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Les commerçants guinéens se préparent à approvisionner le Mali sous embargo

 
camion 

En refusant de mettre en œuvre le blocus décidé par la Cédéao le 9 janvier dernier, la Guinée est devenue l’ultime point de passage au sud de Bamako

De notre envoyé spécial à la frontière guinéo-malienne,

À force de coups de klaxon et de grands signes, Mohamed Bangoura a fini par accepter d’arrêter son camion sur le bas-côté. Il est pressé, file vers son pays d’origine. « On est venu pour convoyer ce véhicule en Sierra Leone pour une société minière », raconte-t-il. Le visage du chauffeur est barré d’un large sourire. Il vient de franchir la frontière malienne et va pouvoir rentrer chez lui, malgré les sanctions de la Cédéao. « Tout le monde en connaît les répercussions. Si la traversée vers la Guinée avait été suspendue, nous en aurions énormément souffert… Donc c’est une chance, c’est bien qu’on ait pu aller au Mali et qu’on soit en train de rentrer au pays maintenant », conclut-il, soulagé.    

La ligne de démarcation entre la Guinée et le Mali, que l’on franchit sans difficulté, est devenue une exception dans la région. Depuis le 9 janvier dernier, la Cédéao a alourdi ses sanctions contre la junte de Bamako, qui avait promis de rendre le pouvoir aux civils en ce mois de février. L’organisation sous-régionale a annoncé la fermeture de ses frontières avec le Mali et une limitation du commerce à certains produits de première nécessité.    

En changeant de pays, la RN5 malienne devient la N6 guinéenne. Elle relie Bamako à Kankan, en traversant un chapelet de villages et en passant par Siguiri. Dans cette région limitrophe, éloignée de Conakry (plus de 600 kilomètres), l’économie est basée sur les échanges transfrontaliers. 

Ici, tout le monde soutient le pouvoir militaire guinéen et sa décision de ne pas appliquer le blocus de la Cédéao. « Économiquement, la Guinée ne peut pas soutenir le Mali, mais Conakry peut aider Bamako au niveau commercial. Les importations vont pouvoir continuer à passer par la Guinée », prédit Mamadou Bah, commerçant et président du Haut Conseil des Maliens de l’extérieur à Siguiri. Il veille sur les 600 ressortissants de son pays officiellement recensés en ville.

Dans le centre de Siguiri, très encombré, où le marché a fini par coloniser les rues, beaucoup de produits viennent de Bamako, comme les oignons, les pommes de terre, les poissons de rivière ou encore une partie du tissu. Alors Mamadou Bah se dit « content » que la frontière soit restée ouverte. C’est bon pour ses affaires. Mais cela ne l’empêche pas d’être réaliste. Quatre-vingts pour cent du fret malien passent par Dakar et si l’embargo dure, il sait que son pays risque de connaître des pénuries de certains biens de consommation comme les matériaux de construction, les voitures d’occasion...    

De bonnes perspectives commerciales        

Dans la plaine de la Haute Guinée battue par l’harmattan, ce n’est pas encore l’effervescence. Le commerce est à son niveau habituel, il n’y a pas plus de poids lourds sur les routes. Surtout, l’absence de plaques d’immatriculation sénégalaises ou ivoiriennes indique que la Guinée n’est pas utilisée comme itinéraire bis pour contourner le blocus. « Bien sûr, Conakry pourrait être un point idéal pour approvisionner le Mali, explique Mohamed Lamine Cherif, vice-président de la chambre de commerce de Kankan. Je pense que la seule issue favorable au Mali sera le port de Conakry [...], c’est l’option la plus simple pour le pays. »

Cette liaison commerciale est déjà bien connue des opérateurs économiques maliens. Beaucoup de cargaisons remontent vers Bamako depuis la côte guinéenne. « Avec les sanctions, si les bateaux viennent désormais déverser leurs marchandises dans le port autonome de Conakry, cela peut permettre d’intensifier le commerce. »

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Les grands négociants maliens pourraient ainsi se détourner du port de Dakar. Conakry serait aussi une solution pour « les moyens grossistes », ceux « qui n’ont pas la possibilité de charger un navire entier », affirme le responsable, mais qui seraient en mesure d’y « acheter un ou deux camions ». Les plus petits commerçants pourraient reconstituer leur stock en Haute Guinée. « Ça va venir graduellement, au fur et à mesure que les besoins se présenteront au Mali. C’est comme ça que les demandes vont être constatées sur le marché guinéen. »

Des premiers contacts ont eu lieu entre commerçants des deux pays, nous confie Mohamed Lamine Cherif : « Hier, un ami m’a appelé de Bamako et il m’a demandé le prix du sac de sucre à Kankan. Je lui ai donné l’information, il m’a répondu qu’il était en train de se renseigner sur les paramètres d’approvisionnement, les frais de transport… »      

Infrastructures

Sur ce dernier point, la Guinée perd en attractivité. L’état désastreux des routes fait rapidement gonfler la facture. Si Conakry dispose du port le plus proche de Bamako (un peu moins de 1 000 kilomètres de distance), un poids lourd peut mettre jusqu’à dix jours pour effectuer le trajet. Entre la frontière malienne et Kouroussa s’étendent 300 kilomètres de bitume, la nationale alterne ensuite entre tronçons récemment rénovés et pistes caillouteuses, où l’on croise des dizaines de camions en panne. Des travaux sont en cours, réalisés par une société chinoise, rapprochant chaque jour un peu plus l’ouest de l’est de la Guinée, mais il faudra plusieurs mois avant de voir disparaître les rouleaux compresseurs et les déviations interminables.            

