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Le foutou sauce graine, un repas nommé Côte d’Ivoire

Mis à jour le 3 janvier 2022 à 15:14
 
Joël Té-Léssia Assoko
 

Par Joël Té-Léssia Assoko

Joël Té-Léssia Assoko est rédacteur en chef adjoint (économie et finance) de Jeune Afrique.

 

L’alchimie orange-rouge-verte du foutou sauce graine. © Gourmandises de Karelle

 

Éloges de l’Afrique gourmande (5/6). Plus que n’importe quel autre repas, la combinaison foutou sauce graine est enracinée dans le répertoire gastronomique ivoirien. Elle n’en est pas moins menacée par la « modernité », selon Joël Té-Léssia Assoko.

Des années durant, une de mes tantes a co-animé une émission culinaire populaire du week-end sur la Radiodiffusion télévision ivoirienne (RTI). Je me souviens que certaines « innovations » – était-ce une macédoine en accompagnement ou une volaille grillée plutôt que braisée ? – n’avaient pas échappé au tsst-tss des puristes de la famille. Les Ivoiriens pardonnent à peu près tout, sauf d’être mal habillé – à la « zaïroise » ou, pire, à la « burkinabè » – et de s’amuser avec la nourriture. Sur ce dernier point, chaque Ivoirien compte sa liste de réprouvés : gastronomes de Facebook et autres apprentis-toubabs qui bouclent leur repas à la Vache qui rit, glissent des petits pois dans la sauce arachide ou ajoutent des crevettes dans le riz au gras.

Depuis une demi-douzaine d’années, une absurde campagne menace le plat ivoirien de référence : le foutou sauce graine. Divers agités vilipendent l’huile de palme pour ses supposés effets sur les forêts et la santé, causés plutôt par la cupidité de latifundistes malaisiens et les ultra-transformations de l’industrie alimentaire occidentale. « Le palmier à huile est fondamental dans la culture gastronomique ivoirienne, répond depuis Abidjan Anne-Marie T.L., une institutrice à la retraite. La pulpe des graines produit l’huile de palme et sert à cuisiner la sauce graine. Des noix est extraite l’huile de palmiste, particulièrement goûteuse. Du tronc est tiré le cœur de palmier, utilisé en cuisine, ainsi que l’indispensable vin de palme. Et deux variétés de champignons comestibles, prisés dans notre cuisine, poussent aux pieds du palmier ».

Lente dégradation du plat national

À un degré plus personnel, en près de trente ans, au cours de centaines d’invitations à domicile et de dizaines de restaurants « africains » fréquentés, j’ai observé avec consternation la lente dégradation du plat national. D’avance que les partisans de l’attiéké-poisson-braisé, de la sauce gombo, du kedjenou de pintade ou même du simple et brillant akpessi d’igname me pardonnent. Mais tous ces plats se retrouvent plus ou moins ailleurs en Afrique. Seul le foutou sauce graine est vraiment à nous, à condition qu’il soit authentique et sérieux. Il est de notoriété publique que la sauce graine est à peu près le seul mets qu’approuvent à l’unisson le président Alassane Ouattara (avec un foutou de banane) et son prédécesseur Laurent Gbagbo (riz blanc).

L’ALCHIMIE ORANGE-ROUGE-VERTE DU PLAT MÉRITE D’ÊTRE DÉFENDUE

J’ai avalé avec rage des foutous de banane préparés sans la vitale portion de manioc, qui rend l’ensemble moins douceâtre et plus digeste. J’ai mâchouillé des idées noires et du capitaine fade qu’un cuistot troll avait inséré dans la marmite en même temps que les viandes rouges et non pas en troisième phase de cuisson – après l’ajout de l’extrait de pulpe – avec le piment vert et les tomates fraîches. J’ai blasphémé au carême pour échapper à l’imagination de marmitons injectant feuilles de laurier, choux, concentré de tomates et carottes naines à une recette qui n’en demandait pas tant. J’ai siroté, les larmes aux yeux, une soupe clairsemée au jus de palme qu’un obsédé du cholestérol servait à des clients occidentaux comme sauce graine « à l’ivoirienne« .

