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Covid-19 en Afrique : une carte pour suivre au jour le jour l’avancée de l’épidémie

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 14 décembre 2021 à 08:58
 

 

Séance de vaccination contre le Covid-19 à l’hôpital Mbagathi de Nairobi, au Kenya, le 12 avril. © ROBERT BONET/AFP

 

L’apparition du nouveau variant Omicron va-t-elle provoquer une quatrième vague de contaminations sur le continent ? C’est la crainte qui se répand en ce mois de décembre, même si les analyses restent en cours. A l’échelle africaine, les chiffres de contamination et de décès restent mesurés, malgré un pic net dans la zone australe. Les principaux problèmes sont inchangés : manque de capacité de séquençage pour tracer les variants, et bien sûr manque de vaccins en nombre suffisant.

L’épouvantail de cette fin d’année sur le plan du Covid se nomme Omincron, et il effrai le monde entier. À tort ou à raison ? Trop tôt pour le dire au début du mois de décembre : une semaine après l’identification de la souche par les scientifiques sud-africains, les échantillons restent en test et on ignore si Omincron est réellement plus dangereux, plus contagieux ou plus résistant, et si les déjà fameuses mutations observées sur sa protéine Spike sont vraiment un sujet de préoccupation grave.

Côté chiffres, le bilan est contrasté selon les régions. Si, globalement, l’OMS a constaté une hausse de 54 % du nombre de cas enregistrés durant la dernière semaine de novembre, cette hausse est entièrement due à la zone australe. Cette même semaine, l’Afrique du Sud a enregistré une hausse de 311 % des contaminations, largement concentrée dans la province de Gauteng, où se situent ses deux métropoles les plus peuplées. Dans beaucoup d’autres partis du continent, les chiffres restent stables ou en baisse conformément à ce qui est observé depuis la fin de l’été et de la troisième vague.

Lors de son point hebdomadaire du 2 décembre, le Dr Matshidiso Moeti, qui dirige le bureau Afrique de l’OMS, a précisé que le variant Omicron avait été détecté dans 20 pays à travers le monde, dont quatre pays d’Afrique : Afrique du Sud, Botswana, Nigeria et Ghana. Les deux premiers citant regroupant à eux seuls 62 % du total mondial des contaminations.

Plus largement, les chiffres continuent à susciter certaines interrogations : nombre de médecins estimaient depuis longtemps que le nombre de cas était grandement sous-estimé par les statistiques officielles, et l’OMS a jeté un véritable pavé dans la mare en annonçant mi-octobre que le bilan réel était sans doute sept fois supérieur à ce qui est annoncé, soit à cette date environ 59 millions de cas sur le continent (et un nombre de décès a priori supérieur également, mais pas dans les mêmes proportions). En cause, principalement : le très grand nombre de malades totalement asymptomatiques. Ce qui ne les empêche malheureusement pas d’être contagieux.

DES CAPACITÉS DE SÉQUENÇAGE TRÈS INSUFFISANTES

Du côté de la riposte, on sait maintenant que la lutte contre la pandémie passe par une meilleure identification des variants qui sévissent au sein de chaque communauté, ce qui suppose de procéder à beaucoup plus de séquençages des échantillons prélevés sur les malades. Les capacités techniques permettant de procéder à cette opération sont malheureusement très insuffisantes dans la plupart des pays. L’Afrique ne représente à ce jour que 1 % des opérations de séquençage du Covid réalisées dans le monde. L’OMS a rappelé début décembre que chaque pays du continent devait se fixer pour objectif de réaliser au minimum 75 à 150 analyses par semaine. Certains en sont très loin.

Sur le plan de la vaccination, le bilan reste décevant, même si les chiffres progressent et que la perspective de produire prochainement des sérums en Afrique même, au moins sous licence, semble de moins en moins utopique. Début décembre, 7,5 % seulement de la population du continent, soit 102 millions de personnes, est entièrement vaccinée (contre 3 % deux mois auparavant) et tous les acteurs de terrain témoignent d’une réticence encore forte au sein de nombreuses communautés. On note toutefois de grands écarts entre les pays puisqu’à la fin du mois de septembre, quinze d’entre eux avaient atteint l’objectif fixé par l’OMS au printemps dernier, qui était d’avoir vacciné 10 % de la population.

