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Tchad : ce qu’il faut retenir des conclusions du Forum national inclusif

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Le président tchadien Idriss Déby Itno en 2017, au palais présidentiel.
Le président tchadien Idriss Déby Itno en 2017, au palais présidentiel. © Vincent Fournier/JA

Création d’une vice-présidence et d’un Sénat, diminution de l’âge d’éligibilité à la présidence… Les propositions retenues à l’issue du deuxième Forum national inclusif, qui a été boycotté par une partie de l’opposition, ont fait réagir au sein de la classe politique tchadienne.

Deux ans après le premier Forum national inclusif (FNI), qui avait notamment abouti à la suppression du poste de Premier ministre, la classe politique tchadienne – à l’exception d’une partie de l’opposition, qui a boycotté les réjouissances – a fait le bilan de la jeune vie de la quatrième République.

À six mois de l’élection présidentielle prévue en avril, cette deuxième assemblée « inclusive » et « démocratique », qui s’est clôturée le 1er novembre au Palais du 15-Janvier à N’djamena, a souhaité opérer quelques ajustements. Elle a aussi, selon ses détracteurs, préparé le terrain pour la majorité en vue des prochaines échéances électorales. Jeune Afrique fait le point.

Un vice-président

Alors que l’opposition plaidait pour un retour de la primature, supprimée en 2018, la majorité a réaffirmé que le poste de Premier ministre était trop coûteux. Les discussions se sont finalement soldées par la création d’un poste de vice-président, sans que l’étendue de ses missions ne soit encore précisée.

« Le futur vice-président aura pour fonction d’alléger les charges du président et de le suppléer, notamment au niveau de l’administration », résume Jean-Bernard Padaré, porte-parole du Mouvement patriotique du salut (MPS), le parti au pouvoir.

Concernant les modalités de sa désignation, une élection au suffrage universel est dores et déjà écartée : « Nous nous acheminons vers une désignation par le président de la République », assure Padaré, citant l’exemple de la Côte d’Ivoire. Cette nomination, déjà évoquée en 2018, accentue la crainte de l’opposition de voir le président, Idriss Déby Itno, placer l’un de ses proches à ce poste pour préparer sa succession.

Un Sénat et une Cour des comptes

C’est une décision pour le moins surprenante, alors que la restriction budgétaire est le mot d’ordre depuis quelques années : le pays va se doter d’un Parlement bicaméral avec la création d’un Sénat. Paradoxe que l’opposant Succès Masra ne manque pas de relever. « Je peux vous garantir que la création du Sénat sera bien plus budgétivore qu’a pu l’être le poste de Premier ministre », prévient-il.

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UN CASERNEMENT DE RETRAITE DORÉE POUR LES AMIS DU PRÉSIDENT

Selon lui, il aurait été plus judicieux de développer les localités grâce à l’élection de gouverneurs de province et d’augmenter le nombre de députés à l’Assemblée plutôt que de mettre en place un Sénat, qui risque de se transformer en « un casernement de retraite dorée pour les anciens ministres et amis du président ».

Le Conseil économique, social et culturel a également été supprimé. Enfin, défendue au cours des assises par Fatime Assarah Abdelaziz, ex-présidente de la chambre consultative de la Cour des comptes et fonctionnaire des Finances, la Cour des comptes a été rétablie.

Serment confessionnel, drapeau et parité

D’autres projets de réformes ont été réexaminés. Parmi eux, le serment à caractère confessionnel nécessaire pour accéder aux fonctions de l’État. Vivement critiqué dans un pays qui se veut laïc, il a été abandonné.

Le drapeau tricolore, source de polémique car similaire à celui de la Roumanie, a lui aussi été au cœur du débat. Selon Jean-Bernard Padaré, un comité constitué d’artistes et d’historiens sera établi pour réfléchir à l’ajout d’un élément qui le distinguera du drapeau roumain. La proposition sera ensuite soumise à référendum. « C’est un symbole fort qui unit tous les Tchadiens, la décision doit être prise avec un large assentiment de la population », insiste-t-il.