Voilà pourquoi, à la question « y a-t-il plus de voyageurs étrangers depuis les sanctions de la Cédéao ? », le personnel des gares routières répond systématiquement d’un air étonné : « On ne trouve que des Guinéens ici. » Le pays n’est pas encore devenu un point de passage pour le transport de personnes. Le besoin ne s’est pas fait sentir, les frontières de la région étant de toute façon poreuses. Qui, surtout, voudrait s’infliger un détour de plusieurs centaines de kilomètres d’infrastructures impraticables ?

Mais pour les marchandises, la donne est différente, analyse Amadou Diop, détaillant dans le secteur de l’habillement et vice-président du Haut Conseil des Maliens de l’extérieur à Kankan. « Si on n’a pas d’autres moyens, on est obligés de passer par là. Même si la route est mauvaise. Juste passer, ça nous suffit, quand bien même le trajet durerait une semaine ! »   

Les grandes pénuries de retour en Algérie

Obsédé à l’idée de conserver son bas de laine, le pouvoir algérien pénalise sa population en fermant le robinet des importations.

  • Amine Kadi, 

 

Les grandes pénuries de retour en Algérie
 
Alger, novembre 2021. Désormais, le lait en poudre est devenu rare dans les boutiques de la capitale.RAMZI BOUDINA/REUTERS

Les grandes pénuries de retour en Algérie

Alger

De notre correspondant

Spectacle improbable en cette matinée d’hiver dans une rue d’El Biar, sur les hauteurs d’Alger. Deux queues de plusieurs dizaines de personnes se font face sur le trottoir. L’une devant un laboratoire d’analyses, pour les tests Covid en pleine quatrième vague, l’autre pour acheter le lait en poudre, devenu rare depuis quelques jours. Les grandes pénuries sont de retour en Algérie. Après la pénurie d’eau et d’oxygène l’été dernier durant la troisième vague de la pandémie de Covid, la liste ne cesse de s’allonger : lait, huile, automobiles, pièces de rechange, etc. « Le gouvernement a bloqué en juillet une autorisation sanitaire qu’il accordait auparavant aux importateurs de poudre de lait. Ceux-ci ont prévenu que cela allait conduire à une rupture de la chaîne d’approvisionnement, mais personne n’a réagi », explique un distributeur dans la presse. Lorsque les tensions se sont fait sentir à la mi-décembre, les importations ont été rétablies.

Mais il était trop tard. « Il faut cinq à six mois maintenant pour recevoir sa commande », soupire-t-il. Même procédé pour la matière à transformer l’huile de table. Verrouillage en été, pénurie en hiver.La combinaison des pénuries de lait et d’huile entretient, parmi d’autres, une colère sourde contenue pour le moment par l’autodérision collective. Des montages de photos et de vidéos où la bouteille d’huile campe le rôle d’une mariée ou d’une voiture de luxe font florès sur les réseaux sociaux. Même les importations de médicaments ont été contingentées. Un anticoagulant très recherché dans le traitement des formes pulmonaires du Covid est en rupture depuis la remontée des contaminations mi-décembre. Ce n’est pas le seul.

« On dit que le président Tebboune est hanté par les réserves de changes en devises. Il ne faut plus qu’elles baissent. Alors tout est bon pour réduire les importations », rapporte un ancien ministre. L’Algérie s’agrippe à son bas de laine de 44 milliards de dollars, au point de créer des tensions sur les approvisionnements dignes de pays hyperendettés.

Dans le cas de l’huile, c’est une loi vite adoptée, sur instruction présidentielle, qui a serré les boulons pour punir de trente ans de prison les « spéculateurs »« Mes ­adhérents me disent qu’ils ne veulent plus acheter d’huile, pour ne pas avoir de stock dans leurs dépôts, de peur d’aller en prison », explique Abdelkader Gouiri, président de la Chambre de commerce et d’industrie. La population supporte de moins en moins ce régime drastique de limitation des importations. Un classement tourne le pays en dérision : avec 15 453 véhicules, l’Algérie est le pays où l’on a vendu le moins de voitures neuves en 2021 dans le monde arabe. En fait, la pénurie de voitures neuves dure depuis trois ans, faute d’importations et à cause des usines d’assemblage à l’arrêt. Le gouvernement a suspendu leur activité en 2019 en prétextant qu’elle était trop avantageuse pour les constructeurs étrangers et leurs partenaires proches du clan Bouteflika.

