Vu au Sud - Vu du Sud

Nigeria-Maroc : un gazoduc à l’ambition royale, mais non sans défis

Mis à jour le 9 février 2022 à 15:24
 

 

 

Maikanti Kacalla Baru, président-directeur général de la Nigerian National Oil Company (G), et la directrice générale marocaine de l’Office national des hydrocarbures et des mines Amina Benkhadra signent les documents de l’accord de coopération du projet de gazoduc Nigeria-Maroc, qui reliera les deux nations ainsi que certains autres pays africains à l’Europe, au Palais du roi à Rabat, au Maroc, le 15 mai 2017. © Youssef Boudlal/Reuters

 

Le projet gazolier reliant les deux pays surmontera-t-il un jour les obstacles logistiques, financiers et diplomatiques ? Rabat semble davantage investi qu’Abuja, qui paraît avoir d’autres priorités, notamment l’expansion de son complexe de gaz naturel liquéfié.

Lorsque le roi Mohammed VI a rendu visite au président Muhammadu Buhari en décembre 2016, les deux hommes ont convenu d’un projet grandiose visant à acheminer le gaz nigérian vers le nord. Les responsables marocains ont tenu à évoquer les perspectives de cette « autoroute » gazière reliant 11 pays, qui s’alimenteraient et s’approvisionneraient en gaz en cours de route.
En dépit d’un scepticisme considérable, le projet de gazoduc Nigeria-Maroc (NMGP) a bien progressé.

La Banque islamique de développement (BIsD) a apporté son appui à deux nouveaux contrats autour de ce projet. L’institution, dont le siège est en Arabie saoudite, avait déjà engagé 15,5 millions de dollars pour des études de conception technique préliminaires, à la mi-2021. Selon certaines estimations initiales publiées dans les médias, le projet pourrait coûter 25 milliards de dollars.

Alternatives au gaz algérien

Sur le plan politique, la décision de l’Algérie de cesser d’envoyer son gaz par le gazoduc Maghreb-Europe (GME) a renforcé la volonté du Maroc d’explorer d’autres options d’approvisionnement. Le GME relie Hassi R’Mel, en Algérie, à l’Espagne via le détroit de Gibraltar, en passant par le Maroc, où le gaz importé alimente la centrale à cycle combiné de Tahaddart (384 MW).

Le Maroc peut pour l’instant survivre sans le gaz de la GME, notamment grâce à ses centrales au charbon, ainsi qu’à son industrie d’énergies renouvelables en plein essor. Mais à long terme, le pays aura besoin que d’une nouvelle source de production.

 

 gazoduc

                                                       Le projet de gazoduc offshore qui devrait relier le Nigeria au Maroc, puis à l’Europe. © Jeune Afrique

Au Maroc, c’est l’Office national des hydrocarbures et des mines qui dirige le projet NMGP. Ce dernier est conçu pour être déployé en mer depuis l’île de Brass, dans le delta du Niger, et faire le tour l’Afrique de l’Ouest jusqu’au Nord du Maroc, où il serait finalement relié au gazoduc GME, en service. Il passerait par le Bénin, le Togo, le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Liberia, la Sierra Leone, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Gambie, le Sénégal et la Mauritanie.

Selon les experts, les phases initiales du NMGP pourraient consister à étendre le gazoduc ouest-africain (West African Gas Pipeline, WAGP) – actuellement sous-utilisé – à la Côte d’Ivoire, tandis que le Maroc construirait pour sa part un gazoduc intégrant ses provinces du Sud (le Sahara occidental), la Mauritanie et le Sénégal. Le gazoduc pourrait être relié au nouveau champ gazier sénégalo-mauritanien de Grand Tortue Ahmeyim (GTA). Jusqu’à présent, les promoteurs de ce projet ont néanmoins affiché d’autres priorités.

Des doutes partagés

En raison de sa complexité technique et commerciale, le projet NMGP reste un défi de taille. Des doutes persistent également quant à la disponibilité d’une quantité suffisante de gaz naturel en provenance du Nigeria. Abuja a d’autres priorités, notamment l’expansion de son complexe de gaz naturel liquéfié (NLNG). « Donnez-moi les trains de liquéfaction 9 et 10 ! », serait, aux dire d’un conseiller du président Muhammadu Buhari, une complainte régulière du chef de l’État nigérian – le 7e train de liquéfaction de gaz est en construction.