La volonté de mieux associer les femmes et les jeunes à la gestion de la chose publique a également été évoquée, notamment avec la mise en place d’un Conseil national des femmes (Conaf), d’un Conseil national consultatif des jeunes (CNCJ) et d’un observatoire du genre.

« Une réforme anti-jeunesse »

L’âge d’éligibilité à la candidature présidentielle, fixé à 45 ans lors du premier FNI, était la principale revendication de Succès Masra, qui l’avait qualifié de « réforme anti-jeunesse ». Au final, c’est un abaissement à 40 ans qui a été retenu, rendant impossible la candidature du leader des Transformateurs, qui est âgé de 37 ans, à la présidentielle de 2021.

Persuadé d’être la cible de cette motion, l’opposant s’est empressé de rappeler, dans une lettre adressée au président de l’Union africaine et aux partenaires du Tchad, qu’Idriss Déby Itno avait 38 ans quand il a pris le pouvoir, il y a presque trente ans.

Absence d’une partie de l’opposition

Le « consensus » sur les décisions prises durant le forum dont se targue la majorité n’aurait sans doute pas été si large en présence de toute l’opposition. Car, hormis la frange de l’opposition dirigée par Romadoumngar Félix Niabé, l’Union des démocrates pour le développement et le progrès (UDP), l’Union nationale pour la démocratie et le renouveau (UNDR) et l’Union des syndicats du Tchad (UST) ont refusé d’y participer. Succès Masra, dont le parti n’a pas été officiellement reconnu par le ministère de l’Intérieur, n’avait quant à lui pas été invité.

Depuis l’ouverture du forum officiel, les forces de l’ordre sont présentes 24 heures sur 24 aux portes des résidences et des sièges des différents partis et associations d’opposition pour en « limiter l’accès ». Le motif invoqué par le gouvernement : la situation sanitaire. « Appeler les citoyens à se rassembler dans un endroit exigu, sans mesures de précaution durant l’état d’urgence sanitaire, c’est un risque”, rappelle le porte-parole du MPS.

Succès Masra estime, lui, que si l’argument est sanitaire, la consigne doit être appliquée par tous. « Le président est en déplacement, à la rencontre des populations du Sud, et nous n’avons même pas le droit de nous réunir alors que nous respectons les gestes barrières », conclut-il.

Riz, maïs : l’agriculture africaine en état d’alerte face au réchauffement climatique

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Mis à jour le 30 octobre 2020 à 16h40
Projet "Un million d'arbres" men" par Sos Sahel avec les paysans de la province de la Gnagna, au Burkina Faso, en juin 2012

Projet "Un million d'arbres" men" par Sos Sahel avec les paysans de la province de la Gnagna, au Burkina Faso, en juin 2012 © GELEBART/20 MINUTES/SIPA

 

Quelles conséquences le changement climatique aura-t-il sur l’agriculture et l’alimentation en Afrique ? Une étude préconise d’opter pour des productions plus durables, et notamment de limiter la culture du maïs et du riz.

Sécheresse, inondations, tempêtes, invasion de ravageurs tels que les criquets… L’actualité récente le montre, le changement climatique en cours a des conséquences directes et concrètes sur les récoltes, en particulier en Afrique subsaharienne. Dans une étude conduite au Mali, au Bénin, au Ghana, en Éthiopie et au Rwanda, publiée le 14 octobre dans Global Change Biology, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) a voulu faire le point sur les conséquences de ces phénomènes sur le rendement céréalier.