Les Algériens n’arrivent même plus à faire face comme il y a vingt ans avec le marché de l’occasion, fermé lui aussi. La pandémie a encore noirci le tableau. « Un aller-retour à Barcelone ou Marseille coûte plus de 250 €. Avant, j’arrivais à amortir mon voyage en rapportant ce qui manque ici. Maintenant, c’est impossible, avec le taux de change du dinar au noir, qui a encore baissé depuis deux ans », explique Sofiane, binational habitué du marché du « cabas », comme on l’appelle ici. « Le prix de l’occasion a tellement flambé que plus personne ne veut se séparer de sa vieille auto de peur de ne rien pouvoir acheter ensuite. Ma Renault Clio de 2013 coûte aujourd’hui plus cher que son prix neuf », raconte Samia, commerciale dans une agence de communication. Les classes moyennes algériennes ont déjà fait leur deuil pour de nombreux produits de qualité importés, tels que les chocolats, les céréales ou le saumon, devenus hors de portée depuis longtemps. Ils ne supportent pas, comme Samia, que les produits de tous les jours les plongent dans l’indignité, « comme si on vivait dans un pays en banqueroute alors que l’on sait que ce n’est pas le cas ». Du moins pas encore.

Niger: compte à rebours pour les «acquittés» rwandais d'Arusha

 

Le Niger décidera-t-il d'expulser dans les prochaines heures les huit anciens responsables rwandais vers Kigali ? Début janvier, Niamey avait, sous la pression de l'ONU, repoussé de trente jours son ordonnance d'expulsion contre ces ex-ministres et officiers du régime Habyarimana, dont certains ont, dans le passé, été acquittés par le Tribunal pénal international pour le Rwanda.

De notre correspondante à La Haye,

Le bras de fer entre le Niger et les Nations unies, enclenché le 23 décembre 2021, ressemble à la dernière saison d'une bien longue série.

Ce jour-là, les autorités nigériennes supprimaient les titres de séjour accordés à huit Rwandais fraîchement débarqués à Niamey.

Anciens ministres et officiers sous le régime de Juvénal Habyarimana, en poste durant le génocide de 1994 au Rwanda, quatre d'entre eux ont été acquittés par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), et les quatre autres ont depuis longtemps purgé leur peine. 

Mais depuis plus de quinze ans, aucun pays n'accepte d'accueillir ces hommes qui refusent de rentrer au Rwanda par crainte d'être de nouveau incarcérés. Depuis des années et jusqu'à début décembre, ils résidaient à Arusha, aux frais et sous la garde de l'ONU, au grand damne de la Tanzanie. Mais le 15 novembre, le Niger avait fini par se porter volontaire et signait un accord avec le Mécanisme (MICT) de l'ONU, chargé de gérer les derniers dossiers du TPIR, fermé fin 2015.

Début décembre, sur la base de cet accord, les Rwandais s'installaient à Niamey. Mais c'était sans compter sur les « raisons diplomatiques » invoquées par le Niger dans son ordonnance d'expulsion remise aux huit Rwandais trois semaines plus tard. Ils ont alors jusqu'au 3 janvier pour quitter le pays. Puis à la demande des Nations unies, le Niger accepte de donner 30 jours de plus aux huit Rwandais pour qu'ils trouvent une nouvelle terre d'accueil.

Non-coopération du Niger

À quelques heures de la date limite, le 2 février, les avocats ont demandé aux juges du Mécanisme de dénoncer au Conseil de sécurité de l'ONU la non-coopération du Niger. Ils réclament aussi que soit organisée une audience dans l'antenne européenne du Mécanisme, à La Haye, pour permettre à Niamey de s'expliquer face aux juges.

Fin décembre, le juge Joseph Masanche demandait des explications aux autorités nigériennes, car la décision d'expulsion viole l'accord passé avec le Mécanisme. Quinze jours plus tard, le même magistrat leur ordonnait de rendre la liberté aux huit Rwandais, placés en résidence surveillée depuis fin décembre, sous la garde de dix policiers. Mais sans effet, selon leurs avocats.

Au cours du mois écoulé, les familles des détenus ont manifesté à Paris et sur les réseaux sociaux. Les avocats des huit Rwandais ont interpellé les Nations unies, son secrétaire général, les pays membres du Conseil de sécurité. En expulsant les huit Rwandais, le Niger, plutôt bon élève de l'ONU, prend le risque de violer l'accord passé avec le Mécanisme qui, de plus, stipule spécifiquement qu'ils ne peuvent être renvoyés vers le Rwanda.

Dix décisions de l'ONU

Depuis quinze ans, le sort des « acquittés » d'Arusha a été évoqué dans au moins dix décisions du Conseil de sécurité des Nations unies. Le Tribunal a tenté sans relâche de convaincre les États de les accueillir, avançant ou reculant au gré de l'évolution des relations de chacun de ces pays avec le Rwanda. « Il y a peu de chance que la France ou la Belgique – où résident la famille de certains d'entre eux – acceptent alors que leurs relations avec le Rwanda se normalisent » estime une source diplomatique.

