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Avec son « supercalculateur », le Sénégal veut peser dans la course à l’innovation

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Mis à jour le 20 novembre 2020 à 10h06
JBullSequana X1000, le supercalculateur d'Atos à Diamniadio.

JBullSequana X1000, le supercalculateur d'Atos à Diamniadio. © BullSequana X1000- Supercalculateur installé à Diamniadio au Sénégal © ATOS

 

Après l’Afrique du Sud et la Côte d’Ivoire, le pays dispose désormais d’un ordinateur ultra-puissant. Installé au sein de la Cité du savoir de Diamniadio depuis le mois de février, il doit permettre de produire à domicile des simulations à partir d’importantes masses de data.

« Les épidémiologistes ont bâti un modèle national de gestion de la pandémie, mais avec le supercalculateur, ils auraient pu en faire un pour chacune de nos quatorze régions », explique Abdou Sene, responsable du Pôle d’innovation et de l’expertise pour le développement (Pied) au sein de l’Université virtuelle du Sénégal.

Depuis le mois de février, le pays dispose de cet outil indispensable pour réaliser des simulations complexes, qu’il s’agisse de procédés industriels, de phénomènes climatiques ou de l’évolution d’une situation sanitaire.

« Mon projet le plus cher actuellement est de modéliser le profil hydrologique du Sénégal en intégrant à la fois eaux de surface et eaux souterraines. C’est un outil essentiel pour développer notre agriculture », détaille le mathématicien, qui, au sein du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, a participé au démarrage du projet d’acquisition du supercalculateur.

Livré en kit

Après l’Afrique du Sud en 2016 et la Côte d’Ivoire en 2018, le Sénégal est le troisième pays subsaharien à disposer d’un tel équipement. Il aura fallu cinq ans après les premiers échanges avec le constructeur français Atos pour réceptionner ce bijou technologique.

Livré en kit, au sein de la Cité du savoir de Diamniadio, le supercalculateur occupe désormais trois sortes de gros conteneurs réfrigérés formant un carré de 20 mètres de côté.

À la tête du projet, Seydina Ndiaye, directeur du centre des réseaux et des systèmes d’information au sein du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, assure que toutes les équipes nécessaires à son fonctionnement seront bientôt en place.

Transfert total de compétences

Le contrat de 15 millions d’euros signé avec Atos court sur cinq ans et prévoit un transfert total de compétences aux chercheurs et informaticiens sénégalais. Le supercalculateur de Diamniadio est pour le moment deux fois moins puissant que celui livré en Afrique du Sud, mais sa capacité atteint tout de même 537,6 téraflops, soit 537 600 milliards d’unités de calcul à la seconde.

« Pas la peine d’avoir un cheval de course avant que nous ayons bâti l’écosystème pour en tirer le meilleur profit. Il faut former des ingénieurs et des techniciens pour assurer sa maintenance, et familiariser les chercheurs avec l’informatique développée par Atos, qui est propre à ce type d’équipement », précise Seydina Ndiaye.

Pour y parvenir, ce dernier entend s’appuyer sur les compétences locales, mais aussi mobiliser les Sénégalais de la diaspora, comme Sidy Ndao, professeur à l’Université du Nebraska-Lincoln (UNL) et passé par le célèbre Massachusetts Institute of Technology (MIT), aux États-Unis, ou Moustapha Cissé, responsable du centre de recherche de Google sur l’intelligence artificielle, au Ghana.

Première modélisation

« Nos clients seront les universités, le gouvernement, mais aussi les entreprises qui, aujourd’hui, doivent envoyer leurs données à l’étranger pour pouvoir les traiter. Actuellement, pour connaître l’état de nos réserves en gaz et en pétrole, nous sommes obligés de recourir à des aides extérieures, c’est un comble ! Demain, Sonatel ne sera plus obligé de s’appuyer sur Orange. Les banques et les sociétés de transfert d’argent pourront aussi tirer parti de cet équipement », se réjouit Seydina Ndiaye.

« On ne voulait pas acheter un supercalculateur pour en faire un jouet pour les chercheurs, ajoute-t-il. Ce projet a été pensé pour accompagner notamment l’industrialisation du pays et le développement des usages numériques. »

L’acquisition de ce méga-ordinateur est d’ailleurs entièrement liée au Plan Sénégal émergent (PSE), porté par le président Macky Sall. Ce sont les chercheurs de l’Université virtuelle du Sénégal qui devraient pouvoir en profiter avant les autres. Le premier cas d’usage portera sur la filière rizicole, avec l’objectif de mieux maîtriser l’exploitation des parcelles de la vallée du fleuve Sénégal. L’achèvement de cette première modélisation est attendu pour la fin de 2021.

