Vu au Sud - Vu du Sud

Côte d’Ivoire : Yamoussoukro laissera-t-elle une chance à Ouattara ?

| Par - Envoyée spéciale à Yamoussoukro
Mis à jour le 12 octobre 2020 à 17h16
Basilique Notre-Dame-de-la-Paix, à Yamoussoukro

Basilique Notre-Dame-de-la-Paix, à Yamoussoukro © Xinhua/ZUMA/REA

À Yamoussoukro, bastion du PDCI, l’appel à la désobéissance civile lancé par l’opposition trouve un écho certain en amont de la présidentielle du 31 octobre. Mais le pouvoir n’a pas renoncé à séduire cette ville aussi symbolique que métissée.

Du troisième étage de la Fondation Félix Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix, la vue sur Yamoussoukro est imprenable. À l’ouest, la coupole de la majestueuse basilique Notre-Dame-de-la-Paix, réplique plus vaste encore que celle de Saint-Pierre de Rome, baignée par les rayons du soleil. À l’est, on devine les contours de l’hôtel Président et sa tour, qui abrite en son sommet un restaurant panoramique, où les Ivoiriens les plus aisés aiment se retrouver lorsqu’ils sont de passage dans la capitale administrative ivoirienne.

Au pied de la Fondation, monumental édifice qui a nécessité dix ans de travaux et dont le sol est recouvert de marbre importé d’Espagne, du Portugal et de France, les formes géométriques de vastes jardins « à la française » s’étendent sur des centaines de mètres.

C’est ici, au troisième étage, que se trouve le bureau du directeur, Jean-Noël Loucou. La pièce est ornée de portraits de l’ancien président. Dans un coin, un chevalet sur lequel est installé un plan détaillé de la ville de Yamoussoukro telle que l’avait imaginée le père de l’indépendance ivoirienne. « Très peu de choses ont été réalisées depuis sa disparition et ce qu’il a laissé n’a pas été entretenu », regrette Loucou, qui est aussi l’ancien directeur de cabinet d’Henri Konan Bédié.

Sentiment d’abandon

Il cite en exemple le lycée scientifique – « idée de génie que de réunir les meilleurs élèves dans un établissement d’excellence ! » – aujourd’hui dégradé et insalubre. Trente-sept ans après le vote du transfert de capitale d’Abidjan à Yamoussoukro, fief de Félix Houphouët-Boigny qui fit de son village natal le théâtre de ces travaux somptuaires au coût jamais réellement évalué, Jean-Noël Loucou décrit « un sentiment d’abandon qui nourrit la colère des habitants ».

Fin septembre, le chef de l’État, Alassane Ouattara, a inauguré la réhabilitation de quarante-neuf kilomètres de routes, cauchemar des taxis de la ville obligés de slalomer entre des trous béants. Quarante-neuf kilomètres (une centaine d’autres doivent suivre) et une promesse – encore une – de « renaissance » de la capitale. À moins de vingt jours de l’élection présidentielle, et alors que la campagne ne débute officiellement que le 15 octobre, l’opposition a dénoncé une opération séduction visant à s’attirer les faveurs des électeurs de ce bastion du Parti Démocratique de la Côte d’Ivoire (PDCI).

« Les gens n’y croient plus, ou s’ils y croient, le cœur n’y est plus, confie un habitant. Toute action qui concoure au développement de notre ville est accueilli avec beaucoup de joie, mais la question est : pourquoi seulement maintenant ? »

Au bord d’un de ces axes fraîchement rebitumés, dans une pièce de l’Hôtel de ville d’où s’échappe une musique jouée par l’orchestre municipal en pleine répétition, Issiaka Saba parle d’une voix calme et posée. « Mon second mandat se termine, je n’en ferai pas un troisième », précise malicieusement le président de l’Association de la jeunesse communale de Yamoussoukro.

https://www.jeuneafrique.com/wp-content/themes/ja-3.0.x/assets/img/mondial2018/quote-article.png") left top no-repeat;">

ON A ÉTÉ LAISSÉ DE CÔTÉ, ÇA A BEAUCOUP TOUCHÉ LA JEUNESSE »

Après avoir œuvré pour la campagne d’Alassane Ouattara en 2010, Issiaka milite au PDCI. « Il était question d’obtenir une reconnaissance, mais on ne l’a jamais eue. Par contre, des amis malinkés, qui n’avaient pas le même niveau scolaire que certains d’entre nous, ont eu du travail. Cela a été un choix ethnique. On a été laissé de côté, ça a beaucoup touché la jeunesse ».