Des doutes similaires ont été exprimés depuis longtemps au sujet d’un projet rival plus ancien, le gazoduc transsaharien (TGSP). Ce gazoduc est censé relier le Nigeria à l’Algérie, alimentant le nord sur sa route le Niger en passant par la côte méditerranéenne. Long de 4 128 km, le TSGP a été imaginé dans les années 1980. Sa mise en œuvre a connu un regain de ferveur pendant la première décennie du mandat du président Abdelaziz Bouteflika, à partir de 1999, qui entretenait des rapports solides avec Olusegun Obasanjo, alors président du Nigeria.

Le TGSP bénéficie du soutien du programme de l’UA pour le développement des infrastructures en Afrique. Cependant, les analystes sur la capacité d’approvisionnement de l’infrastructure en gaz et sur la nécessité d’un projet aussi coûteux.

En octobre, le ministre algérien de l’Énergie et des Mines, Mohamed Arkab, a déclaré qu’Alger « accorde une attention particulière à la concrétisation du projet de gazoduc transsaharien (TSGP), reliant le gaz naturel nigérian à l’Europe via le réseau de gazoduc algérien ». Dans les faits, les retards ont été impressionnants, même par rapport aux habitudes nigérianes. En août, Mohamed Arkab a déclaré à une délégation nigériane en visite qu’Alger espérait qu’Abuja ratifierait bientôt l’accord intergouvernemental du TSGP, signé en juin 2009.

Coopération Sud-Sud

Il ne fait aucun doute que Rabat poursuivra la mise en œuvre du projet de gazoduc Nigeria-Maroc, qui est un élément important de la stratégie de coopération Sud-Sud voulue par le roi Mohammed VI. Les officiels du pays soulignent que NMGP a été aidé par le rapprochement avec le Nigeria et par la bonne alchimie personnelle entre les chefs d’État. Pourtant, le Nigeria reste aligné sur l’Algérie et conserve son soutien diplomatique à l’égard du mouvement indépendantiste du Front Polisario au Sahara occidental. Une situation délicate pour Rabat, qui espérait que le rapprochement Mohammed VI-Muhammadu Buhari amènerait Abuja à rompre avec le Polisario.

Niger : retour à la case départ pour les Rwandais jugés pour génocide

Mis à jour le 9 février 2022 à 00:22
 

 

Mémorial rendant hommage aux personnes massacrées alors qu’elles cherchaient refuge dans l’église catholique de Ntarama, au Rwanda, pendant le généocide des Tutsi, en 1994. © FILE – In this Friday, April 5, 2019 file photo, the names of those who were slaughtered as they sought refuge in the church, many with the same surname indicating a family, are written on a memorial to the thousands who were killed in and around the Catholic church during the 1994 genocide, outside the church in Ntarama, Rwanda. France’s role before and during 1994’s Rwandan genocide was a « monumental failure » that the country must face, the lead author of a sweeping report commissioned by President Emmanuel Macron said, as the country is about to open its archives from this period for the first time to the broader public. © Ben Curtis/AP/SIPA

 

D’abord accueillis par Niamey puis en voie d’expulsion, huit Rwandais, jugés par la justice internationale pour leur rôle dans le génocide de 1994, sont sur le point d’être reconduits vers la Tanzanie.

Le feuilleton touche-t-il enfin à son épilogue ? Depuis le 27 décembre 2021, la situation de huit Rwandais jugés par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) donne lieu à un conflit larvé entre la juridiction internationale, le Niger et le Rwanda. Une affaire qui vient de rebondir.

Après avoir été acquittés ou avoir purgé leur peine, ces hommes avaient, dans un premier temps, été accueillis par la République du Niger en vertu d’un accord signé le 15 novembre 2021 entre ce pays et le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux internationaux sur le Rwanda et l’ex-Yougoslavie.

Crainte pour la sécurité nationale

Pourtant, depuis, ils sont sous la menace d’une mesure d’expulsion, Niamey ayant finalement considéré que leur présence sur le sol nigérien était « de nature à troubler l’ordre public et la sécurité nationale ». Problème : aucune destination ne semble possible pour les « relocaliser » dans un autre État.

Aux États-Unis, au Canada, en Belgique, en France, au Luxembourg, en Angleterre ou aux Pays-Bas – des pays où résident leur famille et où ils souhaiteraient bénéficier d’un permis de séjour ou d’un asile –, ces dignitaires de l’ancien régime rwandais qui a organisé le génocide contre les Tutsi, en 1994, sont en effet considérés comme indésirables. De son côté, le Rwanda se dit prêt à les accueillir. Mais cette option est écartée par les intéressés, qui ne veulent pas courir le risque d’être jugés une seconde fois.

