Témoignages

 

Rama Yade : « Sa grandeur, la France la tient de son influence en Afrique »

Mis à jour le 18 décembre 2021 à 16:32
 

 

Rama Yade, ancienne secrétaire d’État chargée des Affaires étrangères et des Droits de l’Homme (de 2007 a 2009), à Paris, le 10 avril 2019. © Vincent Fournier/JA

 

Depuis Washington, l’ex-secrétaire d’État chargée des Affaires étrangères et des Droits de l’Homme sous Nicolas Sarkozy conserve un regard affuté sur les débats qui animent la campagne présidentielle française.

Passée par l’Union pour un mouvement populaire (UMP), le Parti radical et l’Union des démocrates et indépendants (UDI), elle a mis ses convictions à l’épreuve du pouvoir. L’ancienne secrétaire d’État sous Nicolas Sarkozy s’est démarquée par sa liberté de ton, dénonçant par exemple l’accueil en grande pompe de Mouammar Kadhafi à Paris en 2007, ou soutenant des squatteurs en passe d’être évacués à Aubervilliers.

Ex-aspirante à l’élection présidentielle, elle avait fini par créer son propre mouvement « La France qui ose », en 2017, mais n’était pas parvenue à rassembler le minimum requis de 500 parrainages d’élus pour se présenter. Très critique envers les contradictions de la droite française dans laquelle elle s’ancre pourtant, elle a récemment fait polémique en dénonçant l’abandon de l’antiracisme dans le camp républicain ou en comparant la statue de Colbert devant l’Assemblée nationale à une « micro-agression ».

Installée à Washington en tant que directrice Afrique du think tank Atlantic Council, elle ne perd pas de vue les enjeux et jeux de pouvoir de l’Hexagone, et n’exclut pas de se remonter sur le ring politique. Candidature de Zemmour, migrations, islam, rapport de la France à l’Afrique… Rama Yade revient pour Jeune Afrique sur les débats qui animent la campagne présidentielle française.

Jeune Afrique : La candidature d’Éric Zemmour à la présidentielle de 2022 est sous le feu des projecteurs. Que raconte son ascension ?

Rama Yade : Lui-même dit que c’est la baisse des standards et du niveau politique. Cela fait déjà quelques années que le débat se concentre sur les migrants, nouvelle expression qui couvre les immigrés et les réfugiés, sous l’angle de la menace.

A contrario, la question des banlieues, par exemple, a disparu de l’espace public. Ces évolutions et l’obsession identitaire sont la conséquence d’une impuissance politique sur tout le reste : pouvoir d’achat, réindustrialisation du pays, climat… Il profite de ce désordre pour s’imposer, en incarnant une espèce de pessimisme, sans perspectives. C’est dangereux, car ceux qui commencent par s’attaquer aux minorités finissent par s’en prendre à la démocratie.

Comment aborder le sujet de l’immigration plus sereinement ?

Le « grand remplacement » n’existe pas. Qui représenterait la menace ? Les Africains ? On sait que l’Afrique est sous-peuplée et que les Africains migrent d’abord chez eux, à 60 % dans les pays voisins sur le continent. Ce sont des données réelles, mais cela fait trente ans qu’on répète l’inverse. À partir de ces mensonges, on élit des gens, on change la vie politique française et le destin du pays.

IL FAUT DÉSORMAIS S’EXCUSER DE LUTTER CONTRE LES DISCRIMINATIONS OU LE RACISME

Vous avez évoqué la « trahison des républicains qui n’ont pas conservé l’antiracisme au cœur de leur logiciel ». Comment expliquer ce glissement ?

Je parlais des républicains en général, avec un petit « r ». Il n’y a rien de plus républicain que « Black Lives Matter » ou « Me Too », qui poursuivent le combat pour l’égalité des droits. Qu’y a-t-il d’honteux à cela ? Il faut désormais s’excuser de lutter contre les discriminations ou le racisme, sujets qu’on pensait devenus consensuels. Ces fameux républicains étaient censés incarner ce combat. Peut-être ont-ils peur que le mouvement pour l’égalité menace leur position, c’est un révélateur de l’hypocrisie de leurs engagements.

Comment espérez-vous que les présidentiables se saisissent du sujet ?

