Témoignages

 

Sénégal : Khalil Diallo, romancier et historien des temps présents

Mis à jour le 18 janvier 2022 à 14:14
 

 

Khalil Diallo a reçu le prix Ahmed Baba en 2021 © Arnataal

 

 

C’est grâce à Mohamed Mbougar Sarr que le premier roman de cet auteur sénégalais né en Mauritanie, « À l’orée du trépas », a été publié. Son second, « L’Odyssée des oubliés », sur les migrations contemporaines, est aujourd’hui réédité aux éditions Harmattan Sénégal.

C’est sur le toit-terrasse de l’Orientale, café-restaurant qu’il affectionne, dans le quartier du Plateau à Dakar, que Khalil Diallo nous donne rendez-vous. « Ma dernière scène slam s’est déroulée juste en face, au Théâtre de verdure, avec un slam d’amour pour celle qui est devenue mon épouse », raconte en souriant celui qui fête ce jour-là ses 29 ans. Membre, à l’époque, du Vendredi slam, collectif phare des années 2010, Khalil Diallo se souvient des scènes partagées avec des pionniers comme Ceptik, Souleymane Diamanka et Capitaine Alexandre. Ce dernier a déclenché chez Khalil Diallo l’envie d’écrire au-delà de la scène, devenue incompatible avec sa carrière de consultant : « Il fallait choisir. C’est l’époque où Capitaine Alexandre publiait ses premiers recueils chez La Cheminante. J’ai compris que c’était possible. J’ai arrêté le slam et commencé L’Odyssée des oubliés. »

Cette épopée, prix Ahmed Baba en 2021, qui mêle enjeux des migrations contemporaines et ode à la littérature, voit le jour en 2020. Entre temps, Khalil, qui avoue « écrire très lentement et toujours plusieurs livres en même temps », publie le recueil Chœur à cœur puis un premier roman À l’orée du trépas, finaliste, en 2019, de prix qui le font connaitre au Sénégal et sur la scène francophone : le prix Orange du livre en Afrique, le prix Ahmadou Kourouma et le prix Ivoire.

« Pays fantômes »

« C’est grâce à Mbougar Sarr que j’ai été publié, c’est lui qui m’a d’abord mis en contact avec Abdoulaye Diallo, de L’Harmattan Sénégal », confie-t-il. Un roman qui se voulait un récit d’amour mais que l’actualité a percuté : « Je venais d’apprendre, via les réseaux sociaux, que quelqu’un qui était en même temps que moi à l’Université de Dakar avait rejoint l’État islamique en Syrie. Le roman est devenu un questionnement à partir de sa trajectoire ; est-ce une vraie raison de mourir ? »

CE N’EST PAS PAR SOIF D’AILLEURS QUE LES GENS VONT SE TUER EN MER, MAIS PARCE QU’ILS N’ONT PLUS LE CHOIX

Même démarche pour L’Odyssée des oubliés où les parcours d’immigration relatés s’inspirent de récits réels. « Mais mon ambition était aussi de décrire la vraie Afrique. Montrer que ce n’est pas par soif d’ailleurs que les gens vont se tuer en mer, mais parce qu’ils n’ont plus le choix. » Au-delà de l’épopée nourrie de lectures des classiques grecs, Diallo dresse une critique franche de ces « pays fantômes » qui précipitent les départs : « Ce sont certains pays africains où la liberté d’expression est bafouée, avec des dirigeants autoritaires, où les citoyens meurent du poids des totalitarismes politiques, idéologiques et culturels. Culturels avec une double acculturation, occidentale et orientale. Idéologique avec la montée des extrémismes religieux. Politique avec des présidents qui ne quittent jamais le pouvoir. »

Et le jeune auteur de souligner les complicités occidentales, comme il le rappelle dans une tribune publiée après le naufrage de compatriotes : « La vraie violence est politique. » La littérature de Khalil Diallo est en prise avec les enjeux qui l’entourent : « Le romancier est un historien des temps présents », aime-t-il à répéter. Ses prochains romans plongeront aussi dans des faits historiques, comme la révolution de 2011 ou la crise de 1962 au Sénégal.

