Vu au Sud - Vu du Sud

Niger: un nouveau scandale financier touche la fonction publique

Boulevard de la République à Niamey (Image d'illustration).
Boulevard de la République à Niamey (Image d'illustration). © Wikimedia Commons CC BY 2.0 Jean Rebiffé


Plusieurs fonctionnaires ont été écroués, ce mercredi 28 juillet 2021 au soir, à Niamey, pour leur implication présumée dans une affaire de détournement de huit milliards de francs CFA (12 millions d'euros) du Trésor public. Cette affaire intervient après celle, l’année dernière, concernant du matériel militaire non livré et des surfacturations dans le secteur de la défense pour un montant de 32,6 milliards de francs CFA (50 millions d'euros).

Pour l’instant, ni le nombre ni l'identité des prévenus n'ont été précisés par les services du procureur de Niamey, en charge du dossier. Mais selon la presse locale, une quinzaine de personnes seraient poursuivies et d’autres personnes toujours entendues par les enquêteurs.

Le principal auteur de ce détournement serait déjà en prison depuis mai dernier. Il est accusé d’avoir fait sortir ces huit milliards de francs CFA entre 2017 et 2021 grâce à de « fausses lettres d'autorisation de paiement ». Mi juillet, le président nigérien Mohamed Bazoum révélait avoir diligenté une inspection au Trésor pour enquêter sur ces détournements de fonds, qui ciblait « un agent du service des transports de la présidence de la République ».

Et ce rapport a mis au jour une chaîne de complicités présumées impliquant des hauts responsables du Trésor, des hommes politiques et des ministres, toujours selon la presse nigérienne. Joint par RFI, Ali Idrissa responsable du Réseau des organisations pour la transparence et l’analyse budgétaire, un réseau d’ONG qui milite pour plus de transparence, affirme que cette « nouvelle affaire témoigne de la mauvaise gouvernance de l’ancien régime » de Mahamadou Issoufou. « Tous ceux qui sont impliqués doivent rendre des comptes, dit-il, et pas seulement quelques agents subalternes. »

Côte d'Ivoire: Ouattara-Gabgbo vers une rencontre plus symbolique que politique

Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara.
Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara. AFP/Issouf Sanogo/Kambou Sia

Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara devraient se rencontrer à la présidence mardi 27 juillet, selon la date annoncée par le gouvernement ivoirien à l'issue du Conseil des ministres de mercredi. Elle n'a pas encore confirmée par le camp de son prédécesseur. Le contact est donc finalement renoué entre les deux hommes.

C'est Laurent Gbagbo qui serait à l'origine de la discussion téléphonique qui a eu lieu il y a deux semaines, quelques jours après son voyage à Kinshasa. C'est la première fois que les deux hommes se parlaient depuis la crise de 2010-2011.

Alassane Ouattara avait été agacé de ne pas recevoir d'appel de son prédécesseur avant son retour en Côte d'Ivoire, malgré les contacts entre leurs entourages respectifs. La présidence n'aurait pas non plus apprécié le comportement de Laurent Gbagbo depuis le 17 juin : le fait que l'ancien président ne se soit pas arrêté au pavillon présidentiel mis à sa disposition à l'aéroport, ses déclarations à France 24 sur la crise de 2010 – il se qualifiait d'« homme gênant » qu'il fallait « écarter » – ou encore lorsque, rendant visite à Henri Konan Bédié, il avait vivement critiqué le troisième mandat d'Alassane Ouattara.

Dans l'entourage de Laurent Gbagbo, on assure que cette rencontre annoncée est un signe de respect des « valeurs africaines » qui veulent que le cadet rende une visite de courtoisie à son aîné et qu'il ne faut pas en attendre un contenu politique hors de la portée symbolique évidente de ce rendez-vous.

Alors que les opposants FPI-GOR et PDCI demandent un dialogue national, que les leaders religieux exhortent publiquement les dirigeants à protéger la paix en Côte d'Ivoire après des échanges tendus par presse interposée, les autorités ont donc apporté leur réponse...

Premièrement, le dialogue n'a jamais été rompu, des discussions ont toujours eu lieu au niveau de la primature, a insisté le porte-parole du gouvernement mercredi, juste après avoir annoncé au détour d'une réponse à la presse cette rencontre à la date du 27 juillet. La veille, Alassane Ouattara avait souligné pour la tabaski l'importance de renforcer la cohésion sociale et la réconciliation.