Parmi les nations affichant les taux d’inoculation les plus élevés : les Seychelles et Maurice (plus de 60 %), le Maroc (48 %), la Tunisie, les Comores et le Cap Vert (plus de 20 %). A l’autres extrémité du spectre, 26 pays ayant reçu des doses de vaccin n’ont entièrement vacciné que 2 % de leur population. L’OMS estiment que les pays précédemment cités (moins les Comores) sont les seuls à avoir une chance d’atteindre l’objectif fixé en mai dernier, qui était d’avoir vacciné 40 % de la population pour la fin de l’année 2021. En matière d’efficacité de la vaccination, les chiffres, on l’a dit, valent ce qu’ils valent, mais certains invitent tout de même à réfléchir : début décembre, les Seychelles et la Somalie affichaient à peu près le même nombre de contamination, soit entre 23 000 et 24 000. Mais les Seychelles, qui ont largement vacciné, n’annonçaient que 127 morts du Covid quand la Somalie en affichait 1 1327.

 

 

Mise à jour quotidiennement, notre carte évolutive dresse un panorama en temps réel de l’état d’avancée de la maladie. Elle se concentre sur trois variables : le nombre de décès, le nombre total de cas déclarés depuis le début de l’épidémie, et le nombre de guérisons recensées. En passant votre souris sur chaque pays, vous pourrez consulter le détail de ces informations par pays, mais aussi les différentes mesures de restriction mises en place.

La couleur de la carte est graduée selon le nombre de décès.

 

Si vous ne parvenez pas à lire la carte : cliquez ici.

Covid : un cluster des présidents ouest-africains dans le sillage de Ramaphosa ?

Mis à jour le 13 décembre 2021 à 16:38
 
Damien Glez
 

Par Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

 

 

Damien Glez © Damien Glez

 

Alors qu’il revenait d’une tournée en Afrique de l’Ouest et que s’ouvrait le sommet de la Cedeao au Nigeria, le président sud-africain a été testé positif au coronavirus. Gare aux cas contacts…

Le Landerneau des chefs d’État atteindra-t-il bientôt la sacro-sainte immunité collective que l’on suppose salvatrice ? Du Français Emmanuel Macron au Brésilien Jair Bolsonaro, des plus prudents au plus covido-sceptiques, le coronavirus ne fait guère de différence entre dirigeants et citoyens lambda. Mais les uns et les autres ne sont pas tous logés à la même enseigne, en matière de conditions de prise en charge. Sur un continent africain un peu lapidairement qualifié d’« épargné », le gratin politique pourrait être plus largement testé positif, après la récente tournée du président sud-africain…

Cluster de luxe ?

Au Nigeria, en Côte d’Ivoire, au Ghana et au Sénégal, Cyril Ramaphosa pourrait avoir été récepteur et/ou vecteur du virus. Testé négatif au Covid-19, comme toute sa délégation, le 8 décembre dernier, au Sénégal puis à son retour à Johannesburg, il a ressenti des symptômes bénins au Cap ce dimanche 12 décembre, après avoir quitté le service commémoratif d’État en l’honneur de l’ancien vice-président Frederik de Klerk.

Après avoir délégué toutes les responsabilités présidentielles au vice-président, David Mabuza, pour l’ensemble de la semaine prochaine, le chef d’État est en auto-isolement dans la capitale sud-africaine, suivi par le service de santé militaire de la Force de défense nationale SANDF).

CRAIGNANT UN EFFET DOMINO, ON TENTE D’ÉVALUER LES TEMPS D’INCUBATION POTENTIELS DE QUELQUES SOMMITÉS AFRICAINES

Craignant un effet domino, les spécialistes de la diplomatie sanitaire font tourner à plein régime les calculettes et les calendriers électroniques, afin d’évaluer les temps d’incubation potentiels de quelques sommités africaines. Car c’est le même 12 décembre – date du test positif de Ramaphosa – que se sont retrouvés nombre de cas contacts du président sud-africain au 60e sommet de la Cedeao. Un sommet dit ordinaire qui pourrait constituer un cluster de luxe.

