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Sahel : le contrebandier, le terroriste et le policier

 

Par

Marc-Antoine Pérouse de Montclos est directeur de recherches à l’Institut de recherche pour le développement (IRD, France).

L’Afrique est un continent de contrebandiers. Un récent rapport d’Interpol le montre à sa manière. Son Atlas mondial des flux illicites consacre tout un chapitre au Sahara et nous apprend que les conflits armés sont financés à 28 % par les trafics de drogue, à 26 % par l’extorsion et le pillage, à 3 % par les kidnappings et à 1 % par le recel d’antiquités.

La précision de ces chiffres est d’autant plus extraordinaire que les auteurs du document annoncent d’emblée qu’il n’est pas possible d’établir avec exactitude le montant des revenus des organisations criminelles et des groupes insurrectionnels. De fait, les évaluations d’Interpol sont loin de répondre aux exigences de la science. D’abord, les méthodes de calcul des policiers ne sont guère explicitées. Ensuite, l’autocitation est de mise. Les agents d’Interpol n’utilisent pas de sources contradictoires, et le lecteur est prié de les croire sur parole puisque leurs données sont censées provenir des services de renseignements.

Analyse spéculative

Le raisonnement est pourtant des plus spéculatifs lorsqu’il s’agit d’analyser les trafics au Sahara. Les enquêteurs extrapolent ainsi à l’ensemble de l’hinterland sahélien le cas bien connu de la Guinée-Bissau et de ses connexions maritimes et aériennes avec les cartels de la drogue d’Amérique latine. Dans le même ordre d’idée, ils appliquent un taux de taxation arbitraire de 10 % à 30 % pour estimer le revenu que les groupes criminels et terroristes tirent de la traite des migrants au Sahara.

Selon les analystes d’Interpol, le passage de chaque migrant rapporterait entre 3 000 et 4 500 dollars aux « péages » de Syrte, à l’approche des rivages de la Méditerranée. À raison de 150 000 à 170 000 personnes qui, chaque année, traverseraient le Sahel pour essayer d’atteindre l’Europe, le chiffre d’affaires de cette « industrie » varierait donc de 450 à 765 millions de dollars par an, dont un quart rien qu’en Libye.

Sur la base d’une telle hypothèse, les groupes armés de la région en tireraient un bénéfice annuel allant de 45 à 225 millions de dollars. La mouvance d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), par exemple, gagnerait ainsi jusqu’à 22,5 millions de dollars par an si l’on y ajoute la taxation des trafics de drogue.


>>> A LIRE – Infographie : comment les activités illicites étranglent l’Afrique de l’Ouest


Un manque à gagner pour les gouvernements

Les enquêteurs tentent aussi de convaincre en convoquant l’argument écologique. Selon eux, les crimes environnementaux constitueraient désormais la principale source de financement des groupes insurrectionnels et terroristes, à hauteur de 38 % du total de leurs ressources. Un tel calcul, qui n’inclut pas le coût de la pollution occasionnée par les multinationales, repose sur une estimation des revenus tirés du braconnage, du vol d’hydrocarbures, du pillage des forêts, des trafics de charbon de bois, de la pêche sans licence, du dépôt de produits toxiques et de l’extraction illégale d’or, de diamants ou de minerais dans des pays comme le Nigeria, le Liberia, la RD Congo et la Somalie.

Sans compter le manque à gagner pour les gouvernements concernés, le chiffre d’affaires de ces diverses activités dépasserait ainsi la centaine de milliards de dollars à l’échelle de la planète. De plus, il augmenterait deux à trois fois plus vite que le taux de croissance de l’économie mondiale. Partant, il serait devenu le troisième secteur le plus rentable pour les organisations criminelles, après les trafics de drogue et la contrefaçon, mais avant la traite de migrants et de femmes.

