Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Mali: le secteur bancaire de nouveau en grève

banque
 
Une vue aérienne de Bamako, la capitale du Mali. (Image d'illustration) GettyImages

Le Syndicat national des banques, assurances, établissements financiers et commerces du Mali (Synabef) entame ce mardi une nouvelle grève de 72 heures. La troisième de ce type en moins d’un mois et qui, si elle est largement suivie, entrainera la fermeture de nombreux établissements financiers dans le pays. 

Avec notre correspondant à Bamako, Kaourou Magassa

Les négociations entre les dirigeants des banques et assurances du Mali et les syndicats du secteur sont toujours dans l’impasse. Les 6 jours de grève tenus il y a trois semaines n’auront pas permis de faire évoluer le statu-quo.

Les organisations syndicales réclament principalement une revalorisation du salaire de base des employés de l’ordre de 15%, ainsi que la régularisation du statut de certains intérimaires et prestataires. Pour l’heure, aucun accord n’a été trouvé sur ces points de revendication.

Pour éviter toute paralysie et permettre aux usagers d’accéder à leurs comptes, le ministère du Travail en charge du dialogue social a tenté, sans succès, une conciliation lors d’une réunion tenue dans la soirée de lundi avec les syndicats.

Une grève des banques en fin de mois est du plus mauvais effet dans l’opinion et pour les ménages car une grande partie des salariés et fonctionnaires touchent leurs salaires aux alentours du 25 de chaque mois. Entreprises et particuliers devront donc s’adapter pour réaliser leurs opérations et faire face aux dépenses du quotidien.

L’impact de cette grève sera en revanche plus limité pour les Maliens travaillant dans le secteur informel ou pour les personnes encore nombreuses dans le pays qui ne disposent pas de compte en banque et qui n’ont pas accès aux services financiers élémentaires.

Le métavers, nouvel eldorado de la Silicon Valley 

Enquête

Meta, la société mère de Facebook, prévoit d’investir plusieurs dizaines de milliards de dollars par an pour construire le métavers, un univers virtuel connecté au réel. Dans la Silicon Valley, le géant du numérique est loin d’être le seul dans la course.

  • Noémie Taylor-Rosner, correspondante à Los Angeles, 

Lecture en 4 min.

Le métavers, nouvel eldorado de la Silicon Valley
 
Mark Zuckerberg et son avatar, lors de la conférence de presse en réalité augmentée, le 28 octobre 2021.FACEBOOK/VIA REUTERS
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 À l’origine du mot métavers, il y a un roman dystopique publié en 1992, Snow Crash, de l’écrivain américain Neal Stephenson. Dans ce livre de science-fiction vénéré par des générations de geeks, des humains tentent d’échapper à leur sombre existence en pénétrant dans un monde virtuel au moyen d’avatars numériques.

→ À LIRE. Embourbé dans les scandales, Facebook change de nom et devient « Meta »

Près de trente ans plus tard, le métavers de Stephenson a resurgi sur le devant de la scène quand Facebook a annoncé, le 28 octobre 2021, qu’il changeait de nom pour s’appeler Meta, un geste stratégique soulignant sa volonté de faire du métavers sa nouvelle priorité.

Casques, lunettes et combinaisons

Sorte de doublure digitale du monde réel, le métavers permettrait à des internautes distants physiquement de partager des moments de vie en utilisant des technologies de réalité virtuelle ou de réalité augmentée qui donnent « la sensation d’être présents » dans la même pièce, a expliqué le patron de Meta Mark Zuckerberg.

 

Après s’être créé un avatar personnalisé, l’utilisateur rejoindrait un espace virtuel où il pourrait bouger et interagir en temps réel avec d’autres personnes grâce à différents outils : casques de réalité virtuelle munis de capteurs et de manettes – comme l’Oculus Quest commercialisé par Meta –, capables de suivre et de reproduire à l’écran les mouvements du corps de l’utilisateur, ou encore combinaisons haptiques permettant de ressentir les contacts physiques.

Meta travaille aussi à la création de lunettes de réalité augmentée qui pourraient voir le jour au plus tôt en 2025 : ces lunettes à verres transparents seraient capables d’afficher devant les yeux de l’utilisateur des éléments virtuels (objets, hologrammes) avec lesquels il pourrait interagir.

