Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Bénin : l’IVG, entre morale, éthique et exigence de santé

Mis à jour le 13 novembre 2021 à 15:59
 
Saidou Sabi Boun
 

Par Saidou Sabi Boun

Pharmacien, spécialiste en santé publique, développement international et action humanitaire. Montréal.


Dans une église de Cotonou, en novembre 2017. © Jacques Torregano pour JA

Votée à l’unanimité le 30 octobre dernier par l’Assemblée nationale, la loi facilitant le recours à l’avortement continue à faire des remous. En cause, la confusion entre morale et éthique, là où seule devrait prévaloir la question de la santé publique.

Dans la nuit du 20 au 21 octobre dernier, l’Assemblée nationale béninoise a voté à l’unanimité une loi autorisant l’interruption volontaire de grossesse (IVG), jusqu’ici interdite sauf circonstances exceptionnelles. Désormais, au Bénin, une femme peut demander à son médecin une IVG avant la 12e semaine d’aménorrhée, lorsque la grossesse est susceptible par exemple d’aggraver ou d’occasionner une situation de détresse matérielle, éducationnelle, professionnelle ou morale incompatible avec l’intérêt de la grossesse et/ou de l’enfant à naître.

Autrement dit, une étudiante ayant une grossesse non désirée pourrait demander l’IVG, si elle démontre que la grossesse pourrait être un frein à la poursuite de ses études.

Dilemme éthique

Depuis le vote de la loi, de nombreuses voix se font entendre, celles de simples citoyens comme celles de religieux (prêtres, imams), de professionnels de santé ou d’hommes de médias. Pour la Conférence épiscopale du Bénin, par exemple, la légalisation de l’IVG est une avancée de la culture de la mort. L’association béninoise pour la promotion de la famille (ABPF), elle, applaudit, tandis que le président du Conseil de l’ordre des médecins du Bénin exprime sa gêne personnelle vis-à-vis de la loi en raison, dit-il, de ses convictions religieuses.

On le voit, l’IVG reste incontestablement l’une des questions les plus épineuses qui se posent à la conscience humaine, en particulier quand se mêlent morale et éthique. Un conflit éthique est souvent un dilemme, une situation dans laquelle aucune solution apportée au problème n’est vraiment satisfaisante. C’est un choix entre deux mauvaises options. C’est aussi une opposition entre au moins deux des quatre valeurs de l’éthique médicale : la bienfaisance, la non-malfaisance, l’autonomie et la justice.

Appliquée à notre cas, les deux mauvaises options seraient  soit interdire l’IVG et donc accepter 200 décès annuels de femmes liés aux conséquences des avortements clandestins/non médicalisés. Soit autoriser l’IVG et donc choisir de « tuer » l’enfant à naître en sauvant la vie des ces femmes. La légalisation de l’IVG oppose également deux valeurs de l’éthique médicale que sont la bienfaisance vis-à-vis de la mère et la non-malfaisance vis-à-vis de l’enfant à naître.

La réponse qui pourrait être apportée à ce dilemme éthique, comme à bien d’autres faits sociétaux, ne peut qu’être que sociétale (réponses scientifiques, juridiques, bioéthiques et religieuses), et pas uniquement une réponse des « spécialistes de la santé ». Certaines sociétés comme le Sénégal privilégieront le droit à la vie de l’enfant et interdiront l’IVG, même en cas de viols, d’inceste ou même avec des risques de décès de la mère. En Côte d’Ivoire, au Mali, au Burkina Faso, au Niger, au Togo et en Guinée, l’IVG sera permise pour sauver la vie de la femme et/ou pour protéger sa santé physique.

La Tunisie, l’Afrique du Sud, le Cap-Vert, le Mozambique, la Zambie et bientôt le Bénin font partie des pays africains ayant les législations les moins restrictives. Cependant, l’exemple tunisien, premier pays d’expression arabophone à avoir légalisé l’IVG, pourrait être intéressant à regarder. La première loi qui autorise les femmes ayant plus de cinq enfants à recourir à l’IVG y a été adoptée en 1965. Quelques années plus tard, en 1973, l’IVG est autorisée au cours des trois premiers mois de grossesse, pour toutes les femmes, quels que soient leurs nombres d’enfants, dans un établissement hospitalier sanitaire ou une clinique autorisée, par un médecin exerçant légalement.

Il s’en est suivi dans la foulée la création de l’Office national de planification familiale (ONPF) qui avait pour mission de s’occuper de la disponibilité de la planification familiale et d’assurer un accès juste et éthique à l’IVG pour toutes les femmes le réclamant.