Du côté du FPI-GOR, on attend de se réunir autour de Laurent Gbagbo avant de commenter officiellement ce qu'on qualifie d'« annonce du gouvernement ».

Togo, Côte d’Ivoire, Burkina Faso : ce que le changement climatique va coûter
aux travailleurs africains

| Par 
Mis à jour le 22 juillet 2021 à 09h52
Culture d’oignons au Sénégal.
Culture d'oignons au Sénégal. © Rose Skelton pour TAR

Agriculteurs, ouvriers, maçons… Selon un rapport de l’Organisation mondiale du travail (OMT), les fortes chaleurs exacerbées par le changement climatique coûteront cher aux « cols bleus » africains.

49,6°C à Marrakech à la mi-juillet, selon les estimations de la direction générale de la météorologie. Après le Canada et les États-Unis, c’est au tour de l’Afrique du Nord de subir une vague de chaleur sans précédent.

Dans les villes marocaines, le mercure pourrait dépasser les 50 degrés, « une première pour le pays », indique l’organisme rattaché au ministère marocain de l’Équipement, du Transport, de l’Infrastructure et de l’Eau. Cela représente un écart de cinq à douze degrés par rapport à la normale saisonnière.

Si ces vagues de chaleur sont pour l’heure exceptionnelles, elles risquent de se normaliser dans les années à venir, aggravant les conditions de vie et de travail. En témoigne l’étude Working on a warmer planet (Travailler sur une planète plus chaude) réalisée par l’Organisation mondiale du travail (OMT). Cette étude prend en compte quatre secteurs clés : l’agriculture, l’industrie, la construction et les services.

Une zone « particulièrement vulnérable »

En raison de son exposition géographique, « l’Afrique est la région la plus vulnérable au stress thermique », indique le rapport. Cette accumulation de chaleur dans l’organisme empêche le travailleur de maintenir une température corporelle normale et l’expose, entre autres, à de graves problèmes physiques et sanitaires.

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SI RIEN N’EST FAIT, LA MIGRATION VERS DES ENDROITS PLUS FROIDS SERA LA SEULE SOLUTION

Concrètement, lorsque les températures avoisinent les 33-34°C, « un travailleur opérant à une intensité de travail modérée perd 50 % de sa capacité de travail », indique le rapport de l’organisme onusien. En effet, l’exposition à la chaleur provoque des insolations, qui peuvent dans certains cas, conduire au décès.

Les emplois extérieurs et physiques tels que l’agriculture et la construction sont particulièrement touchés par ce phénomène. Bien qu’à l’intérieur, le secteur industriel est également confronté à la chaleur, lorsque les installations dans les usines ne permettent pas une évolution contrôlée des températures.

Dans la majorité des cas, les travailleurs concernés ne sont pas couverts par des assurances maladie. De fait, ils n’ont pas les moyens d’aller se faire soigner ou d’obtenir un arrêt de travail.

Si rien n’est fait dans les années à venir pour contrer ce phénomène, la chaleur aura un impact sur la santé de quatre milliards de travailleurs dans le monde. « La migration vers des endroits plus froids sera la seule solution », alerte l’Organisation mondiale pour les migrations (OMM).

7 % d’heures de travail perdues en 2030

Sur le continent, l’Afrique de l’Ouest est la région la plus touchée par le stress thermique. Selon l’OMT d’ici 2030, le pourcentage d’heures de travail perdues par an atteindra des niveaux proches de 5 %, contre 3 % en 1995.

Le pays le plus touché d’Afrique de l’Ouest sera le Togo avec une estimation de 7,2 % d’heures de travail perdues par an en 2030, contre 4 % en 1995. Dans ce pays, en 2030, les secteurs de l’agriculture et de la construction subiront chacun une perte annuelle de 11 % d’heures travaillées. Les pertes dans l’industrie seront de 5 % et celles dans les services de 0,9 % indique l’OMT.

Parmi les autres économies africaines où ces pertes seront les plus élevées, on retrouve le Burkina Faso (7,1 %), le Niger (6,8 %), la Sierra Leone (6,7 %), le Bénin (6,8 %) et la Côte d’Ivoire (6 %). Le Sénégal, quant à lui, perdra 3,4 % d’heures de travail en 2030 et la République démocratique du Congo 2,7 %.

