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Burkina Faso: premier conseil des ministres du nouveau gouvernement, Lassina Zerbo pose les priorités

 

Au Burkina Faso, la nouvelle équipe gouvernementale du Premier ministre Lassina Zerbo a tenu son premier conseil des ministres, mercredi 15 décembre, autour du président Roch Marc Christian Kaboré. Pour le Premier ministre, son équipe a trente jours pour apporter des solutions concrètes contre l’insécurité et faire face à une crise alimentaire qui se profile à l’horizon.

Trois ministres de premier plan de l'ancienne équipe sont restés à leurs postes : Zéphirin Diabré à la Réconciliation nationale, Barthélémy Simporé à la Défense, Maxime Koné à la Sécurité. La situation intérieure et notamment la sécurité sont des priorités affichées. 

« La question essentielle, c’est la question sécuritaire, a martelé Lassina Zerbo. Il ne s’agit pas de présenter les problèmes, mais d’apporter les solutions. Qu’est qu’on peut faire pour faire face à cette question de sécurité ? Nous allons discuter immédiatement avec les deux ministres pour voir les propositions concrètes qui sont sur la table, pour répondre aussi aux besoins de nos militaires, et gendarmes et paramilitaires qui sont sur le terrain. C’est ça la priorité sur dans ces premiers trente jours.

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Lors de ce premier conseil des ministres du nouveau gouvernement, le chef de l'État a saisi l’occasion pour expliquer comment les membres de l’exécutif doivent se comporter. Il s’agissait d’expliquer aux ministres le code de conduite afin de regagner la confiance des populations, selon Lassina Zerbo.

« Le chef de l’État a été clair dans la dynamique de ce qu’il a compris du message du peuple, a poursuivi Lassina Zerbo. Il a parlé de discipline, il a parlé de cohésion, il a parlé d’humilité pour être l’écoute du peuple et servir le peuple pour être sur le terrain. »

Des propos recueillis par notre correspondant à Ouagadougou, Yaya Boudani.

Mali : volley-ball et lits picots, la France vient de quitter la base de Tombouctou

Par  - envoyée spéciale à Tombouctou
Mis à jour le 15 décembre 2021 à 12:03
 


Un avion français de l’opération Barkhane survole le camp lors de la cérémonie des drapeaux, où le français sera remplacé par le malien, lors de la cérémonie de rétrocession du camp français à l’armée malienne, à Tombouctou, le 14 décembre 2021. © Florent Vergnes pour JA

 

Poursuivant son désengagement dans le nord du pays, l’opération française Barkhane a remis les clés aux forces maliennes ce mardi 14 décembre. Notre correspondante était présente.

Quelques soldats français improvisent une partie de volley-ball devant les roues des imposants griffons. Vingt-huit tonnes d’acier et de technologie qui prendront le soir même la route pour Gao, à plus de 300 kilomètres à l’Est. Sous le ciel ouaté de Tombouctou, le drapeau français vient de céder sa place aux couleurs du Mali, après huit années à flotter sur cette emprise.

Il est 14h30 ce mardi 14 décembre, et c’est la fin d’une ère pour la plus grande opération extérieure française. Un C130, en rase-motte, opère un baroud d’honneur au-dessus de militaires au garde à vous. Des 200 à 300 soldats français généralement basés ici, il n’en reste que quelques poignées. « Ceux qui font les derniers cartons ou le café », plaisante un jeune officier. Ils partiront quelques heures plus tard par la route ou les airs, avec le peu d’équipement qu’il reste à acheminer.

Le général Étienne du Peyroux, le représentant de l’opération Barkhane au Mali, a fait le déplacement. Après Kidal, en octobre, et Tessalit, en novembre, le gradé est venu « fermer » la dernière des bases françaises du nord du Mali à être rétrocédée dans le cadre de la « réorganisation profonde » de Barkhane annoncée par Emmanuel Macron en juin dernier.

Décor de cinéma déserté

Il accueille l’armée de l’air malienne qui va succéder aux Français derrière les murs de barbelés de cette base. Ce jour-là, le lieu a des allures de décor de cinéma déserté, dans lequel les Français ont pris soin de laisser quelques présents à ses homologues maliens, pour la bienséance et pour l’image. « Des tentes climatisables, avec huit lits picots et moustiquaires, un frigo, et une table. Et surtout, nous laissons un forage et un groupe électrogène », insiste un soldat français en charge de la visite.