10 000 recrutements en Europe

Pour Meta, les possibilités d’application sont infinies : le métavers pourrait être utilisé aussi bien pour télétravailler que pour faire du sport avec un entraîneur, organiser une fête d’anniversaire avec des proches habitant à l’autre bout de la planète ou faire ses courses.

Pour mener à bien son projet, le géant du numérique prévoit d’investir des dizaines de milliards de dollars par an et de recruter 10 000 personnes en Europe d’ici cinq ans. Ce projet herculéen, dont l’annonce est intervenue en plein scandale sur les risques liés à l’usage des réseaux sociaux, suscite le scepticisme chez certains observateurs qui y voient un moyen pour Meta de détourner l’attention de ses problèmes. Mais dans la Silicon Valley, l’appétit réel de Mark Zuckerberg pour le métavers ne fait aucun doute. D’autant qu’il est loin d’être le seul à s’intéresser à ce créneau.

« Tout le monde s’intéresse au métavers »

« En ce moment, des Gafam aux start-up, en passant par les investisseurs, tout le monde s’intéresse au métavers car ils y voient d’énormes opportunités », estime Carlos Diaz, entrepreneur français installé depuis douze ans dans la baie de San Francisco, qui décode sur son site l’actualité du numérique.

 

Le 2 novembre, Microsoft est notamment entré dans la course en annonçant le lancement de « Mesh », une nouvelle fonctionnalité de la plateforme de travail en équipe Teams qui devrait permettre l’an prochain à ses utilisateurs d’apparaître lors de réunions sous la forme d’avatars. Quelques jours plus tard, c’était au tour du réalisateur du Seigneur des anneaux Peter Jackson d’annoncer la vente – pour 1,4 milliard d’euros – de son studio d’effets spéciaux Weta Digital à l’entreprise californienne Unity Software qui compte elle aussi se lancer dans l’aventure du métavers.

Facebook à la traîne

« Ce n’est pourtant pas un concept nouveau.Le jeu vidéo et réseau social Second Life (NDLR : premier métavers en 3D) a émergé au début des années 2000, rappelle Carlos Diaz. Si la Silicon Valley est prête à investir massivement dans le métavers maintenant, c’est en raison de la convergence de plusieurs facteurs : le perfectionnement des technologies nécessaires à sa réalisation, l’essor de la blockchain et le fait que, depuis le Covid et les confinements, les gens sont de plus en plus actifs en ligne et consommateurs de réalité virtuelle. »

« Facebook est en fait très à la traîne par rapport à des plateformes de jeux comme celles de Roblox ou d’Epic Games, l’éditeur de Fortnite, qui proposent des univers immersifs depuis des années, conclut Carlos Diaz. Si Mark Zuckerberg a décidé d’investir autant d’argent, c’est pour rattraper son retard. »

 

Pendant la pandémie, les plateformes de jeux ont continué à avancer leurs pions en se lançant dans l’organisation de concerts virtuels géants. Sur Fortnite et Roblox, plusieurs dizaines de millions de personnes ont pu assister, au moyen d’avatars, à des performances 3D du rappeur Travis Scott ou de la chanteuse Zara Larsson. « Ce que vous voyez aujourd’hui est à bien des égards le premier stade du métavers », explique Manuel Bronstein, responsable produits chez Roblox.

Une infrastructure massive

Mais pour que ce méta-univers soit un jour capable de remplacer l’Internet mobile, de nombreux problèmes techniques restent à surmonter.La création d’univers virtuels persistants « représente des défis d’ingénierie très complexes et nécessite de construire de nouveaux centres de données partout dans le monde », souligne Manuel Bronstein.

→ ANALYSE. Le métavers, un univers de pixels pour une pollution bien réelle

Sur le long terme va aussi se poser la question de l’unification du système. « Les gens vont vouloir passer d’une plateforme à l’autre sans avoir à changer à chaque fois d’avatar », note Carla Gannis, professeure à l’école d’ingénierie Tandon de l’Université de New York. En admettant que le métavers ne soit pas dominé par une seule plateforme.

Pour Cathy Hackl, consultante spécialiste du métavers, cette hypothèse est peu probable. « Aucune entreprise n’est aujourd’hui capable de construire seule le métavers car celui-ci est tributaire d’un trop grand nombre de technologies, estime-t-elle. Je ne serais pas étonnée de voir des compagnies se lancer dans l’acquisition de plateformes de jeux en ligne. Aujourd’hui, ce sont elles qui dominent technologiquement le métavers. »

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Facebook, critiqué mais en pleine forme

Chiffre d’affaires : 29 milliards de dollars (26 milliards d’euros) au troisième trimestre 2021, en hausse de 35 %. La publicité constitue l’essentiel des revenus du groupe. De plus en plus ciblée grâce aux progrès de l’intelligence artificielle, elle est vendue de plus en plus cher.