De l’eau au moulin complotiste

Les paranoïaques observent que Ramaphosa s’est arrêté à Abuja, que son pays est officiellement la nation africaine la plus touchée par les vagues de coronavirus –avec 3,1 millions de cas au compteur, dont plus de 90 000 morts – et que c’est là que la nouvelle forme de Covid-19 – le variant Omicron – a été détectée le mois dernier.

Mais il y a peut-être moins à craindre des hypocondriaques que des sceptiques du vaccin. Alors que la réticence envers les piqûres anti-Covid est annoncée comme persistante en Afrique de l’Ouest, les complotistes auront beau jeu de surligner que le président sud-africain, 69 ans, était entièrement vacciné. Certes, les tenants de la vaccination n’ont jamais affirmé que celle-ci empêchait absolument la transmission, mais les adeptes des fake news ne s’arrêtent pas à de telles nuances.

Eau potentielle à leur moulin approximatif, une étude sud-africaine de l’Institut africain de recherche sur la santé (AHRI), pas encore approuvée par la communauté scientifique et construite sur un échantillon restreint de douze patients, a récemment avancé qu’« Omicron échappe en partie à l’immunité conférée par le vaccin Pfizer ».

Mali : entre Tiébilé Dramé et Choguel Maïga, la fracture Moussa Traoré

Mis à jour le 13 décembre 2021 à 21:42
 


Tiébilé Dramé (g.), fait désormais figure d’opposant principal au Premier ministre Choguel Maïga (d.). © Montage JA : Vincent Fournier pour JA ; Nicolas Réméné pour JA

 

 

Face à un Premier ministre qui revendique sa filiation politique avec Moussa Traoré, l’ancien ministre d’IBK dénonce « l’hégémonie des partisans de la dictature ».

Rares sont ceux qui voyaient Tiébilé Dramé, réputé pour son tempérament calme et posé, endosser le rôle d’« opposant numéro 1 » au Mali. Et pourtant, depuis le début de la deuxième phase de transition, le président du Parti pour la renaissance nationale (Parena) est devenu l’un des adversaires les plus coriaces au gouvernement dirigé par le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga.

Alors que les nombreuses arrestations menées dans le cadre de la lutte anti-corruption – que certains qualifient de « procès politique » – ont muselé une partie de la classe politique, certains de ses ténors, craignant un éventuel retour de flammes judiciaire, se montrent désormais discrets. Mais l’ancien ministre des Affaires étrangères d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) a opté pour la stratégie inverse.

Un Premier ministre « partisan » ?

Ses proches assurent qu’ils ne sont pas opposés, sur le principe, à la transition. Mais le Parena affirme aujourd’hui regretter le chemin pris depuis le début de la « deuxième phase » de ce processus, marquée par l’arrivée de Choguel Maïga à la primature, le 7 juin dernier. « Nous avons toujours plaidé en faveur d’une transition inclusive et apaisée, confie Djiguiba Keïta, secrétaire général du Parena. Malheureusement, après la chute du gouvernement de Moctar Ouane, le Mali a eu affaire à un homme politique et un Premier ministre partisan. »

CHOGUEL ET SES HOMMES SE SONT INSTALLÉS, ONT FAIT DE NOMBREUX DISCOURS. MAIS RIEN DE CONCRET N’A ÉTÉ FAIT

Keïta affirme que son parti avait mis en garde les autorités de la transition, leur enjoignant de « privilégier un Premier ministre neutre, à l’instar de Moctar Ouane ». En vain. « Les acquis que nous avons obtenus sous l’ancien gouvernement, comme la mise en place du Comité d’orientation stratégique [créé pour appuyer la conduite des réformes politiques et institutionnelles prévues par la feuille de route de la transition], ont été supprimés. Choguel et ses hommes se sont installés, ont fait de nombreux discours. Mais finalement, rien de concret n’a été fait », martèle Djiguiba Keïta.