Le jeune homme assure qu’il manifestera contre le troisième mandat d’Alassane Ouattara : « Descendre dans la rue pacifiquement, c’est un droit. Nous voulons simplement montrer que nous ne sommes pas d’accord. »

Samedi 10 octobre, il se trouvait dans les tribunes du stade Houphouët-Boigny d’Abidjan pour assister au meeting de l’opposition. Il a écouté avec attention les discours de ses leaders et attend désormais les mots d’ordre. « Il faut d’abord préparer les esprits », dit-il. Lors de l’annonce de la candidature du président à un troisième mandat, Yamoussoukro était restée relativement calme, à l’exception de quelques pneus brûlés.

Toujours pas de transfert de capitale

En tournée dans la région des Lacs en 2010, le candidat Ouattara avait promis de venir s’installer à Yamoussoukro dès son élection et de rendre effectif le transfert de capitale. Si des travaux ont été réalisés ou lancés, comme celui du stade qui accueillera dans trois ans les matchs de la Coupe d’Afrique des nations, ceux d’un Institut judiciaire qui aura pour vocation de former les magistrats et ceux d’une vaste zone industrielle, le grand déménagement n’a pas eu lieu. Les ambassades, les ministères, les institutions, tous les lieux de pouvoir et de décision sont restés à Abidjan.

« Finalement, pour l’instant, le transfert de capitale ne se fait que dans mon bâtiment ! », dit en souriant Jean-Noël Loucou. Un des deux amphithéâtres de la Fondation accueille de temps à autre les sénateurs, des bureaux de la présidence de la République se trouvent au quatrième étage et ceux d’Augustin Thiam, gouverneur du district autonome de Yamoussoukro depuis 2011, sont au premier. Le petit-neveu de Félix Houphouët-Boigny a rallié le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, au pouvoir) aux début des années 2000, promettant de faire le lien avec la chefferie baoulé, qui conserve une forte influence sur les électeurs.

« À son arrivée, Alassane Ouattara a été confronté à d’autres urgences, le pays était dans un état lamentable et les priorités ont été modifiées, explique Augustin Thiam. Mais beaucoup de routes ont été construites, notamment l’autoroute qui permet de relier Abidjan à Yamoussoukro en deux heures trente, et des progrès ont été réalisés dans beaucoup de domaines. »

La capitale ivoirienne, qui compterait environ 400 000 habitants, représente un modeste bassin électoral de moins de 100 000 personnes (85 000 en 2018). « Il ne faut pas lui donner plus d’importance qu’elle n’en a », fait remarquer Fréderic Grah Mel, le biographe de référence de Félix Houphouët-Boigny.

Symbole d’une gloire passée

L’enjeu est ailleurs : il est symbolique. On vient ici revendiquer l’héritage d’Houphouët – Henri Konan Bédié a été son ministre et son successeur, et Alassane Ouattara a été son Premier ministre pendant trois ans. « Yamoussoukro reste le lieu du pouvoir houphouëtiste et symbolise la gloire de la Côte d’Ivoire durant cette période. Le fait que le pays n’ait pas connu la stabilité après le départ d’Houphouët-Boigny alimente un discours rêvé et nostalgique autour de sa figure et fait de Yamoussoukro un lieu important dans l’imaginaire collectif et politique », décrypte Rodrigue Koné, sociologue et analyste politique.

https://www.jeuneafrique.com/wp-content/themes/ja-3.0.x/assets/img/mondial2018/quote-article.png") left top no-repeat;">

LA POLITIQUE NE NOUS DIVISE PAS, TOUT LE MONDE SE PARLE ICI »

Référence communautaire pour les Baoulés, Yamoussoukro n’en demeure pas moins très cosmopolite. Beaucoup de Malinkés ont quitté le nord du pays dans les années 1960 pour participer à la construction de la ville et sont restés. D’autres sont arrivés plus tard, pendant la crise postélectorale de 2010-2011, et de nombreux ressortissants des autres pays de la Cedeao y sont également installés. Ensemble, ils représenteraient aujourd’hui la moitié des habitants de la capitale, tandis que les villages alentours demeurent presque exclusivement baoulés.

