Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Côte d’Ivoire – Maurice Kakou Guikahué vs Simon Doho : guerre fratricide au sein du parti de Bédié

25 octobre 2021 à 10:24
Mis à jour le 25 octobre 2021 à 10:25
 


Maurice Guikahué et Simon Doho. © Montage JA : ISSOUF SANOGO / AFP ; DR

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Les tensions inédites entre le secrétaire exécutif du PDCI-RDA, Maurice Kakou Guikahué, et le président du groupe parlementaire du parti, Simon Doho, menacent l’unité de la formation au point de pousser Henri Konan Bédié à s’en mêler.

S’il y a une chose que le parti d’Henri Konan Bédié sait faire, c’est laver son linge sale en famille. Mais ces dernières semaines, les tensions au sein du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) ont été étalées sur la place publique, avec commentaires acerbes, invectives sur les réseaux sociaux et attaques par médias interposés. Au cœur de la discorde, un bras de fer entre deux cadres du parti : Maurice Kakou Guikahué, secrétaire exécutif et fidèle d’Henri Konan Bédié, et Simon Doho, conseiller technique du « Sphinx de Daoukro » et président du groupe parlementaire PDCI.

Rumeur, calcul et complot

Comment le PDCI en est-il arrivé là ? La discorde éclate fin septembre, lorsque des députés, dont Marius Konan, élu d’Attiégouakro, un village situé à une vingtaine de kilomètres de Yamoussoukro, en plein pays baoulé, accusent leur président de groupe de détournement de fonds et lui demandent des comptes. Marius Konan va même jusqu’à confier dans une interview que des « écarts importants » ont été décelés, lors d’une réunion qui s’est tenue le 23 septembre. Il assure également que des dépenses ont été faites en dehors de toute procédure de gestion.

Très vite, la rumeur enfle. Certains évoquent des détournements de fonds pour plusieurs millions de francs CFA. À leur tour, les proches de Simon Doho montent au créneau. Ils réfutent ces accusations et crient au complot. Pour eux, il ne fait aucun doute que la personne derrière cette campagne n’est autre que Maurice Guikahué, le secrétaire exécutif du parti, qui n’aurait pas digéré d’avoir été écarté de la tête du groupe parlementaire.

CERTAINS CADRES DU PDCI REPROCHENT À GUIKAHUÉ SA GESTION CHAOTIQUE LORS DE LA CAMPAGNE PRÉSIDENTIELLE

Après les législatives du 6 mars dernier, Guikahué est en effet candidat à sa propre succession en tant que président du groupe parlementaire. Trois autres personnalités y prétendent également : Yasmina Ouégnin, députée de Cocody, Jean-Louis Billon, député de Dabakala et Jean-Paul Koffi, député de Kouassi-Kouassikro. « Certains élus avaient clairement fait comprendre qu’ils souhaitaient mettre un terme au cumul des postes de Guikahué et voulaient une autre personne à la tête du groupe pour plus d’efficacité. Il lui était également reproché certaines de ses positions lors de la précédente magistrature », explique une source au sein du PDCI.

Bouc émissaire ?

Certains partisans et cadres du PDCI reprochent à Guikahué sa gestion chaotique lors de la campagne présidentielle, et dénoncent les errements du parti. En tant que directeur de campagne de Bédié, c’est lui qui a fait la promotion de l’idée d’une « candidature naturelle » de l’ancien président, alors que le débat faisait rage en interne sur le mode de désignation du nom à choisir.

Pour calmer la colère qui monte au sein de ses troupes, Henri Konan Bédié sort un atout de sa manche : exit Guikahué, il désigne Simon Doho, député de Bangolo, dans l’ouest, qui ne s’était même pas proposé…

Proche de l’ancien ministre des Transports Abdel Aziz Thiam, frère de Tidjane Thiam, Simon Doho a rejoint le premier cercle de Bédié après les jours de tension entre le chef du PDCI et le régime d’Alassane Ouattara. Juste après la présidentielle d’octobre 2020, le domicile d’Henri Konan Bédié avait subi un blocus pendant dix jours. « Tidjane Thiam a été proactif pour desserrer l’étau, notamment en plaidant auprès des chancelleries occidentales. Son frère a également été un relais », confie un proche de l’ancien président.