L’héritage de Moussa Traoré

Depuis que Choguel Maïga est aux commandes, Tiébilé Dramé n’hésite pas à employer des mots très durs à l’encontre du gouvernement et de ses alliés politiques. Au point de dresser un parallèle entre les nouveaux maîtres de Bamako et le régime du parti unique sous Moussa Traoré. « Jetant peu à peu les masques et cachant difficilement leur haine de la démocratie et du pluralisme politique, les héritiers du Comité militaire de libération nationale (CMLN) et de l’Union démocratique pour le peuple malien [parti de Moussa Traoré ] que sont Choguel Maïga et Jeamille Bittar ont multiplié les déclarations provocatrices et les attaques frontales contre les acquis démocratiques obtenus de haute lutte », accuse ainsi un communiqué signé par le président du Parena et daté du 22 novembre. Il y dénonce également « l’hégémonie des partisans de la dictature, qui utilisent le pouvoir d’État transitoire pour faire l’apologie du parti unique et menacer les libertés démocratiques. »

L’UN ORGANISAIT DES SIT-IN CONTRE L’ANCIEN PRÉSIDENT, L’AUTRE N’HÉSITE PAS À REVENIR SUR LEURS LIENS

La référence à Moussa Traoré est, pour Tiébilé Dramé, tout sauf anecdotique. Étudiant à Bamako dans les années 1970, ce dernier organisait des grèves et des sit-in avec ses camarades de l’Union nationale des élèves et étudiants du Mali (Uneem) pour combattre le régime. Des actions qui, à l’époque, lui ont valu plusieurs séjours en prison. Son opposition farouche au tombeur de Modibo Keïta le conduira même à prendre le chemin de l’exil, en 1981. Tiébilé Dramé ne rentrera au Mali qu’à la chute de Moussa Traoré, en 1991.

À l’inverse, Choguel Maïga, qui fut membre de l’Union nationale des jeunes du Mali, une organisation fondée par le régime, n’a cessé de se réclamer de l’héritage de l’ancien président. Ses premiers pas sur la scène politique, le Premier ministre malien les a faits à la tête du Mouvement patriotique pour le renouveau (MPR), qu’il a fondé en 1997 et qui voulait porter l’héritage de Moussa Traoré.

Lors du 6e congrès du MPR, à Bamako, ce dimanche 12 décembre, Choguel Maïga n’a pas hésité à revenir sur ses liens avec l’ancien président malien, juste avant de livrer un plaidoyer en faveur d’une forme d’union nationale. « Pour nous, en période de transition, il n’y a ni majorité ni opposition. En cette période, le pays a un objectif à atteindre, assouvir trois besoins : un besoin de sécurité, un besoin de justice, un besoin de réformes politiques et institutionnelles », a lancé le Premier ministre.

Série d’arrestations

Une posture qui est loin de faire l’unanimité. Car, au-delà des positions idéologiques affichées par Choguel Maïga, nombreux sont ceux à l’accuser de s’engager dans une forme de plus en plus prégnante de judiciarisation de la vie politique malienne. Les arrestations récentes de certains des hommes politiques les plus critiques envers le Premier ministre – Issa Kaou Djim, l’ancien 4ème vice-président du Conseil national de transition (CNT), et Oumar Mariko, ancien membre du Mouvement du 5 juin – Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP, dont Choguel fut l’un des principaux cadres), placé sous mandat de dépôt le 8 décembre dernier –, n’ont fait qu’accroître la défiance du Parena à l’égard du Premier ministre.