 

Au pouvoir au Tchad depuis trente ans

Début décembre, cela fera trente ans qu'Idriss Déby Itno est à la tête de l'État tchadien. L'occasion de nous intéresser à cet ancien pilote de l'air devenu maréchal, qui n'a pas encore officialisé sa candidature mais qui paraît bien décidé à briguer un sixième mandat lors de la présidentielle du 11 avril prochain.

Au fil des décennies, il s'est imposé comme un acteur incontournable dans une sous-région chahutée par l'instabilité politique et les problèmes sécuritaires, parvenant à nouer des relations fortes avec la France. L'élection de l'année prochaine aura malgré tout valeur de test, d'autant que l'opposition a multiplié les appels au boycott ces derniers mois. Idriss Déby Itno saura-t-il, cette fois encore, enfiler le costume de « protecteur » de la nation tchadienne ? Réponse à lire dans Jeune Afrique.
 
GRAND FORMAT
Tchad : Idriss Déby Itno, un maréchal en campagne
Par Mathieu Olivier
Premier scrutin depuis la promulgation de la nouvelle Constitution et l’instauration du « régime présidentiel intégral », l’élection à la magistrature suprême aura lieu le 11 avril 2021. Sans surprise, Idriss Déby Itno semble décidé à briguer un sixième mandat.

« Terror belli, decus pacis. » « Terreur de la guerre, honneur de la paix. » Le jeune fils de berger qu’est Idriss Déby Itno (IDI) imaginait-il, alors qu’il obtenait sa licence de pilote au milieu des années 1970, qu’il tiendrait quarante-cinq ans plus tard entre ses mains un bâton de maréchal ?

En ce 11 août, les dignitaires tchadiens sont réunis au Palais de la démocratie de N’Djamena pour sa cérémonie d’élévation, et le chef de l’État inaugure sa tenue d’apparat. Vingt-trois étoiles dorées, comme le nombre de provinces du Tchad, ornent son bâton. Son sabre est frappé de la devise « Pour l’honneur et la fidélité à la patrie ». Le col Mao de sa vareuse est brodé à la main de feuilles de chêne dorées. Autour de lui, les soldats de l’armée sont au garde-à-vous. Idriss Déby Itno sourit. Nulle part ailleurs le président ne se sent plus à l’aise qu’au milieu de ses troupes. Il les a façonnées, vues grandir, en a nommé les officiers.

Au début d’avril, sur les rives du lac Tchad, le chef de l’État, à la tête de ses troupes, a mené une offensive médiatico-militaire contre l’État islamique en Afrique de l’Ouest. Quelques jours plus tôt, le 23 mars, plus de 90 soldats tchadiens avaient été tués dans des affrontements avec ces jihadistes dans la province du Lac. En treillis, accompagné de ses ministres Mahamat Ismaïl Chaïbo et Mahamat Abali Salah, ou de son chef d’état-major, Abakar Abdelkerim Daoud, le président a multiplié les réunions de stratégie et les visites de soutien aux troupes.


Patron de la région

Auprès de lui, deux de ses fils, que le président associe à son pouvoir : Zacharia, ambassadeur aux Émirats arabes unis, et Mahamat Idriss Déby, directeur général des services de sécurité des institutions de l’État (DGSSIE). Militaire dans l’âme, IDI sait que l’armée constitue son atout principal. Depuis le sommet du G5 Sahel de janvier, il n’a fait que réaffirmer son lien avec la France. Il entretient une excellente relation avec le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, qu’il n’hésite pas à présenter comme son frère. Quant à Emmanuel Macron, il sait que N’Djamena est indispensable au Sahel.

« Idriss Déby Itno veut être le véritable patron de la région, explique un diplomate en poste à N’Djamena. Que ce soit à travers l’armée ou à travers des liens familiaux, il veut peser sur toutes les situations de crise de ses voisins. » Au Soudan, IDI est l’un des parrains de l’accord de paix entre Khartoum et les rebelles du Sud, et il a placé l’un de ses hommes de confiance, l’ambassadeur Abdelkerim Koïboro, au plus près des discussions. Ce dernier présente l’avantage d’être marié à la fille de Timan Déby Itno, le frère cadet du président, décédé en mai 2019.

IDI garde aussi un regard attentif sur les prochaines élections présidentielles en Centrafrique et au Niger, où il est proche du candidat Albadé Abouba, qu’il a reçu à N’Djamena le 9 octobre. Quant à la crise en Libye, il la surveille de près.