LE PDCI EST UNE FAMILLE, ET COMME DANS TOUTES LES FAMILLES, IL Y A DES QUERELLES

Faut-il voir dans la soudaine ascension de Doho le signe d’un début de disgrâce pour Guikahué ? C’est pourtant un compagnon de longue date du Sphinx. En cinquante ans de vie politique, ils ont noué une relation solide, et même complice. Secrétaire exécutif du PDCI depuis 2013, il est l’homme de confiance de Bédié.

« Entre l’arbre et l’écorce, il ne faut jamais mettre la main au risque d’en ressortir blessé », ironise un proche des deux figures politiques. « Le PDCI est une famille, et comme dans toutes les familles, il y a des querelles. C’est le signe d’une vitalité. Le tout est de savoir comment les dépasser », ajoute notre source, qui se veut optimiste. « Henri Konan a annoncé, le 18 octobre, la nomination au sein de son cabinet d’un conseiller spécial chargé de la réconciliation et de la cohésion sociale. Si nous la voulons à l’échelle du pays, nous devons la construire à l’intérieur du parti… »

Signe du niveau de tension, des violences entre partisans du PDCI ont éclaté à deux reprises ces derniers mois. Et le 4 juillet dernier, lors de la visite au siège de Kouadio Konan Bertin, ex-cadre de l’ancien parti unique devenu ministre de la Réconciliation, des journalistes ont été agressés par des individus présentés comme étant des membres de la jeunesse du PDCI.

Vers la réconciliation

Pour mettre un terme à ces querelles de chapelles, Bédié a repris les choses en main. Il a organisé une réunion avec les principaux concernés pour les appeler à « la synergie et à l’entente cordiale » et a décidé de créer une commission chargée de la réconciliation, dont il a confié la direction à Noël Akossi Bendjo, l’ancien maire de la commune du Plateau, à Abidjan.

Lundi 18 octobre, lors de la cérémonie de clôture des festivités marquant le 75e anniversaire du PDCI, qui a donné lieu à un colloque très politique, Bédié a en outre annoncé la création d’un comité de développement durable et culturel, d’une cellule de coordination de la communication et d’un conseil de surveillance. Le bureau politique devrait également se réunir prochainement, en vue d’organiser le prochain congrès ordinaire courant 2022.

Une nouvelle architecture qui doit permettre de résoudre les difficultés internes, veut croire un cadre de la formation. « Il s’agit de réformes structurelles, et pas de changements conjoncturels destinés à résoudre des problèmes de personnes, insiste notre source. Le prochain congrès va donner une nouvelle légitimité aux instances du parti. » Bédié, bien décidé à sonner la fin de la récréation, espère remettre sa formation en ordre de bataille pour les échéances de 2025, déjà présentes dans tous les esprits.

JEAN-LOUIS BILLON AVAIT JETÉ UN PAVÉ DANS LA MARE EN ANNONÇANT SA CANDIDATURE À LA PRÉSIDENTIELLE DE 2025

Mais ce colloque, qui a été l’occasion de retrouvailles, a également été le théâtre de discussions parfois houleuses, notamment sur le financement du parti et le renouvellement générationnel. Quelques jours plus tôt, Jean-Louis Billon avait jeté un pavé dans la mare en annonçant sa candidature à la présidentielle de 2025. Le député assurait alors que Bédié avait l’intention de passer la main… Mais il a finalement largement tempéré son discours, à l’issue d’une rencontre avec le Sphinx.

Il n’empêche, l’idée fait son chemin depuis quelques années au sein de la « jeune » garde et la question resurgira inévitablement. « Nous nous sommes dit la vérité », assure un des cadres présents lors des échanges du 18 octobre. « Les ateliers ont permis de prendre en compte les recommandations de la base. Cela a été un grand moment. Des noms de quadra émergent. Les choses vont dans le bon sens. »

La Côte d'Ivoire préoccupée par la disparition de ses forêts

La forêt des Marais Tanoé-Ehy dans le sud-est de la Côte d'Ivoire.