Bénéfices : 9,2 milliards de dollars (8,1 milliards d’euros) (+ 17 %) au troisième trimestre 2021.

Nombre d’utilisateurs : 3,6 milliards sur l’ensemble des applications du groupe rebaptisé Meta en octobre dernier (Facebook, Instagram, Whatsapp), en hausse de 12 %.

 

Frances Haugen : « Obligeons les plateformes comme Facebook à assumer leurs responsabilités »

Témoignage

Ancienne employée de Facebook, Frances Haugen alerte contre les dangers du plus grand réseau social mondial « pour les enfants, la sécurité publique et la démocratie ». Le 10 novembre, elle a répondu aux questions des députés et des sénateurs français.  « La Croix L’Hebdo » retranscrit des extraits de son audition.

L'Hebdo Logo
  • Propos retranscrits et adaptés par Aziliz Claquin, 

Lecture en 3 min.

Frances Haugen : « Obligeons les plateformes comme Facebook à assumer leurs responsabilités »
 
Frances Haugen estime que « les choix opérés par les dirigeants de Facebook constituent un problème énorme pour les enfants, pour la sécurité publique, pour la démocratie ».LOÏC SÉCHERESSE

Pourquoi avez-vous décidé de divulguer des documents internes de Facebook ?

Frances Haugen : J’ai rejoint Facebook en 2019 parce qu’un de mes proches s’était radicalisé. J’avais envie de jouer un rôle dans la création d’un autre Facebook, moins toxique. Mais il y a un sous-investissement sur la sécurité dans cette société. J’ai été cheffe de produit dans d’autres grandes entreprises technologiques comme Google ou Pinterest. J’ai pu comparer, et constater que les choix opérés par les dirigeants de Facebook constituent un problème énorme pour les enfants, pour la sécurité publique, pour la démocratie. C’est pourquoi j’ai lancé l’alerte.

Quels dangers avez-vous identifiés ?

F. H. : Les risques sont systémiques, liés au fonctionnement de l’algorithme. En 2018, Facebook a choisi d’encourager les interactions entre utilisateurs du réseau. Le modèle commercial repose là-dessus : plus on génère de contenu, plus on reste sur Facebook et plus on consomme de publicité. Au départ, Facebook n’avait pas l’intention de déclencher un incendie, seulement de générer du « clic ». Mais le groupe s’est rendu compte que beaucoup de clics équivalait à beaucoup de colère, car le système amplifie les pires contenus, avec de graves conséquences : divulgation de contenus illégaux, manipulation des élections, diffusion virale de la désinformation, effets néfastes sur la santé mentale des adolescents…

→ ANALYSE. Faut-il interdire les réseaux sociaux aux ados ?

Les solutions à ces problèmes existent, Facebook les connaît. Mais elles ne sont pas mises en place car personne ne l’y oblige. Cette entreprise, qui vaut mille milliards de dollars, accroît donc ses bénéfices aux dépens de notre sécurité à tous, y compris celle de nos enfants. C’est inacceptable. On ne lui demande pas de ne pas être rentable. On lui demande d’être responsable.

Comment avez-vous constaté la surexposition des publics vulnérables ?

F. H. : Facebook a observé que trois critères augmentent les risques d’exposition à la désinformation : être récemment veuf ou veuve, divorcé(e) ou avoir dernièrement déménagé. Parce que quand vous avez perdu votre réseau social réel, Facebook est là pour vous connecter et éventuellement vous happer. Le préjudice est surconcentré sur une minorité d’utilisateurs. Ainsi, Facebook a constaté que 4 % des « communautés » recevaient 80 % des messages de désinformation sur le Covid-19. Mais si 3 % de la population descend dans les rues, cela suffit à provoquer une révolution, donc c’est dangereux pour les démocraties ! Par ailleurs, Facebook investit davantage dans le contrôle des contenus en langue anglaise. Sans aucun doute, dans les autres langues, dont le français, les utilisateurs sont exposés à plus de toxicité.