Prosper Mugiraneza, ancien ministre, souhaite rejoindre la France, où il a de la famille, après avoir passé treize ans en prison et neuf dans la résidence d'Arusha. « Depuis tout ce temps, il n'a pas de passeport, aucun papier », explique son avocate Kate Gibson. D'autres ont aussi leur famille au Danemark, aux Pays-Bas, au Canada. Mais même s'ils ont été acquittés ou ont purgé leur peine, ces hommes avaient de hautes fonctions à l'époque du génocide des Tutsis. Tous ces États refusent d'affronter le Rwanda et « aussi leurs propres opinions publiques », explique un ancien responsable du TPIR.

Dans d'ultimes requêtes aux juges, certains affirment qu'ils seraient torturés ou tués s'ils devaient être renvoyés au Rwanda. L'ancien ministre des Transports et des Communications durant le génocide, André Ntagerura, explique que Kigali souhaiterait le juger de nouveau. « Nous savons depuis longtemps que les Rwandais sont mécontents de certains jugements, explique cette même source diplomatique, et voudraient refaire des procès ».

À New York, début décembre, la représentante du Rwanda à l'ONU accusait « certains d'entre eux » de s'être livrés « aux activités subversives qui ont contribué à l'insécurité et à l'instabilité de la région des Grands Lacs au cours des dernières décennies ». Début décembre, lorsque le président du Mécanisme, Carmel Agius, avait salué « la coopération exemplaire » du Niger, tous les États s'étaient, dans son sillage, congratulés. À l'exception du Rwanda, qui s'étonnait de ne pas avoir été informé de l'accord. Carmel Agius se félicitait d'un accord « qui marque un tournant » dans ce dossier passablement encombrant. Pour le Mécanisme, la route semble encore longue.

 À écouter le Grand reportage de RFI de 2014 : Arusha, 20 ans de TPIR

Sanctions contre le Mali: les internautes sénégalais dans la tourmente malienne

 

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Mobilisation «de soutien au peuple malien» vendredi après-midi 28 janvier place de la Nation à Dakar, au Sénégal. © RF/Charlotte Idrac

 

Au Sénégal, pays voisin du Mali, les internautes s'expriment sur la situation malienne. Le Mali se retrouve sanctionné par la Cédéao en réponse au retard pris par la tenue d’élections. Et les commentaires n'épargnent pas la France. 

De notre correspondante à Dakar,

De nombreux commentaires d'internautes sénégalais mettent en avant la proximité entre les deux pays, entre les deux peuples. « c’est le même sang, le même cœur », peut-on lire sur les réseaux, « Force au peuple frère du Mali ». Un #JesoutiensleMali a été lancé au lendemain des sanctions.« C’est le combat du peuple africain tout entier », écrit un internaute 

Ce qui revient largement dans les réactions sur Twitter ou Facebook ces dernières semaines, ce sont des critiques sur la lourdeur de ces sanctions qualifiées d’« injustes », d’ «illégitimes», d’ «inhumaines», des critiques de la Cédéao, accusée d’être « un syndicat de chefs d’Etat »,  d’être « déconnectée de la volonté populaire ». 

Des commentaires qui visent aussi la France

« La Cédéao est téléguidée par Emmanuel Macron », croit savoir par exemple Ousmane Diop sur Facebook. Un autre internaute en est convaincu : c’est « Paris (qui) est derrière ces sanctions », le président sénégalais Macky Sall est également ciblé par les critiques, accusé d’avoir « trahi » le voisin malien 

Les internautes sénégalais mettent aussi l’accent sur les conséquences économiques de cette situation. Le Mali c’est le premier client du Sénégal, le pays dépend largement du port de Dakar pour ses importations. « En participant à la tentative d’isolement du Mali, Macky Sall met en difficulté l’économie du Sénégal », peut-on lire sur Twitter.

« Économiquement, le Sénégal est le gros perdant dans cet embargo », estime un internaute, Khadim Sarr ou encore « Le Sénégal demeure le dindon de la farce (…)».

Fierté sénégalaise

En revanche, les internautes qui ont relayé « un soulèvement populaire » au Sénégal contre les sanctions, ça, c’était une fake news. Le message qui a largement circulé sur les réseaux autour du 18 janvier, indiquait :  « les rues sont coupées à Dakar et sur la route qui mène vers la frontière malienne par des manifestants qui demandent la levée des sanctions ». Il n’y a pas eu de rues bloquées à Dakar, il y a bien eu une manifestation de soutien au Mali vendredi dernier, mais une mobilisation de quelque 300 personnes, qui s’est déroulée dans le calme. 

Sur le plan politique, des internautes plus nuancés insistent sur le respect de l’ordre constitutionnel. Fary Ndao, ingénieur, très suivi sur les réseaux sociaux. Dès le lendemain des sanctions, il écrit dans un long post : « à chacun son panafricanisme. Je ne fais plus partie de ceux, qui, au nom d’une quête de souveraineté économique et politique légitime, acceptent dans le même temps de sacrifier nos maigres acquis démocratiques et de soutenir, sans vraiment l’assumer, des putschs à répétition ». 