En matière de santé de la famille et de la reproduction, l’ONFP intervient également dans plusieurs domaines : les consultations prénuptiales, les consultations pré et postnatales, les consultations pour la planification familiale, la prévention, la prise en charge des infections sexuellement transmissibles comme le Sida, la prise en charge de l’infertilité, le dépistage des cancers du col de l’utérus et du sein, la prise en charge de la ménopause, l’assistance médicale aux femmes victimes de violence, la prise en charge médicale des adolescents et des jeunes, etc.

L’EXEMPLE DE LA TUNISIE ILLUSTRE BIEN LE CHOIX SOCIÉTAL QUE POSE L’IVG, COMME ALTERNATIVE À QUELQUE CHOSE QUE LA SOCIÉTÉ CONSIDÈRE COMME PIRE

En conséquence, les années suivantes, la Tunisie a connu une augmentation de la prévalence contraceptive (augmentation du nombre de femmes qui utilisent une contraception), une baisse du taux de mortalité maternelle de 60,9 à 36,3/100 000 naissances vivantes et une réduction des complications liées à l’avortement, ou plus aucune femme n’en mourait.

Choix sociétal

L’exemple de la Tunisie illustre bien le choix sociétal que pose l’IVG. Il n’est pas celui de l’acceptation de l’avortement en lui-même comme une action morale ou non, mais comme alternative à quelque chose que la société considère comme pire, comme un prix à payer. Sommes-nous prêts à laisser mourir une femme en couche parce qu’elle ne peut se faire avorter ? Ou sommes-nous prêts à accepter l’avortement pour sauver la vie des femmes ? Quels sont les droits de l’embryon ? À partir de quel moment le fœtus est-il considéré comme un être humain doté de droits au même titre que les personnes déjà nées ?

À quel moment commence la protection juridique du droit à la vie au Bénin ? Est-ce à la conception ? À la fécondation comme le stipulent les opposants à l’IVG ? Ou au développement neurologique de l’embryon qui n’intervient qu’à la 12e semaine ? Pour le moins, qu’on puisse dire, au Bénin, ce débat éthique, n’a pas eu lieu, et les réponses à ces questions demeurent incertaines.

Ipso facto, en décidant de changer la loi de 2003 sans un débat éthique de fond, le législateur a renforcé les inquiétudes des opposants à l’IVG qui redoutent de voir la société béninoise basculer vers un idéal auquel ils ne s’identifient pas.

Plusieurs études ont pourtant montré que dans les pays possédant une législation restrictive, de nombreuses femmes parmi les plus vulnérables (adolescentes, femmes pauvres et démunies, avec peu de ressources et vivants en milieu rural) se tournent vers des IVG non médicalisées et/ou non sécurisées, risquant au passage leur santé et leur bien-être.

UNE IVG NON SÉCURISÉE SUR QUATRE CONCERNE UNE ADOLESCENTE DE 15 À 19 ANS

L’IVG sécurisée est définie comme celle pratiquée par des personnes compétentes (personnel médical) et utilisant des méthodes recommandées par l’Organisation mondiale de la santé. Il est moins sécurisé lorsque l’un de ces critères seulement est respecté et non sécurisé quand aucun des deux n’est rempli. Par exemple, en Afrique subsaharienne une IVG non sécurisée sur quatre concerne une adolescente de 15 à 19 ans.

De plus, les complications liées aux grossesses pour l’essentiel non désirées demeurent la principale cause de mortalité dans cette tranche d’âge. Dès lors, les IVG non sécurisées représentent un fardeau sociétal énorme, car le traitement des complications alourdit la charge économique qui pèse sur les familles précédemment pauvres et inflige des coûts financiers excessifs aux systèmes de santé de beaucoup de pays, déjà en détresse.

Triste record en Afrique de l’Ouest

En comparant le coût moyen des soins d’avortement et des soins post-avortement, des chercheurs ont trouvé qu’il était de 7,5  fois plus élevé dans un contexte restrictif que dans un contexte libéral (45 $ contre 6 $). En outre, malgré les lois les plus restrictives, de nombreux pays en Afrique de l’Ouest possèdent un fort taux d’IVG non médicalisées et/ou clandestines.