Les conclusions sont hélas sans appel : une augmentation des températures de 4°C au cours des soixante prochaines années conduirait à une chute du rendement du maïs de l’ordre de 14 % sans engrais et de 26 % avec une fertilisation azotée abondante (hypothèse haute d’un scénario de + 1 à + 4 °C). Un mécanisme qui ressemble fort à un cercle vicieux puisque, soulignent les experts, les engrais chimiques azotés, utilisés pour augmenter des rendements déjà faibles, libèrent à travers les plantes et les sols du protoxyde d’azote (N20), qui accentue encore plus le réchauffement climatique.

Prendre soin des sols

L’étude du Cirad tombe à pic pour rappeler l’urgence à mettre en place des systèmes agricoles durables, fondés sur la diversification des cultures et la transition agroécologique. Une transition défendue notamment par l’Alliance pour l’agroécologie en Afrique de l’Ouest (3AO), plateforme constituée d’organisations paysannes, de syndicats agricoles, d’instituts de recherche et d’ONG, soutenue par la Cedeao. Il s’agit aussi de sortir de la dépendance aux importations de denrées alimentaires, dont la hausse des prix, selon les experts, est inévitable sous l’effet du réchauffement.

Que fera-t-on pousser demain en Afrique, dans la région du Sahel tout particulièrement ? Quelles sont les solutions locales et durables pour adapter l’agriculture au changement climatique ? Comment augmenter la sécurité alimentaire des populations ? Quelles sont les alternatives pour un régime plus riche en nutriments, protéines et fer notamment ?

Pour Émile Frison, docteur en sciences agronomiques et membre du panel international d’experts sur les systèmes alimentaires durables Ipes-Food, la question des sols est cruciale pour l’avenir : « Dans le passé, on a accordé peu d’attention à la santé et à la biologie des sols. On a traité les sols comme un substrat pour les plantes, alors qu’ils sont des organismes vivants, capables de puiser en profondeur et de rendre les nutriments disponibles pour les plantes à travers les microbes, les champignons, les bactéries et autres vers de terre ».

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TRÈS CULTIVÉ SUR LE CONTINENT, LE MAÏS EST TRÈS SENSIBLE AUX STRESS THERMIQUE ET HYDRIQUE

« Ce rôle de sol vivant a été complètement négligé par l’agriculture industrielle des soixante dernières années. Et en Afrique subsaharienne, même si l’emploi des engrais est moindre qu’ailleurs dans le monde, ce manque d’attention se paie aujourd’hui, poursuit-il. Les sols africains sont des sols très anciens, très fragiles et très détériorés par les monocultures de quelques céréales et la perte de diversité variétale. D’où l’importance aujourd’hui, au vu des changements climatiques, d’apporter de la matière organique dans les sols grâce à la diversification des cultures et le choix de plantes moins gourmandes en eau que ne le sont le maïs et le riz. »

Périmètre maraîcher des femmes, à Boulsa, au Burkina, mis en place avec l'ONG SOS Sahel en juin 2012
Périmètre maraîcher des femmes, à Boulsa, au Burkina, mis en place avec l'ONG SOS Sahel en juin 2012 © GELEBART/20 MINUTES/SIPA

Privilégier les variétés moins gourmandes en eau

Le maïs, l’une des céréales les plus cultivées sur le continent, est aussi l’une des cultures les plus sensibles aux stress thermique et hydrique. En revanche, les cultures vivrières traditionnelles de sorgho et de mil sont mieux adaptées au changement climatique. Elles résistent mieux à de hautes températures et ont besoin de peu d’eau. Combinées avec des cultures intercalaires, des légumineuses comme le niébé (haricot), des légumes racines comme la patate douce, riche en bêtacarotène, ou des légumes verts, elles permettent d’obtenir une alimentation beaucoup plus équilibrée et riche en micronutriments produits localement.

Mais, bien que très résistantes, les variétés de sorgho et de mil plantées dans l’ouest du Sahel risquent aussi de pâtir d’un climat plus sec et de voir leurs capacités d’adaptation dépassées par des émissions de CO2 élevées. D’où l’intérêt de travailler sur la sélection des variétés les plus résistantes, d’alterner cycles longs et cycles courts, céréales et maraîchage. A contrario, continuer de miser sur la culture et la consommation des grandes céréales, maïs, blé, riz, qui demandent beaucoup d’eau, semble inadapté et risqué.

