Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Togo: la colère des évêques et ONG face à la multiplication des arrestations

 

Depuis l’arrestation de plusieurs journalistes togolais puis de l’activiste Fovi Katakou, les réactions s'enchaînent. Partis politiques, organisations de la société civile, tous demandent leur libération. Même la conférence des évêques s'est émue, plaidant la cause de toutes ces personnes.

Avec notre correspondant à Lomé, Peter Sassou Dogbé 

En plus des partis politiques de l’opposition, plusieurs organisations de la société civile ont fait part de leur consternation : le mouvement du 5 octobre par exemple, ou le mouvement Nubuéke, dont est membre Fovi Katakou. Edou Kossi aidait Fovi Katakou dans ses activités. Il se dit sous le choc mais affirme que son organisation ne baissera pas les bras et continuera ses actions de mobilisation.

« Fovi Katakou est handicapé physique. Il ne fait pas de mouvements sans assistance. Quand on dit que ça ne va pas au Togo : regardez le pays dans lequel nous sommes ! Tous les biens publics sont privatisés ! Et on dit qu'il incite le peuple à la révolte... »

Ces arrestations ont suscité le mécontentement. À tel point que même la conférence des évêques du Togo a dû publier une note de plaidoyer. Le père Émile Ségbédji en est le secrétaire général :

« Si les accusations ne sont que d'ordre politique et sociorelationnel, les évêques plaident en faveur de la libération des personnes interpellées. Les évêques sont à la recherche de la préservation de la paix sociale, qui est d'une importance capitale aux yeux des autorités togolaises et des tous. »

Dans une déclaration lue à la télévision nationale dans la soirée du mercredi 15 décembre, le procureur de la république, Mawama Talaka , a précisé que les actes commis par les journalistes écroués ne sont pas du ressort du code la presse et de la communication. Les réseaux sociaux, ajoute-t-il, sont soumis au droit commun.

Quand la Francophonie prend langue avec les forces vives de l’économie

Mis à jour le 15 décembre 2021 à 15:17
 


Affiches
 annonçant le XVe sommet de la Francophonie à Dakar, les 29 et 30 novembre 2014. © Sylvain Cherkaoui pour JA

 

Voilà vingt-cinq ans que l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) veut se lancer sur le terrain de la coopération économique. Une stratégie a vu le jour l’an dernier afin de répondre aux besoins identifiés par les pays membres.

Elle aurait pu tenir la vedette au côté du numérique lors du 18sommet de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), censé se tenir à Djerba les 20 et 21 novembre. L’annulation confirmée du rendez-vous tunisien en a décidé autrement et ce n’est donc pas cette fois encore que l’organisation francophone prendra ouvertement et officiellement le virage de l’économie, pourtant tant souhaité par certains de ses responsables.

À commencer par la secrétaire-générale, Louise Mushikiwabo qui, plus de deux ans après sa prise de fonction, n’a toujours pas pu remettre son rapport de mi-mandat et n’a donc toujours pas eu l’occasion d’imprimer vraiment sa marque de fabrique à la tête de l’institution. Covid oblige.

Une Stratégie économique pour la Francophonie (SEF) existe pourtant, définie en novembre 2020 pour les cinq années suivantes. La demande de la part des pays membres est également bien réelle. À l’heure où les difficultés sanitaires, et donc par extension économiques, imposent aux États de réfléchir à d’autres solutions et à d’autres formes de partenariats, l’espace francophone apparaît comme un outil susceptible de les aider à développer de nouveaux relais de croissance. « L’intérêt est là. Il répond seulement à une logique différente de celle qui prévalait à l’origine de l’OIF, et qui était alors essentiellement liée à des valeurs politiques et culturelles », rappelle Henri Monceau, directeur de la Francophonie économique et numérique au sein de l’organisation, pour justifier un retard certain à l’allumage.

Une priorité avec un historique

Si l’OIF économique peine aujourd’hui encore à devenir une réalité, ce n’est pourtant pas la faute de ses différents secrétaires généraux. Il a en effet fallu attendre le 7sommet organisé à Hanoï en 1997, le premier à voir l’élection d’un secrétaire-général – en l’occurrence l’Égyptien Boutros Boutros-Ghali –, pour voir le dossier se faire une place dans les discussions, sous les aspects de coopération entre pays membres et d’intégration régionale. Un coup d’essai qui doit attendre la nomination du Sénégalais Abdou Diouf en 2002, pour commencer à être transformé. Sous les mandats successifs du deuxième secrétaire-général, l’économie va s’imposer progressivement au rang des priorités de l’organisation.