De Césaire à Orelsan

Le jeune homme qui soigne le Verbe et parle poésie, histoire, religion – il est membre de la confrérie soufie tidjaniya – et politique avec érudition et passion, a un parcours scientifique. Il a grandi au Sénégal, pays de son père, avec des allers-retours en Mauritanie, pays de sa mère, où il est né. « J’ai eu une enfance privilégiée dans une école privé catholique de Dakar. Comme j’étais asthmatique, pas grand sportif, je passais mon temps à lire. » Ainsi cite-t-il Césaire, Baudelaire, Camus, Senghor, Dostoïevski, Ouologuem, Monénembo, Nganang, Alexis. Mais il s’ancre dans les pas de son père, décrit comme un « modèle » et un « meilleur ami »: « C’est un prof de lettres reconverti en directeur de production en industrie plastique. J’ai moi-même fait des études pour être directeur de production en industrie agroalimentaire et chimique ! »

CE QUI EST IMPORTANT POUR MOI, C’EST D’ATTEINDRE CETTE POSTÉRITÉ, DE POUVOIR ME DISSOUDRE DANS MON ŒUVRE

Aujourd’hui le quotidien de Diallo est rythmé par son travail de chef de service qualité pour l’Office national de l’assainissement, ses activités de consultant, sa vie de famille avec un enfant en bas âge, et l’écriture. « Il y a toujours, en toile de fond, cette urgence d’écrire. » Comme Sembouyane, personnage de L’odyssée qui préfère ne pas se qualifier de « passionné de littérature » mais dit « être littérature », Khalil enchaîne sur l’« immodestie » de l’écrivain : « Ce qui est important pour moi, c’est d’atteindre cette postérité, de pouvoir me dissoudre dans mon œuvre ».

L’auteur, lui-même passé par plusieurs étapes avant d’être publié, est lucide sur les enjeux de diffusion et sur la réalité d’un marché du livre majoritairement dicté par le Nord dans un pays où « pour reprendre les mots du rappeur Orelsan, il y a pleins de gros poissons dans une petite mare ». « Ici les gens vendent moins de 500 exemplaires d’habitude », ajoute-t-il . Il a donc de quoi se réjouir avec la réédition de L’Odyssée des oubliés, ces dernières semaines, au Sénégal.

Mort de M'mah Sylla: en Guinée, les cliniques clandestines prolifèrent (2/2)

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Des habitants du quartier Enta et des proches de M'mah Sylla près du cimetière où a eu lieu l'enterrement de la jeune femme, mercredi 24 novembre. (Image d'illustration) © Matthias Raynal/RFI

 

En Guinée, une grande partie de la population se soigne dans les cliniques privées, faute d’avoir accès aux établissements publics de santé. Le décès de M'mah Sylla après avoir subi plusieurs interventions chirurgicales a jeté une lumière crue sur les conditions d’exercice de la médecine dans ces structures souvent illégales. Enquête sur ces cliniques qui sauvent des vies, mais tuent parfois leurs patients.

Dans le quartier populaire d'Enta, en haute banlieue de Conakry, une dame penchée sur un réchaud prépare le riz du déjeuner sur le minuscule perron de sa petite maison. « Je suis sage-femme. Ici, c’est la salle de soins. Ça, c’est le lit de consultation. Là, le labo. On fait des examens pour les femmes enceintes. »

Dans cette clinique privée de 60 mètres carrés à peine, à l’aménagement très sommaire, le matériel est hors d’âge, le lit pour les accouchements de fabrication artisanale. « La plupart du temps, les femmes aiment accoucher par terre. On met un tapis. S’il y a des complications, on dit aux patientes de se rendre dans un centre plus approprié, dans les CHU. »

Des centres hospitaliers universitaires, la Guinée n'en compte que deux. Et ils sont situés en centre-ville. La grande banlieue de Conakry est un désert médical. Alors s’est développée dans les quartiers comme Enta une offre de proximité, plus abordable aussi : un accouchement est facturé entre 5 et 10 euros dans la clinique que nous venons de visiter. La zone est quadrillée, il y a un cabinet tous les 100 mètres 

« Tout le monde se dit médecin »

« Ces médecins-là, pour moi, sauvent des vies. Tout récemment, ma mère est tombée gravement malade, elle avait le palud. Mais grâce au docteur qui se trouve juste à côté de chez nous, Dieu merci, elle s’est rétablie », nous confie Seydou Camara. Cet habitant de 28 ans ne se fait pas d’illusion sur la qualité des soins prodigués dans ces cliniques de quartier « qui manquent de moyens ».