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C’EST DANS L’OUEST DU SAHEL QUE LES PERTES DE RENDEMENT CÉRÉALIER SERONT LES PLUS IMPORTANTES

« On estime c’est dans les pays de l’ouest du Sahel que les pertes de rendement céréalier seront les plus importantes. Dans le nord du Sénégal, on pourrait ainsi avoir des pertes de l’ordre de 15-20 % dans l’hypothèse tout à fait plausible d’un réchauffement compris entre 1,1 °C et 2 °C en 2050 », indique Benjamin Sultan, climatologue à l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Les modèles tablent sur une hausse des pluies et des inondations au Niger, mais sur un climat plus chaud et plus sec dans l’ouest du Sahel.

Réduire la dépendance aux importations alimentaires

Avec le réchauffement climatique, les experts craignent par ailleurs une envolée des prix mondiaux. Aujourd’hui, la part des importations dans les disponibilités alimentaires énergétiques atteint 25 % en Afrique de l’Ouest, au Cameroun et au Tchad, souligne une étude de 2017 menée par le Cirad et Afristat intitulée « Les villes d’Afrique subsaharienne sont-elles si dépendantes des importations alimentaires ? ». Le défi est bien réel, dans les villes d’Afrique subsaharienne notamment, où la dépendance céréalière est forte : blé et riz y représentent au moins la moitié de la consommation de produits amylacés (qui contiennent de l’amidon) de base.

« À Dakar, le riz et le blé représente 90 % de la valeur monétaire de la consommation de produits amylacés, contre 40 % à Lomé et Cotonou », précise Olivier Lepiller, sociologue de l’alimentation au Cirad. Excepté à N’Djamena et à Bamako, mils et sorghos sont encore marginaux dans la consommation des citadins.

Reste que les tendances évoluent. Les cultures « vivrières » deviennent des cultures alimentaires commerciales. Les citadins inventent leur propre « modernité alimentaire », métissée, où les produits locaux ont largement leur place (sorgho, mil, fonio, mais aussi manioc, igname, banane plantain, patate douce).

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L’AFRIQUE DOIT AMÉLIORER SA BIODIVERSITÉ ET DIVERSIFIER SES APPORTS NUTRITIONNELS

Au Burkina Faso, le bâbenda, plat de soudure traditionnel de l’ethnie mossi, sorte de bouillie peu dense qui associe mil pilé et premiers légumes feuilles de la nouvelle saison des pluies, est aujourd’hui revalorisé et consommé en ville, comme le souligne l’ouvrage Manger en ville. Regards socio-anthropologiques d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie, paru en 2020 aux éditions Quæ.

Consommer plus d’insectes

Confrontée aux changements climatiques, à une insécurité alimentaire et nutritionnelle forte, l’Afrique subsaharienne a tout intérêt à adapter ses productions agricoles, à améliorer sa biodiversité et à diversifier ses apports nutritionnels « plutôt que d’augmenter le volume de quelques cultures seulement (…) », pointe Maria Antonia Tuazon, responsable de la division insectes comestibles à la FAO.

Dans ce contexte, la consommation d’insectes et de larves, qui a déjà largement cours en Afrique centrale et australe, fait partie des solutions les plus réalistes et efficaces à mettre en œuvre. Riche en protéines et en lipides, la consommation d’insectes offre des bénéfices certains pour la santé, et de nombreux avantages environnementaux.

[Chronique] Présidentielle au Burkina : restons courtois !

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Par  Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

Damien Glez

À cinq jours du lancement de la campagne pour les élections présidentielle et législatives, les différents acteurs impliqués dans ces scrutins couplés ont signé un pacte de bonne conduite.