« La Libye empêche Déby Itno de dormir », expliquait récemment à Jeune Afrique un ancien ministre. Le chef de l’État a un temps misé sur le maréchal Khalifa Haftar, qui s’était engagé à exercer une pression sur les groupes rebelles tchadiens, basés dans le sud de la Libye, mais ce dernier n’a pas réussi à imposer son autorité. Déby a déchanté et ne soutient aujourd’hui le maréchal qu’avec un très faible enthousiasme. Une frontière libyenne mal contrôlée et un Sud libyen en proie aux ingérences étrangères sont pour lui un risque de troubles dans l’ancienne région du Borkou-Ennedi-Tibesti.

Idriss Déby Itno a de grands projets, en particulier pour le Tibesti. Depuis plusieurs années, il compte sur le potentiel minier de cette région pour combler le déficit budgétaire, lié à la chute des revenus pétroliers, et attirer des investisseurs étrangers. Mais un comité d’autodéfense s’y est mis en place et reproche au pouvoir central de vouloir mettre la main sur la manne aurifère. IDI a bien envoyé des émissaires – comme l’ex-président Goukouni Weddeye ou son fils et directeur de cabinet adjoint Abdelkerim Déby Itno (très associé à la gestion de l’État) –, mais le bras de fer se poursuit.

« Il aimerait régler le problème avant les prochaines échéances électorales », explique un proche du palais présidentiel. Le chef de l’État a le regard tourné vers trois scrutins à venir : les élections locales (fin 2021), les législatives (fixées au 24 octobre) et, surtout, la présidentielle, dont le premier tour est annoncé pour le 11 avril prochain.

Au début de novembre, il a organisé le deuxième Forum national inclusif pour faire le bilan de la mise en place de la IVe République – depuis mai 2018 –, même si la rencontre a été boycottée par une partie de l’opposition et par la plus grande centrale syndicale, l’Union des syndicats du Tchad.


Sur la route

Quelques jours plus tard, IDI a reçu le soutien d’une alliance lui demandant d’être candidat à sa succession, comme l’y autorise la Constitution. Regroupant 82 personnalités issues de la société civile et de partis politiques, ce groupe a expliqué, par la voix de son porte-parole, le député Djimet Clément Bagaou, qu’Idriss Déby Itno était « le seul à même de fédérer les Tchadiens et de les conduire vers un avenir meilleur ».

Depuis, le chef de l’État a pris la route. Il a sillonné les provinces du Mayo-Kebbi Est, du Mayo-Kebbi Ouest, du Mandoul et du Moyen-Chari, enchaînant les poses de première pierre et les inaugurations. Un air de précampagne, tandis que le Mouvement patriotique du salut (MPS, au pouvoir) était prié de se mettre en ordre de bataille.

« La tension est montée d’un cran depuis l’organisation du forum, estime un diplomate. Tout le monde a compris que cela lançait la campagne. » Et un autre d’ajouter : « Idriss Déby Itno sait que le contexte sécuritaire et sa relation avec la France le protègent. Mais les élections n’en sont pas moins un test. »

Alors que le forum se déroulait et proposait la création d’un poste de vice-président – très controversée par ses détracteurs, qui craignent que le chef de l’État n’y nomme l’un des siens –, les forces de l’ordre se positionnaient aux abords des sièges de partis et d’associations d’opposition, officiellement pour en « limiter l’accès » en raison de la situation sanitaire liée au Covid-19.

Les opposants Saleh Kebzabo, président de l’Union nationale pour le développement et le renouveau (UNDR), et Mahamat Ahmad Alhabo, leader du Parti pour les libertés et le développement (PLD), ont dénoncé l’encerclement de leur domicile et du siège de leurs partis. « Déby Itno est entré en campagne. Un président au pouvoir qui commence avant tout le monde, c’est un signe de peur et de faiblesse, donc d’échec ! » a réagi Kebzabo.

« Le président est en déplacement, à la rencontre des populations, et nous n’avons même pas le droit de nous réunir alors que nous respectons les gestes barrières », a déploré auprès de Jeune Afrique Succès Masra, le leader du mouvement Les Transformateurs.


« Monarchie républicaine »

Depuis plusieurs mois, les appels au boycott des élections se multiplient du côté de l’opposition. Commission électorale « inféodée » au MPS, absence de dialogue, manque de crédibilité d’un fichier électoral qui vient pourtant d’être révisé… Les accusations ne manquent pas, notamment du côté de l’Union des démocrates pour le développement et le progrès (UDP), de Max Kemkoye, ou du PLD, de Mahamat Ahmad Alhabo. « Les dés sont pipés. Aller à ces scrutins reviendrait à cautionner la monarchie républicaine », tranche un partisan du boycott.