Malgré ces attaques, l’alchimie orange-rouge-verte du plat mérite d’être défendue autant que l’héritage culinaire de cette surprenante nation. Terre d’accueil multiséculaire et d’hostilité apprivoisée, qui a intégré le Tchep et les Thiam au patrimoine national mais où les nouveaux-nés ont des arrière-pensées et où les carrefours font « va là-bas ! »

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« Éloges de l’Afrique gourmande » : tous les articles de la série

Burkina : la hype du babenda, le plat des déshérités (1/6)

Retour en enfance avec les dombrés antillais (2/6)

Le « tikourbabine de ma mère », ou la saveur du souvenir (3/6)

Tunisie : le tajine malsouka et la douceur du foyer retrouvé (4/6)

Le foutou sauce graine, un repas nommé Côte d’Ivoire (5/6)

Maroc : le « couscous de Mimoun », en toute saison (6/6)

Mali : Assimi Goïta face à une levée de boucliers

Mis à jour le 6 janvier 2022 à 13:13
 

 

Assimi Goïta, le président du Conseil national de transition, ici à Bamako, le 22 août 2020. © H.Diakité/MaxPPP

 

À trois jours du sommet de la Cedeao sur le Mali, les autorités tentent de convaincre que la transition doit durer cinq ans de plus. Mais ni dans la sous-région ni au sein des partis politiques, on ne se dit prêt à accepter ce calendrier.

« Cinq ans, c’est un mandat. Ce n’est plus une transition ! », lance, amer, un Malien au micro de la radio Studio Tamani. Le 1er janvier, le gouvernement a fait savoir sa volonté de prolonger la transition de cinq années, comme cela avait été suggéré aux Assises nationales de la refondation quelques jours plus tôt. Depuis, à Bamako, les mines sont devenues graves. « Je vais soutenir [les colonels putschistes] jusqu’à ma mort, mais cinq ans c’est trop ! », reconnaît un autre passant interrogé par Studio Tamani.

Pour justifier cette durée, Assimi Goïta a présenté une feuille de route très ambitieuse à Nana Akufo-Addo, le président en exercice de la Cedeao. Il s’est engagé à régler les problèmes d’insécurité au Mali, à organiser un référendum constitutionnel en janvier 2024, des élections législatives et sénatoriales couplées en novembre 2025 et, enfin, un scrutin présidentiel au plus tard en 2026.

« Unilatéral et déraisonnable »

Sur le papier, ces engagements auraient pu rassurer l’opinion. Il n’en est rien. Dix-sept mois après le renversement du président Ibrahim Boubacar Keïta, ce nouveau chronogramme a été rejeté en bloc par une grande partie de la classe politique.

Dès le 2 janvier, le Cadre d’échange des partis et regroupements politiques pour une transition réussie, la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’imam Mahmoud Dicko (CMAS) et le Parti pour la renaissance nationale (Parena), de Tiébilé Dramé, se sont désolidarisés de ce calendrier électoral, qu’ils ont qualifié « d’unilatéral et déraisonnable ».

UN POUVOIR D’EXCEPTION NE PEUT PAS S’OCTROYER UN MANDAT DE PRÉSIDENT !

Cette plateforme de partis regrette que ce chronogramme n’ai pas fait l’objet de « discussions au Mali ». Celui-ci « ne saurait être en aucun cas une aspiration profonde du peuple malien », précise-t-elle. Alors que, le 27 février 2022, date à laquelle la présidentielle devait être organisée, approche à grand pas, le fossé se creuse entre l’exécutif et les formations politiques. Des chefs de partis, déjà prêts à concourir, craignent que cinq ans d’attente ne mettent un frein à leur carrière. Le bras de fer qui se profile va-t-il déboucher sur une crise profonde ?

Frustrations et désillusions

me au sein des mouvements qui ont accepté de participer aux Assises de la refondation, comme l’Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice (Adema- PASJ), des dents commencent à grincer. « Ce chronogramme sur cinq ans n’a pas fait l’objet de recommandations lors des Assises », dénonce Yaya Sangaré, le secrétaire général du parti. L’Adema prônait une transition prolongée d’un an, seulement pour laisser le temps aux autorités d’organiser les élections. « Un pouvoir d’exception ne peut pas s’octroyer un mandat de président ! Une transition doit être la plus courte possible », ajoute-t-il.

LES AUTORITÉS PENSENT AVOIR PRÉPARÉ L’OPINION POUR QUE CELLE-CI SOIT DERRIÈRE ELLES

Des frustrations se font aussi sentir au sein l’Union pour la République et la démocratie (URD), l’une des plus grandes formations politiques du pays, alliée du pouvoir de transition depuis que Choguel Kokalla Maïga a accédé à la primature, au début de juin 2021. Moussa Sey Diallo, secrétaire adjoint chargé de la communication du Bureau politique national (Ben), reconnaît qu’un mandat de cinq ans sans élections est difficile à faire accepter à la population. « Les autorités auraient dû présenter ce chronogramme aux Maliens et discuter avec les dissidents [les partis qui ont boycottés les assises] avant de le présenter à la Cedeao, déplore-t-il. Si les autorités maintiennent ce délai de cinq ans, elles vont bafouer les principes de la transition. »