Plus concrètement, en 1995, la perte de productivité annuelle due à la chaleur équivalait à trois millions d’emplois à temps plein. En 2030, c’est près de 14 millions d’emplois qui seront perdus, dont neuf millions dans la seule Afrique de l’Ouest, 2,2 millions en Afrique centrale et 1,6 million pour l’Afrique de l’Est.

Recul du PIB

La baisse du nombre d’heures travaillées va entraîner un recul du PIB. En 2030, huit des dix pays exposés au plus fort impact sur le PIB se situeront en Afrique de l’Ouest.

Selon un scénario dans lequel le réchauffement climatique serait de 1,5 degré celsius d’ici à 2030, le Burkina Faso perdrait 9 % de son PIB, le Togo 8,5 %, la Côte d’Ivoire 7 %, le Soudan et le Tchad 5 % selon les données de l’OMT.

En 1995, les pertes étaient de 0,9 % du PIB à  l’échelle du continent (280 millions de dollars). Elles seront de 1,8 % en 2030 (2,4 milliards de dollars).

Pour rappel, selon le ministère burkinabè de l’Agriculture, le secteur agricole représente 35 % du PIB et emploie 82 % de la population active du Burkina Faso, contre une moyenne de 16 % du PIB et 53 % de la population active en Afrique subsaharienne (d’après les données de la Banque mondiale).

Dialogue social

Du fait de la poussée démographique, l’organisation mondiale du travail (OMT) prévoit une hausse du nombre de travailleurs sur le continent dans les prochaines années.  Ainsi, en 2030, le secteur agricole – qui représentait 89 % du nombre total d’heures perdues en 1995 sur le continent – rassemblera 47,7 % des 610 millions de travailleurs en Afrique.

Or, le secteur agricole reste extrêmement « vulnérable » selon l’OMT. « Les employeurs et les travailleurs devraient discuter ensemble de l’aménagement des horaires de travail, en plus de l’adoption d’autres mesures de sécurité et de santé au travail », précise le rapport de l’organisme onusien selon lequel « le dialogue social est un outil pertinent pour améliorer les conditions de travail sur une planète qui se réchauffe ».

Sahel : et si le coton permettait de stabiliser la région ?

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Par  Jean-Marc Gravellini

Ancien directeur exécutif des opérations de l'AFD, ex-directeur de l’Alliance Sahel.

 

Par  Karim Ait Talb

Directeur général adjoint du Groupe Advens-Géocoton et cofondateur d’IAM Africa.

Des cultivateurs de coton dans la région de Sikasso, au sud du Mali, en 2019
Des cultivateurs de coton dans la région de Sikasso, au sud du Mali, en 2019 © Bastien LOUVET/SIPA

Alors que l’opération Barkhane prendra fin début 2022, une stratégie tournée vers l’agriculture, et notamment vers la culture du coton, pourrait aider à contrer l’avancée des groupes armés.

Défense, diplomatie, développement. C’est sur ce triptyque que se fonde la stratégie militaire française au Sahel, depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron. L’explication en est simple : la défense des citoyens et la préservation de l’intégrité territoriale des États sahéliens ne peuvent être assurés durablement sans une vigoureuse action diplomatique. Et des progrès significatifs en matière de développement et de réduction de la pauvreté sont plus que nécessaires.

Or la situation économique et sociale qui prévaut dans cette région classée parmi les plus pauvres du monde suscite nombre d’interrogations. Nous ne ferons pas ici l’historique de six décennies d’aide au développement. Rien que depuis le lancement en 2017 par la France et l’Allemagne de l’Alliance Sahel – dont la vocation était d’harmoniser et de coordonner les actions des bailleurs de fonds afin d’en accélérer la mise en œuvre –, les initiatives se sont multipliées, avec notamment le Partenariat pour la sécurité et la stabilité au Sahel, en août 2019, puis, la coalition pour le Sahel, en janvier 2020.

Éviter la contagion

Cette effervescence traduit le souci légitime de trouver une solution afin que les populations du Sahel renouent avec l’espoir d’un avenir meilleur et puissent enfin connaître une paix durable. Mais cette profusion d’annonces révèle aussi une certaine exaspération face à l’enfermement de cette région dans un état endémique de mal développement.

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LA CULTURE DU COTON FACILITE L’ACCÈS À LA SANTÉ ET À L’ÉDUCATION

Aujourd’hui, les stratégies soutenues par les partenaires financiers des pays du G5 Sahel consistent, en premier lieu, à améliorer les conditions d’existence des populations directement touchées par les conflits, grâce à un meilleur accès aux services de base. Il s’agit ainsi d’intervenir directement auprès des hommes et des femmes en s’appuyant sur les acteurs de la société civile.