Le 15sommet de 2014, organisé à Dakar, est un véritable tournant puisqu’il y est acté la nécessité de concevoir une stratégie claire en la matière. En parallèle de l’événement, est aussi organisée la première édition du Forum économique de la Francophonie qui depuis, chaque année, permet aux décideurs politiques de rencontrer les entrepreneurs et les principaux bailleurs de fonds. Comme le sommet, le rendez-vous également prévu à Djerba, a aussi été reporté à l’année prochaine. Les acteurs économiques francophones ont néanmoins pu se voir à Paris le 24 août, lors des Rencontres des entrepreneurs francophones (REF), montées par les organisations patronales du Medef et de l’Utica tunisienne associées. « Ce qui est intéressant dans cette initiative, c’est qu’elle émane du secteur privé et de la société civile. Cette implication nous conforte dans notre propre stratégie », estime Henri Monceau.

LE PARTAGE DU FRANÇAIS PERMET D’AUGMENTER DE 22 % LES ÉCHANGES COMMERCIAUX RÉALISÉS ENTRE PAYS FRANCOPHONES

Face aux défis posés par une mondialisation en mutation, la recherche d’une coopération économique basée davantage sur ce qui unit, comme disposer d’une langue commune, devrait justifier et donc accélérer la concrétisation, à terme, d’une économie francophone digne de ce nom. Commandé, également en 2014, par le président François Hollande, le rapport de Jacques Attali défendait l’idée de la création d’une Union économique francophone intégrée, selon l’exemple du Commonwealth anglophone. Le document n’omettait pas de rappeler aussi la vitalité de l’Afrique, illustrée par les chiffres puisqu’en 2050, près de 600 millions de locuteurs francophones seront Africains, soit 85 % du total mondial.

« L’espace francophone est avant tout un espace linguistique. Dispersé sur les cinq continents et regroupant des pays aux fortes disparités de richesses, ce n’est donc pas une zone économique homogène, tempère le directeur de la Francophonie économique et numérique. Cela étant dit, le français reste la troisième langue commerciale la plus usitée, derrière l’anglais et le mandarin, et constitue à ce titre un véritable avantage comparatif. » Le rapport Attali constatait déjà à l’époque que les flux commerciaux entre pays francophones avaient mieux résisté à la crise financière de 2008. Selon certaines études de la Banque mondiale, l’Afrique francophone subsaharienne a par exemple enregistré une croissance annuelle moyenne de 5,1 % entre 2012 et 2015, contre 3,7 % pour la partie anglophone du continent. La chercheuse Céline Carrère, après avoir participé à la rédaction du rapport Attali, estime dans son livre, L’impact économique des langues, publié en 2016, que « le partage du français permet d’augmenter de 22 % les échanges commerciaux réalisés entre pays francophones et donc d’accroître de 6 % en moyenne la richesse par habitant de leurs populations respectives ».

Renforcer les liens existants

Plutôt que d’attendre la création hypothétique et « pas forcément souhaitable » selon de nombreux observateurs, d’un marché unique francophone, mieux vaut tabler sur le renforcement des collaborations déjà existantes. D’autant que les enjeux sont énormes dans le contexte actuellement exacerbé de concurrence, qu’ils s’agissent des questions de droit contractuel, de normes juridiques et technologiques ou de dépôts de brevets. Louise Mushikiwabo entend bien, à son tour, apporter son écot pour faire avancer cette coopération intra-francophone et concentrer les moyens. « Ne compter que sept lignes budgétaires là où il y en avait plus d’une centaine auparavant. Arrêter les saupoudrages », résume Henri Monceau. L’OIF veut faire la différence là où elle le peut, « sur l’accès au financement pour les entreprises par la syndication des investisseurs », donne comme exemple Henri Monceau.

L’institution répond également à l’une des principales demandes de ses pays membres, en organisant les premières missions économiques et commerciales à l’intérieur de l’espace francophone. Deux missions sont déjà annoncées pour 2022, l’une au Cambodge et au Vietnam, l’autre en Afrique centrale, au Gabon et au Rwanda. D’autres sont déjà envisagées au Québec et en Grèce. Plus de 500 entreprises, en provenance d’une vingtaine de pays, se sont inscrites pour la mission en Asie du Sud-Est.