On estime, qu’environ 12 % de toutes les grossesses de la région ouest-africaine se terminent par une IVG, pour la plupart, non médicalisée et/ou non sécurisée. L’Afrique de l’Ouest possède, de ce fait, le triste record du nombre annuel de décès liés à l’avortement avec un taux de mortalité extrêmement élevé qui est de 520 décès/100 000 avortements. Enfin, 9 % de toute la mortalité maternelle serait imputable à l’avortement provoqué non sécurisé. Au Bénin, le chiffre de 200 femmes par an décédées des conséquences d’un avortement non médicalisé et/ou clandestin a été avancé.

Toute intervention en santé publique devrait être guidée par des principes pour éviter des abus en raison du caractère spécifique de cette discipline. La finalité d’une action de « sauver des vies » ne constitue pas en soi un critère de qualification de cette action d’intervention de santé publique. La proportionnalité de l’action devrait être analysée en mesurant les avantages, les inconvénients et les différentes alternatives possibles de l’intervention.

Conséquemment, l’IVG devrait être considérée, plus, comme une approche de réduction des méfaits plutôt qu’une intervention de santé publique classique et populationnelle, de type vaccination de masse ou de type port de la ceinture de sécurité. La réduction des méfaits est une approche de santé publique née essentiellement de la réponse à la crise au VIH dans les années 1980. Appliquée le plus souvent à la toxicomanie, elle se focalise sur une partie d’une population (pas toute la population), notamment la plus à risque, en adoptant des stratégies permettant la réduction des conséquences sanitaires d’une action néfaste plutôt que l’arrêt définitif de celle-ci.

Autrement dit, cette approche se concentre sur la réduction des conséquences sanitaires d’une action plutôt que de combattre l’action elle-même. Plusieurs principes centraux ont été décrits pour mettre en application cette politique.

Le premier principe consiste à se focaliser sur la réduction des méfaits comme une alternative. En reprenant l’exemple de la toxicomanie comme celui des avortements médicaux, plutôt que de prendre une position morale sur la pratique, l’accent devrait être mis sur l’atténuation du comportement nuisible : la politique de distribution et d’échange des seringues aux toxicomanes et la possibilité de faire pratiquer l’IVG dans certaines conditions pour atténuer les conséquences de l’IVG non médicalisée. Le deuxième principe de cette approche, tout en reconnaissant l’éradication de l’action néfaste comme un résultat idéal, visera des alternatives qui réduisent les méfaits.

Quelles sont les alternatives qu’offre notre société aux femmes violées, victimes d’inceste, ou dont l’avenir, l’éducation sont hypothéqués par une grossesse ? Vues sous l’angle du deuxième principe de l’approche par réduction des méfaits, les IVG associées à l’éducation de base, aux pratiques de prévention de la santé sexuelle et reproductive, pourraient être considérées comme une approche acceptable, du moment où un débat éthique est posé, discuté et tranché par la société concernée.

LES PRATIQUES MÉDICALES DE L’IVG DEVRAIENT ÊTRE  UNE ALTERNATIVE PROPOSÉE PAR LES SOCIÉTÉS CONCERNÉES

Dans ce cas, toutes ces pratiques seront alors considérées comme des solutions de transition vers l’abandon des pratiques les plus nuisibles (toxicomanie, tabagisme et avortements non médicalisés ou clandestins). Le troisième principe de la réduction des méfaits préconise une approche ascendante (bottom-up) plutôt qu’une approche descendante (top-down). En d’autres termes, la solution alternative proposée pour remplacer l’action néfaste doit émerger de la société concernée. Les pratiques médicales de l’IVG devraient être une émanation et une alternative proposée par les communautés et les sociétés concernées.

Le fardeau de la mortalité

Pour le cas du Bénin, pour le moins qu’on puisse dire, cette discussion éthique, ou ce débat national n’a eu lieu que très sommairement. Combien d’avortements clandestins ou non médicalisés sont-ils réalisés au Bénin ? Combien de femmes meurent réellement des conséquences des avortements clandestins ? Quel est le coût sociétal de ces décès ? Quel est le fardeau de cette morbidité et de cette mortalité dans le système de santé du Bénin ? Quelles sont nos autres alternatives à l’IVG ?

Derrière toutes ces questions sans réponses apparentes, se cachent des inquiétudes des opposants à la légalisation de l’IVG avec une peur de voir la pratique se banaliser et devenir une forme de contraception d’urgence. En tenant compte, de l’expérience de plusieurs pays africains comme la Tunisie, le Bénin devrait trouver son chemin, tout en ne reniant pas ses cultures, ses traditions et son mode de vie.