Quelles solutions préconisez-vous ?

F. H. : Les démocraties doivent faire ce qu’elles ont toujours fait lorsque des intérêts commerciaux entrent en conflit avec l’intérêt général : intervenir et élaborer de nouvelles lois. Je suis reconnaissante au gouvernement français de prendre cette question très au sérieux. Le Digital Services Act, législation sur les services numériques actuellement examinée par le Parlement européen, a le potentiel pour devenir une référence mondiale qui pourra inspirer d’autres pays, y compris le mien, à adopter de nouvelles règles pour protéger nos démocraties. Mais la loi doit être forte et son application ferme. Sinon, nous perdrons cette occasion unique d’aligner l’avenir de la technologie et celui de la démocratie. Je sais que les dirigeants français ont joué un rôle central dans les progrès accomplis et je les encourage à maintenir la pression.

Comment procéder, alors que l’entreprise rechigne à communiquer des informations stratégiques, voire les dissimule ?

F. H. : J’ai lancé l’alerte parce que j’ai compris une vérité effrayante : presque personne, en dehors de Facebook, ne sait ce qui se passe à l’intérieur de Facebook. Les documents que j’ai révélés prouvent que cette entreprise nous a trompés à plusieurs reprises sur ce que ses propres recherches révèlent de la sécurité des enfants ou de la diffusion de messages haineux. Il faut davantage d’experts indépendants pour travailler sur ces sujets et il faut obtenir un accès complet aux données pour évaluer les risques et les préjudices.

→ PORTRAIT. Frances Haugen, lanceuse d’alerte issue de Facebook en tournée européenne

Facebook joue avec les données mieux que quiconque et tente d’apaiser les scandales en déclarant simplement : « Nous y travaillons ». Obligeons les plateformes à assumer leurs responsabilités. Si la nouvelle législation est bien conçue, elle peut changer la donne dans le monde. Vous pouvez contraindre les plateformes à intégrer le risque sociétal dans leurs activités commerciales, de sorte que les décisions concernant les produits à développer ne soient plus fondées uniquement sur la maximisation des bénéfices. La législation de l’Union européenne a un énorme potentiel.

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L’experte

Au printemps dernier, l’Américaine Frances Haugen travaillait encore chez Facebook, chargée de proposer des solutions contre la désinformation. Désormais, cette spécialiste des algorithmes alerte sur les pratiques de son ancien employeur, dont elle a publié des centaines de documents internes soulignant les effets délétères du plus grand réseau social mondial.

L’enjeu

Récemment rebaptisé Meta, le groupe Facebook (qui possède Instagram et WhatsApp) est régulièrement mis en cause dans la diffusion de fausses nouvelles, l’utilisation abusive de données personnelles, la violence en ligne… Les révélations de Frances Haugen plaident pour une meilleure régulation des plateformes numériques, à laquelle travaille l’Europe avec le Digital Services Act, projet de législation sur les services numériques. Le 10 novembre,
l’Américaine témoignait devant les sénateurs français de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Voici des extraits de son audition, disponible en intégralité sur videos.senat.fr.

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Mali : une coalition de partis boycottera les assises du pouvoir

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 20 novembre 2021 à 11:29
 


Assimi Goïta, le 22 août 2020. © AP/SIPA

 

Une dizaine d’organisations politiques ont signifié le 19 novembre au président de transition, le colonel Assimi Goïta, leur refus de participer à des consultations nationales dont le gouvernement fait un évènement déterminant avant la tenue d’élections.

Le « Cadre d’échange », coalition de partis et de regroupements de partis, dont le Rassemblement pour le Mali de l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta et le Yelema de l’ancien Premier ministre Moussa Mara, avait déjà annoncé son refus de prendre part aux Assises nationales de la refondation, programmées fin décembre par le pouvoir. Il a cette fois exprimé ce refus en personne vendredi au colonel Goïta.

« Nous avons rencontré ce matin à Koulouba le président de transition. Nous lui avons expliqué notre vision, mais la pomme de discorde se situe au niveau des Assises nationales de la refondation, a dit à l’AFP Sékou Niamé Bathily, chargé de communication du Cadre d’échange. Nous voulons que le délai de la transition ne soit pas lié aux Assises. Nous voulons les dissocier pour aller à l’organisation rapide des élections. »

Les élections en jeu

Le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga insiste quant à lui sur leur tenue en vue de décider du contenu politique de la transition en cours, les faisant primer sur la tenue d’élections. Les autorités maliennes ont récemment notifié à la Cedeao qu’elles seraient dans l’incapacité d’organiser des élections présidentielle et législatives en février 2022, comme elles s’y était préalablement engagées, invoquant l’insécurité persistante.