« Ville de dialogue »

Dans la ville qui a vu se sceller l’alliance entre Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara entre les deux tours de l’élection de 2010, lors d’une cérémonie au domicile d’Houphouët, les liens entre les deux camps ne sont pas rompus. Bien au contraire : « Yamoussoukro a une spécificité, c’est une ville de dialogue. Elle est encore souvent gérée de manière traditionnelle. Même les ressortissants de la Cedeao ont ici leur chefferie. Par exemple, les Togolais ont leur chef et on se parle », affirme Augustin Thiam, aussi chef du canton des Akoué sous le nom de Nanan Boigny N’Dri 3. En 2015, Alassane Ouattara a créé une Chambre des rois et des chefs traditionnels, et ceux-ci jouissent désormais d’un statut officiel et d’une protection de l’État.

Jean Kouacou Gnrangbé Kouadio, maire PDCI de Yamoussoukro depuis 20 ans, le confirme : « La politique ne nous divise pas, tout le monde se parle ici ». C’est lui qui avait mené la campagne de Ouattara à Yamoussoukro en 2010. En 2018, il a été réélu avec plus de 60 % des voix devant le candidat du RHDP. « Yamoussoukro est un village, on se connait, on s’appelle », abonde Yaya Ouattara, le délégué communal du RHDP, qui bat campagne pour Alassane Ouattara. « Pas plus tard qu’hier, j’étais en contact avec le représentant du PDCI. Et s’il doit y avoir des manifestations de l’opposition ici, ce sera dans le calme. Nous n’interviendrons pas. Nous laisserons faire la force républicaine », assure-t-il.

Avec son équipe, il dit avoir réalisé « un travail de fourmi » en vue de la présidentielle du 31 octobre, incitant les sympathisants RHDP à s’inscrire en masse sur les listes électorales. D’après ses chiffres, la commune compterait plus de 30 000 inscrits dont une grande partie, espère-t-il, votera pour le chef de l’État sortant.

Depuis son bureau de la Fondation Félix Houphouët-Boigny, Jean-Noël Loucou ne peut pourtant pas s’empêcher d’être inquiet. « La radicalisation de l’opposition et du pouvoir ainsi que l’absence de dialogue ne laissent rien augurer de bon. Chacun campe sur ses positions et il semble difficile d’inverser la tendance si près de l’élection. »

Covid-19 en Afrique: «Les pays africains ont pris des mesures au bon moment»

Audio 05:03
                                 Le docteur Ngoy Nsenga est responsable du Programme de la réponse aux urgences du bureau Afrique de l’OMS, l’Organisation mondiale de la santé.
                                Le docteur Ngoy Nsenga est responsable du Programme de la réponse aux urgences du bureau Afrique de l’OMS, l’Organisation                                                                          mondiale de la santé. © Dr Ngoy Nsenga
11 mn

Depuis le début de la pandémie du Covid-19, plus de 1,4 million de personnes ont été contaminées sur un continent où aucun pays n'a été épargné. Pourtant, si ce n’est en Afrique du Sud, aucun pays d’Afrique sub-saharienne n’a connu de propagation exponentielle, comme on l’a vu dans le reste du monde. Pourquoi l'Afrique est-elle beaucoup moins impactée que d'autres continents ? Aucune certitude encore mais des pistes de réponses avec le docteur Ngoy Nsenga, responsable du Programme de la réponse aux urgences du bureau Afrique de l’OMS, l’Organisation mondiale de la santé.

RFI : La pandémie du Covid semble évoluer différemment en Afrique subsaharienne que dans le reste du monde. Y-a-t-il des spécificités en Afrique ?

Ngoy Nsenga : Il y a des spécificités, oui. Nous pensons que c’est expliqué en partie par plusieurs facteurs. Et le premier c’est que, les pays africains ont pris des mesures au bon moment, au moment opportun. Cela veut dire, par exemple, au moment où ils n’avaient pas encore de cas ou alors très peu de cas. Donc il n’y avait pas encore une transmission communautaire très élevée. L’autre chose que l’on évoque, c’est que la plupart des pays ont pris des mesures pour justement limiter les contacts entre les milieux urbains et les milieux ruraux, puisque dans la plupart de nos pays la maladie a commencé à se développer d’abord dans les capitales. Donc la maladie ayant commencé dans les villes, n’a pas été disséminée à grande échelle dans les villages et dans les milieux ruraux régulés.