« Ce qui confirme bien le besoin de contact affiché aujourd’hui par les entrepreneurs francophones », observe encore le responsable économique et numérique de l’OIF. Le second dossier justement, figure également parmi les grandes préoccupations de l’organisation. « C’est un moment important, confirme Henri Monceau. Quel rôle tiendra l’Afrique, celui d’un acteur du numérique, ou d’un simple marché comme l’Europe ? »

Pour être sûr que le numérique contribue bien au développement du continent africain et pour tirer toutes les leçons du relatif échec européen en matière de souveraineté numérique face aux acteurs en provenance des États-Unis et de Chine, « les deux pôles de la Francophonie que sont l’Europe et l’Afrique doivent échanger pour coordonner leurs efforts et inverser la tendance actuelle », reprend le responsable francophone. Et l’OIF économique et numérique a une belle carte à jouer sur ce dossier. Elle pourrait y gagner un supplément d’âme et de notoriété, auprès de ses propres membres, notamment des pays du Nord, où l’organisation est moins bien identifiée, tout en justifiant très concrètement son existence auprès des Francophones eux-mêmes.


L’économie francophone à l’échelle mondiale en quelques chiffres

  • 275 millions de locuteurs
  • 16 % du PIB mondial
  • 20 % des échanges commerciaux globaux
  • 15 % des investissements directs étrangers (IDE) émis dans le monde
  • 14 % des ressources minières et énergétiques
  • 11 % des terres agricoles

(source OIF)

Burkina Faso : un gouvernement resserré après le départ de plusieurs caciques

Par  - à Ouagadougou
Mis à jour le 14 décembre 2021 à 20:01
 


Lassina Zerbo, Premier ministre du Burkina Faso, ici photographié le 20 juillet 2021. © Russian Foreign Ministry/TASS/Si/SIPA

 

Alpha Barry, Éric Bougouma, Clément Sawadogo… Plusieurs hommes influents et ambitieux quittent le gouvernement. Moins pléthorique, le nouvel exécutif mené par le scientifique Lassina Zerbo aura la lourde tâche de calmer la grogne.

Une équipe resserrée de 26 membres, les départs de certains poids lourds du parti au pouvoir… Moins de trois jours après sa nomination à la primature, Lassina Zerbo a dévoilé la composition du nouveau gouvernement, dans la soirée du 13 décembre. Un nouvel exécutif mis sur pied après une séquence difficile et tendue pour le pouvoir en place. Suite à l’attaque d’Inata, lors de laquelle 53 gendarmes ont été tués, des manifestations ont eu lieu plusieurs jours durant pour protester contre l’inaction du pouvoir face aux groupes terroristes.

Le président Roch Marc Christian Kaboré s’est donc employé à donner des gages. Comme il l’avait promis, la nouvelle équipe est moins importante. Plusieurs caciques, que le président a appelés un par un pour leur faire part de leur limogeage, ont fait les frais de ce remaniement. Parmi eux, deux hommes à qui l’on prêtait des ambitions présidentielles. Éric Bougouma, surnommé « le Bulldozer », quitte le portefeuille des Infrastructures et est remplacé par son secrétaire général, Ollo Franck Kansié. Alpha Barry, est également remercié. C’est Rosine Sori-Coulibaly, une ancienne proche de feu Salif Diallo et ex-ministre de l’Économie, des Finances et du Développement (2016-2019) qui reprend les Affaires étrangères.

Clément Sawadogo, vice-président du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP, au pouvoir) cède sa place à Maxime Lomboza Koné à la tête du ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation. Enfin, Laurence Marshall Ilboudo, autre figure importante de la vie politique, quitte le département de la Femme et de l’Action humanitaire.

Juger sur les actes

« Ma mission est celle dictée par le peuple », a déclaré le nouveau Premier ministre lors de sa première prise de parole, appelant au pardon, à la cohésion et à l’unité. Ce scientifique, bénéficiant de solides réseaux politiques mais pas issu de ce milieu, va tenter d’apaiser la grogne face aux situations sécuritaire et économique qui ne cessent de se dégrader. Peut-il y parvenir ? « Le chef de l’État semble avoir pris la mesure de la crise en se séparant d’anciens compagnons politiques. Les gens vont se dire que l’espoir est permis, et patienter un peu », décrypte sous le couvert de l’anonymat un connaisseur du monde politique burkinabè.