Dans une Afrique de l’Ouest à la démocratie chahutée, le pays des hommes intègres pourrait apparaître comme un havre électoral. Les Guinéens piétinent dans la contestation postélectorale, les Ivoiriens regardent monter la mayonnaise de la désobéissance civile, les Béninois redoutent une présidentielle verrouillée par les parrainages, les Maliens ne sont pas près de retrouver le chemin des urnes…

Le Faso, lui, ouvre le week-end prochain sa campagne pour renouveler – ou non – son président et ses députés, le 22 novembre. Si l’histoire du Burkina Faso n’a pas manqué de coups d’État décriés et de soulèvements populaires applaudis, les rendez-vous électoraux ont occupé les interstices historiques.

Bons sentiments

Salués peu ou prou par la communauté internationale, ces scrutins étaient évidemment perfectibles, victimes de quelques biais comme le manque d’éducation civique, l’abus de matériel publicitaire, le contrôle imparfait des budgets de campagne, la pénétration géographique insuffisante de certains médias, le réflexe communautariste ou encore les relations incestueuses entre candidats, fonction publique et monde des affaires.

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BANNIS LES « PROPOS HAINEUX » ET LES DISCOURS « STIGMATISANTS » ET BIENVENUE À LA « COURTOISIE »

Bien sûr, nul n’est censé ignorer le code électoral, assez clair sur ces points. Mais le Conseil supérieur de la communication a jugé bon de solenniser l’engagement pour un processus électoral apaisé. Ce 26 octobre a donc été signé un pacte de bonne conduite. Responsables de médias, d’organisations de la société civile et autres activistes ont été conviés à parapher le document, susceptibles qu’ils sont – eux aussi – de jeter l’huile de la polémique sur le feu électoral.

Bannis les « propos haineux » et les discours « stigmatisants » et bienvenue à la « courtoisie », à la « considération mutuelle » et aux « recours légaux » en cas de conflits… L’étalage de bons sentiments n’endormira-t-il pas l’attention des observateurs ?

Motifs d’inquiétude

Pour le chef de file de l’opposition, Zéphirin Diabré, le pacte ne cerne pas tous les écueils liés à la campagne électorale, notamment les risques de corruption.

Par ailleurs, l’environnement actuel du Burkina Faso regorge de motifs d’inquiétude : ces dernières années, des conflits intercommunautaires d’une violence inédite ont fissuré la légendaire cohésion sociale burkinabè, les récurrentes attaques jihadistes compromettent le vote dans certaines régions et la réconciliation post-insurrection fait l’objet de discours confus, comme ceux du chef de l’État sur les conditions de retour de Blaise Compaoré au pays natal…

Qu’à cela ne tienne, les rues bruissent toujours de discours en mode « ça va aller » qui, s’ils frisent la méthode Coué, n’ont pas si mal réussi au Faso politique indépendant. Les catastrophistes savent craindre davantage des humeurs en treillis que des scrutins chahutés. Or, les militaires ont été largement échaudés par le procès du putsch avorté de 2015.

Le pire ennemi des scrutins de novembre ne sera-t-il pas finalement le manque d’enthousiasme des électeurs ? Le taux de participation le dira.

Procès de l'attentat de la Terrasse à Bamako: «Ibrahim 10» et Sadou Chaka condamnés à mort

                                  Des soldats de la garde présidentielle patrouillant devant l'hôtel Radisson Blu de Bamako, le 21 novembre 2015, après l'attaque terroriste qui a visé le lieu.
                                 