Une situation qui rappelle la présidentielle de 2011, lorsque Saleh Kebzabo, Kamougue Abdelkader et Yorongar Ngarlegy avaient appelé à ne pas participer à la « mascarade électorale ». Mais, en 2016, Saleh Kebzabo et son UNDR avaient changé de stratégie et pris part à la course présidentielle, à l’issue de laquelle Kebzabo était arrivé second, avec 12,80 % des voix.

Pour le moment, l’UNDR n’envisage pas de ne pas participer aux scrutins à venir. Elle réfléchit même à l’éventualité d’une candidature unique de l’opposition pour la présidentielle. « Il faut que toute l’opposition se réunisse et s’entende, explique l’un de ses cadres. C’est la seule façon de peser face aux moyens du MPS. »

En tournée au début du mois de novembre dans le Mayo-Kebbi Ouest – la région d’origine de Saleh Kebzabo –, Idriss Déby Itno est toutefois serein. Face à lui s’agitent les drapeaux bleu, jaune et blanc de son parti. Cette fois, le maréchal n’a pas revêtu sa tenue d’apparat. Il n’a pas non plus emporté avec lui son treillis. En boubou blanc, le chef de l’État vient au contact du « pays profond », insistant sur « la culture du vivre-ensemble et de la fraternité ».

« C’est sa force, conclut un diplomate en poste au Tchad. Il se montre en maréchal et en protecteur face à des menaces extérieures qui, objectivement, ne manquent pas. » Un costume qu’il endosse depuis maintenant trente ans.

Présidentielle au Niger : sa candidature rejetée, que va faire Hama Amadou ?

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Hama Amadou, à Paris, le 15 septembre 2015.

La Cour constitutionnelle du Niger a annoncé vendredi 13 novembre la liste des candidatures validées pour l’élection présidentielle dont le premier tour doit avoir lieu le 27 décembre. Sans surprise, l’opposant Hama Amadou n’y figure pas.

L’issue ne faisait que peu de doutes. Certes, samedi 7 novembre, dans les travées du stade Seyni Kountché de Niamey, alors qu’Hama Amadou tenait un impressionnant meeting, ses partisans faisaient encore mine d’espérer.  Mais cela n’aura pas suffi : sa candidature pour la présidentielle a été rejetée par la Cour constitutionnelle.

« La Cour déclare inéligible à l’élection présidentielle Hama Amadou du Moden Fa Lumana », a annoncé vendredi 13 novembre le président de la Cour, Bouba Mahamane. Celui-ci, qui a fait l’annonce lors d’une audience au siège de son institution à Niamey, n’a pas explicité la raison de ce rejet.

Le couperet de l’article 8

L’explication est cependant connue de tous au Niger. Hama Amadou, ancien Premier ministre et ex-président de l’Assemblée nationale, avait été condamné en 2017 à un an de prison dans une affaire de « supposition d’enfants », dite des « bébés importés ». Une condamnation que l’intéressé a toujours qualifiée de politique.

Si Hama Amadou avait bénéficié en mars d’une grâce présidentielle alors qu’il purgeait sa peine, il n’en restait pas moins, selon la Cour constitutionnelle, concerné par l’article 8 de l’actuel code électoral. Or, celui-ci stipule que toute personne condamnée à au moins un an de prison ne peut être autorisée à se présenter à une élection.

Les avocats d’Hama Amadou ont ces derniers mois tout tenté pour échapper à l’invalidation de la candidature. Ils ont notamment mis en avant le fait que leur client n’aurait pas été déchu de ses droits civils et politiques par la justice. Une partie de l’opposition réclamait quant à elle une modification du code électoral. Mais la majorité présidentielle est restée sourde à leur revendication et la Cour a choisi de rejeter les arguments de l’opposant.

« Une décision politique »

« La Cour n’a fait que lire l’article 8. On ne peut pas modifier ou interpréter une loi en fonction de telle ou telle personne », se réjouit un cadre du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS, au pouvoir). « C’est une décision politique à laquelle nous nous attendions », déplore un proche d’Hama Amadou. « La Cour a prouvé qu’elle n’était pas indépendante et qu’elle était sous l’influence du PNDS », ajoute notre source.

Hama Amadou, qui avait ces dernières semaines débuté une campagne remarquée pour la présidence, n’a pas encore officiellement réagi à son éviction, même si plusieurs faux messages lui étant attribués circulent sur les réseaux sociaux. Selon nos informations, l’ancien Premier ministre a quitté le Niger pour le Nigeria dans la matinée du vendredi 13 novembre, avant même la décision de la Cour.

Quid de la suite ?