Collusion des autorités étatiques

Face à la concurrence de l’Asie et de l’Amérique latine, l’Afrique ne démérite certes pas en la matière. Politiquement correct, le mélange des genres entre terrorisme et crime environnemental ne doit cependant pas faire illusion. Les divers trafics qui caractérisent les économies africaines posent d’abord la question de la collusion des autorités étatiques. Ils ne sauraient se réduire à un problème de terrorisme ou d’écologie. Il n’aurait pas été inutile à cet égard qu’Interpol s’intéresse aussi aux trafics d’armes ou de drogue générés et gérés par des militaires et des policiers africains…

Tchad : les avocats de l’ex-chef de guerre
Baba Laddé ont demandé sa libération

| Par Jeune Afrique

Les avocats de l'ex-chef de guerre Baba Laddé ont demandé la libération de leur client, en s'appuyant sur la loi d’amnistie signée par le président Idriss Déby Itno.

Depuis près de quatre ans, Baba Laddé, 48 ans, est incarcéré à la prison de Koro-Toro, dans la région de Borkou (Nord). Le 4 octobre, l’ex-chef de guerre tchadien, accusé de « rébellion, assassinat en bande organisée, association de malfaiteurs et vol à main armée », a été renvoyé devant la cour criminelle.

Baba Laddé est-il amnistiable ?

Souffrant, il n’a pu se rendre au tribunal de N’Djamena, ce qui n’a pas empêché ses avocats de demander sa libération, en s’appuyant sur la loi d’amnistie qu’Idriss Déby Itno, le président, avait signée en mai. Djimet Arabi, le ministre de la Justice, estime de son côté que Baba Laddé n’est pas amnistiable puisqu’il est accusé d’assassinat.

Entré en rébellion en 1998 à partir du Soudan, puis réfugié en Centrafrique en 2008, Laddé est rentré par deux fois au pays : en 2013, pour être nommé conseiller du Premier ministre, avant de fuir quelques mois plus tard ; en juillet 2014, pour devenir préfet, avant un nouvel exil en Centrafrique, où des Casques bleus l’ont arrêté en décembre de la même année.

Burkina Faso: quel rôle a joué l'ex-bâtonnier
Mamadou Traoré dans le putsch?

Jenerali Diendéré Gilbert ameshtakiwa kwa "jaribio la usalama wa taifa" na mashtaka mengine kumi.
© AFP PHOTO / AHMED OUOBA

Ce jeudi, c'était le deuxième et dernier jour de comparution de l'ex-bâtonnier de l'ordre des avocats du Burkina Faso dans le cadre du procès des ex-putschistes : maître Mamadou Traoré est accusé de complicité d'attentat à la sûreté de l'Etat, meurtres, coups et blessures.

Pendant le coup d'Etat de septembre 2015 contre le gouvernement de la transition, il été aperçu par plusieurs témoins au camp de l'ex-régiment de sécurité présidentielle durant la nuit. Pour le parquet, l'ex-bâtonnier jouait le rôle de conseiller juridique du présumé commanditaire du coup d'Etat, le général Gilbert Diendéré, alors chef d'état-major particulier et homme de confiance du président de l'époque Blaise Compaoré.

Mais pour les avocats de la défense, leur client était présent au camp à la suite d'une mission du président en exercice de la Cédéao au moment des faits. En effet, les avocats de l'ex-bâtonnier, parmi lesquels ses homologues du Niger et du Cameroun, soulignent que maître Mamadou Traoré était bien au camp de l'ex-régiment de sécurité présidentielle pour porter le message du président sénégalais Macky Sall au général Gilbert Diendéré. Selon les avocats de l'ex-bâtonnier, il y a des contradictions entre les différentes plages horaires durant lesquelles leur client aurait été aperçu au camp des auteurs de l'enlèvement des autorités de la transition. « Les soupçons ne constituent pas des preuves » tranche maitre Moussa Coulibaly.

Mais pour le parquet, il est clair qu'à travers ses actes, l'ex-bâtonnier a aidé et assisté le général Gilbert Diendéré, notamment par sa présence dans la délégation des auteurs présumés du coup d'Etat au cours de la rencontre avec les émissaires de la Cédéao. « Nous ne voulons accabler personne. Ce sont des faits », martèle le parquet militaire, qui maintient que maitre Mamadou Traoré était le « conseiller juridique » du général Gilbert Diendéré.