Des soldats de la garde présidentielle patrouillant devant l'hôtel Radisson Blu de Bamako, le 21 novembre 2015,

                                 après l'attaque terroriste qui a visé le lieu.
 Jérôme Delay/AP Photo
Texte par :RFISuivre
3 mn

Après un rapide délibéré, la cour d'assises anti-terroriste de Bamako a reconnu, mercredi 28 octobre, le Mauritanien Fawaz Ould Ahmed, alias « Ibrahim 10 », coupable d’appartenance à un groupe jihadiste, d’homicide en lien avec une entreprise terroriste et de financement du terrorisme. Lui et son co-prévenu, Sadou Chaka, sont condamnés à la peine de mort ainsi qu’à 10 millions de francs CFA d’amende pour les attentats du restaurant la Terrasse et de l’hôtel Radisson Blu de Bamako. Ces deux attaques avaient coûté la vie à 25 personnes, ainsi qu'à deux assaillants.

Avec notre envoyé spécial à la cour d'assises de Bamako, Kaourou Magassa

Durant les neuf heures d’audience de ce deuxième jour de procès, Fawaz Ould Ahmed alias « Ibrahim 10 », n'a montré aucun remord. À la barre, il a détaillé la planification de l’attentat du Radisson Blu. Pour celui du restaurant la Terrasse, où il tua cinq personnes, Fawaz Ould Ahmed a déclaré l’avoir commis pour venger le prophète à la suite la publication des caricatures par Charlie Hebdo.

« Qui sommes-nous pour nous croire investit de la défense de Dieu et du prophète ? », lui a demandé un avocat des parties civiles dans sa plaidoirie.

► À lire aussi : Mali: retour sur l’attaque de l’hôtel Radisson à Bamako

L'avocat d'«Ibrahim 10» annonce un pourvoi en cassation et demande plus de clémence

La cour, en condamnant Fawaz Ould Ahmed et son co-accusé Sadou Chaka, à la peine de mort, a tranché la question. Ce qui satisfait entièrement Me Mamari Diarra, un autre avocat des parties civiles : « Ça permet déjà aux victimes de savoir qu’il y a un État derrière et qui est prêt à sévir chaque fois que la loi pénale est violée, et chaque fois que leurs droits, les droits de l’Homme, sont vraiment violés. »

Fawaz Ould Ahmed a, durant sa dernière prise de parole, demandé pardon aux victimes maliennes et de confession musulmane. Pour cela, Me Amadou Dioroba Diallo, avocat de la défense, a demandé plus de clémence : « Notre demande en pourvoi en cassation, ce sera tout juste de demander l’application de la loi uniforme. Cette loi prévoit la perpétuité, et non la peine de mort. »

Depuis 1980, il existe justement un moratoire sur la question de la peine capitale. Celle-ci n’est plus appliquée au Mali.

Les femmes africaines ont-elles (enfin) brisé le plafond de verre ?

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Mis à jour le 28 octobre 2020 à 15h29
Jon Berkeley pour JA
© Jon Berkeley pour JA

Victoire Tomegah Dogbe au Togo, Rose Christiane Ossouka Raponda au Gabon, Nialé Kaba en Côte d’Ivoire, Ngozi Okonjo-Iweala au Nigéria… Les Africaines montent en puissance dans les sphères politique et économique.

De l’incrédulité au doute en passant par l’angoisse, la fierté, mais aussi la reconnaissance… Elle dessine à grands traits la palette infinie de sentiments qui, dit-elle, en une fraction de seconde, l’ont assaillie dans l’humidité de cette fin de septembre, à Lomé. Le président Faure Gnassingbé venait d’officialiser sa nomination à la primature. Décliner sa proposition de devenir la première femme chef de gouvernement au Togo ? Victoire Tomegah Dogbe n’y a même pas songé. « Un réel honneur pour les femmes togolaises », explique-t-elle simplement.

Fonctionnaire internationale formée en Europe et aux États-Unis, véritable animal politique, passionnée par son travail, selon ses admirateurs, la native de Badougbé (Sud) confesse ne pas savoir pourquoi elle a été choisie. Fausse modestie ? Il y a sans doute un peu de cela chez elle, qui se dit persuadée, malgré tout, de n’être « pas là par hasard ».