Au Mouvement du 5-juin Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), qui a porté Choguel à la primature, l’heure est à la désillusion. Selon Clément Dembélé, président de la Plateforme de lutte contre la corruption et le chômage au Mali (PCC-Mali), une grande partie des formations politiques membres de cette plateforme s’oppose aux « cinq ans ». Modibo Sidibé, des Forces alternatives pour le renouveau et l’émergence (Fare), Sy Kadiatou Sow, à la tête d’Awn Ko Mali (« Le Mali d’abord ! »), Cheick Oumar Sissoko, le président d’Espoir Mali Kura (EMK), seraient tous hostiles à cette prolongation de la transition.

« Je crois qu’ils ont choisi ce délai pour avoir une plus grande marge de manœuvre dans les négociations avec la Cedeao, analyse Clément Dembélé. Une prolongation de dix-huit mois suffirait amplement. Rester pendant cinq ans dans l’ambiance actuelle conduirait le Mali dans une situation économique catastrophique. Cinq ans, c’est inadmissible. ».

Face aux réticences, tant au Mali qu’à l’extérieur, on s’active tous azimuts, ces derniers jours à Koulouba, pour faire accepter le nouveau chronogramme. « Les autorités maliennes ont créé des groupes de soutien pour que la transition dure entre trois et cinq ans. Elles pensent qu’elles ont suffisamment préparé l’opinion pour que celle-ci soit derrière elles », analyse un diplomate en poste dans la sous-région.

Une Cedeao intransigeante ?

Parallèlement, la junte tente de convaincre les poids lourds de la Cedeao : le 3 janvier, Abdoulaye Diop, le ministre des Affaires étrangères, était à Abidjan pour s’entretenir avec le président Alassane Ouattara. Le 5 janvier, c’est le Nigérian Goodluck Jonathan, médiateur de la Cedeao pour le Mali, qui s’est rendu à Bamako.

Les tractations vont bon train, à quelques jours d’un sommet capital pour le Mali. Le 9 janvier, à Accra, les chefs d’État de la sous-région statueront sur les projets du pouvoir malien. Campant jusqu’ici sur une ligne ferme, la Cedeao serait prête à faire quelques concessions, selon nos informations. Mais en aucun cas à accepter une prolongation de la transition au-delà d’un délai de six mois.

Si elle décide de durcir encore sa position, de quel outil dispose-t-elle encore ? Elle a interdit de voyage le Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, ainsi que la quasi-totalité de son gouvernement et les 121 membres du Conseil national de transition (CNT), gelés les avoirs financiers de 150 personnalités politiques maliennes…

D’après nos sources, les chefs d’État ouest-africains n’excluent plus de saisir l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), pour lui demander de mettre le Mali sous le contrôle de la BCEAO. Si un tel mécanisme était mis en place, Bamako ne pourrait plus débloquer de fonds sans l’aval de la banque centrale sous-régionale. De quoi asphyxier un pays déjà au bord du gouffre économique.

Côte d’Ivoire-Mali : au cœur des discussions entre Alassane Ouattara et les émissaires d’Assimi Goïta

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 5 janvier 2022 à 16:01
 

 

Le ministre malien Abdoulaye Diop (à gauche) et le président ivoirien Alassane Ouattara, le 10 décembre 2021 à Abidjan. © DR

 

Le 3 janvier, le chef de l’État ivoirien a reçu au palais présidentiel des ministres du président de la transition malienne venus lui présenter leur nouveau chronogramme.

Les ministres Abdoulaye Diop (Affaires étrangères) et Abdoulaye Maïga (Administration territoriale) étaient à la tête de cette délégation. Ce dernier a exposé à Alassane Ouattara (ADO), qui était entouré de membres de son cabinet, les grandes résolutions des assises nationales dont, surtout, celle de prolonger la transition de cinq ans.

Il lui a détaillé le programme électoral à venir, à savoir un référendum constitutionnel en décembre 2023, un scrutin local en juin 2024, ainsi que des échéances législatives et sénatoriales en mai 2025. Ce plan devrait, selon le colonel Maïga, aboutir à la « restauration du Mali ». Abdoulaye Diop a quant à lui expliqué que ce chronogramme pourra être modifié en fonction de l’évolution de la situation.