De nombreux commentaires soulignent aussi que le Sénégal fait figure d’« exception » dans une région ouest africaine agitée, un coup d’État au Sénégal ? « Jamais », écrit un internaute, « ce peuple est trop mature (..), « C’est pas compatible » affirme un autre, « nos problèmes avec le régime, on règle ça avec beaucoup de classe ».

D’ailleurs dimanche 23 janvier dernier alors qu’un coup d’État était en cours au Burkina Faso, les Sénégalais votaient dans le calme pour des élections locales. « C’est toujours bon de rappeler que le Sénégal n’a jamais connu de coup d’État » écrit le professeur Boubacar Diawara sur Twitter, « Bravo au Peuple sénégalais ». 

► À écouter aussi : Crise entre Paris et Bamako: «d'un côté comme de l'autre, on ne travaille pas à la désescalade»

Mali : Qui est vraiment Assimi Goïta, « Monsieur Non »

Mis à jour le 27 janvier 2022 à 14:43
 

 

Le colonel Assimi Goïta, à Bamako, le 18 septembre 2020. © Michele Cattani/AFP

 

Il était un parfait inconnu lorsqu’il a pris la tête de la transition, en août 2020. Secret et discret, l’ancien commandant des Forces spéciales s’est engagé dans une épreuve de force sans précédent avec la Cedeao et la France. Est-il prêt à tout pour se maintenir au pouvoir ?

C’est le jour du Sacrifice. En cet Aïd-el-Kébir, la foule se presse dans la grande mosquée de Bamako. Partout dans la ville, l’heure est à la fête, et l’humeur des hommes venus se recueillir est badine malgré le déploiement des forces de sécurité : les plus hautes autorités sont en train de prier. Tout à coup, un homme surgit dans le dos d’Assimi Goïta. Il brandit un couteau, tente de l’atteindre à la gorge. Mais c’est à un colonel des forces spéciales qu’il s’en prend, un homme qui a chassé les terroristes dans le Nord, appris à se défaire de l’ennemi, combattu au corps-à-corps. Le militaire esquive. Imperturbable.

ICI À BAMAKO, C’EST GOÏTA QUI COMMANDE. ET IL FAIT CE QU’IL VEUT

Ce n’est pas la première attaque à laquelle le président de la transition échappe. Il le sait déjà : ce ne sera pas la dernière. En quelques instants, ce 20 juillet 2021, l’assaillant est maîtrisé, et la sécurité personnelle du dirigeant malien quadrille les environs de la grande mosquée. « Que Dieu lui donne de la force ! » scandent en bamanankan quelques badauds lorsque Goïta s’éclipse. À son retour au palais de Koulouba, entouré de quelques fidèles, le rescapé relativise. « Cela fait partie du jeu », dit-il, serein. Du jeu ? Mais à quoi joue-t-il ? 

« Non à la Cedeao, non aux sanctions ! » Six mois après cette tentative d’assassinat, le 14 janvier 2022, une foule immense défie la Cedeao. Elle a répondu à l’appel de son chef, qui a savamment orchestré cette démonstration de force en Conseil des ministres. Des millions de francs CFA ont été mobilisés pour que les Bamakois descendent dans les rues. La Cedeao voulait des élections le 27 février 2022 ? C’est non. Elle consent à accorder à la junte un délai un peu plus long pour se maintenir au pouvoir, à condition qu’il n’excède pas six mois ou un an ? C’est encore non. Ici, à Bamako, c’est Goïta qui commande. Et il fait ce qu’il veut. 

Comment cet inconnu s’est-il retrouvé à la tête du Mali, engagé dans un bras de fer quasi insensé ? A-t-il toujours rêvé des ors de Koulouba ? Pour comprendre l’ascension de ce discret militaire, il faut revenir à la journée du 18 août 2020. 

La surprise

Ce mardi-là, cinq colonels mettent en œuvre leur plan : en quelques heures, ils arrêtent et renversent le président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), affaibli par plusieurs mois de contestation populaire. Les conspirateurs s’appellent Malick Diaw, Ismaël Wagué, Sadio Camara, Modibo Koné et Assimi Goïta.

Les trois derniers ont usé les bancs du Prytanée militaire de Kati, sont issus de la garde nationale et évoluent dans le cercle de certains des hommes les plus influents de l’appareil sécuritaire : Moussa Diawara, le patron de la sécurité d’État sous IBK, qui a étrangement disparu ce jour-là ; le général Cheick Fanta Mady Dembélé, un ancien de Saint-Cyr, qui s’est illustré dans plusieurs opérations panafricaines de maintien de la paix, et Ibrahima Dahirou Dembélé, l’ancien ministre de la Défense. Le rôle de ces hommes, considérés par certains observateurs comme les cerveaux du putsch, n’a jamais été éclairci.