Trente candidatures validées

Ce même 13 novembre, la Cour constitutionnelle a également rejeté onze autres candidats, lesquels n’avaient pour la plupart pas pu prouver le bon versement de la caution de 25 millions de francs CFA requise pour chaque dossier. La Cour a en revanche validé trente candidatures.

L’ancien ministre de l’Intérieur Mohamed Bazoum (PNDS) – dont l’éligibilité était contestée par ses adversaires au motif qu’il ne pourrait pas prouver être né au Niger de parents nigériens – fait figure de favori. Salou Djibo, Seïni Oumarou, Mahamane Ousmane, Ibrahim Yacouba et Albadé Abouba seront ses principaux concurrents.

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La liste complète des candidatures :

M. Abdallah Souleymane, du parti « Niger En Avant » (NIGERENA) ;
M. Abdoul Kadri Oumarou Alfa, du Groupement GAYYA ZABBE ;
M. Albadé Abouba, du Mouvement Patriotique pour la République (MPR-Jamhuriya) ;
M. Amadou Boubacar Cissé, de l’Union pour la Démocratie et la République (UDR TABBAT) ;
M. Amadou Issoufou Saïdou, Candidat Indépendant ;
M. Amadou Ousmane, du parti ADEN Karkara ;
M. Djibril Baré Maïnassara, de l’Union des Forces Populaires pour la Démocratie et le Progrès (UDFP SAWABA) ;
M. Hamidou Mamadou Abdou, du Rassemblement National Africain (RANAA) ;
M. Hassane Barazé Moussa, de l’Alliance Nigérienne pour la Démocratie et le Progrès (ANDP-Zaman Lahiya);
M. Ibrahim Gado, du Conseil Républicain pour le Progrès et la Démocratie (CRPD-SULHU) ;
M. Ibrahim Yacouba, du Mouvement Patriotique Nigérien (MPN Kishin Kassa) ;
M. Idi Ango Ousmane, de l’Alliance pour la Démocratie et la République (ADR-Mahita) ;
M. Idrissa Issoufou, du Mouvement Citoyen pour le Développement (MCD, Jarumin Talakawa) ;
M. Intinicar Alhassane, du Parti Nigérien pour la Paix et le Développement (PNPD AKAL KASSA)
M. Ismael Oumarou Idé, du FANN-Niger Kama Kanka
M. Kané Kadaouré Habibou, de Synergie des Démocrates pour la République (SDR-Sabuwa) ;
M. Mahaman Hamissou Moumouni, du Parti pour la Justice et le Développement (PJD-Hakika);
M. Mahamane Ousmane, du Renouveau Démocratique et Républicain (RDR Tchanji) ;
M. Mamadou Doulla Talata, de RSP A’Adili ;
M. Bazoum Mohamed, du Parti Nigérien pour la Démocratie et le Socialisme (PNDS Tarayya);
M. Mounkaila Issa, du Rassemblement Nigérien pour la Démocratie et la Paix (RNDP- Aneima Bani zoumbou) ;
M. Moustapha Mamadou Moustapha, de PRPN Haskin Gari ;
M. Nayoussa Nassirou, de CDPS Cigaban Kassa ;
M. Omar Hamidou Tchiana, de l’Alliance des Mouvements pour l’Emergence du Niger (AMEN-AMIN);
M. Oumarou Abdourahamane, de l’UNPP Incin Africa ;
M. Oumarou Malam Alma, du Rassemblement pour la Paix et le Progrès (RPP-Farilla) ;
M. Sagbo Adolphe, de PS Imani ;
M. Salou Djibo, du parti “Paix, Justice, Progrès (PJP-Génération Doubara)
M. Seini Oumarou, du Mouvement National pour la Société de Développement (MNSD-Nassara) ;
M. Souleymane Garba, de PNC Mulura.

[Édito] Ouattara, Bédié, Gbagbo, Affi, Soro… L’improbable (mais indispensable) dialogue

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Mis à jour le 12 novembre 2020 à 10h33

 

Par  Marwane Ben Yahmed

Directeur de publication de Jeune Afrique.

(@marwaneBY)

Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié, à l’issue de leur rencontre du 11 novembre 2020 à l’hôtel du Golf.

Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié, à l’issue de leur rencontre du 11 novembre 2020 à l’hôtel du Golf. © REUTERS/Luc Gnago

 

Alors que l’opposition conteste la victoire d’Alassane Ouattara et que la guerre des chefs reprend de plus belle, deux scénarios se profilent : le dialogue ou la poursuite du bras de fer.