« LE RWANDA AURAIT FAIT PREUVE DE SON « ENGAGEMENT DÉTERMINÉ À CONSENTIR LES EFFORTS NÉCESSAIRES AU RETOUR DE SES RESSORTISSANTS » »

Le 1er février, Kigali a une nouvelle fois défendu cette option. Dans un courrier – que Jeune Afrique a pu consulter – adressé au président du Conseil de sécurité, le Russe Vasily Nebenzya, le ministre rwandais de la Justice, Emmanuel Ugirashebuja, formule un long plaidoyer en faveur d’un retour au Rwanda des huit personnes concernées. Selon le ministre, le Rwanda aurait fait  preuve au cours des dernières années de son « engagement déterminé à consentir les efforts nécessaires en vue de permettre le retour de ses ressortissants dans leur pays, quelle qu’aient pu être les circonstances qui les avaient conduits à le quitter ».  Cela concerne notamment, poursuit-il, les Rwandais « ayant été acquittés ou ayant purgé leur peine” après avoir été accusés de participation dans le génocide de 1994.

Une solution provisoire

Mais au terme d’un long argumentaire, détaillé dans sa décision datée du 7 février, le Mécanisme préfère en revenir au point de départ : « Ordonne au greffier de prendre, séance tenante, toute mesure ou accord requis afin que les personnes qui doivent être relocalisées soient renvoyées vers l’antenne du Mécanisme à Arusha, au moins provisoirement, jusqu’à leur transfert dans un autre État, conformément aux articles 23, 30 et 39 de l’accord conclu ; ordonne au gouvernement du Niger de fournir toute l’assistance nécessaire afin de permettre la mise en œuvre de cette décision », écrit ainsi le juge tanzanien Joseph E. Chiondo Masanche.

Par le passé, des personnalités jugées pour génocide avaient réussi à obtenir un droit de séjour hors de l’Afrique. « Ce fut notamment le cas des généraux Ndindiliyimana [ancien chef de la gendarmerie, condamné en première instance avant d’être acquitté] et Kabiligi [chef des opérations militaires à l’État-major, acquitté par le TPIR] », résume l’avocat canadien de Protais Zigiranyirazo, John Philpot, qui considère que « l’État nigérien a renoncé à ses obligations, tout comme le Mécanisme ».

L'armée malienne se déploie à Farabougou

 

L’armée malienne est entrée en nombre à Farabougou, un village du cercle de Niono, dans le centre du Mali, qui avait défrayé la chronique l’année dernière après avoir été le théâtre d’un accord inédit de cessez-le-feu conclu directement avec les jihadistes.

Mais pendant l’été, le cessez-le-feu a été rompu, engendrant l’arrivée, ce dimanche, d’un important convoi de l’armée malienne.

Une vidéo postée sur les réseaux sociaux montre des camions de l’armée malienne arrivés dans le village de Farabougou, entourés d’enfants criant de joie. De nombreuses sources locales confirment l’arrivée, dimanche après-midi, de plusieurs dizaines de véhicules de l’armée malienne, apportant une cargaison d’aide alimentaire, notamment de céréales.

« C’est un soulagement, une très bonne nouvelle. Maintenant ils doivent tout faire pour que nous retrouvions notre liberté de mouvement », témoigne un habitant. Ces derniers mois, les jihadistes de la Katiba Macina ont notamment brûlé les récoltes des champs alentours et attaqué des véhicules civils. Au mois de mars dernier, un accord de cessez-le-feu avait été conclu lorsque le village était encerclé par les jihadistes de la Katiba Macina, affiliée au Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (Jnim) lié à Aqmi.

Objectif « humanitaire et opérationnel »

Aujourd’hui, des militaires sont en poste dans le village pour le sécuriser. Des vivres sont régulièrement livrés par voie aérienne. Cette fois, ils sont arrivés en même temps que la relève et de façon massive. Pour des raisons de sécurité, la direction de la communication de l’armée malienne ne communique aucun détail sur les effectifs ni sur la durée de l’opération, mais précise qu’elle a commencé jeudi dernier, avec un double objectif « humanitaire et opérationnel ». 

Depuis le mois de décembre, les Fama ont lancé de nombreuses offensives sur plusieurs fronts, y compris dans le cercle de Niono, où se trouve Farabougou. Aucun bilan spécifique pour ce secteur n'est disponible mais l’armée malienne revendique, dans des communiqués publiés ces derniers jours, des dizaines de terroristes tués ou interpelés et du matériel - armes et véhicules notamment – saisi.