C’est au commandant de zone des Forces armées maliennes (Famas), le colonel Mamadou Souleymane Koné, que le colonel François, chef de corps du groupement tactique des airs, remet symboliquement la clé du camp. Celui-ci salue « le chemin parcouru ensemble », remettant l’emprise avec « joie et sérénité ». Le second se garde de tout discours ou mot adressé à la presse.

De taille modeste, le camp est géographiquement stratégique. Installé à côté de la base de la Minusma – dix fois supérieure en capacité, elle héberge 2 200 civils et militaires onusiens -, il permet à l’armée malienne d’avoir un pied sur le tarmac de l’aéroport, situé à seulement 300 mètres.

Désengagement

La cession de Tombouctou « marque la fin de la présence de Barkhane dans le nord du Mali », assure l’état-major des armées françaises. Mais si « Barkhane retire son effectif au sol à Tombouctou, nous assurerons toujours un appui aérien si nécessaire », précise le colonel François. Quelques jours plus tôt, Français et Maliens ont participé à des exercices conjoints de reconnaissance aérienne.

« Une opération est faite pour évoluer, justifie le colonel François. Elle s’adapte à son environnement, d’une part, par rapport à son ennemi, de l’autre, par rapport à ses partenaires. Aujourd’hui, nos partenaires maliens connaissent de nombreux succès et sont en mesure de prendre le relais à Tombouctou. »

Cette réorganisation du dispositif répond surtout au souhait de l’exécutif français de concentrer ses efforts dans la région dite « des trois frontières », entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger, et de réduire significativement le nombre de militaires français engagés au Mali. Comptant 4 800 hommes aujourd’hui, la force française ne devrait plus en avoir que 3 000 en 2022.

Besoin de partenaires

Bien loin des préoccupations stratégiques de l’état-major des armées françaises, nombre de Tombouctiens s’inquiètent de voir les Français partir. « Barkhane nous a amené une forme de stabilité. Nous avons connu l’occupation, puis la libération avec la France, on a pu organiser des élections…, dit un chauffeur de taxi souhaitant rester anonyme, par peur de représailles. Aujourd’hui, à Bamako, certains demandent le départ de la France, mais eux n’ont rien vécu de l’insécurité ! »

NOUS AVONS BESOIN DE PARTENAIRES, QUE CE SOIT LES FRANÇAIS, OU D’AUTRES »

« Bamako ne connaît pas les mêmes réalités que Tombouctou. On a l’impression que ceux qui se sentent en sécurité veulent parler à notre place », abonde Alex, jeune Tombouctien, en roulant le filtre de sa cigarette entre ses doigts. Derrière lui, un groupe de jeunes nuance : « l’insécurité existe encore à Tombouctou, il y a du banditisme, des vols de voiture et de moto, des gens qui se font tirer dessus. Barkhane n’a pas gagné la guerre ».

Beaucoup admettent ne pas bien savoir « ce que fait Barkhane » dans la zone, et ne pas tellement remarquer leur présence au quotidien, mais tous sont conscients que la situation à Tombouctou et dans la région reste volatile. « Nous savons que les Famas n’ont pas l’équipement nécessaire pour prendre le relais. Nous avons besoin de partenaires, que ce soit les Français, ou d’autres », conclut Alex.

Burkina Faso: Lassina Zerbo nomme le nouveau gouvernement

Le Premier ministre burkinabè Lassina Zerbo a formé sa nouvelle équipe gouvernementale dans la soirée du lundi 13 décembre. Elle est composée de 25 membres, dont 23 ministres et 2 ministres délégués. Cette équipe « resserrée » enregistre le départ de 19 ministres et la création de nouveaux ministères.

Avec notre correspondant à Ouagadougou, Yaya Boudani

Le ministre d’État Zéphirin Diabré reste à la Réconciliation nationale. Le général de brigade Aimé Barthelemy Simporé conserve le portefeuille des Armées et des Anciens combattants.

En plus de la sécurité, Maxime Koné se voit confier l’Administration du Territoire et la Décentralisation. Rosine Coulibaly remplace Alpha Barry au ministère des Affaires étrangères, de la Coopération et des Burkinabè de l’extérieur.

Smailla Ouedraogo signe également son retour au gouvernement. Il est au ministère de la Transition écologique et de l’environnement. Ousseni Tamboura est maintenu à la Communication, mais il aura la tâche de veiller au développement de la Culture, des Arts et du Tourisme. 

Fati Ouedraogo Zizien fait son entrée au gouvernement avec le portefeuille de la Solidarité nationale et l’Action humanitaire. Abdoulaye Bamogo occupe le nouveau ministère de la Prospective et des Réformes structurelles.