Est-ce que le fait qu’il y ait moins de trafic aérien à l’international a pu jouer ?

À l’international, non, puisque les premiers cas que nous avons reçus étaient des cas importés, donc je ne pense pas que cela ait pu jouer un rôle. C’est vrai qu’il y a eu un retard, si je peux dire. L’Afrique a été parmi les derniers pays à avoir des cas. Mais je pense encore une fois que, c’est aussi dû aux mesures, déjà, que les pays africains avaient prises à ce moment-là.

Au-delà des mesures prises, le docteur sénégalais, Massamba Sassoum Diop, président de SOS Médecins Sénégal, évoque une hypothèse. En mai, juin et septembre, chaque année, circuleraient déjà sur le continent des Coronavirus qui créeraient une forme d’immunité. Qu’en pensez-vous ?

C’est possible qu’il y ait une immunité croisée en Afrique, c’est vraiment possible. Toutefois, ce que je peux dire, c’est que, les Coronavirus -ou la famille des Coronavirus qui est une famille de virus- ne circulent pas seulement en Afrique. Il y a d’autres régions du monde où d’autres Coronavirus circulent. Maintenant, la question, c’est : pourquoi il y aurait immunité croisée en Afrique et pas dans d’autres régions ? Comme je dis, c’est une hypothèse plausible, mais il faut, encore une fois, vérifier toutes ces hypothèses-là par des études scientifiques, pour apporter des preuves.

Une récente étude a évoqué de possibles prédispositions génétiques. Est-ce que cela vous semple crédible ?

Cette hypothèse, aussi, je la mettrais en adéquation avec les données. Quand vous regardez les populations noires en général, et pas seulement en Afrique. Aux États-Unis, par exemple, les populations sont disproportionnellement plus affectées que les autres. On parlait de la génétique, je ne sais pas si la population africaine a une génétique différente de la population noire américaine. Scientifiquement, nous n’avons pas de preuves que la génétique ait pu jouer un rôle. À ce stade, je ne n’ai pas ces preuves-là.

Autre singularité, celle des cas asymptomatiques. En Europe, par exemple, le taux des asymptomatiques se situe entre 40 ou 50%. En Afrique, ce serait beaucoup plus.

Les données que nous avons, montrent généralement que nous sommes autour de 80% des cas asymptomatiques dans notre région. Une des raisons, ce serait que la population, la structure de notre population est jeune et nous savons que les jeunes, généralement, ont tendance à faire une maladie bénigne, souvent asymptomatique ou paucisymptomatique -qui veut dire avec peu de symptômes. Ce serait cela, l’une des hypothèses.

Et est-ce que le virus pourrait avoir d’autres caractéristiques en Afrique ?

Non, pour le moment nous n’avons aucune preuve qu’il y ait eu une mutation ou d’autres caractéristiques du virus dans la région. Nous n’avons aucune preuve de cela.

Finalement, l’OMS avait prédit pour l’Afrique une véritable catastrophe, mais cette catastrophe n’a jamais eu lieu…

Oui, tout à fait. Au début, en voyant ce qui s’est passé dans les pays d’Asie et en Europe, et en tenant compte de certains facteurs de vulnérabilité que l’on connaît en Afrique, tels que la faiblesse des systèmes de santé dans la plupart des pays, la surpopulation dans certains milieux, comme les bidonvilles, on a pensé que l’Afrique aurait surement une épidémie de grande ampleur, avec une transmission communautaire de grande ampleur. Il faut préciser, ici, que cette projection-là s’est basée sur l’hypothèse que les pays ne prennent pas les mesures, hypothèse qu’il n’y a aucune intervention qui est mise en œuvre. Donc c’était beaucoup plus pour éveiller l’attention des pays que, si nous ne prenons pas des mesures, voilà ce qui peut arriver.

Côte d’Ivoire : au cœur de la discrète rencontre entre Tidjane Thiam et Dominique Ouattara 

| Par Jeune Afrique
Tidjane Thiam à Zurich, en février 2019.