NOMBREUX SONT CEUX QUI ONT VU LA MAIN DE CHOGUEL DERRIÈRE LES PROBLÈMES JUDICIAIRES DE SES DÉTRACTEURS

« L’affaire Mariko a montré au grand jour le vrai visage de Choguel, estime ainsi Djiguiba Keïta. C’est un élève de la pensée unique, qui essaie aujourd’hui de se venger de l’un des tombeurs de Moussa Traoré. Et c’est inquiétant pour la démocratie. »

Le politologue Boubacar Haïdara, qui évoque un « climat politique délétère », estime lui aussi que « nombreux sont ceux qui ont vu la main de Choguel derrière les problèmes judiciaires de ses détracteurs ». Il estime par ailleurs que, dans les semaines à venir, « Tiébilé ne va pas se taire ». « Ce n’est pas un homme prompt à céder à la peur. Il faut se rappeler aussi que c’est l’une des figures à l’origine de la liberté d’expression au Mali », insiste le chercheur, faisant référence à la création du quotidien Le Républicain, en 1992, l’un des premiers organes de presse libre après les années Moussa Traoré.

Boycott des assises

La bataille qui s’amorce va se mener sur plusieurs fronts. Et d’abord sur celui de l’organisation des Assises nationales voulues par Choguel Maïga, qui ont démarré le 11 décembre après avoir été repoussées à deux reprises. Le parti de Tiébilé Dramé, à l’instar d’autres formations politiques, a décidé de boycotter les rencontres. Parce que « les maux et remèdes du Mali sont déjà connus, tranche Djiguiba Keïta. Cela a été discuté lors du dialogue national inclusif de 2019, qui a réuni toute la classe politique et la société civile ». Et parce que « ces assises sont un argument pour prolonger la transition », ajoute-t-il.

Le Premier ministre, lui, fait fi des critiques, et déroule le chronogramme qu’il s’est fixé. Force est cependant de constater que les rencontres organisées au niveau local ne rencontrent pas encore le succès escompté par le gouvernement.

L’opération séduction menée par le président de la transition Assimi Goïta auprès des acteurs politiques n’a pas suffi pour convaincre les réfractaires à y participer. Et ils sont nombreux : les assises ont en effet été contestées par les signataires de l’accord d’Alger de 2015, à savoir la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), la Plateforme et la Coordination des mouvements de l’inclusivité (CMI). Dans les faits, tous les grands partis politiques ont décidé de pratiquer la politique de la chaise vide, à la notable exception de l’Union pour la république et la démocratie (URD) – membre du M5-RFP – et de l’Alliance pour la démocratie au Mali – Parti africain pour la solidarité et la justice (Adema – PASJ).

La promesse d’Assimi Goïta, faite lors du sommet extraordinaire de la Cedeao de ce dimanche 12 décembre à Abuja, de transmettre un nouveau chronogramme au plus tard au 31 janvier 2022 suffira-t-elle à calmer cette colère des partis politiques ? Rien n’est moins sûr.

Mali : entre Barkhane et Wagner, la guerre de communication fait rage

Mis à jour le 9 décembre 2021 à 16:51
 
Damien Glez
 

Par Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.


Damien Glez © Damien Glez

 

Le groupe russe Wagner mènerait une bataille de com’ sur les réseaux sociaux, flirtant avec la désinformation. Sur des médias maliens plus traditionnels, l’opération Barkhane y va aussi de ses spots publicitaires…

Au Mali, comme dans d’autres pays africains en mal de sécurité, grincent les dents des antennes militaires des chancelleries dès qu’est prononcé « Wagner », le nom du groupe paramilitaire russe. Question de principe d’abord : comment combiner, sur un théâtre d’opération, une coopération militaire publique jaugée par des contribuables européens, via leurs élus, et le concept commercial de mercenariat exonéré de considérations politiques ?

Désinformation

Au-delà du principe, ensuite, les Nations unies mettent à l’index les agissements de la société de sécurité privée présentée comme étroitement liée au locataire du Kremlin. Le 27 octobre dernier, un groupe d’experts de l’ONU appelait le gouvernement centrafricain à « mettre fin à toutes relations » avec les paramilitaires russes accusés de harceler et d’intimider « violemment » des civils.

« Niet » à Wagner, a tranché la ministre française des Armées, Florence Parly, dans un entretien accordé à Jeune Afrique le 26 novembre, en évoquant précisément le cas malien. Selon elle, la présence du groupe au Mali serait « inacceptable ». Et une dimension non négligeable du débat se fait jour : celle de la communication, qui va d’opérations de séduction à des campagnes déceptives, voire à la diffusion de fake news. Sans mettre formellement les acteurs russes à l’index, la ministre a ainsi attribué le blocage d’un convoi de l’armée française à « une action de désinformation plus large dont l’objectif est assez simple : faire partir la communauté internationale des pays concernés ».