Le débat tourne plutôt autour de la manière dont on peut éviter d’en parler. Les autres candidats n’en parlent pas. Ils ont peur de perdre des voix, car ils considèrent que le pays adhère aux idées de Zemmour ou de Le Pen. C’est aberrant ! Des histrions médiatiques font passer les Français pour des racistes. Ce décalage, entretenu par des idées rances, affaiblit notre pays sur la scène internationale. La France n’est pas seulement la cinquième puissance mondiale nucléaire, c’est son rayonnement culturel et la force de ses idées qui lui valent sa singularité.

Votre comparaison de la statue de Colbert devant l’Assemblée Nationale à une « micro-agression » a fait polémique, comment adresser cette question en France ?

Il ne faut surtout pas les détruire, on n’en apprendrait rien. Je veux qu’on arrête de les célébrer à chaque coin de rue, qu’on les mette dans des musées et qu’on les enseigne pour les mettre en perspective.

On nous dit de ne pas mélanger mémoire et Histoire, mais ce n’est pas l’Histoire qui a amené Colbert devant l’Assemblée, c’est une décision politique. L’enlever, c’est reconnaître le rôle de la France et de ses grands hommes dans un crime abominable. 

EN MATIÈRE DE LAÏCITÉ, LA FRANCE DEVRAIT S’INSPIRER DU SÉNÉGAL

La place de l’islam est aussi au cœur de la campagne. Comment défendre la laïcité sans sombrer dans l’islamophobie ?

En matière de laïcité, la France devrait s’inspirer du Sénégal. Dans une même famille, on peut y trouver un curé et un imam, dans un même pays un président catholique et une population majoritairement musulmane. Enfant, à Dakar, j’allais la journée à l’école catholique chez les sœurs de l’Immaculée conception et le soir à l’école coranique. Et j’ai un enfant à moitié juif. Quel autre pays que le Sénégal est capable de faire cela ?

Que pensez-vous du rapport actuel de l’État français à l’Afrique ?

Avec le recul géographique, je me rends davantage compte que l’empreinte de la France en Afrique reste forte. Je le vois dans l’attitude d’alliés, qui n’hésitent pas à s’en remettre à elle quand il s’agit de certains pays du Sahel par exemple.

J’observe aussi que la fameuse grandeur de la France, sa singularité, la France la tient surtout de cette influence en Afrique. Plus que je ne le pensais.

C’est à la fois une force, via la francophonie notamment. Combien de pays peuvent se targuer d’un tel legs ? Mais c’est aussi une vulnérabilité. Pourquoi les élites françaises ne font-elles pas plus pour préserver un tel atout en travaillant à gagner plus de popularité auprès des opinions ? Tous les discours électoraux qui présentent l’Afrique comme une menace sont incompréhensibles. D’autant plus que le siècle qui vient sera africain.

Vous avez quitté la scène politique. Y a-t-il des partis ou des candidats dans lesquels vous vous reconnaissez encore ? 

Je ne l’ai pas quittée, parce que j’aime passionnément la politique. Je fais un break. J’aime beaucoup travailler à imaginer le monde de demain et tenter d’influencer le cours des choses. C’est ce que font les think tanks de Washington. C’est très puissant. On apprend où se trouvent les vrais leviers du pouvoir à l’échelle mondiale.

Sénégal : Abdou Latif Coulibaly, de l’autre côté du ring

Par  - à Dakar
Mis à jour le 17 décembre 2021 à 11:20
 

 

Abdou Latif Coulibaly, à Paris, en 2017. © Vincent Fournier JA

 

L’ancien journaliste d’investigation a rejoint Macky Sall après la présidentielle de 2012. Il s’est mué en ardent défenseur du chef de l’État, à des années-lumière de ses enquêtes explosives sur les malversations du pouvoir. Sans regrets ?

Dans la salle bondée de l’hôtel Radisson Blue, sur la corniche de Dakar, ce 25 mars 2012, journalistes et partisans se pressent pour entendre le premier discours du président tout juste élu. Après une campagne présidentielle agitée, Macky Sall, celui qui vient de faire tomber Abdoulaye Wade, salue la maturité de la démocratie sénégalaise et en célèbre les « martyrs ».

Abdou Latif Coulibaly, comme beaucoup d’autres, se rend à l’hôtel pour y saluer le chef de l’État. En lui serrant la main, Macky Sall le retient une seconde : « Grand, j’espère que tu n’as pas pas oublié ta promesse ? On se retrouvera bientôt. » Les deux hommes avaient déjà, quelques années plus tôt, évoqué la possibilité de travailler ensemble. C’était en 2010, à l’occasion d’une conférence sur les indépendances africaines en Suisse à laquelle ils avaient tous deux participé. « J’étais conscient que c’était quelqu’un sur qui on pouvait compter pour faire des choses pour le Sénégal », confie aujourd’hui le secrétaire général du gouvernement.