Non catégorique

Alassane Ouattara a écouté en silence ses interlocuteurs jusqu’à la fin de leurs interventions respectives, avant de taxer ce chronogramme de plaisanterie, leur demandant ouvertement dans quel monde ils pensaient vivre. Le président ivoirien a opposé un non catégorique à ce plan de sortie de la transition, précisant que le Mali s’exposait à de sévères sanctions économiques sur le plan international.

ADO est ensuite revenu sur ses liens particuliers avec le Mali, ce pays « frère » ayant accueilli sa famille en exil et plusieurs cadres de son ancien parti, le Rassemblement des républicains (RDR), entre 2002 et 2008, quand il était dans l’opposition. Il a également révélé que certains de ses pairs de la région n’avaient pas apprécié le fait qu’il leur ait demandé d’être indulgents vis-à-vis de la junte, après les démissions forcées en mai 2021 de Bah N’Daw, le premier président de la transition, et de son Premier ministre, Moctar Ouane.

Zeïni Moulaye Haïdara, l’ancien titulaire du portefeuille des Affaires étrangères dans l’équipe de ce dernier, qui a également piloté les assises nationales, a par ailleurs assisté à l’entretien.

Selon nos informations, ADO envisage de s’entretenir avec Assimi Goïta avant le double sommet extraordinaire de l’Uemoa et de la Cedeao, prévu à Accra le 9 janvier prochain. Il a d’ailleurs téléphoné à plusieurs de ses homologues pour les informer de son échange avec les ministres maliens, notamment le Burkinabè Roch Marc Christian Kaboré, dont le pays est frontalier avec le Mali, tout comme la Côte d’Ivoire.

L’Ivoirien Tiémoko Meyliet Koné, gouverneur de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest, planche quant à lui sur un régime de sanctions contre la junte au pouvoir au Mali.

Abdoulaye Diop a essayé de convaincre d’autres présidents ouest-africains. Toujours selon nos informations, le ministre des Affaires étrangères vient de s’entretenir avec Roch Marc Christian Kaboré et le Sierra-Léonais Julius Maada Bio. 

Sénégal : la task force de Macky Sall, prochain président de l’Union africaine 

Mis à jour le 4 janvier 2022 à 14:57
 

 

Macky Sall au sommet sur le financement des économies africaines, à Paris, le 18 mai 2021. © Ludovic Marin/Pool via REUTERS

 

Crises au Sahel, lutte antiterroriste, relance post-Covid… Lorsqu’il prendra la tête de l’UA en février, le président sénégalais devra gérer plusieurs dossiers prioritaires. Jeune Afrique dévoile la composition de l’équipe qui lui prêtera main forte.

Ces dernières semaines, plusieurs rencontres informelles ont eu lieu en vue de constituer cette équipe. Le chef de l’État devrait ainsi s’appuyer sur Oumar Demba Ba, son premier conseiller diplomatique. Ce dernier avait officié à ce même poste auprès de l’ancien président Abdoulaye Wade entre 2000 et 2012. Il fut aussi cadre au ministère des Affaires étrangères et au sein de la Représentation permanente du Sénégal auprès des Nations-Unies.

Ministres, anciens ambassadeurs …

Aïssata Tall Sall, ministre des Affaires étrangères, sera également sur le front. Elle sera elle-même épaulée par Stéphan Sylvain Sambou, son directeur Afrique et Union africaine (UA), Mohamed Lamine Thiaw, nommé en septembre ambassadeur à Addis-Abeba, mais aussi par Cheikh Niang, l’actuel chef de la mission permanente du Sénégal aux Nations Unies. Ce dernier fut ambassadeur aux États-Unis et au Japon après avoir servi entre 1995 et 2001 comme conseiller diplomatique, essentiellement aux côtés du président Abdou Diouf.

Sur les questions sécuritaires, Macky Sall pourra également compter sur Cheikh Tidiane Gadioenvoyé spécial de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) au Mali. L’ancien ministre des Affaires étrangères (2000-2009) et actuel vice-président de l’Assemblée nationale a notamment été l’envoyé spécial de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) en Centrafrique avant de devenir le représentant spécial pour l’Afrique de son secrétaire général.

Le général Babacar Gaye sera également sollicité. L’ancien chef d’état-major a dirigé plusieurs missions onusiennes de maintien de la paix, notamment en RDC et en Centrafrique, et a été ambassadeur en Allemagne.

Donald Kaberuka et Tidjane Thiam

A l’échelle du continent, le président sénégalais devrait continuer à s’appuyer, à l’instar de ses prédécesseurs, sur les « envoyés spéciaux » désignés en 2020 par l’UA pour conduire la riposte contre le Covid-19 : l’ancien président de la Banque africaine de développement, le Rwandais Donald Kaberuka, le Franco-Ivoirien Tidjane Thiam ou encore l’homme d’affaires zimbabwéen Strive Masiyiwa.