Tidjane Thiam à Zurich, en février 2019. © Ennio Leanza/AP/SIPA

Début octobre, la Première dame ivoirienne a rencontré l’ancien patron du Crédit suisse à Paris. Voici ce qu’ils se sont dit. 

Lors de leur tête-à-tête improvisé dans un palace parisien, Dominique Ouattara et Tidjane Thiam ont évoqué l’élection présidentielle du 31 octobre en Côte d’Ivoire. Selon nos informations, l’épouse du chef de l’État Alassane Ouattara (ADO) a tenté de sonder l’ancien banquier sur ses projets, avant de lui demander s’il envisageait de regagner Abidjan.

Très lié à Jean-Luc Bédié

Ce proche d’Henri Konan Bédié (HKB), qu’il appelle affectueusement « tonton », a fait cette année l’acquisition d’une résidence dans le quartier huppé de Beverly Hills, dans la commune de Cocody, mais il se donne du temps pour rentrer en Côte d’Ivoire. Il vit en effet hors de son pays depuis plus de 21 ans. À la fin de leur entretien, l’ancien patron du Crédit suisse et la Première dame ont échangé leurs coordonnées.

Tidjane Thiam, qui entretient par ailleurs des relations délicates avec ADO (leur dernier tête-à-tête formel, en 2000, a été tendu), ne cache plus ses ambitions présidentielles mais il n’est pas candidat cette année. Il avait publiquement fait savoir qu’il était favorable à un report du scrutin du 31 octobre pour « sceller la réconciliation et la paix sociale » dans son pays. Proche du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), fondé par son parent Félix Houphouët-Boigny (sa grand-mère maternelle Aka Amoin Thérèse est la cousine de l’ancien président), Tidjane Thiam s’est rapproché d’Henri Konan Bédié, dont il a été le ministre du Plan (1998-1999), en mai dernier. Il est en outre très proche de Jean-Luc Bédié, le fils aîné d’HKB.

Présidentielle en Côte d’Ivoire : vers un boycott actif de l’opposition ?

RÉSERVÉ AUX ABONNÉS | | Par 
Des partisans du candidat à la présidentielle ivoirienne Kouadio Konan Bertin le 4 octobre 2020 à Abidjan.

L’opposition organise ce samedi 10 octobre un grand meeting à Abidjan. Son but : faire front commun contre la candidature d’Alassane Ouattara. Mais déjà, les stratégies divergent.

À un peu plus de trois semaines de l’échéance, l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire n’a jamais semblé aussi incertaine. Si Kouadio Konan Bertin (KKB) entend toujours être candidat, les participations d’Henri Konan Bédié et de Pascal Affi N’guessan s’inscrivent en pointillé.

Comme le reste de l’opposition, le président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) et celui de l’une des deux branches du Front populaire ivoirien (FPI) exigent toujours en préalable le retrait de la candidature d’Alassane Ouattara à un troisième mandat et la dissolution des institutions impliquées dans le processus électoral – la Commission électorale indépendante (CEI) et le Conseil constitutionnel. Ils souhaitent un report du scrutin et la mise en place d’une transition le temps que le contentieux soit soldé.

Test majeur

Samedi 10 octobre, ils participeront à un meeting qui doit rassembler tous les opposants au chef de l’État au stade Félix-Houphouët-Boigny, à Abidjan. Un événement qui fait figure de test majeur pour une opposition qui peine à mobiliser pour le moment.

Depuis mi-août, des marches sporadiques ont été organisées dans plusieurs localités. Elles ont fait une quinzaine de morts et plusieurs dizaines de blessés. Un nombre importants de militants ont également été arrêtés. Les manifestations sur la voie publique ont depuis été interdites jusqu’au 14 octobre.

Chef de file de l’opposition en sa qualité de doyen et d’ancien chef d’État, Henri Konan Bédié devrait détailler samedi  son mot d’ordre de « désobéissance civile », formulé le 20 septembre. Des appels à la grève dans l’administration ou dans l’enseignement et au blocage de certains axes routiers devraient être lancés.