Dès le mois d’avril 2012, il devient le conseiller du président sur les questions de gouvernance. Une fonction officialisée six mois plus tard, avec son entrée au gouvernement d’Abdoul Mbaye. Le poste est créé sur-mesure pour ce journaliste renommé qui a consacré une bonne partie de sa carrière à dénoncer et dévoiler malversations et scandales perpétrés par le pouvoir. Il est temps pour lui de ranger calepins et stylos, et d’endosser le boubou respectable de ministre de la Bonne gouvernance et porte-parole du nouveau gouvernement. À l’époque, les attentes sont aussi grandes que les promesses de Macky Sall de rompre avec les pratiques clientélistes et le népotisme de son prédécesseur et de moraliser la vie publique et politique.

Fidèle à Macky Sall

Cette chasse aux biens mal-acquis conduira surtout, on le sait, à mettre hors-jeu plusieurs de ses anciens compagnons du Parti démocratique sénégalais (PDS), dont Karim Wade. La Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI), ressuscitée par Macky Sall, retombera dans le formol aussi vite qu’elle en était sortie. Le portefeuille de la Bonne gouvernance a depuis longtemps été supprimé.

LES PREMIERS CONTACTS ENTRE LES DEUX HOMMES REMONTENT À LA RUPTURE ENTRE LE CHEF DE L’ÉTAT ET LE PDS

Mais Abdou Latif Coulibaly fait toujours partie de l’équipe ministérielle. Après la Bonne gouvernance, il a occupé la fonction de ministre de la Culture, de 2017 à 2019, avant d’être nommé secrétaire général du gouvernement avec statut de ministre à la faveur du remaniement ministériel du 1er novembre 2020. Nommé porte-parole du gouvernement en 2012, puis de la présidence en juin 2019, l’ancien journaliste a eu à plusieurs reprises à défendre les actions de l’exécutif.

En mars 2021, alors que les portables de plusieurs responsables du gouvernement sonnaient dans le vide suite aux émeutes qu’avait déclenché l’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko, Abdou Latif Coulibaly avait reçu Jeune Afrique dans son grand bureau du bâtiment Mamadou Dia, et défendu pendant plus d’une heure les choix de son gouvernement. De l’action de Macky Sall, il a toujours assuré qu’il ne dirait rien de mal.

Les premiers contacts entre les deux hommes remontent à la rupture entre le chef de l’État et le PDS. Macky Sall, alors Premier ministre d’Abdoulaye Wade, convoque Karim Wade pour répondre devant l’Assemblée de sa gestion financière de l’Agence chargée des grands chantiers de Dakar. Pour le patron du PDS, une ligne rouge est franchie, et elle précipite son Premier ministre hors du parti. Non sans l’avoir « humilié », estime à l’époque Abdou Latif Coulibaly.

L’éditorialiste, dont certains des livres d’enquête sur le régime de Wade ont fait trembler le PDS, se fend alors d’une tribune dans laquelle il manifeste son soutien à Macky Sall, qui s’en dit touché. Coulibaly, lui, se rapproche peu à peu de la politique. Rapporteur des Assises nationales en 2008, il est le candidat d’une liste citoyenne mais doit renoncer à la présidentielle de 2012, faute de moyens. Le journaliste décide alors de soutenir Moustapha Niasse, mais continue d’entretenir de bons rapports avec Macky Sall.............................................................................................

Plume satanique

La politique, assure aujourd’hui Abdou Latif Coulibaly, est arrivée dans sa vie par un « concours de circonstances ». Il ne dit pas « fâcheux », mais on serait tenté de l’ajouter. Car avant de rejoindre le pouvoir et la « cruauté » de la vie politique, il était ce journaliste renommé, auteur de plusieurs livres à succès, qui avait étrillé le parti socialiste et le régime d’Abdoulaye Wade.