Plusieurs sources locales rapportent cependant des destructions et des actes de pillage dans des villages peuls proches de Farabougou, régulièrement accusés de collusion avec les jihadistes. De nombreuses familles ont déjà quitté les lieux pour se réfugier en brousse ou dans des localités plus éloignées, voire même en Mauritanie.

Les forces Barkhane et Takuba pourraient totalement quitter le Mali

 

Alors que les tensions s’exacerbent entre le Mali et ses partenaires français et européens, une vaste concertation est en cours. Paris et les contributeurs européens de Takuba envisagent de plus en plus sérieusement de se retirer totalement du Mali. L’Élysée a donné quelques précisions à certains médias français. 

« D’ici deux à trois semaines », c’est l’échéance indiquée par l’Élysée pour l’annonce d’une décision, dont le principe semble presque déjà acté : « Là où les conditions ne sont pas réunies, il ne faut pas rester », explique un diplomate cité dans la presse française.

Après l’expulsion des soldats danois de la force Takuba et celle de l’ambassadeur de France ou encore les propos acerbes des dirigeants politiques maliens, français et européens par médias interposés, sans parler des accusations réciproques de mensonge autour de la présence de miliciens russes du groupe Wagner, la tension n’a jamais été aussi forte entre Bamako, Paris et les autres partenaires militaires européens qui interviennent dans le pays.

Vers un repli dans les pays voisins ?

Actuellement, un retrait total du Mali de la force française Barkhane et de la force européenne Takuba est donc sur la table. Les soldats actuellement basés à Ménaka, Gossi, ou encore Gao, la principale base française au Mali, pourraient se replier dans les pays voisins. 

Dans ce cas, le Niger est fortement sollicité. La ministre française des Armées, Florence Parly, s’est d’ailleurs rendu à Niamey mercredi soir pour évoquer avec le président Mohamed Bazoum les différentes options envisageables.

La réduction des effectifs au sol et le renforcement des opérations aériennes, notamment à l’aide de drones, font aussi partie des pistes d’adaptation du dispositif de lutte anti-terroriste au Sahel.

Si l’action militaire française, et européenne dans le même mouvement, devrait rester présente au Sahel, elle pourrait également s’étendre à d’autres pays où la menace terroriste progresse. La Côte d’Ivoire, le Togo, le Bénin ou le Sénégal seraient ainsi demandeurs d’un appui supplémentaire, selon les propos tenus par l’Élysée à la presse française.

Toutefois, une autre question cruciale reste à régler, celle du sort des « casques bleus » français et européens engagés au Mali, non pas avec Barkhane et Takuba, mais avec la Minusma, la mission des Nations unies dans le pays.

Côte d’Ivoire : le parti de Gbagbo à l’heure des comptes

Par  - à Abidjan
Mis à jour le 3 février 2022 à 11:06
 

 

Laurent Gbagbo (à gauche), président du Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI) parle à l’hôtel Ivoire lors du congrès du parti le 17 octobre 2021. © OLIVIER

 

Le parti de l’ancien président ivoirien a fêté ses 100 jours. Derrière un discours officiel enthousiaste, la réalité semble plus contrastée.

L’enthousiasme et la ferveur du début se seraient-ils étiolés ? C’est en tout cas dans un style plus sobre et solennel que le plus jeune parti de Côte d’Ivoire, le Parti des peuples africains (PPA-CI), vient de marquer ses cent jours d’existence. Dans un message vidéo de cinq minutes, son président Laurent Gbagbo, récemment remis d’une infection par le Covid-19, s’est adressé à « tous ceux qui ont cru en l’idée, tous ceux qui ont cru dans le combat, tous ceux qui ont cru que ce combat mérite d’être mené et qui sont venus ». Mais combien sont-ils ? Trois mois après le lancement du PPA-CI dans la grande salle des congrès de l’hôtel ivoire d’Abidjan, où des milliers de ses partisans exaltés s’étaient donnés rendez-vous, l’heure est au bilan et au décompte des troupes.