Ce dernier est conseillé sur le développement de la plateforme logistique des vaccins et des traitements par la Sénégalaise Fatoumata Ba, cofondatrice du géant nigérian du e-commerce Jumia et par ailleurs, présidente du Fonds d’investissement Janngo. Elle est également administratrice de la banque d’affaires Southbridge, cofondée par Donald Kaberuka avec l’ancien Premier ministre et économiste béninois Lionel Zinsou.

Enfin, Jean-Hervé Lorenzi aura également l’oreille du chef de l’État sénégalais, dont il est très proche. Appuyé par un groupe d’économistes italiens et français issus du Cercle des économistes, le club de réflexion qu’il a créé en 1992, ce patron français a beaucoup contribué à l’élaboration du discours de Macky Sall sur la dette africaine, le financement du développement et les coûts de la sécurité au Sahel prononcé lors du Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité début décembre.

Transition au Mali : en avant pour le marchandage

Mis à jour le 4 janvier 2022 à 15:57
 
Damien Glez
 

Par Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

 

. © Damien Glez

 

Après seize mois au pouvoir, la junte d’Assimi Goïta continue de réfléchir, à voix haute, à la suite des évènements. Les résolutions des Assises nationales de la refondation n’alimentent-elle qu’un surplace ?

C’est bien connu : dans un marché populaire, le margoulin qui veut vendre sa pacotille à 500 F CFA en réclamera d’abord 2 000 au client, avant d’affirmer qu’il ne cédera la bimbeloterie à 1 000 F CFA qu’à perte, et uniquement parce qu’il s’agit là du premier client de la journée – porte-bonheur – ou le dernier chaland – consolateur. Et ceci avant de conclure : « donne ce que tu as ».

Entre deux réveillons, les observateurs de la situation malienne espéraient l’annonce d’un chronogramme politique susceptible de projeter le Mali, dès 2022, vers un renouveau démocratique. Dans leurs résolutions, les Assises nationales de la refondation ont recommandé une prolongation de la transition de six mois à… cinq ans.

Certes, les tâches présentées comme préalables et donc prioritaires sont légion : réforme de la Constitution, adoption d’une nouvelle loi électorale, mise en place d’un organe unique de gestion des élections ou encore amélioration de la situation sécuritaire. Mais la fourchette de prolongation de la transition – de six à soixante mois, soit un rapport de 1 à 10 – est étrangement large. Faut-il voir dans le sursis potentiel de 1 800 jours de la présidence Goïta la première base de négociation avec une Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) quelque peu grognonne ? Cette base à laquelle, sur le marché, ne croient ni le vendeur ni le client ?

Le flou allié de la junte ?

L’échéancier proposé par le gouvernement malien, dans l’apathie du jour de l’An, au chef de l’État ghanéen Nana Akufo-Addo, président en exercice de l’institution sous-régionale, table sur la tenue d’un référendum constitutionnel en janvier 2024, des élections législatives et sénatoriales couplées en novembre 2025 et une élection présidentielle au plus tard en décembre 2026.

BEAUCOUP DE BRUIT POUR RIEN

Dès le lendemain de la proposition, une dizaine d’organisations politiques maliennes rejetaient le projet de prolongation, qui « violerait » la propre charte de la transition, par « une tentative de confiscation du pouvoir par la force et la ruse ». Mais la junte s’en soucie-t-elle ? Le médiateur de la Cedeao, Goodluck Jonathan, est attendu à Bamako le 5 janvier. Et, dimanche 9 janvier, devrait se tenir un sommet extraordinaire des chefs d’État de l’organisation…

« Beaucoup de bruit pour rien », aurait peut-être écrit le dramaturge William Shakespeare à l’issue des Assises. La décision de la junte est-elle une absence consciente de décision ? La fourchette surréaliste de la prolongation éventuelle de la transition ne sert-elle qu’à jouer la montre dans un marchandage à prolonger ? Certains considèrent que le flou est l’allié de la junte, en matière de légitimation politique comme de partenariat sécuritaire.

Qui nierait que le Mali a toute latitude pour choisir souverainement ses partenaires sur le terrain militaire ? Personne de sensé. Pourtant, le Mali a-t-il choisi clairement ? Combien de temps faut-il pour annoncer officiellement le déploiement d’un contingent paramilitaire du groupe Wagner que certains semblent observer ? La diplomatie n’est pas plus un jeu de bonneteau que de devinettes.