Reconnues dans leur domaine

Des propos que ne renierait pas Rose Christiane Ossouka Raponda, la cinquantaine élégante, ex-ministre de la Défense et ex-maire de Libreville, première femme portée à la tête de la primature gabonaise, en juillet. Avec la Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala, considérée comme l’un des meilleurs ministres des Finances que le Nigeria ait connus et qui aspire à diriger l’Organisation mondiale du commerce (OMC), Tomegah Dogbe et Ossouka Raponda font partie de cette caste de femmes africaines qui, dans leur trajectoire professionnelle, parviennent à briser le plafond de verre.

On rappellera aussi l’itinéraire de la Libérienne Ellen Johnson Sirleaf, qui a rendu possible l’alternance à un pouvoir masculin en s’appuyant sur le vote féminin. Celui de la présidente éthiopienne Sahle-Work Zewde, bien que son titre soit honorifique. Ou encore celui de Charity Ngilu, ostracisée en 2015 par Uhuru Kenyatta – son père avait ravivé un mythe ethnique historique fondé sur l’inaptitude des femmes à gouverner -, qui a bataillé ferme pour devenir l’une des premières femmes gouverneures élues en 2017.

Ancrées dans le quotidien, bien dans leur vie, ces femmes s’épanouissent et sont reconnues dans leur domaine. De mieux en mieux formées et fortes de leurs acquis, elles visent les mêmes opportunités que les hommes. « Tout se passe comme si elles avaient osé se révéler en se débarrassant du complexe de l’imposteur qui parfois paralyse les femmes et les pousse à s’autocensurer », analyse la chercheuse camerounaise Viviane Ondoua, spécialiste des questions de gouvernance.

Les manuels de développement personnel diront que ces femmes ont aussi vaincu les croyances limitantes propres à engendrer des peurs. Peur d’oser prendre le pouvoir, d’assumer leur position de leader, de passer pour ambitieuses et potentiellement de prendre des coups.

Ministères stratégiques

« Si l’Afrique en est encore à compter les Premiers ministres femmes, c’est que le compte n’y est pas », persifle Fatou Sow Sarr, directrice de l’Institut du genre et de la famille, au Sénégal. « Ceux qui pavoisent se contentent de très peu », renchérit de son côté Alioune Sall, directeur de l’Institut des futurs africains, pour qui le Togo et le Gabon ne font que rattraper leur retard.

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C’EST LA FIN DES MINISTRES ALIBIS CANTONNÉES AUX AFFAIRES FAMILIALES, À LA CONDITION FÉMININE OU À L’ENFANCE

Certes, la présence des femmes africaines à la tête des gouvernements n’est pas une nouveauté. On doit à l’ex-président centrafricain Jean Bedel Bokassa la première nomination d’une femme, Elisabeth Domitien, au poste de Premier ministre, en 1975. L’aventure tournera court pour cette presque analphabète, grande pourfendeuse du franc CFA avant l’heure, qui ne s’exprimait qu’en sangho. Pour s’être opposée au couronnement de Bokassa en tant qu’empereur, elle sera limogée puis interdite de politique. Le Sénégal a quant à lui déjà connu deux cheffes du gouvernement, Mame Madior Boye, entre 2001 et 2002 et, plus récemment, en 2013, Aminata Touré.

Ces dernières décennies ont été marquées par une rupture : la fin des ministres alibis cantonnées aux Affaires familiales, à la Condition féminine ou à l’Enfance, ces postes qu’Aïssatou Dosso, spécialiste des questions de genre à la BAD (Abidjan), qualifie de « plutôt “soft skills”, pas très techniques ou scientifiques. »

Le Nigeria a ainsi accordé sa confiance à Ngozi Okonjo-Iweala dès 2003, la nommant à la tête du ministère des Affaires étrangères, avant de la placer, entre 2011 et 2015, aux Finances. Si l’on salue aujourd’hui l’arrivée de la nouvelle ministre de l’Énergie au Togo, on se souvient aussi avec bonheur qu’en 2016, en l’espace d’une semaine, trois fortes personnalités avaient décroché des ministères stratégiques pour le développement de leur pays : la Burkinabè Rosine Sori-Coulibaly, la Guinéenne Malado Kaba et l’Ivoirienne Nialé Kaba – à qui l’on attribue cette année le mérite d’avoir empêché l’implosion de la Banque africaine de développement.