Simultanément, les autorités nationales et leurs soutiens financiers cherchent à prévenir l’extension des conflits par une approche territoriale d’endiguement de la menace. Elles mettent l’accent sur le développement économique et social des régions à la périphérie des crises pour les stabiliser et éviter une contagion vers l’ouest et le centre du continent.

Apaiser les conflits

Dans les régions soudaniennes, la culture du coton offre de réels atouts pour contrer la menace de l’avancée des conflits armés et de la violence extrême. Conduite en Afrique depuis plus de soixante-dix ans de façon traditionnelle, sans irrigation et avec très peu de mécanisation, elle a permis, à travers son organisation intégrée, de distribuer des revenus dans les campagnes, d’améliorer les pratiques agricoles et de contribuer à l’équipement des zones concernées. Elle facilite aussi l’accès aux services de santé et d’éducation et promeut des coopératives et des organisations professionnelles.

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AU MALI, 56 % DE LA PRODUCTION CÉRÉALIÈRE PROVIENT DES BASSINS COTONNIERS

L’exploitation cotonnière participe aussi fortement à la sécurité alimentaire, à travers la production d’huile de coton pour l’alimentation humaine. Grâce aux revenus monétaires qu’elle génère, elle permet d’acquérir des intrants et du matériel agricoles qui bénéficient directement aux cultures vivrières. À titre d’exemple, au Mali, 56 % de la production céréalière provient des bassins cotonniers. Dans le même ordre d’idée, à travers la production de tourteau, l’activité cotonnière peut aussi contribuer positivement au secteur de l’élevage en fournissant des aliments pour le bétail et en aidant à la structuration du pastoralisme. Une économie cotonnière performante peut par conséquent être un outil pour apaiser les relations entre les populations sédentaires et nomades.

Valeur ajoutée locale

Initiée par la France pour développer les zones rurales africaines et approvisionner son industrie textile, cette filière est donc une formidable opportunité pour créer de la richesse avec un fort impact social.

Principaux producteurs de coton d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, le Mali, le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Cameroun, le Tchad, le Togo et le Sénégal  produisent à eux seuls 1,3 million de tonnes de coton fibre, ce qui représente 14 % du commerce mondial. Les superficies représentent dans ces pays environ 3,4 millions d’ha sur lesquels travaillent 2,5 millions d’agriculteurs. Au total, 30 millions de personnes vivent du coton. Il s’agit d’un système de production essentiellement familial, avec des exploitations de l’ordre d’à peine plus d’un hectare en moyenne.

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POUR CONTENIR LA DÉSTABILISATION TERRORISTE, LE COTON PEUT ÊTRE UNE VÉRITABLE MURAILLE BLANCHE

En 2019/2020, l’activité cotonnière a permis d’injecter dans les zones de production plus de 800 milliards F CFA (environ 1,2 milliard d’euros). Mais on peut regarder le coton différemment : il permet aussi l’industrialisation de l’économie grâce à la construction d’usines d’égrenage. Si les questions liées à l’accès régulier à une énergie peu chère et à la compétitivité monétaire pouvaient être réglées, il serait alors possible de créer davantage de valeur ajoutée locale à travers les activités de filature et tissage. Une telle perspective permettrait de poser les bases de la nouvelle relation que la France voudrait développer avec l’Afrique.

C’est à nos yeux un paradoxe de constater le réel avantage comparatif dont dispose cette filière dans la plupart des pays de la bande soudano-sahélienne et de déplorer dans le même temps l’absence d’une stratégie volontariste pour renforcer et développer ses acquis. Cette mobilisation est essentielle pour aider le secteur à franchir un nouveau cap vers davantage de pratiques agricoles respectueuses de l’environnement et de la biodiversité. Au moment où la communauté internationale cherche à contenir en Afrique la déstabilisation terroriste, le coton peut être une véritable muraille blanche pour y contribuer à une échelle significative.