L’un des plus célèbres, Wade, un opposant au pouvoir. L’alternance piégée ? , aura provoqué à lui seul la création d’une commission d’enquête parlementaire, un remaniement ministériel, et le limogeage du Premier ministre Idrissa Seck, soupçonné d’être l’une des sources de l’auteur. L’ouvrage, réquisitoire contre la gestion de Wade, révèle notamment les coûts exorbitants de la rénovation de l’avion présidentiel, la Pointe de Sangomar. Les révélations font alors de lui le journaliste qui dérange. Il sera lui-même cueilli par les éléments de la division des investigations criminelles (DIC), et interrogé sur ses liens avec le Premier ministre. Sa plume, « satanique » selon le terme du ministre Habib Sy, provoque un petit séisme dans les rangs du PDS.

L’avocat El Hadj Amadou Sall, proche d’Abdoulaye Wade, juge aujourd’hui ses écrits « excessifs » voire « infondés » sur beaucoup de détails, d’une « rare violence », tendant même à la « cruauté » lorsqu’il s’agissait de Karim Wade. « Sur Abdoulaye Wade, s’il devait réécrire ses livres, je ne suis pas sûr qu’il écrirait la même chose », avance même l’ancien ministre de la Justice. Abdou Latif Coulibaly admet des regrets sur la forme, mais certainement pas sur le fond. « Lorsque je révèle des faits de gaspillage d’argent public, comme la réfection de son bureau quasi-neuf à hauteur de 750 millions de FCFA, suis-je cruel ? N’est-ce pas Karim Wade qui est cruel envers les Sénégalais ?, se défend aujourd’hui le secrétaire général du gouvernement. Mon parcours professionnel a été honnête. J’ai fait ce que j’avais à faire. »

La nostalgie du ring

Ce fils de Sokone (Sine-Saloum), qui a flirté avec une carrière dans le droit, puis dans la diplomatie, reste un grand passionné d’enquête et d’investigation. De sa vie passée de journaliste, il garde une fierté qu’il ne cherche pas à dissimuler. Fondateur adjoint du premier groupe de presse privé du pays, Sud communication, puis de l’hebdomadaire depuis disparu La Gazette, ancien directeur de l’ISSIC, l’Institut supérieur des sciences de l’information et de la communication… Il fut l’un des journalistes les plus en vue de sa génération.

LE RÉGIME D’ABDOULAYE WADE ÉTAIT TRÈS DIFFICILE POUR LES JOURNALISTES

« Entre la fin des années 90 et le début des années 2000, il était perçu comme un opposant au pouvoir, un journaliste proche du peuple et porteur de grandes causes. La radio Sud FM a contribué à le positionner comme une grande figure de la presse indépendante nationale, un justicier aux trousses des dirigeants au pouvoir », se remémore l’éditorialiste Ousseynou Nar Gueye.

« Le régime d’Abdoulaye Wade était très difficile pour les journalistes, précise aujourd’hui l’ancien éditorialiste. Personne ne voulait m’éditer : j’ai été obligé de le faire moi-même, sur fonds propres, avec un imprimeur qui travaillait la nuit. » La maison d’édition, « Sentinelles », éditera plusieurs de ses livres à succès.

Depuis son entrée au gouvernement, Abdou Latif Coulibaly a écrit d’autres ouvrages, moins remarqués, et aux titres évidemment moins impertinents. Le plus récent s’intitule Le Sénégal sous Macky Sall, de la vision à l’ambition. Il dit lui-même que le journalisme lui manque. « J’aime quand de jeunes journalistes me disent : ‘c’est vous qui m’avez poussé à faire ce métier’, ajoute-t-il. C’est le plus bel hommage que l’on puisse me faire. » Dix ans après avoir raccroché les gants, l’ancien journaliste a gardé une certaine nostalgie du ring. Et, de ses deux vies, il ne fait aucun mystère de celle dont il est le plus fier.

Minusma : combien de soldats africains morts pour le Mali ?

Mis à jour le 17 décembre 2021 à 00:28
 

 

Photomontage Jeune Afrique © Photomontage Jeune Afrique

 

Dans le combat face aux jihadistes, les armées africaines, principales contributrices d’hommes au sein de la Minusma, paient le plus lourd tribut. Combien sont-ils à être morts au champ d’honneur ? Quels sont les contingents qui ont perdu le plus de soldats ?