TROP CLIVANT, MALICK DIAW NE FAIT PAS L’UNANIMITÉ. C’EST DONC GOÏTA QUI EST CHOISI

Le premier acte de leur coup réussi, les conjurés se réunissent à Kati, l’immense camp militaire situé à 15 km de Bamako. Il faut alors passer à l’acte II et choisir qui dirigera la transition. https://www.jeuneafrique.com/1088529/politique/mali-ce-quil-faut-savoir-sur-malick-diaw-piece-maitresse-de-la-junte-a-la-tete-du-cnt/&sa=U&ved=2ahUKEwjF-pKUocD1AhVBCxoKHXYBDwkQFnoECAEQAg&usg=AOvVaw3hq3sxuiX9iQW-ylYsF1Xy" style="box-sizing: border-box; outline: none !important; color: rgb(0, 94, 121); text-decoration: none !important; background-color: transparent; transition: all 0.2s ease-in-out 0s; word-break: break-word;">Malick Diaw lorgne le poste. Il est l’aîné et a de l’expérience : il a déjà participé au coup d’État du capitaine Amadou Haya Sanogo contre Amadou Toumani Touré, en 2012, et espère que son heure est venue. Mais il est clivant et passe pour être incontrôlable. Il ne fait pas l’unanimité parmi les putschistes. À trois reprises, le nom de Goïta apparaît. 

L’intéressé se dit surpris. Il y a de quoi. Certes, en tant que commandant des Forces spéciales, il a l’habitude de mener des hommes, mais il n’a jamais vraiment confié à ses compagnons d’armes qu’il avait de l’appétence pour le pouvoir politique. Le colonel accepte pourtant sans ciller sa nomination. « En le désignant, les putschistes ont fait le choix du plus faible, juge un diplomate installé dans la sous-région. Sadio Camara a influencé le vote parce qu’il croyait contrôler Goïta. » 

Visage poupin

Au lendemain du putsch, lorsqu’il apparaît publiquement pour revendiquer le coup d’État, rares sont les diplomates à avoir déjà vu cet homme au visage poupin. Les militaires maliens, eux, le connaissent bien : il n’a jamais vécu ailleurs que parmi eux.

Fils d’un officier originaire du cercle de Yorosso, à la frontière avec le Burkina Faso, Assimi Goïta a grandi dans le Camp du génie militaire de Bamako et s’est toujours imaginé marchant dans les pas de son père. Il a fait mieux. Diplômé de l’école des officiers au début des années 2000, il devient commandant en 2008 et arpente le désert du nord du Mali.

GAO, KIDAL, TOMBOUCTOU, LE DARFOUR… IL A COMBATTU SUR LES TERRAINS LES PLUS PÉRILLEUX

Responsable d’un groupe tactique mobile, il a d’abord pour mission de neutraliser les trafiquants et les groupes armés. C’est le début de près de quinze ans de combats durant lesquels le soldat Goïta s’illustre sur les terrains les plus difficiles : Gao, Kidal, Tombouctou, mais aussi au Darfour, ce qui lui vaut de nombreuses décorations.

En 2015, à la suite de l’attentat perpétré au Radisson Blu, à Bamako, on le charge de la coordination des «opérations spéciales » au sein du ministère de la Défense.

Juste avant le coup d’État d’août 2020, il dirigeait les Forces spéciales dans le centre du pays, là où la guerre contre les jihadistes est devenue le plus dure. « Il est extrêmement respecté car il a combattu sur les terrains les plus périlleux », commente un bon connaisseur des questions militaires maliennes.

Mener des hommes est une chose, diriger un pays en est une autre. Sanglé dans son treillis, Assimi Goïta montre d’abord un visage poli et aimable à une communauté internationale qui n’a pas vu d’un si mauvais œil la chute d’IBK. Cet homme élancé, à la barbe finement taillée, se tient en retrait, au point de parfois déstabiliser ses interlocuteurs. « Lors d’un rendez-vous, alors qu’un diplomate lui avait posé une question, il était resté muet. Son garde du corps s’en était excusé… », rapporte une source.

manif

 

Manifestation contre la France et les sanctions de la Cedeao, à Bamako, le 14 janvier 2022. © Florent Vergnes/AFP

Sous son impulsion, les putschistes semblent conciliants. En septembre 2020, ils font mine de laisser une partie du pouvoir aux civils et nomment Bah N’Daw à la tête de l’État. Un choix qui fait les affaires d’Assimi Goïta : il connaît le vieux colonel-major depuis son enfance et le considère comme un oncle. Goïta devient vice-président, mais, dans l’ombre, il fixe les choix stratégiques. C’est par exemple lui qui décide de l’attribution des portefeuilles ministériels. Et gare à ceux qui ne l’écouteraient pas.

C’EST UN STRATÈGE. IL FIXE SES OBJECTIFS PUIS AVANCE

Le caractère emporté de cet homme à l’apparence posée éclate au grand jour le 24 mai 2021. Alors que Bah N’Daw et Moctar Ouane, le Premier ministre, tentent de marginaliser les putschistes en excluant Sadio Camara et Modibo Koné du gouvernement, Assimi Goïta et ses compagnons reprennent la main. C’est leur deuxième coup d’État.