Le nouveau porte-parole du gouvernement est le professeur Alkassoum Maïga, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l’Innovation.

Le nouveau ministre des Infrastructures et du Désenclavement est Ollo Franck Kansié. Christophe Ilboudo est en charge du Développement industriel et du Commerce.

L’ex-président du Conseil supérieur de la communication, Mathias Tankaono, est en charge des Sports, de l’Autonomisation des Jeunes et de l’Emploi.

Moussa Kaboré est le ministre de l’Agriculture, des Aménagements hydro-agricoles, de la Mécanisation et des Ressources animales et halieutiques.

Pas de changement au niveau de la Santé, de l’Éducation nationale, de la Fonction publique, du Développement urbain et des Transports, entre autres.

Prise de fonctions

Plus tôt, dans la journée de ce lundi, le tout nouveau Premier ministre, nommé vendredi dernier 10 décembre, prenait ses fonctions à Ouagadougou. Lassina Zerbo, ex-haut fonctionnaire des Nations unies, a hérité des dossiers en instance, surtout ceux liés à la crise sécuritaire. Il a salué le travail de l’ancien chef du gouvernement, durant ces trois dernières années à la tête du pays. Lassina Zerbo s’est engagé à amorcer un changement dans la gestion des affaires.

Après quelques minutes d’entretien sur les dossiers en cours, le paraphe des documents, le désormais ancien Premier ministre Christophe Dabiré a transmis les dossiers à son successeur.

« Je suis là à votre service, au service Burkina Faso, à un mon moment critique, pour un changement de paradigme », a précisé le Premier ministre Lassina Zerbo avant d’ajouter : « J’en appelle à la cohésion, à la tolérance, au pardon pour que l’on puisse s’unir parce que c’est à l’unisson que nous pourrons vaincre ou être mieux engagés contre le terrorisme. »

Sa première mission fut celle de former un gouvernement pour la mise en œuvre du programme du président Roch Marc Christian Kabore, et surtout, proposer des solutions à la crise sécuritaire.

« Ma mission, c’est celle qui est dictée par le peuple, en ce moment précis de l’histoire du Faso, a déclaré Lassina Zerbo. Je ne ménagerai aucun effort. Il faut continuer l’œuvre entamée et être à l’écoute de tout le peuple et on essayera de contacter toutes les composantes pour que l’on puisse simplement nous comprendre et gagner la confiance du peuple. »

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Sarkozy, Hollande, Bolloré, Kouchner… Où sont passés les « amis » d’Alpha Condé ? Par François Soudan

 
Mis à jour le 13 décembre 2021 à 16:18*
 
François Soudan
 

Par François Soudan

Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.

 

 

Alpha Condé et Nicolas Sarkozy, le 6 août 2021, au palais de Sekhoutoureya. © DR

 

Renversé le 5 septembre dernier par un coup d’État militaire et placé en résidence surveillée, l’ex-président guinéen jadis très entouré fait le douloureux apprentissage de la solitude des chefs d’État déchus.

Cent jours. Cent jours interminables pour lui, privé de tout contact avec l’extérieur et désormais placé en résidence étroitement surveillée au domicile d’une épouse absente, avec laquelle il n’a jamais vraiment vécu. Cent jours à se morfondre, entre colère, incompréhension et désarroi depuis cette aube lugubre du 5 septembre, quand les Forces spéciales ont fait irruption dans sa chambre, après avoir noyé dans le sang la garde présidentielle et déchiqueté son chef, le colonel Yemoiba Camara, d’un jet de grenade.

 ALPHA CONDÉ A LA PEAU DURE, LE VERBE HAUT ET LA MÉMOIRE LONGUE

Depuis l’annonce, début décembre, de la création d’une Cour de répression des crimes économiques et financiers, dont il est difficile de penser qu’elle n’a pas été mise en place pour juger – entre autres – des personnalités de l’ancien régime, tout Conakry spécule sur l’éventualité de l’y voir comparaître, lui, Alpha Condé. Dans l’entourage proche de Mamadi Doumbouya, certains y sont favorables, à commencer, dit-on, par le très présent et très discret ministre de la Défense, le général à la retraite Sidiki Camara, alias « Idi Amin ».

Quoi de mieux après tout qu’un procès de ce type pour satisfaire ses partisans et occuper l’opinion le temps d’une transition qui, selon toute vraisemblance et au rythme où la junte entend refonder le processus électoral (un « reset » complet, du quartier à la présidentielle), durera bien au-delà de l’année 2022.