Mardi 7 décembre dans la matinée, un convoi logistique de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) file à vive allure sur la route qui relie Douentza à Sévaré, dans la région de Bandiagara. L’un des véhicules percute un engin explosif improvisé. Le bilan est lourd : sept morts parmi les Caques bleus du contingent togolais, et trois autres grièvement blessés. La veille, un soldat égyptien est décédé de ses blessures à l’hôpital de Dakar où il avait été évacué le 22 novembre dernier après que son bataillon soit tombé dans une attaque du même type, mais cette fois dans la région de Kidal.

159 Casques bleus tués

Lorsqu’un soldat occidental tombe sous les balles des jihadistes, l’écho médiatique et politique est presque immédiat. En revanche, la macabre litanie du décompte des soldats africains tués au combat sur le terrain malien déclenche rarement un réel émoi. Derrière les bilans qui s’égrènent, ce sont autant d’hommes enterrés dans le quasi-anonymat.

Mines, attentats suicides, tirs de mortier et pluie de roquettes sur les camps de l’ONU… La Minusma est la plus dangereuse du monde pour les soldats qui la composent. En sept ans, 159 Casques bleus ont été tués, selon le Département des opérations de maintien de la paix (DPKO). Et la majorité des victimes sont africaines, au sein d’une mission où le gros des troupes est formé de soldats envoyés par les pays du continent. Les Tchadiens, dont les bataillons d’infanterie sont localisés à Aguelhok, Kidal et Tessalit, dans l’une des zones les plus dangereuses, paient le plus lourd tribut : 60 d’entre eux ont été tués sous Casque bleu. Plusieurs dizaines d’autres lors des combats de 2013 dans le Nord du Mali.

Et c’est sans compter les pertes des Forces armées maliennes, sur lesquelles il n’existe d’ailleurs pas de données officielles. Entre 2013 et 2020, 1 832 soldats maliens ont été tués, selon le décompte réalisé par Marc-André Boisvert, chercheur au Centre FrancoPaix de l’université du Québec à Montréal.

Quels sont les contingents qui ont payé le plus lourd tribut ? Dans quelle région les affrontements sont-ils les plus meurtriers ? Décryptage en infographies.

Miss Monde : l’Irlande représentée par Pamela Uba, ancienne demandeuse d’asile

Portrait 

Sacrée Miss Irlande en septembre 2021, Pamela Uba représente son pays au concours Miss Monde ce jeudi 16 décembre. Née en Afrique du Sud, arrivée en Irlande à huit ans, cette chercheuse en médecine et mannequin politisée se bat pour l’intégration des migrants et l’accès à l’éducation.

  • Juliette Démas, correspondante à Dublin (Irlande), 

Lecture en 3 min.

Miss Monde : l’Irlande représentée par Pamela Uba, ancienne demandeuse d’asile
 
Pamela Urba. Arrivée en Irlande à huit ans, la Miss Irlande entend faire de son règne celui de l’inclusivité.SOURCE  : PAMELA UBA
    • « Miss Irlande 2021. » À chaque fois qu’elle prononce son titre, Pamela Uba ne peut s’empêcher de sourire. Car, pour la jeune femme de 26 ans, tout est allé très vite : « Le 6 mars 2020, j’étais couronnée Miss Galway. La semaine suivante, le pays entrait en confinement ! » Chercheuse en médecine, elle se retrouve en première ligne pour faire tourner l’hôpital.

Quelques mois plus tard, son établissement était touché par la cyberattaque générale qui met à l’arrêt le système de santé irlandais. « J’étais en train d’analyser des échantillons sanguins et je me suis retrouvée à imprimer des résultats et à courir d’un bout à l’autre de l’hôpital pour les remettre aux médecins. À l’ancienne ! »

Arrivée à huit ans en Irlande

Avec sa manucure parfaite et sa robe rose bonbon – elle enchaîne avec une séance photo –, Pamela Uba est une étrange Miss pour l’Irlande. D’abord parce qu’elle est noire, dans un pays à 95 % blanc. Née en Afrique du Sud, elle avait à peine huit ans lorsqu’elle est arrivée sur l’île d’Émeraude. « Nous sommes venus en Irlande car une amie de la famille s’y trouvait. Mais quand ma mère a pris la décision de partir de Johannesburg avec ses quatre enfants, elle était loin de s’imaginer qu’elle ne pourrait pas travailler ! »

La famille se retrouve enfermée dans un système dit de « prescription directe » et va de centre en centre. Si le gouvernement irlandais met à disposition un logement, de la nourriture et une rente de quelques euros par mois, les arrivants sont ostracisés et n’ont aucun droit. « En entrant dans le système, on pensait rester un ou deux ans seulement. Nous y avons passé dix ans. »