La forêt des Marais Tanoé-Ehy dans le sud-est de la Côte d'Ivoire.
 © UICN/Nicolas Salaün

Les pays africains, qui sont parmi les premières victimes du désastre écologique annoncé, comptent bien faire entendre leur voix à l'occasion de la COP26. En Afrique de l’Ouest, la Côte d’Ivoire est particulièrement concernée par la disparition de ses forêts.

Avec notre correspondant à Abidjan, Sidy Yansané

Publié en juin dernier, le rapport de l’Inventaire forestier et faunique de la Côte d’Ivoire révèle que 90% de la surface des forêts ont disparu durant les 60 dernières années. Des chiffres alarmants donnant au pays des éléphants l’un des taux annuels de déforestation les plus rapides du continent. 

Selon Caumouth Alban Kouassi, président de la branche ivoirienne de l’ONG Page verte, cette situation s’explique par la poussée démographique, les aléas du marché agricole, ainsi que la coupe intensive des arbres pour répondre aux besoins de l’industrie du bois.

Parmi ses conséquences désastreuses pour l’environnement, la baisse de la pluviométrie, le dérèglement des saisons et la disparition de nombreuses espèces animales, dont une trentaine sont déjà classées sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature. 

Pour l’organisation Page Verte, qui milite pour une éducation à la protection de l’environnement dès l’école, il faut planter des arbres en masse, afin de reconstituer, même partiellement, le couvert forestier, qui ne représente plus que 9% du territoire ivoirien.

Jean-Luc Assi, ministre de l’Environnement et du Développement durable, l’a assuré : le pays présentera ses nouvelles ambitions pour le climat lors de la COP26 à Glasgow, alors que le gouvernement ivoirien s’est engagé à restaurer au moins 20% de la couverture forestière nationale d’ici à dix ans.  

La 26e Conférence des parties sur les changements climatiques, qui s'ouvre dimanche 31 octobre, doit indiquer le cap à tenir par les États pour réduire les émissions de carbone afin de limiter les effets du réchauffement climatique.

Abus sexuels au sein de l’Église : à quand un rapport Sauvé en Afrique ?  

Mis à jour le 23 octobre 2021 à 16:33

Ludovic Lado

Par Ludovic Lado

Universitaire jésuite, directeur du Cefod Business School de N'Djamena

En
RDC, à Kinshasa, en 2017. Photo d’illustration. © JOHN WESSELS/AFP

Alors que plusieurs pays occidentaux ont ouvert des enquêtes sur la pédophilie, le clergé du continent peine à se prononcer et à prendre des décisions. Pour combien de temps encore…

Dans l’histoire récente, aucun scandale n’a autant terni l’image de l’Église catholique que la pédocriminalité. Passée sous silence au cours du long pontificat de Jean-Paul II, elle est révélée sous ceux de ses deux successeurs, Benoît XVI et François, qui ont pris le risque d’ouvrir la boîte de Pandore. Après les États-Unis, l’Angleterre, l’Irlande, l’Australie… où des enquêtes indépendantes ont débouché sur des révélations accablantes et sur des sanctions qui n’ont pas épargné des hauts dignitaires du clergé, la France a pris le relais avec la publication, le 5 octobre dernier, du rapport Sauvé.

En saluant le courage de l’autorité ecclésiale de ces pays occidentaux pour avoir ordonné ces enquêtes ou pour s’y être soumis, on ne peut s’empêcher de se demander ce qu’il en est de l’Afrique. À ce jour, aucune démarche similaire n’a été entreprise. Impossible donc de citer un seul membre poursuivi ou en prison pour abus sexuels sur mineur. Faut-il en conclure que le continent n’est pas concerné par ces scandales ?

Racines culturelles

On se souvient de ce documentaire de la chaîne franco-allemande ARTE, diffusé le 5 mars 2019, qui avait levé le voile sur la pédophilie et sur les crimes sexuels que des membres du clergé faisaient subir aux religieuses sur tous les continents, dont l’Afrique. Il y était question d’un missionnaire européen soupçonné de tels actes mais renvoyé dans son pays d’origine par un évêque africain afin de le soustraire à une éventuelle procédure judiciaire locale. Depuis la publication du rapport Sauvé, si les autorités ecclésiales africaines condamnent unanimement les atrocités mises au grand jour, leurs avis divergent sur les enjeux d’un tel rapport pour les Églises du continent.