Souleymane Camara, un autre jeune d’Enta, évite, lui, de s’y rendre : « La plupart des docteurs qui sont dans le quartier, je ne les fréquente pas trop. Ce n’est pas l’État, il n’y a aucune garantie. »

Il y a très peu de contrôle. Beaucoup de ces structures n’ont pas les autorisations requises. Ce médecin – nous l'appellerons Aliou – a préféré garder l'anonymat. Il a fondé son cabinet il y a 10 ans. « Il y a des gens qui font des cliniques sans avoir de diplôme. Ce n’est pas normal. C’est ça le problème : tout le monde se dit médecin, tout le monde opère, tout le monde fait le suivi des femmes enceintes. »

Par le passé, l’État guinéen a déjà annoncé qu’il entendait s’attaquer à la prolifération des cliniques clandestines, sans grand succès jusqu'à présent.   

Guinée: la mort de M'mah Sylla, symbole de la lutte contre les violences sexuelles (1/2)

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Des proches de M'mah Sylla, réunis à l'aéroport de Conakry pour accueillir la dépouille de la jeune femme, mardi 23 novembre 2021. © Matthias Raynal / RFI

En Guinée, l’histoire tragique de M’mah Sylla a provoqué une vague d’émotion et contribué à une prise de conscience, une libération de la parole sur les violences sexuelles. La jeune femme de 25 ans est décédée le 20 novembre dernier. Elle aurait été violée par des médecins avant de subir un avortement clandestin.

De notre correspondant à Conakry,

De la tristesse et un profond, viscéral, sentiment de colère. En novembre dernier, aux funérailles de M’mah Sylla, une centaine d’habitants sont venus se recueillir au quartier Enta. « Justice et justice ! On ne demande rien d'autre que la justice », clamait l'un de ses oncles.

Ousmane Diallo a écrit sur une pancarte le slogan devenu viral depuis la mort de la jeune femme : « Justice pour M’mah Sylla. Plus jamais ça. » Il ne comprend pas comment des médecins ont pu en arriver là. « Ce sont des personnes en qui on a confiance. Quand on a des problèmes, on court vers ces médecins. S'ils arrivent à agir comme ça, je ne peux rester à la maison sans manifester. »

Une simple chambre en guise de cabinet médical

Populaire et excentré, Enta a été construit sur une colline. Surplombant le cimetière, à 100 mètres de distance, se trouve un « cabinet médical ». L’expression ne convient pas vraiment à cette simple chambre que louait un médecin, Patrice Lamah. « On prescrivait les médicaments, on soignait plein de maladies ici. Presque tout le quartier venait nous voir », nous confie une jeune femme croisée sur la concession et qui dit avoir travaillé dans ce cabinet comme infirmière pendant plus de sept ans.

C’est au mois d’août que M’mah Sylla s’y rend pour une consultation. Elle y aurait été droguée, puis violée par le médecin. Alors que la jeune femme pense être enceinte, Patrice Lamah lui diagnostique un kyste à l’intérieur du ventre. « L'opération de M’mah Sylla, c'est la première à laquelle j'ai assisté. Le lieu ne convient pas pour ce genre d’intervention », affirme cette femme.

Un jeune du quartier Enta s’est fait retirer un ganglion dans ce cabinet. « Y’a pas le choix, nous tous ici on vient chez Patrice. L’hôpital, c'est cher et j’avais mal, je n’avais pas le temps de me déplacer jusqu’à l’hôpital. S'il n’y a pas d’embouteillages, tu peux mettre 30 minutes pour y aller. »

Détermination 

Tee-shirt rouge, frappé du portrait de M’mah Sylla, Alhassane Diallo est un ami qui désormais milite pour que sa mort ne reste pas impunie, pour que ce drame serve aussi à éviter de nouvelles victimes. « Nous sommes déterminés, les jeunes, les femmes, les hommes, tout le monde. Nous allons unir nos forces pour que, plus jamais, une fille ne soit violée en Guinée. »

Les associations de défense des droits des femmes ne se battent plus seules. Elles peuvent désormais compter sur le soutien de l’opinion publique, qui exige de l’État des mesures urgentes pour lutter contre les violences sexuelles.

Mali: l'ancien président Ibrahim Boubacar Keïta est mort

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Ibrahim Boubacar Keita. Cimeira do G5 Sahel em Nouakchott, na Mauritânia. 30 de Junho de 2020. AFP - LUDOVIC MARIN

L'ex-président malien Ibrahim Boubacar Keïta, qui a dirigé le Mali entre 2013 et 2020, est décédé ce dimanche 16 janvier à son domicile de Bamako, selon sa famille. Ibrahim Boubacar Keïta, élu président du Mali en septembre 2013, avait été renversé par des militaires en août 2020.