→ ENQUÊTE. En Irlande, des centaines de personnes interdites d’entrée sur le territoire

En Irlande, les structures d’accueil des migrants sont régulièrement dénoncées par les associations de défense des droits de l’homme comme « inhumaines » et impropres à l’accueil d’enfants. « Vu la taille de notre famille, on a eu la chance de ne pas avoir à partager un logement, mais d’autres sont obligés de vivre dans une chambre avec de parfaits inconnus. » Désormais naturalisée, Pamela se souvient de l’embarras et du secret qui entouraient son lieu de résidence. Adolescente, elle trouvait son échappatoire dans l’école et les activités périscolaires.

Promouvoir l’inclusion

Tout change lorsque sa mère parvient à lever les 9 000 € de frais pour son inscription à l’université, en première année de licence. Pamela commence à prendre rendez-vous avec des avocats et obtient un permis de résidence pour elle et sa famille. « Vous imaginez, passer de demandeuse d’asile à diplômée d’un master de la plus prestigieuse université du pays… et Miss Irlande ! »

Loin des paillettes, elle entend faire de son règne celui de l’inclusivité et « montrer aux enfants qui sont encore dans les centres qu’il y a bien une lumière au bout du tunnel. Avec espoir et résilience, ils s’en sortiront. Je veux qu’ils sachent que l’éducation peut être leur superpouvoir, qu’elle leur permettra de devenir la personne qu’ils veulent être et d’atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés ».

Son combat est aussi celui du sexisme en Irlande. « Être une femme pose déjà certains défis, être une femme noire complique encore les choses. Je ne me souviens pas d’une seule professeure noire ou femme noire en position de pouvoir à la fac. Or, comment vouloir être ce qu’on ne voit pas ! »

→ CAS DE CONSCIENCE. Peut-on regarder Miss France et être féministe ?

Elle-même n’avait pas songé à devenir mannequin, jusqu’au jour où une juge du concours Miss Galway la prend pour une candidate, alors qu’elle faisait son service dans un bar. « Ça m’a surprise, et un peu choquée… Il m’a fallu un ou deux ans pour réfléchir, puis je me suis lancée et ça a plutôt bien marché ! » À celles qui hésitent à se lancer, elle ne mâche jamais ses mots d’encouragement.

« Au fond, qu’est-ce qu’une Irlandaise ?, dit-elle encore. Je n’ai pas les yeux bleus ni les cheveux blonds, mais je suis africaine et je suis irlandaise. Non seulement j’en suis fière, mais je pense aussi que beaucoup d’ethnies ici partagent cette fierté. »

---------------

Moins de migrants en Irlande en 2021

Selon les données sur la population et les migrations, publiées par le Central Statistics Office (CSO), le nombre de migrants a baissé de 85 400, en 2020, à 65 200 en 2021.

En février, l’Irlande a changé sa politique d’accueil avec une première phase d’accompagnement de quatre mois qui prévoit bilan médical, cours d’anglais, entretiens avec des assistantes sociales. Et une deuxième phase d’autonomie : possibilité d’ouvrir un compte bancaire, de travailler et de passer le permis de conduire.

 

La mission, raison d’être de l’Église 

Critique 

L’archevêque émérite de Strasbourg livre ses réflexions sur l’avenir de l’Église, pour laquelle il dit son inquiétude. Pour lui, l’urgence est une conversion de toute l’Église à la mission.

  • Dominique Greiner, 

Lecture en 3 min.

 

La mission, raison d’être de l’Église
 
Atelier de réflexion sur les abus sexuels dans l’Église organisé par une paroisse de Valenciennes (Nord) en novembre, après la remise du rapport de la Ciase.THIERRY TONNEAUX/VOIX DU NORD/MAXPPP

 

de Mgr Joseph Doré

Salvator, 390 p., 23 €

Mgr Joseph Doré a consacré une grande partie de sa vie à la christologie, comme enseignant, comme auteur, comme directeur de collection ou d’ouvrages consacrés à la figure de Jésus. Il n’a pas cessé d’être théologien lorsqu’il a été nommé archevêque de Strasbourg. Et même après avoir quitté cette charge pour raisons de santé, il est resté actif sur le plan éditorial, notamment en dirigeant la belle collection « La grâce d’une cathédrale ». Et c’est sur un autre terrain qu’on le retrouve dans ce livre qui mêle éléments autobiographiques, impressions personnelles – pas toujours indispensables – et réflexions théologiques nourries de son expérience de croyant, de théologien et de pasteur. Le sulpicien livre ses réflexions sur l’avenir d’une Église pour laquelle il dit son inquiétude, parce qu’il l’aime.