Petite percée dans le privé

Dans les entreprises aussi, les femmes font bouger les lignes. Peut-être plus aisément dans le public et dans les organisations intergouvernementales, où, lois sur la parité obligent, elles savent se faire entendre et sont présentes dans les conseils d’administration. Comme à l’agence sénégalaise de promotion de l’investissement et des grands travaux, dirigée pendant une dizaine d’années par une femme.

La percée féminine est moins spectaculaire dans le secteur privé. « Si la Sud-Africaine Maria Ramos est devenue en 2019 la dirigeante du groupe Absa (Amalgamated Banks of South Africa), propriété à 56 % de Barclays, il reste difficile d’imaginer une femme à la tête d’une major pétrolière », confie Alioune Sall.

Quoi qu’il en soit, difficile de bouder son plaisir de voir les Africaines gagner autant en visibilité quand on sait d’où elles sont parties. « Le modèle d’éducation colonial, très patriarcal, a fortement entravé leur présence dans l’espace public, analyse Fatou Sow Sarr. Les formations supérieures ne leur étaient pas accessibles. Il y a vingt-cinq ans d’écart entre la création de l’École normale William-Ponty [1915] et celle de l’École normale des jeunes filles Abdoulaye-Sadji de Rufisque [1938], deux institutions dont sont issus quelques-uns des profils africains les plus pointus. Les filles mettront beaucoup de temps à rattraper leur retard. »

Action collective

Si les trajectoires individuelles doivent être saluées, elles ne peuvent à elles seules entraîner une réelle conquête des lieux de pouvoir. La révolution demande une action collective. Fatou Sow Sarr imagine ainsi des alliances entre femmes issues de mondes différents : ­politique, affaires, monde associatif. « Les possibilités sont énormes, mais il faut conduire une réflexion permettant de réaliser une jonction entre ces différentes actrices. »

Elle milite donc pour l’élaboration d’une pensée politique liée à la lutte des femmes. » On les retrouve activistes, sans que leur activisme soit en adéquation avec un projet précis. Il faut donc une production théorique pour accompagner l’action. Pour leur faire comprendre que tout ce qui les concerne s’inscrit dans les enjeux de développement des nations. »

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DEPUIS 2012, ON NE COMPTE QUE 8 % À 14 % DE FEMMES DANS LES HAUTES FONCTIONS DE L’ÉTAT

Son Institut du genre et de la famille scrute chaque semaine le relevé des nominations intervenant en conseils des ministres et entend inciter l’État à améliorer significativement le très faible taux (de 8 % à 14 %) de femmes appelées aux hautes fonctions de l’État depuis 2012. « Il faut une politique volontariste », insiste-t-elle.

Opter pour la discrimination positive est une autre solution. Pour l’ouverture de sa première franchise de l’enseigne KFC au Sénégal, Anta Babacar Ngom, directrice générale du groupe agroalimentaire Sedima, avait par exemple parié sur le recrutement d’un personnel 100 % féminin. « C’est un choix que certains pourraient trouver discriminant. Mais peut-être faut-il en passer par là et accepter qu’à compétences égales, on offre plus de chances aux femmes », suggère Alioune Sall.

Le directeur de l’Institut des futurs africains estime que derrière la conquête féminine de l’espace public, c’est tout un combat pour une autre société qui doit être mené. Plus qu’une lutte féminine ou féministe, un combat général « pour un ordre plus juste », qui concerne tout l’espace social.