Il y a ceux, nombreux, pour qui la question des abus sexuels ne se pose pas dans les mêmes termes au Nord et au Sud. Selon eux, si en Occident la plupart des victimes sont des garçons, en Afrique, ce sont presque exclusivement des filles ou des femmes. Il arrive qu’une grossesse de mineure soit attribuée à un membre du clergé. Mais ces cas, pour lesquels on ne dispose d’aucune statistique, font rarement l’objet de poursuites judiciaires. Quand l’affaire est rendue publique, les évêques procèdent généralement au renvoi du concerné pour qu’il assume ses responsabilités parentales.

Aussi, les racines culturelles de la relativité du « concept de minorité » en Afrique ne sont pas de nature à favoriser la judiciarisation des cas d’abus. Dans certains contextes, l’adolescente est perçue comme mariable et est donc, « naturellement », cible de convoitises sexuelles. Ainsi, peu de parents chrétiens ébruitent les affaires impliquant un membre du clergé. Ils privilégient les arrangements à l’amiable donnant lieu à une pragmatique prise en charge totale des besoins de l’enfant.

Enfants de prêtres

Une autre frange du clergé africain, plutôt minoritaire, estime que l’Église catholique devrait prendre les devants pour dire sa part de vérité. Bien que le problème ne se pose pas dans les mêmes termes partout, un abus reste un abus et mérite l’attention de l’institution. Elle gagnerait à tirer les leçons de réparations en cours dans les Églises occidentales rattrapées par leur passé de dissimulation et de complaisance. Tôt ou tard, elle se verra contrainte de livrer la réalité de son passé. Autant le faire aujourd’hui de sa propre initiative.

On peut aussi envisager que le pape impose cette politique de vérité à toutes les congrégations catholiques. Si beaucoup pensent que la pédocriminalité dans le clergé reste un phénomène marginal en Afrique, comment en être sûr en l’absence de statistiques que seules des enquêtes indépendantes permettent d’obtenir ? Le clergé connait aussi différents « scandales d’enfants de prêtres » qui, sans être nécessairement liés à des crimes sexuels, posent la question du célibat ou de la chasteté des curés. Des investigations sur cette part de leur vie intime pourraient révéler bien de choses que l’Église préfère pour l’instant cacher ou ignorer. Mais, là aussi, jusqu’à quand  ?

Pour le FMI, « un retour à la normale en Afrique subsaharienne sera loin d’être évident »

Mis à jour le 22 octobre 2021 à 19:51
 



Abebe Aemro Selassie, le directeur Afrique du Fonds monétaire international (FMI). © IMF Photo/Cory Hancock

Le Fonds monétaire international estime que les dégâts considérables liés aux effets de la crise de Covid-19, le faible taux de vaccination et l’aggravation du surendettement vont entraver durablement la relance des économies.

Le Fonds monétaire international (FMI) n’est pas optimiste pour la convalescence des 45 États d’Afrique subsaharienne. Certes, ses prévisions publiées le 21 octobre confirment que la reprise est là : après une récession de 1,7 % en 2020, la région devrait connaître une croissance de 3,7 % en 2021 et de 3,8 % en 2022.

Les déficits budgétaires et courants, tout comme les pics d’inflation et d’endettement vont refluer après une forte poussée due à la lutte contre le coronavirus et au soutien des économies mises à mal par les mesures de protection sanitaire.

LA REPRISE DANS LA RÉGION EST LA PLUS LENTE DU MONDE

De même, plusieurs autres indicateurs vont dans le bon sens. Le tourisme a redémarré. Les récoltes ont été plutôt bonnes. Les exportations et les prix des matières premières renouent avec la hausse. Et les envois de fonds des émigrés ont repris.

Regain « encourageant mais relativement modéré »

Le dynamisme affiché par bien des économies semble donc vigoureux. Le Botswana caracole en tête avec une croissance de 9,2 %. Il est suivi des Seychelles (+6,9 %), du Burkina Faso (+6,7 %), de la Côte d’Ivoire (+6 %), du Kenya (+5,6 %), du Bénin (+5,5 %), du Niger (+5,4 %), du Soudan du Sud (+5,3 %), de la Guinée (+5,2 %), du Rwanda et du Zimbabwe (+5,1 %). Seuls demeurent en négatif l’Angola (-0,7 %), la République du Congo (-0,2 %) et la Centrafrique (-0,1 %).