« Les relations étaient devenues très tendues entre les putschistes et le président Bah N’Daw, qui n’entendait pas se laisser dicter sa conduite par des jeunes », poursuit l’expert militaire précité.

D’autres avancent une explication différente. Les tensions au sein du pouvoir allant croissant, Assimi Goïta aurait destitué Bah N’Daw pour le protéger. Quoi qu’il en soit, l’illusion aura duré à peine le temps d’une grossesse : neuf mois après l’éviction d’IBK, voilà Goïta prêt à assumer l’entièreté du pouvoir.

« C’est un stratège. Il fixe ses objectifs puis avance, fait remarquer une figure politique du M5-RFP. Il a toujours eu un agenda caché. À l’automne 2020, quand il a accepté le poste de vice-président sous la pression des dirigeants de la Cedeao, il avait déjà le 24 mai 2021 en tête. »  

Des généraux-conseillers

Depuis, installé dans le fauteuil présidentiel, Goïta se comporte en maître et ne compte pas ses heures. « Il arrive très tôt au bureau et le quitte très tard, note un ancien collaborateur. Il lit tous les dossiers. » Peu familier des subtilités administratives, il se fait conseiller par des hauts gradés. Le général Yamoussa Camara, qui fut son directeur au Prytanée puis ministre de la Défense sous Sanogo, et le général Ibrahima Dahirou Dembélé, arrêté lors du coup du 18 août 2020, murmurent à son oreille. 

Ce colonel de 38 ans gère Koulouba avec rigueur et discipline. Au palais, le mutisme est de mise. Rien ne filtre. « Plutôt que de parler, Goïta préfère poser des actes concrets », analyse Cheick Oumar Sissoko le leader d’Espoir Mali Kura (EMK)

Les ordres, il les a donnés dès sa prise de fonctions. Dans la nuit du 24 mai, c’est lui qui demande à Sadio Camara et au colonel Abdoulaye Maïga d’aller chercher les leaders du Mouvement du 5-Juin – Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) et de les réunir à Kati. Comme toujours, il s’esquive lors des pourparlers. Mais, comme toujours, il décide.

CONTRAIREMENT À CE QUE TOUT LE MONDE PENSE, GOÏTA EST TRÈS INTELLIGENT. UN VRAI JOUEUR DE POKER

En juin, pour la nomination du Premier ministre, c’est encore lui qui tranche : ce sera Choguel Kokalla Maïga. Il prévient alors le nouveau chef du gouvernement : « Tu n’es pas le choix de tous [les colonels] ». Mais il est le sien. 

« Contrairement à ce que tout le monde pense, Goïta est très intelligent. C’est un véritable joueur de poker », souligne un haut responsable de l’époque de la première transition. C’est encore lui qui a choisi Abdoulaye Diop comme ministre des Affaires étrangères. Maïga, Diop… À eux la lumière, les discours chocs et les bains de foule. Goïta préfère l’ombre, propice à la réflexion stratégique. Et il en faut, quand le combat devient plus âpre…

Avec le second putsch, en effet, la pression et les sanctions se renforcent. En tête des mécontents, la France exige des militaires qu’ils rendent au plus vite le pouvoir. C’est mal évaluer à quel point Goïta y a pris goût. Désormais, lui et ses hommes n’ont qu’un seul credo : ne se faire dicter aucune loi.

 

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À Bamako, le 14 janvier 2022. © Florent Vergnes/AFP

 

Pour être puissant, la technique, apprise sur les bancs du Prytanée, est simple : il suffit de repenser les alliances. Paris est furieux ? Moscou est bienveillant. Assimi Goïta favorise l’accélération du déploiement d’instructeurs russes dans le centre du Mali. Le rapprochement avec la Russie a été orchestré par Sadio Camara. Russophile assumé, le ministre de la Défense, qui a fait l’école de guerre de Moscou, en a été la tête pensante. Au point d’être un président bis, comme beaucoup l’imaginent ? « Camara est un poids lourd du régime, mais la stratégie militaire adoptée par le Mali est complètement assumée par Goïta. Personne ne l’y a contraint », assure un ancien collaborateur de la junte. 

Mercenaires

Hormis au sommet de l’État malien, où l’on dément formellement avoir signé un contrat de quelque nature que ce soit avec une société de sécurité privée russe, nul ne sait combien de ces hommes sont déployés au Mali. Beaucoup les soupçonnent d’être des mercenaires liés à la nébuleuse Wagner. « Le président de la transition n’a rien dit à ce sujet. Toutefois, sur le terrain, on constate que la présence de Wagner est effective », affirme Cheick Oumar Sissoko

Ce simple soupçon suffit à déclencher les foudres de Paris, qui voit dans l’arrivée de ces rivaux à la réputation et aux méthodes controversées (ils sont accusés de violations des droits de l’homme) une menace pour ses intérêts. Après leur mainmise sur la Centrafrique, leur débarquement au Mali est inacceptable pour la France. Florence Parly, la ministre des Armées, proteste. Emmanuel Macron renchérit et menace.