Choguel Kokalla Maïga dit préférer créer, grâce aux Assises, les conditions pour que les élections ne soient pas contestées. Son gouvernement a annoncé le 23 octobre que ces rencontres se tiendraient du 21 au 26 décembre. Elles doivent être précédées de phases communales qui débuteront le 12 décembre.

Mali : et si le manque de routes tuait davantage que la guerre ?

Mis à jour le 19 novembre 2021 à 16:04
 
Modibo Seydou Sidibé
 

Par Modibo Seydou Sidibé

Professeur d'économie à la Duke University (États-Unis)

 

Des bouchons dans les rues de Bamako, au Mali, en novembre 2010. © DR

 

Bouchons, dégradations, travaux aléatoires… La faiblesse des infrastructures routières dans le pays conduit à des situations de détresse sociale dont les autorités feraient bien de se préoccuper.

Il s’appelle Arouna Bengaly. Il est l’archétype de tout ce qu’une nation devrait valoriser chez l’un de ses enfants. Malgré son faible niveau d’instruction et ses origines modestes, à force de travail, il est aujourd’hui l’un des meilleurs menuisiers aluminium de la capitale, Bamako. Dans son petit atelier du quartier de l’Hippodrome, il emploie une dizaine d’apprentis qui fabriquent portes, fenêtres, armoires… Les besoins de transport l’ont récemment poussé à acquérir une camionnette de livraison, utilisée par tout le voisinage pour divers besoins. Mais aujourd’hui, Bengaly, le jeune homme serviable et souriant, est en colère.

Une si longue liste de griefs

Comme pour beaucoup de jeunes travaillant à Bamako, la célébration de Maouloud a été l’occasion pour Bengaly de retourner auprès de sa famille restée à la campagne, en parcourant les 360 kilomètres qui séparent Bamako de Sikasso, le chef-lieu de la grande région qui longe les frontières ivoirienne et burkinabè. Ce trajet, d’ordinaire sans embûche, est aujourd’hui rendu délicat par de nouvelles pratiques – le rançonnage autour de certains villages et l’implantation de groupes armés jihadistes dans la région.

À Sikasso, la fête est rapidement endeuillée : une cousine de la famille, enceinte de presque huit mois, a été mordue par un serpent dans un village voisin et n’est arrivée à l’hôpital régional qu’après plusieurs heures de calvaire. Réalisant qu’il est trop tard pour la mère, les médecins pratiqueront une césarienne pour sauver le bébé, qui décèdera tout de même.

À QUOI SERVENT TOUS LES DOCTEURS SI ON NE PEUT ARRIVER À TEMPS À L’HÔPITAL ?

Le retour vers Bamako est marqué par un énorme bouchon à l’entrée de la ville – une impressionnante escorte militaire a été chargée de protéger des engins miniers arrivés de Côte d’Ivoire et se dirigeant vers la région de Kayes. De retour à l’atelier, une cigarette à la main, Bengaly fulmine de colère. À quoi servent tous les docteurs si l’on ne peut arriver à temps à l’hôpital après une morsure de serpent ? Pourquoi toutes les routes nationales du pays doivent-elles passer par Bamako ? Pourquoi les autorités ne construisent-elles pas des routes pour relier les quartiers périphériques de Bamako entre eux et ainsi désengorger le centre ? Pourquoi les entreprises qui construisent des routes ne sont-elles pas inquiétées quand leurs ouvrages sont dégradés avant même leur inauguration ? Pire encore, pourquoi se voient-elles confier de nouveaux chantiers ? La liste des griefs est longue.

La quincaillerie Bengaly, à Bamako.

 

La quincaillerie Bengaly, à Bamako. © DR

Bengaly est en colère et pourtant, à bien des égards, il sait qu’il est un privilégié. Originaire du poumon économique du Mali, il n’a pas été poussé à bout par les dérives d’un système qui n’offre aucune autre perspective aux enfants des régions du centre et du nord du Mali que celle des armes.