Malgré cela, il faut raison garder. Comme le note le FMI, ce regain est « encourageant mais relativement modéré ». Abebe Aemro Selassie, directeur du département Afrique du Fonds, estime même qu’un « retour à la normale sera loin d’être évident » dans la région dont la reprise est la plus lente du monde.

30 MILLIONS D’AFRICAINS ONT BASCULÉ DANS L’EXTRÊME PAUVRETÉ

Car les dégâts sont là. La crise « a aggravé les facteurs de vulnérabilité et les inégalités qui préexistaient dans chaque pays ». La baisse réelle de la production par habitant due aux mesures de confinement restera durablement de 5,6 %. Jusqu’en 2025, la dette rapportée au produit intérieur brut demeurera supérieure à son niveau d’avant-crise de 4,4 points de pourcentage.

Le temps de travail s’est contracté de plus de 7 %, supprimant 22 millions d’emplois équivalent temps plein. L’écart de rémunération entre les femmes et les hommes s’est aggravé. Trente millions d’Africains ont basculé dans l’extrême pauvreté.

Des décennies de progrès social anéanties

La pandémie a réduit à néant des décennies de progrès social pour deux raisons. La première est que, au début d’octobre, 2,5 % des populations d’Afrique subsaharienne seulement avaient reçu une vaccination complète, ce qui a eu pour effet d’entraver l’activité économique.

TROIS ENJEUX : RÉPONDRE AUX BESOINS DE DÉVELOPPEMENT, MAÎTRISER LA DETTE PUBLIQUE, AUGMENTER LES RECETTES FISCALES

La seconde est que la région n’a pas les moyens de relancer son économie comme l’ont fait les pays développés. « La moitié des pays à faible revenu d’Afrique subsaharienne connaissent une situation de surendettement ou présentent un risque élevé de surendettement, a rappelé Abebe Aemro Selassie. Davantage de pays pourraient rencontrer des difficultés à l’avenir puisque les paiements au titre du service de la dette absorbent une part grandissante des ressources de l’État. »

« Les dirigeants sont confrontés à trois enjeux budgétaires majeurs, a-t-il poursuivi. Répondre aux besoins de développement ; maîtriser la dette publique ; augmenter les recettes fiscales dans un contexte où cela est peu apprécié. » Une gageure en l’état de leurs moyens.

Des efforts réels mais pas à la hauteur de l’enjeu

Le FMI (24 milliards de dollars en 2021) mais aussi la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, la Banque islamique de développement et beaucoup de pays riches ont apporté des secours d’urgence à l’Afrique.

UNE ACTION MULTILATÉRALE COORDONNÉE ET DURABLE EST CAPITALE

L’augmentation des droits de tirage spéciaux du Fonds a permis, en août, d’injecter dans les caisses africaines 23 milliards de dollars. La suspension en 2020 et 2021 du service de la dette a allégé le fardeau de trente pays pour 6,2 milliards.

Mais ces efforts réels ne sont pas à la hauteur de l’enjeu, quand on sait qu’il faudrait à la région entre 30 et 50 milliards de dollars chaque année pour adapter ses villes, son agriculture et son mode de vie au changement climatique en cours.

« Une action multilatérale coordonnée et durable est capitale pour aider les pays à surmonter les effets de la pandémie et retrouver la convergence des revenus avec ceux des pays avancés d’avant la pandémie », conclut le Fonds.

Bénin-Côte d’Ivoire : les dessous du bras de fer à l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle 

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 22 octobre 2021 à 14:13

 

Shadiya Alimatou Assouman, ministre béninoise du Commerce et de l’Industrie, et présidente de l’OAPI. © World Trade Organization/Creative Commons

Le directeur général de l’OAPI a été suspendu par la présidente de l’organisation, la ministre béninoise du Commerce, occasionnant une crise interne sans précédent. Voici les détails de ce dossier suivi de près par les présidents Alassane Ouattara et Patrice Talon. 