Avec notre correspondant à Bamako, Serge Daniel

Il était 9h ce matin, a expliqué un membre de la famille d’Ibrahim Boubacar Keita, quand on a constaté la mort du président, celui qu’on appelle communément IBK. Vers 13h30, il n’y avait pas beaucoup de monde près de son domicile, mais les gens s'y dirigent pour présenter leurs condoléances. Ses anciens collaborateurs, notamment son directeur de cabinet, a confirmé également sa mort.

On sait qu’il était malade depuis peu, après le coup d’État du 18 août 2020. Il a été se soigner à plusieurs reprises à Abou Dhabi dans un hôpital américain. Quelqu’un qui l’a vu récemment disait ceci, il y a quelques jours seulement : « Le président est en train de se laisser mourir ». Il n’avait plus d’appétit. Il n’arrivait plus à lire, vous savez qu’il était un grand amoureux des livres et des écrivains.

 

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Ibrahim Boubacar Keita votant lors de l'élection présidentielle de 2013 où il se fait élire à la tête du pays. REUTERS/Joe Penney

 

Ibrahim Boubacar Keïta avait été Premier ministre de 1994 à 2000 sous la présidence d'Oumar Konaré. Il échoue ensuite à l'élection présidentielle de 2002. Mais il est finalement élu et accède au palais de Koulouba, le siège de la présidence malienne à Bamako, en 2013. Il sera réélu en 2018 face à Soumaïla Cissé, alors leader de l'opposition et décédé en décembre 2020 du Covid-19.

►À lire aussi : Mali: un an après le putsch, que devient Ibrahim Boubacar Keïta?

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Après plus de 900 jours derrière les barreaux, Ramy Shaath est sorti de prison ! Un immense soulagement et une joie exceptionnelle.

Arrêté et détenu arbitrairement depuis juillet 2019, Ramy Shaath aura vécu l’enfer pendant deux ans et demi dans la prison de Tora au Caire. Aux côtés de Céline Lebrun-Shaath, son épouse, Amnesty International s’est mobilisée en France mais aussi en Espagne, aux Etats-Unis ou encore en Belgique. Cette victoire est le fruit d’une mobilisation qui a pris de l’ampleur mois après mois permettant d’interpeller les autorités égyptiennes. Que ce soit grâce à la pétition internationale, à l’utilisation du hashtag #FreeRamyShaath sur les réseaux sociaux, aux messages de solidarité envoyés à Ramy ou encore aux événements organisés partout en France, cette victoire nous vous la devons !
Merci aux personnes qui se sont engagées sans relâche dans ce combat !
Défenseur des droits humains et militant pacifiste (il a notamment cofondé le mouvement non violent BDS en Egypte) il a été arrêté à son domicile dans la nuit du 5 juillet 2019 pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression et à la participation aux affaires publiques. Son épouse, Céline Lebrun-Shaath, a été expulsée illégalement d’Egypte le même jour.
EN SAVOIR PLUS
En juillet 2020, grâce à votre mobilisation autour de #FreeRamyShaath, la boite mail de l’ambassade d’Egypte a été saturée, permettant d’augmenter la pression sur les autorités. En février 2021, Céline a pu passer 10 jours en Egypte et visiter Ramy 3 fois en prison après 19 mois de séparation. Quelle joie de les savoir désormais réunis pour de bon !

« Je veux remercier les milliers de personnes qui m’ont envoyé des messages. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point ça fait une différence quand on est enfermé quelque part et qu’on reçoit une lettre, un dessin, une photo, qui dit qu’on se souvient de toi, qu’on te soutient, qu’on t’attend dehors. »
Ramy Shaath, à son arrivée à Paris

En échange de sa libération, Ramy Shaath a été contraint de renoncer à sa nationalité égyptienne. Une décision qui illustre le harcèlement dont est victime le militant égyptien-palestinien depuis des années. Si la libération de Ramy Shaath est une victoire immense, n’oublions pas que des dizaines de milliers de personnes sont encore enfermées dans des conditions inhumaines et pour des motifs injustes. La liberté de Ramy Shaath nous donne la force de continuer et nous montre que la mobilisation internationale paye. Ensemble, continuons à nous mobiliser pour la liberté d’expression partout dans le monde !
 

Justine Payoux

Chargée de campagne "Libertés"
pour Amnesty International France 

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Les informations sur nos maisons de formation datent de quelques années, et nous avons demandé aux responsables de ces maisons de nous donner des nouvelles plus récentes.
La première réponse reçue vient de Samagan, le noviciat près de Bobo-Dioulasso (lire la suite)

 

La deuxième réponse nous a été donnée par la "Maison Lavigerie", notre maison de formation à la périphérie de Ouagadougou, où les candidats ont leurs trois premières années de formation (lire la suite)