Sur les bords de la lagune Ébrié, l’Histoire a une fâcheuse tendance à bégayer. Vingt-sept ans après la mort d’Houphouët, la Côte d’Ivoire semble revenue à la case départ. Aucun de ceux qui ont succédé au « Vieux » ne sera parvenu au pouvoir de manière indiscutable : scrutins contestés, exclusion des uns ou des autres, faibles taux de participation, violences postélectorales… Il en a été ainsi lors de la présidentielle de 2020 comme lors des scrutins de 1995, 2000 et 2010.

Si le Conseil constitutionnel a validé, ce 9 novembre, la réélection d’Alassane Ouattara (avec 94,27 % des suffrages et un taux de participation de 53,9 %), la majeure partie de l’opposition continue de lui contester sa victoire et la légalité même de sa candidature à un troisième mandat.

Bédié placé en résidence surveillée

Non seulement cette opposition a appelé à la désobéissance civile et à un boycott actif du scrutin, mais elle a tout mis en œuvre pour en empêcher la tenue, provoquant parfois violences et affrontements (85 morts depuis le début du processus). Le 2 novembre, elle a franchi un cap en annonçant la création d’un Conseil national de transition (CNT), censé pallier la vacance supposée du pouvoir. Président de ce CNT : Henri Konan Bédié. Porte-parole : Pascal Affi N’Guessan.

Le gouvernement a répliqué en arrêtant les principaux leaders, à l’exception notable du « sphinx de Daoukro », placé en résidence surveillée (mesure qui a été levée depuis). Motif invoqué par Richard Adou, le procureur de la République : « Faits d’actes de terrorisme, d’attentat et complot contre l’autorité de l’État, de meurtre, de vol en réunion avec violences, de destruction volontaire de biens, d’incendie et destruction de véhicules, d’organisation et de participation à un mouvement insurrectionnel. » L’épreuve de force, à son acmé, suscite l’inquiétude des Ivoiriens comme celle des partenaires du pays. Les mânes de la crise post-électorale de 2010-2011 (plus de 3 000 morts) hantent toujours les esprits.

Macky Sall, Nana Akufo-Addo et Macron offrent leur médiation

Face à cette impasse, deux scénarios se dessinent. Le premier, proposé par Alassane Ouattara (ADO), prévoit un dialogue entre les parties en conflit. Le 9 novembre, dans son adresse à la nation, le chef de l’État a réaffirmé sa « disponibilité pour [engager] un dialogue sincère et constructif avec l’opposition, dans le respect de l’ordre constitutionnel » et a rappelé qu’il avait « marqué sa disponibilité pour une rencontre avec le président Henri Konan Bédié, à l’initiative de la mission ministérielle de la Cedeao, qui s’est rendue en Côte d’Ivoire le 18 octobre ».

Dans le même discours, ADO a invité « [son] aîné à une rencontre, dans les tout prochains jours, pour un dialogue franc et sincère ». Rencontre qui fut promptement organisée, le 11 novembre en fin de journée à l’hôtel du Golf. Pour la première fois depuis deux ans, les frères ennemis se sont parlé directement. Pour « briser la glacer » et rétablir la confiance ». Un entretien symbolique, mis en place sous la pression des amis de la Côte d’Ivoire.

Nombreux sont ceux qui tentent d’apporter leur écot à cette démarche. Y compris certains chefs d’État, tels le Sénégalais Macky Sall, le Ghanéen Nana Akufo-Addo, président en exercice de la Cedeao, ou le Français Emmanuel Macron. Les offres de bons offices se multiplient. Les termes d’un éventuel accord sont même déjà proposés par certains esprits particulièrement inventifs : le poste de vice-président, aujourd’hui vacant, serait offert à l’opposition, et celui de Premier ministre reviendrait à une personnalité de la société civile, etc.

« Aller à la soupe »

Sauf miracle, on voit mal comment ce scénario pourrait aboutir rapidement. Et ce n’est pas la rencontre Ouattara-Bédié du 11 novembre, qui en appelle apparemment d’autres, qui devrait changer la donne, même si elle devrait au moins faire baisser la tension. D’abord, parce qu’il y a trop de haine recuite et de rancune entre les principaux protagonistes, notamment Ouattara et Bédié. Ensuite, parce qu’ADO ne discutera de rien tant que ses adversaires ne reconnaîtront pas sa victoire. Or on peine à imaginer comment ces derniers, qui ont largement franchi le Rubicon, pourraient faire machine arrière sans donner à leurs bases respectives l’impression de se déjuger ou, pis, d’« aller à la soupe ». Enfin, parce qu’on ne voit pas qui, en Côte d’Ivoire du moins, pourrait endosser les habits de médiateur. Aucune autorité morale susceptible d’apaiser les tensions, comme feu Seydou Elimane Diarra en son temps, n’émerge.