Le parti achève des « tournées d’implantation » dans tout le pays et assure avoir réinvesti partout les structures du Front populaire ivoirien (FPI), la formation que Laurent Gbagbo a cédé à Pascal Affi N’Guessan après plusieurs années de querelles.« Nous nous sommes appuyés sur toutes les structures existantes du FPI. Toutes les fédérations ont suivi le président Laurent Gbagbo, détaille le porte-parole du parti, Justin Koné Katinan. Il n’y a pas eu de désistement, et nous prévoyons même d’en créer de nouvelles dans chacune des sous-préfectures du pays. Nous avons également mis sur pied nos sections et nos comités de base. »

Les militants se seraient « massivement » rapprochés du PPA-CI aux dires de son président exécutif Hubert Oulaye. Le parti « socialiste, panafricaniste et souverainiste » revendiquait déjà 100 000 membres au moment de son lancement et devrait communiquer dans les semaines à venir sur le nombre des nouvelles adhésions, ainsi que sur l’élection de ses représentants. « Nous avons nos anciennes structures et nos anciens militants. Les retours de terrain sont assez bons, l’engouement réel, à la hauteur des attentes des Ivoiriens. Le président Laurent Gbagbo se montre assez optimiste et confiant », poursuit Hubert Oulaye.

Le FPI loin d’être une coquille vide

À Man, dans l’ouest, « l’engouement » des premiers jours semble être rapidement retombé. Les militants du FPI, du courant « Gbagbo ou rien », ont choisi de ne pas suivre le mouvement. Ils évoquent leur « désillusion » et leur « déception » ne pas être suffisamment pris en compte depuis le retour de l’ancien président en Côte d’Ivoire, eux qui ont dormi « à la belle étoile » le jour du congrès constitutif, rapporte la presse nationale. Si le FPI « légal » de Pascal Affi N’Guessan confirme que ces militants ont préféré rester dans ses rangs, le PPA-CI n’a pas souhaité faire de commentaire. « Le parti se heurte naturellement aux réalités du terrain », constate le chercheur en sciences politiques attaché au Centre de recherche et d’action pour la paix (Cerap), Arsène Brice Bado.

Pascal Affi N’Guessan, qui a hérité d’une « enveloppe vide » d’après Laurent Gbagbo, récuse avoir subi une « saignée ». « Au contraire, nos rangs grossissent, le parti grandit », a-t-il affirmé lors d’un congrès fin janvier, estimant avoir « fait échec au projet machiavélique de réduire le parti à une coquille vide ».

S’il apparait encore difficile de mesurer l’impact réel du morcellement de la gauche ivoirienne, « de toute évidence, cela fragilise le PPA-CI et l’affaiblit », estime Arsène Brice Bado. « Certains cadres du FPI sont mal à l’aise avec cette situation, en particulier ceux qui ont travaillé longtemps avec Pascal Affi N’Guessan lorsque Laurent Gbagbo était jugé par la Cour pénale internationale. Ils préfèrent aujourd’hui rester en retrait plutôt que prendre position. Le sentiment de malaise est réel. »

Au PPA-CI, les défections de certains cadres au profit de Pascal Affi N’Guessan ou de l’ancienne première dame, Simone Gbagbo, qui a lancé son propre mouvement politique, sont considérées comme un non-évènement. « Par principe, je ne parle pas d’une organisation qui n’est plus la mienne. Ce n’est pas notre affaire. Nous avons notre parti et nous ne cherchons pas à savoir ce qu’il se passe ailleurs », se contente de répondre Justin Koné Katinan. Circulez, il n’y a rien à voir.

« Le PPA-CI résiste très bien à tous ces départs. Laurent Gbagbo demeure seul maitre à bord, la plupart des militants lui restent fidèles et 18  députés à l’Assemblée lui sont favorables », rappelle de son côté le chercheur et historien Arthur Banga.

Objectif 2025

La « jeune » formation politique se prépare aux élections locales de 2023 sans perdre de vue son principal objectif : la prochaine présidentielle. « En 2025, notre champion, c’est le président Laurent Gbagbo », martèle son entourage, malgré la condamnation de l’ancien chef de l’État à vingt ans de prison dans l’affaire dite du « braquage de la BCEAO » (l’Agence nationale de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest) et l’absence de reconnaissance légale du PPA-CI – elle est toujours « en cours ».

« Laurent Gbagbo est un homme toujours déterminé, bien assis sur ses convictions et sa vision, insiste Hubert Oulaye. Évidemment, vous ne le ferez pas courir de meeting en meeting, une tâche désormais dévolue à la jeunesse du parti. Il a quand même passé dix ans enfermé, aujourd’hui il a besoin d’un peu de temps pour reprendre son souffle. » C’est pourtant bien lui que la plupart des militants attendent, plus attachés à la figure de l’ancien président qu’aux promesses du PPA-CI.