« Le but est d’empêcher le fonctionnement de l’État partout où nous en avons la capacité et de rendre impossible la tenue du scrutin tant qu’Alassane Ouattara est candidat », explique un proche de Laurent Gbagbo. Une posture qui s’apparente à un boycott actif de l’élection, même si l’opposition se refuse encore à utiliser le terme.

https://www.jeuneafrique.com/wp-content/themes/ja-3.0.x/assets/img/mondial2018/quote-article.png") left top no-repeat;">

HENRI KONAN BÉDIÉ A FAIT LE DEUIL DE SON ÉLECTION

Alors qu’il se disait il y a encore quelques semaines confiant quant à une possible victoire, Henri Konan Bédié a changé de position après l’annonce des candidatures autorisées à concourir, le 14 septembre. « À l’heure actuelle, il a fait le deuil de son élection. Il se bat désormais contre la candidature d’Alassane. Samedi, il va lancer les hostilités », prédit l’un de ses proches.

Le sphinx de Daoukro devrait tenir un discours fort, sans ambiguïté sur son état d’esprit, tout en insistant sur le caractère pacifique qu’il entend donner à ces actions. « Il veut que la désobéissance civile s’inspire de l’action menée par Houphouët Boigny en 1932 pour lutter contre les injustices dont étaient victimes les planteurs de cacao », précise l’un de ses collaborateurs.

Bédié combattif

Henri Konan Bédié, lors du meeting du PDCI à Yamoussoukro, le 12 septembre 2020.https://www.jeuneafrique.com/medias/2020/10/01/sipa_ap22492546_000002-6-300x201.jpg 300w, https://www.jeuneafrique.com/medias/2020/10/01/sipa_ap22492546_000002-6-1024x685.jpg 1024w, https://www.jeuneafrique.com/medias/2020/10/01/sipa_ap22492546_000002-6-768x514.jpg 768w, https://www.jeuneafrique.com/medias/2020/10/01/sipa_ap22492546_000002-6-1536x1027.jpg 1536w, https://www.jeuneafrique.com/medias/2020/10/01/sipa_ap22492546_000002-6-2048x1370.jpg 2048w, https://www.jeuneafrique.com/medias/2020/10/01/sipa_ap22492546_000002-6-600x401.jpg 600w, https://www.jeuneafrique.com/medias/2020/10/01/sipa_ap22492546_000002-6-135x90.jpg 135w, https://www.jeuneafrique.com/medias/2020/10/01/sipa_ap22492546_000002-6-225x150.jpg 225w, https://www.jeuneafrique.com/medias/2020/10/01/sipa_ap22492546_000002-6-96x64.jpg 96w, https://www.jeuneafrique.com/medias/2020/10/01/sipa_ap22492546_000002-6-330x220.jpg 330w, https://www.jeuneafrique.com/medias/2020/10/01/sipa_ap22492546_000002-6-660x440.jpg 660w" sizes="(max-width: 2560px) 100vw, 2560px" style="box-sizing: border-box; border: 0px; vertical-align: middle; display: block; max-width: 100%; height: auto; margin-left: auto; margin-right: auto;">

Devant plusieurs diplomates en poste à Abidjan, Bédié s’est cependant montré plus combatif, évoquant des risques de « guerre civile » si le scrutin se tenait dans ces conditions. « Le ton est monté d’un cran », analyse un fonctionnaire occidental, qui dit tout de même douter de la capacité de l’opposition à tenir sur le long terme.

Si elle entend faire du meeting de samedi une démonstration de force, parviendra-t-elle à maintenir son unité ? Les différentes plateformes de la coalition ont mis en place une structure pour coordonner leur action et leurs principaux leaders (Bédié, Gbagbo et Soro échangent aussi régulièrement), mais certains désaccords subsistent sur la forme que celle-ci doit prendre. « Le PDCI n’a pas la culture de la rue. Ils appellent à manifester mais ne montrent pas l’exemple. Ils délèguent. Ce n’est pas suffisant », déplore un cadre du FPI.

Ces derniers jours, des tensions sont également apparues entre des proches de Guillaume Soro et de Charles Blé Goudé après que ce dernier se soit publiquement montré critique à l’égard de l’ancien président de l’Assemblée nationale.

Soro a enregistré au même moment la défection d’un maillon important de son système : le président du Rassemblement pour la Côte d’Ivoire (Raci), Kanigui Soro, tout juste libéré après dix mois de détention.