Last but not least, les échanges ne seront guère faciles avec une opposition à l’attelage aussi hétéroclite. La posture ultra-radicale de Guillaume Soro, le plus belliciste de tous – il a appelé l’armée à bouter Ouattara hors de son palais –, ne se semble pas de nature à favoriser l’émergence d’un dialogue fécond et, surtout, consensuel.

L’image écornée de Ouattara

Reste un second scénario : la poursuite du bras de fer jusqu’à ce que l’un des deux camps l’emporte. S’il n’est pas le plus souhaitable, ce cas de figure est le plus probable.

Le rapport de forces penche en faveur d’Alassane Ouattara. Il est à la tête de l’État (de l’administration comme des forces de sécurité), son élection a été validée par le Conseil constitutionnel, les principaux partenaires de la Côte d’Ivoire l’ont acceptée et personne n’ira au feu pour le contraindre à prendre des mesures auxquelles il se refuse.

Mieux, il peut compter sur ses amis, dans la sous-région comme ailleurs en Afrique, pour le soutenir dans cette épreuve. Certes, son image est écornée et il aura une partie de la population contre lui, mais il en était parfaitement conscient lorsqu’il a décidé de briguer un troisième mandat après le décès brutal d’Amadou Gon Coulibaly, son dauphin désigné, à quelques semaines seulement du dépôt des candidatures.

Sa gouvernance en sera compliquée, mais pas autant que ne l’a été celle du Congolais Joseph Kabila en 2011 après sa réélection contestée face à Étienne Tshisekedi, ou celle du Gabonais Ali Bongo Ondimba, en 2009 et en 2016, face à André Mba Obame ou à Jean Ping, qui s’étaient proclamés présidents et étaient allés jusqu’à composer leur gouvernement. Le Togolais Faure Essozimna Gnassingbé à de multiples reprises et le Guinéen Alpha Condé, qui vient d’obtenir un troisième mandat, ont eux aussi été confrontés à bien des tempêtes qui, une fois passées, ne les ont pas empêché de diriger leur pays.

Une main tendue à Gbagbo ?

ADO maniera la carotte avec ceux qui accepteront un jour de quitter la citadelle assiégée de l’opposition car ils n’y auront plus de perspectives, et le bâton avec les plus irréductibles ou les plus irréconciliables. Sans oublier, peut-être, de tendre la main à un autre protagoniste d’importance : Laurent Gbagbo, qu’il pourrait autoriser à rentrer en Côte d’Ivoire. D’autant que, depuis le début de la crise, l’ancien président est sans doute le plus constructif de ses opposants…

Depuis près de trente ans, tout se joue entre les trois mêmes ténors : ADO, Gbagbo, Bédié – généralement à deux contre un –, le reste de la classe politique, pourtant d’un bon niveau général, acceptant d’être phagocyté par ce combat des chefs. Le dernier acte de cette trop longue tragédie se joue sous nos yeux. Les seconds rôles (les Soro, Bakayoko, Achi, Affi N’Guessan, Koulibaly, Mabri ou Konan Bertin) se contentent, pour l’heure, de n’être que des supplétifs en attendant 2025.

Quant aux Ivoiriens, reste à espérer qu’ils ont compris que la plupart de leurs responsables politiques ne pensent le plus souvent à eux que pour assouvir leurs ambitions. Et qu’ils auront la sagesse de laisser leurs « grands quelqu’un » régler leurs comptes pour eux…

Côte d'Ivoire: des violences dans le centre-est font une douzaine de morts

M'Batto, Daoukro et Elibou ont été le théâtre de violences meurtrières ces dernières 48 heures.

M'Batto, Daoukro et Elibou ont été le théâtre de violences meurtrières ces dernières 48 heures.
 RFI
Texte par :RFISuivre
8 mn

Depuis lundi 9 novembre, une douzaine de personnes au moins ont été tuées et des dizaines d'autres blessées dans plusieurs localités du centre-est de la Côte d'Ivoire. Plus d’une cinquantaine de personnes ont perdu la vie depuis début août dans des violences politiques qui, de plus en plus, prennent un tour communautaire.

Avec notre correspondant à Abidjan, Pierre Pinto

Ce mardi, à Mbatto, dans le Moronou, les habitants sont pour la plupart restés terrés chez eux, espérant que les tirs de fusils de chasse se calment. La veille, la ville s’est embrasée. Une manifestation contre le troisième mandat d’Alassane Ouattara a dégénéré en affrontements entre communautés agni et malinké. Ces affrontements, inédits dans cette ville de quelque 30 000 âmes, ont fait au moins trois morts et 26 blessés, dont plusieurs grièvement.