Un écart grandissant avec la culture

À plus de 80 ans, il mesure tout ce qui sépare la situation actuelle du catholicisme avec « l’Église florissante de (s) a jeunesse ». Mais son inquiétude porte moins sur le « rétrécissement » du christianisme certainement appelé à se poursuivre que sur le devenir de la foi elle-même. La situation actuelle, estime-t-il, oblige à prendre au sérieux la question posée par Jésus : « Le fils de l’homme, quand il reviendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » On ne peut éviter de se demander quelles conclusions pratiques et concrètes il convient de tirer du constat d’une Église désormais minoritaire dans un monde de plus en plus sécularisé, estime le théologien.

 

L’enjeu est « ni plus ni moins la nécessité d’une véritable et profonde conversion » de l’Église catholique, affirme-t-il. Une conversion, et non pas une simple adaptation de son message à ce que nos contemporains sont supposés être en capacité de recevoir pour tenter de réduire l’écart grandissant avec la société et la culture. Les abus de toutes sortes comme les dysfonctionnements manifestes dans l’appareil ecclésial indiquent qu’elle doit se transformer de l’intérieur, car « nous sommes désormais en face d’éléments négatifs qui sont bel et bien internes au milieu chrétien, dont ils ne font dès lors qu’aggraver la vulnérabilité et la précarité ». Il faut donc poursuivre le « nettoyage des écuries d’Augias » pour mettre fin à la pédocriminalité des clercs et à « d’autres vilenies caractérisées », mais ce n’est pas encore suffisant.

Devenir de « meilleurs chrétiens »

C’est à la mission que l’Église doit se convertir. Une mission qui est le cœur de sa raison d’être : « L’Église n’a pas été voulue pour elle-même, pour se développer en ne prenant soin que d’elle-même, mais pour se tourner vers le dehors, vers les “autres”, vers “le monde”. (…) Le fait même de se tourner vers le monde ne l’invitera alors que davantage à se tourner vers Dieu – et vice versa », écrit l’archevêque émérite. La tâche des chrétiens dans ce temps particulier où l’Église traverse une crise profonde est « de se ressaisir eux-mêmes afin de prendre les moyens de devenir de meilleurs chrétiens », précise-t-il.

Mais Mgr Doré n’en reste pas au stade de l’exhortation. Dans la deuxième partie de son livre, il explore avec beaucoup de pédagogie les conditions tant sur le plan personnel qu’institutionnel de la conversion de l’Église. Pour retrouver « une vraie crédibilité dans la culture et la société d’aujourd’hui », l’Église doit approfondir sa propre identité, réfléchir « sur ce qu’elle est appelée à être ».

Pour cela, elle doit se rapporter « plus adéquatement » à la foi et à la charité chrétienne, « deux fondamentaux » intimement liés : « Le retour au cœur de la foi entraîne de soi un retour à ce qu’on peut tenir pour le cœur de la vie humaine, à savoir l’amour. » Dans le même temps, elle doit assumer sa propre condition dans le monde : « Si l’Église ne se donne pas sa mission mais la reçoit et est toujours appelée à la considérer comme reçue, elle ne se donne pas à elle-même les partenaires auxquels cette mission s’adresse. » En d’autres termes, l’avenir de l’Église dépend de sa capacité à sortir d’elle-même, de ses préoccupations internes. C’est le sens de l’action du pape François avec laquelle Mgr Doré est en parfaite consonance. Ce livre peut donc aider ceux et celles qui sont engagés dans la démarche synodale qui veut faire de chaque baptisé un protagoniste de la mission de l’Église.

 

Sous-catégories

Les informations sur nos maisons de formation datent de quelques années, et nous avons demandé aux responsables de ces maisons de nous donner des nouvelles plus récentes.
La première réponse reçue vient de Samagan, le noviciat près de Bobo-Dioulasso (lire la suite)

 

La deuxième réponse nous a été donnée par la "Maison Lavigerie", notre maison de formation à la périphérie de Ouagadougou, où les candidats ont leurs trois premières années de formation (lire la suite)