Il y a eu des échanges houleux entre certains avocats des parties civiles et leur confrère de la défense. Les premiers ayant accusé la défense de tenter de soustraire l'ex-bâtonnier du dossier au nom de la confraternité. Toute chose qui n'a pas été du gout des conseils de Mamadou Traoré.

Niger: une attaque vise un forage minier près de Diffa

La ville frontalière de Diffa, au Niger, se trouve à 7 kilomètres du Nigeria.
© AFP PHOTO / PIUS UTOMI EKPEI

Une attaque a eu lieu, ce jeudi matin, dans l’extrême-sud du Niger, près de la frontière nigériane. Des hommes armés ont pris pour cible une équipe de forage minier, du groupe français Foraco, à Toumur, à l’est de Diffa. Une action imputée au groupe terroriste Boko Haram.

Il était deux heures du matin ce 22 novembre quand le camp de l’équipe de Foraco a été attaqué dans l’enceinte de la mairie de Toumour où ils sont installés. Les techniciens de Foraco étaient rentrés du chantier de forage d'eau pour se reposer à Toumour. Endormis, ils n'ont pas pu se défendre face à la vingtaine d'hommes qui leur ont tiré dessus.

Le bilan est lourd, sept techniciens et un fonctionnaire du ministère de l'Hydraulique ont été tués par les assaillants venus à cheval et cinq autres personnes ont été blessées dont deux graves évacuées vers l'hôpital de Diffa. Foraco se mobilise actuellement pour les évacuer vers la capitale Niamey. Selon le gouverneur de la région de Diffa, Mahamadou Bakabé, les assaillants sont des éléments de Boko Haram, venus du Nigeria tout proche. Le gouverneur affirme également qu'un des assaillants a été tué quand l'équipe chargée de la protection des employés de Foraco a riposté.

Aux alentours de 2h du matin, nos employés ont été réveillés dans la maison où ils se reposaient par un groupe terroriste qui les a attaqués.

Avant de se retirer en direction du Sud, au Nigeria voisin, les éléments de Boko Haram ont emporté deux véhicules pick-up appartenant à la société. L'arrivée des gendarmes sur place a permis de savoir comment un assaillant a été tué dans la contre-offensive et un véhicule enlevé retrouvé calciné au bord du fleuve, ne pouvant traverser à cause de la zone marécageuse.

Cette attaque meurtrière a plongé la société de forage de Diffa dans le désarroi total. Les techniciens de Foraco étaient en train de réaliser deux forages d'eau profonde aux alentours du camp de réfugiés de Toumour lorsqu'ils ont été abattus. Une cellule de soutien psychologique pour les familles a été mise en place. « C’est une équipe de foreurs décapitée », a confié une source proche de Foraco. Au moment de l’attaque, les techniciens étaient sans défense. Et pourtant, d’après une autre source de Foraco, la société avait une escorte d’une quinzaine de gardes, absents au moment des faits.

Zone où règne l’insécurité

Depuis la fin de la saison des pluies, on assiste à une recrudescence de l'insécurité le long de la frontière sud du Niger avec le Nigeria. Hier, des enlèvements contre rançons, désormais, Boko Haram tente d'empêcher le forage pour alimenter les plus de 150 000 réfugiés nigérians présents dans la région.

Depuis le début du conflit de Boko Haram, le village de Toumour accueille plusieurs centaines de réfugiés nigérians qui ont fui les combats. Même affaibli, le groupe jihadiste conserve sa capacité de nuisance dans la zone. A Toumour, l'équipe de forage visée n'était pas là pour sonder les ressources minières. Elle était chargée de creuser des puits pour augmenter la capacité en eau potable.

Avec cette attaque terroriste, les sociétés de forage disent craindre pour leur personnel. La société Foraco est la plus grande structure de forage au Niger. Cette société cotée à la bourse de Toronto est présente dans le pays depuis 2001. C’est le plus grand groupe de forage et de sondage minier en Afrique de l’Ouest.