À ce bilan provisoire s'ajoute celui de Daoukro. Le fief d’Henri Konan Bédié était encore traversé ce mardi par les violentes convulsions de la veille. « Il y a des barricades partout. Il n’y a pas de vie. C’est une ville morte », raconte un témoin. Les forces de gendarmerie et de police tentent tant bien que mal d’empêcher l’embrasement que la ville a connu lundi. Selon la préfecture, au moins six personnes ont été tuées hier à Daoukro. Parmi elles, une a été décapitée et une autre brûlée. Des dizaines de blessés sont également à déplorer.

Lundi encore, la localité d’Elibou, au nord-ouest d'Abidjan, a connu des violences qui ont fait trois morts. Des manifestations et des tensions ont également été rapportées à Yamoussoukro, sans qu'aucun mort ne soit toutefois signalé. 

Exode

Ces tensions démarrent souvent par des manifestations qui virent à l’affrontement communautaire entre autochtones et allogènes. Ces violences ont commencé début août après l’annonce de la candidature du président Alassane Ouattara à un troisième mandat, et ont connu un regain dans certaines régions de l’intérieur du pays avec l’élection du 31 octobre.

Signe de l’inquiétude croissante des populations, ces violences politiques et communautaires ont provoqué l’exode de 8 000 Ivoiriens, selon le Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés, contre 3 200 il y a une semaine. Toujours selon le HCR, ils seraient 7 500 au Liberia et 500 au Ghana, en Guinée et même au Togo.

 

Lundi, la Haute Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, exhortait toutes les parties à « modérer la rhétorique haineuse et à s'efforcer de trouver des solutions communes, dans le plein respect de l'État de droit et des droits de l'homme, par le biais d'un dialogue inclusif et constructif ».

Les personnes arrivent avec quasiment rien, dans l’espoir de repartir. Ce qui veut dire qu’il n’y a pas suffisamment de nourriture, ils n’ont pas assez d’argent. Et en plus les réfugiés sont accueillis par des populations locales qui elles-mêmes sont démunies.

Ravina Shamdasani, porte-parole de la Haute Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme

Au Liberia, le HCR prévoit d'acheminer une assistance pour 10 000 réfugiés. Les besoins sont grands et l'acheminement de l'assistance difficile, nous explique Fatoumata Lejeune-Kaba, porte-parole du HCR pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre, au micro de Magali Lagrange, du service Afrique de RFI : « Les personnes qui arrivent, viennent avec quasiment rien, avec l’espoir de repartir. Il n’y a pas suffisamment de nourriture, ils n’ont pas assez d’argent… Et en plus, les réfugiés sont accueillis par des populations locales qui, elles-mêmes, sont démunies.

Les réfugiés arrivent dans des zones qui sont assez distantes des chefs-lieux... Et en ce moment, les routes sont quasiment impraticables. On passe énormément de temps sur les routes pour pouvoir les atteindre. Ce qui veut dire que c’est encore plus difficile d’acheminer les vivres et les non-vivres. C’est pour cela, d’ailleurs, que nous achetons localement tout ce que nous pouvons trouver sur place. Mais malheureusement, ce sont des zones assez reculées, donc on doit faire venir l’assistance de Monrovia, parfois d’Accra, et même bientôt de notre entrepôt, qui se trouve à Dubaï, pour pouvoir les assister ».


■ La France appelle à « tourner la page de la violence et de la division »

En Côte d’Ivoire, après la validation de sa victoire par le Conseil constitutionnel, Alassane Ouattara a invité, lundi soir, Henri Konan Bédié à une rencontre dans les tous prochains jours pour « un dialogue franc et sincère ». Ce mardi après-midi, Jean-Yves Le Drian, le ministre français des Affaires étrangères, a réagi à cette initiative lancée par le président ivoirien.

Cela va dans le bon sens et nous souhaitons, par contre très clairement, que des actes contribuent rapidement à l’apaisement. Des mesures concrètes et rapides devraient être prises pour tourner la page de la violence et de la division. Nous pensons aussi que le règlement des différends entre les autorités et l’opposition doit se faire sur une base inclusive, en associant l’ensemble des forces politiques du pays, dans le respect du cadre constitutionnel et dans le respect de l’État de droit. Aujourd’hui, nous appelons l’ensemble des acteurs ivoiriens à la responsabilité, au rejet des discours de haine, et nous nous retrouvons tout à fait dans les propos exprimés par le secrétaire général des Nations unies, hier, concernant les arrestations et les restrictions à la liberté de mouvement, dont certains acteurs politiques ivoiriens font actuellement l’objet.

Jean-Yves Le Drian, ministre français des Affaires étrangères