Attendre les actes pour juger, c’est ce qu’accepte le patron de l’opposition. Lui qui avait adressé un ultimatum d’un mois au président burkinabè, désormais dépassé, se dit satisfait. « C’est au pied du mur qu’on reconnaît le maçon », lâche Eddie Komboïgo. Le président du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) voit d’un bon œil le parcours de Lassina Zerbo. « Nous osons espérer qu’il sera à la hauteur des défis et lui souhaitons force et courage », dit-il.

Pour Mahamadou Sawadogo, expert burkinabé en sécurité, la nomination de Lassina Zerbo incarne un choix pertinent pouvant permettre de « bénéficier de son réseau pour obtenir de l’aide militaire et diplomatique ». Beaucoup espèrent que Lassina Zerbo saura mettre à profit ses méthodes et sa rigueur scientifiques pour lutter contre le terrorisme. « Sans connaissance des groupes terroristes et de leur modus vivendi, nous ne pouvons qu’appliquer des réponses inadaptées à la menace », souligne Sawadogo.

Mali : la Cedeao maintient la pression, Bamako sort les muscles

Par  - à Bamako
Mis à jour le 13 décembre 2021 à 12:57
 

 

Des partisans du président de la transition malienne, Assimi Goïta, défilent à Bamako le 7 juin 2021. Photo d’illustration. © ANNIE RISEMBERG/AFP

 

Alors que la Cedeao a décidé dimanche 12 décembre de maintenir l’obligation pour le Mali d’organiser des élections en février, des manifestations ont eu lieu à Bamako durant trois jours d’affilée. Des mobilisations pour soutenir les autorités de la transition et affirmer un certain ras-le-bol à l’égard de la communauté internationale.

Alors qu’à Abuja, les chefs d’État de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) étaient réunis pour statuer sur la situation au Mali, à Bamako, la rue continuait à gronder. Depuis vendredi 10 décembre, le mouvement Yerewolo – Debout sur les remparts avait appelé les Maliens à manifester. « Non aux élections imposées », « Non aux élections précipitées », scandaient les manifestants ce week-end.

Il s’agissait de mettre la pression sur les présidents ouest-africains, mais aussi de protester contre une décision finale que tous avaient anticipé. Malgré la volonté d’Assimi Goïta de reporter les élections, la Cedeao a choisi de camper sur ses positions et d’exiger le maintien de la date du 27 février 2022. « Les chefs d’État, après de longs échanges, ont décidé de maintenir la date du 27 février 2022 pour l’organisation des élections au Mali. Ils ont décidé de l’entrée en vigueur de sanctions additionnelles en janvier 2022 », a fait savoir l’instance régionale dans un communiqué.

Goïta « espoir du Mali »

Une décision qui va à l’encontre de la volonté de certains Bamakois, descendus le clamer dans la rue. Si l’appel à la mobilisation a été beaucoup moins suivi que de récents rassemblements « anti-impérialistes » dont les habitants de la capitale sont désormais coutumiers, la place de l’Indépendance a accueilli quelques centaines de manifestants, venus scander leur soutien au gouvernement en place. Au-dessus d’une foule agitée, flottaient des drapeaux tricolores russes et des pancartes arborant une tête de mort ainsi qu’un message : « À mort la France ».

D’un côté, des slogans encensant Assimi Goïta comme « l’espoir du Mali » et appelant à l’aide la Russie. De l’autre, de vivaces « À bas la France, à bas la Cedeao, à bas la Minusma ». À l’initiative de la mobilisation, Adama « Ben » Diarra, leader du mouvement Yerewolo, membre du Conseil national de transition (CNT), et connu pour être l’un des principaux relais du soft-power russe au Mali. « Le seul ressort que les autorités de Bamako peuvent agiter aujourd’hui face à la communauté internationale, c’est de dire “on a le soutien du peuple”, décrypte Lamine Savané, enseignant-chercheur en sociologie politique à l’université de Ségou. Le timing n’est certainement pas fortuit. »

Dans les jours qui ont précédé les manifestations, les rues de Bamako donnaient déjà le ton du ras-le-bol. « Cela fait huit ans que la force française Barkhane est ici, voyez-vous le moindre changement ? Le seul changement, c’est que la situation sécuritaire s’est propagée », peste Mr Coulibaly, commerçant de Bamako qui prend régulièrement part aux manifestations. Assis à ses côtés, Boubacar Thiam souffle sur les braises chargées de réchauffer le thé. Pour lui aussi, « Barkhane a échoué ». Il croit fermement que la Russie « peut faire mieux » et qu’elle offrira un « partenariat gagnant-gagnant », sans ingérence dans les affaires politiques du pays.