Les migrants et les demandeurs d’asile méritent le plein respect de leur dignité et de leurs droits fondamentaux |COMECE

Dans le contexte de la situation humanitaire alarmante à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie, la COMECE publie une déclaration appelant l’UE et ses États membres à manifester une solidarité tangible avec les migrants et les demandeurs d’asile. Le Cardinal Hollerich : « Tout être humain doit être traité de manière humaine. Les migrants et les demandeurs d’asile méritent le plein respect de leur dignité et de leurs droits fondamentaux, quel que soit leur statut juridique. »

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Communiqué de presse, 11/11/2021

La COMECE concernant la crise humanitaire à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie : « Les migrants et les demandeurs d’asile méritent le plein respect de leur dignité et de leurs droits fondamentaux »

 

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Dans leur déclaration, les évêques de l’Union Européenne déplorent les décès que cette tragédie a déjà causés et prient pour les victimes et leurs familles. « Nous devons tous montrer notre soutien effectif aux familles et aux personnes dans le besoin, qu’elles migrent ou qu’elles cherchent l’asile » – peut-on lire dans la déclaration. La COMECE se fait l’écho des propos exprimés en diverses occasions par la Conférence des évêques polonais au cours des derniers mois, appelant à adopter avant tout une approche humanitaire de la crise actuelle. « Nous ne pouvons pas permettre que des gens meurent à nos frontières. Tous les efforts pour éviter ces tragédies et pour atténuer la souffrance des gens doivent être faits » – poursuit la déclaration.

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Ce sujet a été abordé lors de la réunion du groupe de travail de la COMECE sur la migration et l’asile au début du mois d’octobre dernier, au cours d’un échange avec des membres du personnel de l’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR). Le 8 octobre 2021, à la suite de la lettre adressée à la Commission européenne par les Ministres de 12 États Membres de l’UE sur les développements aux frontières extérieures de l’UE, le Président de la COMECE a appelé l’Union Européenne et ses États Membres à accueillir, protéger, promouvoir et intégrer les migrants et les demandeurs d’asile, en soutenant une perception et un récit positifs autour de la migration. A cette occasion, le Cardinal Hollerich a également exprimé le soutien de la COMECE pour accroître les efforts en matière de réinstallation mis en œuvre par les États Membres de l’UE, la société civile et les acteurs de l’Église, et pour créer des voies légales et sûres pour les migrants, afin d’éviter qu’ils ne tombent entre les mains de réseaux criminels de passeurs et de trafiquants. Photo: Leonid Scheglov/Reuters

Escroqueries, chantages sexuels, chevaux de Troie… : l’Afrique plus que jamais la cible des cybercriminels 

Mis à jour le 11 novembre 2021 à 17:21
 

 

Photomontage JA © Photomontage JA

 

Le nombre de cyberattaques explose sur le continent. Les experts alertent sur l’urgente nécessité à prendre des mesures draconiennes. Quels sont les pays les plus touchés ? Quelle est l’ampleur, et le coût, de cette menace ? Réponses en infographies.

L’Afrique est-elle plus vulnérable que les autres continents aux dégâts de la cybercriminalité ? Pour Interpol, c’est une certitude. Les chiffres des enquêteurs de l’organisation policière internationale, qui a publié un rapport documenté sur le sujet le 21 octobre, sont sans appel : au cours de l’année 2020, les cyberattaques répertoriées ont, dans certaines régions, plus que doublé. En Afrique de l’Est, la hausse atteint pas moins de 55 % et, sur l’ensemble du continent, elles auraient coûté la modique somme de 4,1 milliards de dollars. Rien qu’en Côte d’Ivoire, la cybercriminalité à coûté 20 milliards de francs CFA (environ 35 millions de dollars).

Avec sa population jeune et ultra connectée, le recours massif aux services bancaires via les téléphones mobiles et, surtout, les lourdes carences en cybersécurité qu’elle traîne, l’Afrique est malheureusement une cible privilégiée ; ces attaques sont de plus en plus sophistiquées et menées par des cybercriminels de plus en plus professionnels et organisés. C’est aussi un important foyer de cyberarnaqueurs.

Risque de « chaos numérique »

Un constat déjà dressé en juin dernier, lors du premier Cyber Africa Forum qui s’est tenu à Abidjan. Les experts africains et internationaux de la cybersécurité réunis pour l’évènement n’avaient pas hésité à mettre en garde les gouvernements et les institutions internationales : si rien n’est fait, l’Afrique risque de plonger dans ce qu’ils ont qualifié de « chaos numérique ». L’enjeu est d’autant plus grand que les chiffres – y compris ceux du rapport d’Interpol – seraient largement sous estimés.