Barricades de fortune

La riche actualité malienne (discours aux Nations unies, expulsions de diplomates ou arrestations de « parlementaires ») ne saurait occulter le fait que le citoyen malien est dépourvu de presque tout – et dans ce tableau, le manque d’infrastructures routières est particulièrement accablant.

À Bamako, le traditionnel balai des minibus de transport, taxis, véhicules personnels et motocycles à deux ou trois roues, s’est enrichi récemment de motos-taxis. Les piétons, incapables de traverser les voies et excédés par la confusion générale, supplient les automobilistes à coups de « Allah-Kama » (Pour la grâce de Dieu !), une formule généralement associée aux mendiants. Les minibus ont même délaissé les routes goudronnées pour s’aventurer sur des ruelles, au cœur des habitations !

LES AUTOMOBILISTES DÉSESPÉRÉS SE CRÉENT DES DÉVIATIONS AU CŒUR D’UN DES QUARTIERS LES PLUS INSALUBRES DE LA CAPITALE

Conscients du danger pour les enfants, les populations du quartier de Missira ont bloqué toutes les artères avec des barricades de fortune. Des mesures de circulation alternée ont bien été adoptées dans les zones les plus congestionnées, mais sans grand succès. À Bougouba, l’unique voie qui mène au troisième pont lorsque les mesures de circulation alternée sont en vigueur, est en travaux depuis plusieurs mois. La voie est fermée depuis une semaine pour la réfection d’une centaine de mètres de goudron. Les automobilistes désespérés se créent des déviations au cœur d’un des quartiers les plus insalubres de la capitale. Un calvaire d’autant plus insupportable que la route reste fermée en prévision de travaux qui n’ont pas lieu depuis une semaine.

Du moins, à Bamako, y a-t-il encore des routes. Dans le reste du pays, des villages entiers sont livrés à eux-mêmes – le Nord est communément appelé le « pays sans route ». Dans les campagnes où l’agriculture et l’élevage sont les seules activités, le manque d’infrastructures routières augmente le coût des biens de consommation, et conduit à une isolation sanitaire qui tue probablement plus que la guerre. Lorsque les routes existent, elles ne sont praticables que de jour à cause des problèmes de sécurité, créant un plus grand engorgement.

Contrat social rompu

La relation entre l’État et les citoyens est régie par un contrat implicite, où les citoyens paient taxes et impôts en contrepartie de services publics. Ce contrat social est rompu. La transition malienne, qui s’est donnée pour mission l’amélioration de la sécurité sur le territoire ne peut réussir qu’à la condition de changer en profondeur les pratiques des agents de l’État. On ne peut qu’encourager les autorités maliennes à dépasser la rhétorique du changement pour proposer des actions concrètes pour rebâtir le Mali.

Par exemple, un programme de grands travaux, qui créerait de nouvelles infrastructures routières reliant le sud-ouest du pays (Kayes) au nord-est (Gao) et le sud-est (Sikasso) au nord-ouest (Tombouctou), relancerait l’activité économique en augmentant l’offre de travail dans la plupart des régions du Mali. Ensuite, une vingtaine de communes pourraient être connectées au réseau autoroutier chaque année, et les localités affectées par le conflit armé pourraient bénéficier d’infrastructures de bases (écoles, centre de santé, marché, adduction d’eau potable…) et de logements sociaux afin de faciliter le retour des déplacés.

 LE JOUR OÙ TOUS LES BENGALY DU PAYS PRENDRONT LES ARMES, NUL N’OSERA PLUS PARIER SUR L’AVENIR DU MALI

Enfin, un programme pilote, qui viabiliserait un quartier de la capitale chaque année poserait les jalons d’un nouveau contrat social. Des travaux récents en économie ont montré que lorsque l’État se met à bâtir, il y a des effets d’entraînement assez significatifs : les temps de transport diminuent, la productivité des ménages et la rentabilité des entreprises augmentent. Contrairement au mythe populaire, ce ne sont pas les problématiques de financement qui limitent ces programmes, mais plutôt la volonté politique.

Cet ambitieux programme de travail pendant la transition établirait une norme pour les futurs régimes, et peut-être offrira l’indispensable stabilité institutionnelle dont le pays a besoin pour sécuriser la paix et ouvrir les perspectives d’une croissance inclusive et durable. À défaut, on prend le risque de voir un jour tous les Bengaly du pays prendre les armes. Et à ce moment-là, nul n’osera plus parier sur l’avenir du Mali.