Épreuve de force entre Bamako et la Cedeao

L’épreuve de force entre les manifestants et la communauté internationale est loin d’être terminée. La Cedeao exige que la transition n’excède pas dix-huit mois, malgré les demandes répétées de report d’Assimi Goïta. Le président de transition a tenté des donner des gages à ses homologues ouest-africains. Dans un courrier adressé à l’organisation, dont le contenu a été révélé par l’Agence France-Presse, Assimi Goïta s’est engagé à fournir un chronogramme électoral au plus tard le 31 janvier 2022. Une feuille de route censée être pensée et actée lors des Assises nationales de la refondation, qui se sont ouvertes samedi 11 décembre et qui doivent se tenir jusqu’au 30 décembre.

En guise de réponse, l’instance régionale, soutenue par l’Union européenne, a brandi la menace de nouvelles sanctions. Le 7 novembre, elle imposait déjà une interdiction de voyager et le gel des avoirs financiers de l’ensemble des membres des autorités de la transition, à l’exception du président et du chef de la diplomatie. Des sanctions sur lesquelles l’Union européenne vient de décider de s’aligner.

Procès de l'assassinat de Sankara : un ex-adjoint de Diendéré l'accuse d'être l’un des planificateurs

 
 

À l’époque, Abdrahamane Zetiyenga était l’adjoint du lieutenant Gilbert Dienderé au Conseil de l’entente depuis la prise du pouvoir du capitaine Thomas Sankara et ses camarades en 1983. À la barre ce mercredi 8 décembre, il a accusé le lieutenant Gilbert Dienderé d’être l’un des planificateurs du coup d’État. Il affirme avoir reçu un « émissaire » du général Gilbert Dienderé, lui proposant de faire un « faux témoignage » en sa faveur devant le juge l’instruction.  

Avec notre correspondant à Ouagadougou, Yaya Boudani

Parti au camp d’entraînement commando de Pô pour une formation, il reçoit une lettre manuscrite du capitaine Thomas Sankara. Dans cette lettre le père de la révolution lui explique que la situation qui prévaut au sein des chefs historiques de la révolution.

Craignant un dénouement sanglant de la crise, l’adjudant Abdrahamane Zetiyenga décide de revenir sur Ouagadougou le 10 octobre et rencontre le président Thomas Sankara avec qui il a un échange sur la situation. Sankara lui promet de trouver une solution à la crise.

Abdrahamane Zetiyenga rencontre ensuite le lieutenant Gilbert Diendéré, son chef, pour lui faire part de ses préoccupations, mais ce dernier ne manifeste aucun signe d’inquiétude. « Le 11 octobre 1987 j’ai fait le compte rendu de ma rencontre de la veille avec le président Sankara au lieutenant Diendéré. Il m’a écouté sans rien dire. Et là j’ai commencé à m’inquiéter », relate le témoin.

 

► À lire aussi : Procès de l’assassinat de Sankara: à la barre, le général Diendéré plaide non coupable

Abdrahamane Zetiyenga affirme avoir tenté de trouver une solution à la crise entre les dirigeants de la révolution burkinabè. Il dit avoir proposé alors une rencontre entre les différentes gardes. Et celle-ci a été convoquée par le lieutenant Gilbert Dienderé dans la matinée du 15 octobre. « Tous les gardes du président étaient présents. Mais un seul garde de Blaise Compaoré a participé à la réunion » au cours de laquelle le lieutenant Diendéré n’a pas dit un seul mot, selon le témoin.

« Quelques instants après la réunion, vers 14h, Gilbert Diendéré m’a dit qu’il a reçu un message de catégorie A, sur un projet d’arrestation de Blaise Compaoré et des autres responsables de la révolution à 20h » souligne l’adjudant-chef major Abdrahamane Zetiyenga.

Gilbert Dienderé décide sur le champ, selon le témoin, de faire arrêter Thomas Sankara pour « éviter un bain sang ». Et une vingtaine de minutes après l’entrée du président Sankara au Conseil de l’entente, des coups de feu ont éclaté fait savoir l’adjudant-chef major Abdrahamane Zetiyenga.

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