En face, Assimi Goïta ne cède pas. Il laisse ses lieutenants dénoncer le « néocolonialisme » et organiser des manifestations contre la présence française, flatte les sentiments souverainistes d’un peuple usé par une décennie de guerre et gagne en popularité.

« Dans ce contexte, le discours antifrançais fonctionne. Et l’arrivée de nouveaux acteurs [les Russes] est porteuse d’espoir pour certains Maliens », observe un diplomate ouest-africain. L’intransigeance de Goïta fera même avorter le voyage du président français au Mali, à la mi-décembre 2021.

Imprévisible

L’homme fort de Bamako a compris que ce discours populiste le servait. Mais jusqu’à quel point souhaite-t-il changer la donne ? Si certains voient en lui un nouveau Thomas Sankara, lui ne se réclame d’aucune idéologie révolutionnaire.

À son tour, la Cedeao s’est frottée à cet homme imprévisible, se heurtant à la même rugosité et à la même tactique. Quand, le 9 janvier, les poids lourds ouest-africains ont décidé de fermer leurs frontières, de suspendre les transactions commerciales et de geler les avoirs des dirigeants maliens, Bamako s’est tourné vers de nouveaux alliés pour contourner le blocus. La bienveillance des régimes mauritanien et algérien comme celle de Mamadi Doumbouya, « frère de putsch » en Guinée, qui a clamé qu’il laisserait ses frontières ouvertes, suffiront-elles à éviter l’asphyxie ?

« La junte ne pourra pas résister à ces pressions économiques et financières, car elle ne sera plus en mesure de payer les salaires des fonctionnaires, estime un ancien collaborateur d’IBK. Ce n’est pas avec sa popularité ni en mobilisant la rue que Goïta réglera les problèmes du quotidien. Il n’a d’autre choix que de revenir à un calendrier [électoral] raisonnable. »

LES MILITAIRES AFFICHENT UNE UNITÉ DE FAÇADE, MAIS SE MÉFIENT LES UNS DES AUTRES

En coulisses, les canaux de discussions restent ouverts. Le chef de l’État togolais, Faure Essozimna Gnassingbé, qui, au sein de la Cedeao, se montre le plus compréhensif envers la junte, tente discrètement de trouver un terrain d’entente. En contact direct et quasi permanent avec Assimi Goïta, il a fait, en plein blocus et alors qu’il rentrait de Banjul, une escale secrète à Bamako, dans la soirée du 19 janvier, pour s’entretenir avec le président malien.

Tensions internes

En rupture de banc sur la scène internationale, Assimi Goïta doit également jouer serré au sein de son cercle le plus proche. Selon plusieurs observateurs, dix-huit mois après le putsch d’août 2020, l’union des cinq colonels commence à se fissurer. Les anciens conjurés continuent de se réunir chaque jour pour discuter des questions stratégiques et de l’orientation de la transition, mais un climat de défiance s’installe.

La puissance de Sadio Camara, en particulier, fait grincer des dents. La proximité du ministre de la Défense avec Modibo Koné, le patron des services de renseignements, inquiète d’autant plus que Camara contrôle 500 hommes. Goïta, lui, n’en dirigeait que 250 au sein des Forces spéciales. 

Parallèlement, Ismaël Wagué et Malick Diaw ne cachent plus leurs ambitions. Selon certaines sources, ils étaient, au sein de la junte, les plus favorables à une prolongation de la transition. Certains voient même en Diaw le successeur de Goïta.

« Les colonels affichent une unité de façade, analyse un haut cadre à Bamako. Pourtant, ces derniers mois, Goïta a confié la protection de Sadio Camara et de Malick Diaw aux Forces spéciales, son unité d’élite. Cela montre à quel point ils se méfient les uns des autres. »  

À SA PRESTATION DE SERMENT, L’APPARITION DE SA FEMME, COUVERTE DE BIJOUX EN OR, A FAIT JASER

Combien de temps Assimi Goïta peut-il tenir ? Jusqu’où est-il prêt à aller pour rester à la tête du pays ? L’ivresse du pouvoir peut gagner même les plus ascétiques des militaires. En juin 2021, lors de sa prestation de serment en tant que président, l’apparition de sa femme, Lala Diallo, couverte de bijoux en or, a fait jaser. Le colonel passait jusque-là pour un homme au train de vie modeste.

« Dès le début, on a senti qu’il était intéressé par le pouvoir, estime un diplomate onusien qui l’a côtoyé. Il faut reconnaître qu’il ne se débrouille pas trop mal : il a réussi à prendre la tête du coup d’État, puis à s’imposer en en faisant un second. Il doit se sentir investi d’un destin. Même s’il finit par quitter Koulouba sous la pression [internationale], il essaiera d’y revenir par la suite. »