Quels sont les pays les plus touchés ? Ceux qui concentrent le plus d’organisations criminelles organisées ? Quelles sont les techniques de ces dernières ? Qui ciblent-elles ? Toutes les réponses en cartes et infographies :

Bénin: les œuvres d'art restituées par la France sont arrivées à Cotonou

 
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L’entrée du palais de Béhanzin, le roi dont les 26 œuvres ont été pillées il y a bientôt 129 ans. © RFI/Pierre Firtion

Les biens culturels, pillés dans les palais d’Abomey par les troupes françaises en 1892, sont arrivés au Bénin ce 10 novembre. Une cérémonie est organisée à la présidence de la République pour célébrer ce retour réclamé, négocié et obtenu par le président béninois en 2016.

Les trésors royaux restitués par la France sont arrivés aux alentours de 15H15 à l'aéroport de Cotonou, la capitale économique du Bénin, où plusieurs membres du gouvernement béninois attendaient le déchargement des caisses transportant ces oeuvres.

« Il y a des instants dans l'histoire d'une nation qui changent le cours des choses. Cet instant-là que nous vivons, c'est un instant qui restera gravé, c'est un instant important », a déclaré sur le tarmac le ministre des Affaires étrangères Aurelien Agbenonci.

Le long de la route qui sépare l'aéroport de la présidence, des centaines de personnes se pressaient sur les trottoirs pour rendre hommage à ces trésors, dont certains revêtent un caractère sacré.

Le retour des œuvres sera ensuite célébré dans les jardins de la présidence de la République, raconte notre correspondant à Cotonou, Jean-Luc Aplogan. De 150 à 300 invités sont attendus, des institutionnels, des rois et chefs traditionnels et les descendants du roi Béhanzin, le souverain dont le palais a été pillé en 1892 à Abomey. Patrice Talon a d’ailleurs invité ses prédécesseurs Thomas Boni Yayi et Nicéphore Soglo, des représentants d'institutions ainsi que l'ambassadeur de France.

Le président Talon a aussi deux invités de marque, Bénédicte Savoy et Felwine Sarr, auteurs d'un rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain.

Une partie des oeuvres sera présentée lors de la cérémonie. L’événement doit durer une heure. Le retour de ces vingt-six œuvres sera ainsi célébré par des prestations artistiques. Au programme notamment, des danses de troupes venues d’Abomey, de Porto Novo et du Nord-Bénin, rapporte notre envoyé spécial à Cotonou, Pierre Firtion. Il n’y aura pas de cérémonie vaudoue, le protocole restera républicain.

 

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L'affiche du roi Béhanzin. © Pierre Firtion / RFI

 

« Tout le monde sera représenté », explique une source, car l’événement est national. Sous-entendu : ce retour ne concerne pas qu’Abomey, la ville où ont été pillées ces œuvres, et les descendants du roi Béhanzin. Signe de l’importance de l’événement, la cérémonie sera retransmise en direct sur la télévision nationale et le retour des œuvres est depuis plusieurs jours annoncé dans la ville de Cotonou par de grands panneaux.

► À lire aussi : Biens culturels: le rapport Savoy-Sarr évoque des restitutions définitives

Les caisses transportant les œuvres ne seront pas ouvertes. Selon le calendrier, les 26 œuvres resteront deux à trois mois à la présidence de la République, le temps de l’acclimatation aux nouvelles conditions de climat et d'hygrométrie. Elles seront exposées au fort portugais de Ouidah en attendant d’être transférées définitivement au musée de l’épopée des amazones et des rois du Dahomey à Abomey. Un musée aux normes internationales, financé par l’Agence Française de développement. Il sera prêt dans trois ans.

Au cours de la signature de l’acte de transfert des œuvres le président Patrice Talon s’est dit partiellement satisfait des 26 œuvres qu’il obtient aujourd’hui. « Comment voulez-vous que mon enthousiasme soit total alors d’autres œuvres emblématiques comme le Dieu des métaux et de la forge, la tablette du Fâ, outil mythique qui permet aux devins de lire l’avenir et bien d’autres soient retenus en France », a regretté le président béninois. Visiblement, il en veut plus. Officiellement, le Bénin n’a pas adressé de nouvelle réclamation, mais Patrice Talon espère  que « la suite viendra », il compte pour cela sur les travaux législatifs lancés par le président français pour définir un cadre plus général de restitution. 