Mais l’exercice est également risqué : déjà jugé, condamné et emprisonné par un tribunal spécial sous un régime militaire, celui de Lansana Conté, Alpha Condé a la peau dure, le verbe haut et la mémoire longue. Suffisamment longue pour se souvenir que le président de la Cour suprême devant qui Mamadi Doumbouya a prêté serment, le très politicien Mamadou Sylla, était celui-là même qui, vingt et un ans plus tôt, l’avait expédié dans l’enfer de la prison de Kaloum.

Pas un mot, pas une tribune

Cent jours, donc, et qui risquent fort de se prolonger sine die, tant il apparaît que le colonel Doumbouya est bien décidé à garder sa prise à portée de main. Cent jours à méditer sur cette locution latine glissée à l’oreille des Papes lors de leur intronisation, histoire de leur rappeler que tout est éphémère à commencer par le pouvoir : sic transit gloria mundi – « ainsi passe la gloire du monde ». Cent jours à faire la douloureuse expérience de la solitude des chefs d’État déchus, mais aussi et surtout de l’ingratitude des hommes.

Qui, parmi les amis d’Alpha Condé, a fait entendre sa voix depuis le 5 septembre pour exprimer son indignation et dire que sa réclusion forcée hors de toute procédure légale était de toute évidence inacceptable ? Personne. Ils sont nombreux pourtant, ceux qui pendant les dix années au cours desquelles le « Professeur » tenait salon ouvert au Palais de Sekhoutoureya, n’ont eu qu’à se féliciter des relations privilégiées qu’ils entretenaient avec lui.

ET POURQUOI APRÈS TOUT SE FERAIENT-ILS ENTENDRE, CES TOUBABS, QUAND LES « FRÈRES » QUE CE PANAFRICAIN DANS L’ÂME A AIDÉS OU DONT IL A FACILITÉ LES AFFAIRES, SONT EUX AUSSI AUX ABONNÉS ABSENTS ?

Pas un mot de François Hollande, qui a tant de fois invité à l’Élysée le camarade Alpha, et échangé avec lui tant de messages familiers. Pas un mot de Nicolas Sarkozy, intermédiaire zélé dans le dossier Benny Steinmetz, lobbyiste d’affaires multicartes dont le dernier séjour à Conakry remonte au 6 août dernier, à peine un mois avant le coup d’État. Arrivé en jet privé d’Italie, l’ancien président avait été accueilli à l’aéroport par Mohamed Diané, le bras droit d’Alpha Condé, avant d’être reçu à la table de ce dernier pour un déjeuner de trois heures en tête à tête.

Pas un mot, pas une tribune signée Bernard Kouchner, ami de jeunesse, familier de Conakry, ministre reconverti dans le business et contractant de l’hôpital qui porte son nom dans le quartier de Coronthie. Inaudibles Jean-Louis Borloo, Tony Blair, Vincent Bolloré, qui – les deux derniers surtout – ont mis leurs accointances au service de leurs intérêts.

CERTAINS RÉTORQUERONT SANS DOUTE QU’ILS AGISSENT DANS L’OMBRE, POUR FAIRE LIBÉRER CELUI DONT ILS ONT MANIFESTEMENT BEAUCOUP DE MAL À ASSUMER LES LARGESSES PASSÉES

Et pourquoi après tout se feraient-ils entendre, ces toubabs, quand les « frères » que ce panafricain dans l’âme a aidés ou dont il a facilité les affaires, sont eux aussi aux abonnés absents ? La liste est longue : des entrepreneurs comme Abderrahmane Ndiaye, Mahamadou Bonkoungou, Mohamed Kagnassy, Saka Razak ; des consultants tels Carlos Lopes, Paulo Gomes, Augustin Matata Ponyo ; des politiques bien sûr : Hama Amadou, Mahamane Ousmane, Lionel Zinsou, Mahmoud Dicko, José Mario Vaz, Julius Malema, Jean-Pierre Bemba, Moustapha Niasse, Mamadou Diop Decroix, Zéphirin Diabré et bien d’autres encore, en Côte d’Ivoire, au Congo, en Centrafrique et jusqu’en Angola.

Au sein du cercle des amis disparus, certains rétorqueront sans doute qu’ils agissent dans l’ombre, pour faire libérer celui dont ils ont manifestement beaucoup de mal à assumer les largesses passées. Qu’on me permette d’en douter. L’ingratitude, comme chacun le sait, est fille du bienfait. Elle est aussi un gain de temps.