Querelles au FPI

Pascal Affi N'guessan, à son domicile d'Abidjan, le 13 septembre 2019.https://www.jeuneafrique.com/medias/2020/09/25/jad20200925-ass-ci-itw-affi-nguessan-300x206.jpg 300w, https://www.jeuneafrique.com/medias/2020/09/25/jad20200925-ass-ci-itw-affi-nguessan-1024x704.jpg 1024w, https://www.jeuneafrique.com/medias/2020/09/25/jad20200925-ass-ci-itw-affi-nguessan-768x528.jpg 768w, https://www.jeuneafrique.com/medias/2020/09/25/jad20200925-ass-ci-itw-affi-nguessan-600x412.jpg 600w" sizes="(max-width: 1080px) 100vw, 1080px" style="box-sizing: border-box; border: 0px; vertical-align: middle; display: block; max-width: 100%; height: auto; margin-left: auto; margin-right: auto;">

De son côté, le FPI demeure soumis à des querelles internes. Si Pascal Affi N’guessan a suivi le mot d’ordre du reste de l’opposition, sa sincérité est remise en question par certains cadres, persuadés qu’il pourrait faire volte-face à la dernière minute.

Ses relations difficiles avec Laurent Gbagbo et ses proches à Abidjan, comme Assoa Adou, posent également problème. Le 20 septembre, l’ancien Premier ministre avait ainsi été tenu à l’écart de la réunion de l’opposition organisée au siège du PDCI. Le 3 octobre, il a participé à un meeting organisé à Abidjan par le Congrès Panafricain pour la justice et l’égalité des peuples (Cojep), le parti de Blé Goudé.

Le cas de Simone Gbagbo continue également de susciter quelques tensions. Alors que l’ancienne première dame multipliait les initiatives personnelles, Laurent Gbagbo a été contraint de monter au créneau. Selon nos informations, il a pris la parole le 15 septembre lors d’un comité central du FPI. Une première depuis son arrestation, le 11 avril 2011.

« Il nous a dit de continuer le combat. Que ce qui se passe en ce moment n’est qu’une étape et que les contradictions internes doivent passer au second plan », raconte un de ses proches. Selon lui, l’ancien président ne compte cependant pas s’exprimer publiquement pour le moment.

Dénominateur commun

« Notre unique dénominateur commun, c’est notre rejet d’Alassane Ouattara, résume un cadre de l’opposition. Nous savons très bien qu’au sein de la coalition, certains seront bientôt nos adversaires. Tout le monde prépare l’après-2020. Soro et Blé Goudé se disputent le leadership générationnel. Simone veut peser dans l’avenir du FPI, soit pour en prendre les rênes, soit pour placer quelqu’un. »

Mali: libération de douze personnalités arrêtées lors du coup d'État

                             L'ancien Premier ministre malien, Boubou Cissé, en mars 2020 à Bamako. (Image d'illustration)
                             L'ancien Premier ministre malien, Boubou Cissé, en mars 2020 à Bamako. (Image d'illustration) MICHELE CATTANI / AFP
Texte par :RFISuivre
3 mn

Les militaires qui ont pris le pouvoir le 18 août au Mali, avant de s'engager dans une transition censée ramener les civils au pouvoir, ont annoncé mercredi la libération des douze personnalités civiles et militaires arrêtées lors de leur coup d'État.

Avec notre correspondant à Bamako, Serge Daniel

Le premier à regagner son domicile était Boubou Cissé, l’ancien Premier ministre malien. Il était plutôt bien portant, selon un témoin. Un autre civil, Moussa Timbiné, ancien président de l’Assemblée nationale arrêté lui aussi depuis le coup d’État du 18 août, a été libéré. C’est plutôt soulagé qu’il est retourné chez lui.

Rester à la disposition de la justice

Côté militaire, parmi les dix hauts gradés qui recouvrent la liberté, les anciens ministres de la Sécurité et de la Défense. Ils sont désormais tous libres de leurs mouvements. Mais un communiqué officiel précise que pour toutes fins utiles, les intéressés restent à la disposition de la justice.

Depuis leurs arrestations extrajudiciaires, des voix de plus en plus nombreuses dont celles d’associations de défense des droits de l’homme s’élevaient pour réclamer leur élargissement.

Le chef de l’État du Ghana, Nana Akufo-Addo, président en exercice de Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) est attendu cette semaine à Bamako. Il devrait, entre autres, féliciter les autorités locales pour ces libérations.

► À lire aussi : Mali: la Cédéao lève les sanctions imposées depuis le coup d’État du 18 août