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«C'est un moment symbolique, émouvant et historique, qui était tant attendu et inespéré», s'est félicité le président français Emmanuel Macron aux côtés du président béninois Patrice Talon, le 10 novembre 2021. © AP - Sarah Meyssonnier

 

► À écouter aussi : Restitution de trésors royaux: «C'est une victoire du nouveau dialogue entre le Bénin et la France» [Invité international]

Beaucoup de Béninois ont découvert l’histoire du pillage des palais d’Abomey avec ce dossier de restitution. Ils applaudissent le retour de ces 26 œuvres et attendent impatiemment leur exposition. « Je frissonne à l'idée d'observer de plus près ces trésors royaux, notamment les trônes de nos ancêtres. C'est inimaginable », a ainsi confié à l'AFP à Cotonou un dignitaire et chef de collectivité Dah Adohouannon. « Du haut de mes 72 ans, je peux mourir en paix, une fois que je les aurais vus », a-t-il ajouté.

► À lire aussi Restitution des œuvres au Bénin: à Abomey, la joie les descendants du roi Béhanzin

Pour eux, la cérémonie sera d’ailleurs retransmise en direct sur les écrans de la télévision béninoise.

Burkina Faso: un entrepreneur veut remédier au manque de toilettes publiques à Ouagadougou


Vue de Ouagadougou au Burkina Faso.
 © AFP/Olympia de Maismont

Au Burkina Faso, les toilettes publiques sont rares, voire inexistantes dans certains endroits bien fréquentés de la capitale. Les seules toilettes publiques existantes sont dans les gares ou les marchés. Mais l’hygiène n’y est pas toujours, ce qui pousse de nombreuses personnes à satisfaire leurs besoins naturels dans la nature. Un jeune entrepreneur a décidé, avec le concours de la municipalité, de confectionner et d'installer une trentaine de toilettes écologiques dans la capitale. Les premiers résultats sont déjà satisfaisants.

De notre correspondant à Ouagadougou,

Hormis les marchés, les gares routières et certains services de l’administration, il n’existe pas de toilettes publiques dans la capitale. Certaines personnes se voient obligées de se soulager dans des caniveaux ou sur des murs. « Si je suis dans un lieu sans toilettes publiques, qu'est-ce que je fais ? Si je suis pressé au niveau de la vessie, je trouve un caniveau s'il y en a. S'il n'y en a pas, je suis obligé de me cacher soit derrière la voiture et je le fais. Je n'ai pas d'autre choix », explique un passant, résigné.

C’est après avoir installé des toilettes pour une agence de microfinance que l’idée est venue à Adama Raymond Kabré d’en installer dans certains endroits très fréquentés de la capitale. Une équipe fait le repérage des sites et les services techniques municipaux valident le choix du site. « On trouve ici des urinoirs, des WC et une douche pour se laver. On voit des toilettes publiques au niveau du grand marché, mais si vous regardez l'hygiène le matin, ce n'est pas ça », explique-t-il. Puis d'ajouter : « Par contre ce que nous sommes en train de faire, c'est mettre un gérant puis deux personnes pour le nettoyage. Pour se laver les mains, on a mis des systèmes de lavages automatiques. Dès qu'on a fini de se soulager, on part se laver les mains automatiquement sans toucher aux robinets », indique Adama Raymond Kabré.

Une trentaine de toilettes publiques prévues

Satisfait des premiers résultats, avec près de 800 utilisateurs par jour sur le seul site de la direction générale des transports, une trentaine toilettes publiques sont prévues pour la ville de Ouagadougou. Vingt toilettes seront également installées dans chacune des 13 régions du pays avec des options pour des personnes vivant avec un handicap, selon le promoteur de ces toilettes écologiques. « On a fait des toilettes pour les handicapés aussi, mais on est en train de voir avec certains partenaires s'ils peuvent essayer de subventionner pour les handicapés. On va essayer de les faire gratuitement », espère Adama Raymond Kabré.

Une opération saluée par ce fonctionnaire, qui assistait, impuissant, à l’utilisation de certains lieux publics comme toilettes par les populations. « Il faut que les gens soient sensibilisés par l'utilisation de ces toilettes-là. Ça va vraiment permettre dans un premier temps d'avoir un environnement sain, au moins aux alentours du marché, et ça ne sera plus comme avant, avec les odeurs nauséabondes. Et dans un second temps, c'est écologique, donc cela contribue à protéger la nature. »

Les boues collectées serviront à la production de fertilisants biologiques pour l’agriculture, selon le promoteur de ces toilettes écologiques.