un tel contrôle. Une telle décision n'est pas conforme à la pastorale de l'Eglise. Malheureusement, nous nous rendons compte que nous sommes entendus, mais pas écoutés. »

La mesure pose plusieurs questions, notamment celle de savoir qui sera chargé de vérifier le passe ou le test à l’entrée des lieux de culte, ajoute le prélat.

La conférence des évêques vient d’adresser une lettre au ministre de l’Administration territoriale et demande aux chrétiens la sérénité pour la suite.