QUI CONQUERRA LES CŒURS MALIENS ?

Compétiteur en Afrique, le groupe Wagner l’est assurément. Hyperactif sur le terrain de la com’ aussi, si l’on en croit un article du quotidien français Le Figaro. Depuis la Russie, cette « armée de l’ombre », qui ne veut ni confirmer ni infirmer un déploiement au Mali, contournerait la modération des réseaux sociaux en associant des légendes codifiées à des clichés de contextes militaires explicites – des uniformes maliens y sont reconnaissables. Le mot « orchestre », par exemple, ferait référence à une escouade constituée, tandis qu’« instrument de musique » désignerait une arme et « symphonie » une opération en cours. Telegram, Twitter et TikTok seraient le terrain de jeu favori de Wagner. Les groupes d’internautes antifrançais leurs alliés objectifs…

Sans doute percluse de scrupules à l’idée d’emprunter les biais communicationnels, la France déploie, dans cette lutte informationnelle, des spots publicitaires qui expliquent que l’opération Barkhane n’abandonne pas le Mali « en plein vol », comme le suggérait le Premier ministre malien, Choguel Maïga.

Sur les seize panneaux numériques de carrefours fréquentés et sur les antennes des chaînes de la ORTM, de Joliba TV et de Renouveau TV, un petit film montre, depuis octobre, des soldats et des blindés qui illustrent l’énigmatique message « Barkhane se transforme ». Qui conquerra les cœurs maliens ?

Niger: état des lieux sévère de Michelle Bachelet, Haute commissaire des Nations unies aux droits humains

 

L’ancienne présidente du Chili, Michelle Bachelet, Haute commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, terminait ce samedi sa visite de trois jours au Niger. Plusieurs rencontres avec les responsables du pays étaient à son agenda ; elle a également eu des entretiens avec des acteurs de la société civile travaillant sur des questions liées aux droits humains ou aux droits des femmes. Elle a aussi rencontré des officiers de haut niveau des forces conjointes du G5 Sahel.

Avec notre correspondant à NiameyMoussa Kaka

Dans sa conférence de presse, Michelle Bachelet a brossé une situation peu reluisante de la situation au Niger, avec des défis sur de nombreux fronts. Un pays classé dernier du monde, selon l’indice de développement humain des Nations unies. Plus de dix millions de personnes vivent dans une extrême pauvreté et 3,8 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire.

 
Selon la Haute commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, depuis 2015 on observe une grave détérioration de la situation sécuritaire et humanitaire, du fait de l’infiltration au Niger de groupes armés non étatiques et d’autres acteurs violents en provenance des pays voisins. Ces groupes armés se seraient, selon elle, livrés à des exactions sommaires, des extorsions, des enlèvements et des pillages.

La confiance entre les forces de sécuritaire et la population est essentielle. Il faut que les militaires restent les plus grands protecteurs pour les droits de l’homme, a-t-elle souligné. Michelle Bachelet s’est dit préoccupée par le fait que les enquêtes sur les massacres d'Inates semblent être aux arrêts. En 2020, six fosses communes contenant 71 corps, des victimes d’exactions sommaires ont été découvertes. Dans son rapport de septembre 2020, la CNDH (Commission nationale nigérienne des droits humains) avait mis en cause des soldats «incontrôlés» dans ces tueries. Michelle Bachelet exhorte le gouvernement nigérien à accélérer les enquêtes.

 

 inates 

Inates, dans l'ouest du Niger
 RFI

 

Enfin, concernant les groupes d’autodéfense, Michelle Bachelet exhorte le gouvernement nigérien à prendre des mesures pour décourager leur formation, notamment en renforçant la présence de l’État dans le Nord du pays, les régions de Tillabéri -où plus de 60 villageois ont été assassinés début novembre dans une attaque- et Tahoua.

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