Côte d’Ivoire : comment l’attiéké peut conquérir les fast-foods du monde entier

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Mis à jour le 21 juillet 2021 à 09h55
 
 

Par  Téguia Bogni

Chargé de recherche au Centre national d’éducation, ministère de la Recherche scientifique et de l’Innovation du Cameroun. A coordonné l’ouvrage collectif "La Cuisine camerounaise : mots, pratiques et patrimoine", préfacé par Bruno Gain (ancien ambassadeur de France au Cameroun) et paru chez L’Harmattan en 2019

Vente d’attiéké à Abidjan
Vente d'attiéké à Abidjan © LEGNAN KOULA/MAXPPP

Spécialité culinaire des Ebrié de Côte d’Ivoire, l’attiéké – une des composantes, avec le thon frit, du garba – est en voie de labellisation.

Pour qui s’intéresse à la Côte d’Ivoire,  difficile, voire impossible de n’avoir jamais entendu parler de l’attiéké.  Semoule à base de tubercule de manioc, cette spécialité culinaire du peuple Ébrié est sans aucun doute le plat le plus représentatif du pays des Éléphants. Bien que le mot attiéké soit ébrié, il est possible qu’il ait quelque rapport avec le mot tchaakri, une semoule de sorgho, en langue pulaar. Est-ce un emprunt culinaire ?

L’attiéké se décline sous plusieurs formes selon le calibre du grain. Et l’une de ces formes, souvent de troisième gamme, est, avec du thon frit, une des composantes du garba, un fast-food local qui détient inéluctablement la palme d’or des menus de rue, surtout dans les métropoles comme Abidjan ou Yamoussoukro. Dans l’imaginaire national, le mot garba vient de Garba, un nom propre supposé être celui d’un ressortissant nigérien célèbre pour la commercialisation de ce mets dans les années 1980. En dépit du fait que cette considération soit répandue même dans les milieux scientifiques et médiatiques, des données factuelles tendent à prouver le contraire. L’histoire du garba commence plutôt dans les années 1970.

Le 5 janvier 1970, le président ivoirien Félix Houphouët-Boigny met en place un nouveau gouvernement, le sixième de la première République. Il nomme Dicoh Garba au ministère de la Production animale. Pour rappel, celui-ci occupait le poste de directeur adjoint des Pêches maritimes et lagunaires à Abidjan, au sein du même ministère depuis 1966. Ce docteur en médecine vétérinaire, reconduit dans les gouvernements successifs, a dirigé ce département ministériel pendant une dizaine d’années, au cours de laquelle il a valorisé la pêche du thon. Cette initiative halieutique va avoir un impact sur les habitudes alimentaires des populations au point que certaines d’entre elles finiront par désigner le thon par l’expression « poisson garba ». C’est sans doute ce qui explique la présence sur le marché ivoirien depuis quelques années d’une conserve de thon au nom de marque stratégique de garba.

Garbamania

Au fil de la décennie 1970, le fait d’associer systématiquement le thon frit à l’attiéké a conduit à appeler garba – par synecdoque (métonymie ndlr)- ce plat composé principalement des deux aliments sus-évoqués. Aujourd’hui, le garba est généralement agrémenté de tomates, d’oignons et de piment haché, ce dernier ayant historiquement toujours été présent. Il convient de préciser que l’association de l’attiéké avec tout autre poisson frit que du thon ne saurait être considérée comme du garba. Tel est, en quelques mots, l’origine du garba retracé au moyen de la « gastronymie », une science qui a pour objet l’étude des noms des aliments.

Le garba tend à se faire une place sur un segment du fast-food. Ainsi, l’on voit apparaître, jour après jour, des enseignes locales qui en font l’un des menus principaux. On identifie celles-ci en général par les dénominations qui portent le mot garba. Il existe, à ce propos, deux néologismes connus de tous. Il y a, d’une part, garbadrome, formé de garba et du français -drome, qui désigne le lieu de commercialisation et de consommation du garba et, d’autre part, garbatigui, avec comme deuxième élément tigui, en langue dioula, qui signifie propriétaire (dudit lieu).

Labellisation en cours

Les dénominations commerciales telles IGarba, Garba Garbadrome Choco, Balfer Garba Ivoire, Garbadrome du virage ou encore Référence Garba Choco en sont une parfaite illustration. Depuis avril 2021, l’attiéké est éligible à une démarche d’indication géographique à l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI), sous l’appellation attiéké des Lagunes, d’après le Projet d’appui à la mise en place des indications géographiques (PAMPIG 2). Autrement dit, la labellisation de l’attiéké pourrait donner lieu à une reconfiguration économique du garba. Et à cette allure, il n’est pas impossible que, dans quelques années, les enseignes étrangères de fast-food s’y mettent.