Depuis plusieurs semaines, le climat est délétère au sein de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI) qui, basée à Yaoundé, regroupe 17 États africains. Le 15 octobre, Shadiya Alimatou Assouman, la ministre béninoise du Commerce et de l’Industrie qui préside l’instance, a suspendu de ses fonctions le directeur général, l’Ivoirien Denis Loukou Bohoussou. Si le conflit couvait depuis plusieurs mois, le climat s’est brusquement envenimé au cours du mois de septembre.

Le 4 septembre, Shadiya Alimatou Assouman demande à Denis Loukou Bohoussou de passer un appel d’offres, en vue de la désignation d’un cabinet d’audit international. Objectif : mener une enquête sur l’OAPI. Elle soupçonne la direction, et plus précisément ce dernier, de mauvaise gestion. La ministre a dans le viseur, entre autres, les conditions d’un placement de 2 milliards de francs CFA réalisé par l’organisation sous forme de dépôt à terme auprès de la Banque atlantique du Cameroun.

Procédure d’urgence

Elle souligne que cet établissement bancaire détenu par l’Ivoirien Bernard Koné Dossongui a été épinglé un mois plus tôt par la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac).

Dans sa requête du 24 septembre, la ministre béninoise réclame donc le recours à une procédure d’urgence, qui permet d’attribuer un marché en quarante-huit heures – au lieu de quarante-cinq jours. Le 15 octobre, Shadiya Alimatou Assouman suspend Denis Loukou Bohoussou, justifiant sa décision par le fait qu’il aurait refusé de se soumettre à cette demande. Elle charge dans la foulée le directeur adjoint Jean-Baptiste Noël Wago, d’assurer son intérim.

Plusieurs mesures de rétorsion sont prises à l’encontre du directeur évincé qui, à cette date, se trouvait en déplacement à Libreville : interdiction d’accès au siège – avec un déploiement des forces de l’ordre camerounaises pour faire exécuter cette décision –, suspension de ses accès internet, fermeture de son mail professionnel et résiliation de son abonnement téléphonique. Dans un courrier daté du 5 octobre et dont Jeune Afrique a obtenu une copie, Denis Loukou Bohoussou dément formellement avoir refusé de se soumettre à l’audit. Il assure au contraire avoir souhaité respecter la réglementation en la matière.

Critiques

Sa suspension a suscité de nombreuses critiques au sein de l’organisation et, dans cet imbroglio diplomatique, Cotonou semble isolé. Car si l’OAPI comprend 17 pays (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée-Bissau, Guinée-Équatoriale, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad, Togo, Sénégal), les trois principaux contributeurs sont le Cameroun, le Sénégal et la Côte d’Ivoire. Et à Yaoundé comme à Abidjan, où le président Alassane Ouattara suit le dossier avec attention, les autorités ont pris fait et cause pour Denis Loukou Bohoussou.

Dans un courrier daté du 15 octobre, Gabriel Dodo Ndoké, le ministre camerounais des Mines et de l’Industrie, a ainsi réclamé la tenue « de toute urgence » d’une session extraordinaire du Conseil d’administration de l’OAPI. Dans un second courrier, adressé cinq jours plus tard à Jean-Baptiste Noël Wago, il écrit que la nomination de ce dernier, ainsi que la révocation de Denis Loukou Bohoussou de son poste de directeur général, n’ont pour l’heure pas été formellement reconnus par Yaoundé, qui dit en attendre la notification.

Si Shadiya Alimatou Assouman a refusé de répondre à nos sollicitations et assure qu’il n’y a « aucun conflit », l’un de ses homologues au gouvernement béninois reconnaît au contraire l’existence de « fortes tensions ». Cette même source estime en outre que Denis Loukou Bohoussou a volontairement fait trainer le dossier. Le mandat de la présidente de l’OAPI se termine en effet fin décembre 2021 et elle sera remplacée dans ses fonctions par le ministre burkinabè du Commerce, Harouna Kaboré. 

La prochaine session ordinaire du Conseil d’administration de l’instance intergouvernementale doit se tenir le 10 décembre à Cotonou.