Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Rama Yade : « On ne règlera pas le défi climatique sans l’Afrique »

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Mis à jour le 27 avril 2021 à 14h29
 
 

Par  Rama Yade

Directrice de l'Africa Center Atlantic Council.

Joe Biden lors du sommet sur le climat, à Washington, le 23 avril 2021.

Joe Biden lors du sommet sur le climat, à Washington, le 23 avril 2021. © CNP/NEWSCOM/SIPA

Alors que le sommet pour le climat de Joe Biden vient de se clore, les pays riches doivent respecter leurs engagements financiers s’ils veulent agir pour le climat, sans laisser de côté l’Afrique, dont les traditions et les ressources pourraient inspirer le reste du monde.

Lorsque le président congolais Félix Tshisekedi s’est exprimé lors du sommet pour le climat de Joe Biden, il avait derrière lui la force d’un continent, en tant que président en exercice de l’Union africaine. Il a déclaré que les nouveaux engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre pris par les pays riches n’étaient pas suffisants. « Il est important que ce sommet accélère la mobilisation de ressources financières additionnelles et conséquentes », a déclaré Felix Tshisekedi, l’un des cinq chefs d’État africains à participer au sommet aux côtés du Gabonais Ali Bongo, du Kényan Uhuru Kenyatta, du Nigérian Muhammadu Buhari et du Sud-Africain Cyril Ramaphosa.

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SIMPLIFIER LES PROCÉDURES D’ACCÈS AUX FINANCEMENTS CLIMATIQUES POUR LES PAYS LES MOINS AVANCÉS

« Cela exige aussi de simplifier les procédures d’accès aux financements climatiques pour les pays les moins avancés dont la majorité se trouve en Afrique, a ajouté le président congolais. À cet égard, je voudrais rappeler l’importance de l’engagement des pays développés à mobiliser 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 et à le rehausser à l’horizon 2025. »

En pointant les promesses trahies des pays riches, les pays africains ont mis en évidence l’enjeu de ce sommet, à savoir l’insuffisance des fonds de financement climatique. Le président américain Joe Biden s’est, certes, engagé à augmenter la contribution de son pays de 5,7 milliards de dollars par an d’ici à 2024.

Il est vrai qu’alors même qu’il est le plus faible contributeur au réchauffement climatique, le continent africain est celui qui en paie le prix le plus élevé, lui qui aurait à apprendre au monde sur la façon de faire face à la crise climatique. À condition toutefois que le monde veuille bien l’écouter…. Alors qu’elle abrite 15 % de la population mondiale, l’Afrique n’est responsable que de 4 % des émissions mondiales de carbone.

Parmi les sept pays responsables des deux tiers des émissions totales de gaz à effet de serre, aucun n’est africain, selon le Center for Climate and Energy Solutions. Pendant ce temps, l’Afrique est confrontée à des sécheresses, à des inondations, à une baisse de la productivité agricole, à la déforestation, à un accès difficile à l’eau, à la montée des mers, à l’avancée des déserts, à l’exode rural.

L’Afrique lutte contre le réchauffement climatique

Selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), un réchauffement de deux degrés réduirait les rendements agricoles en Afrique subsaharienne de 10 %. À trois degrés, le climat ne permettrait plus la culture du maïs, du mil et du sorgho. L’Afrique n’est pas une victime passive du réchauffement climatique. Elle se bat ! Si les pays occidentaux cherchent à réduire leur empreinte carbone, les Africains sont déjà en première ligne de la lutte contre le climat. Autour du lac Tchad – qui a perdu 90 % de sa superficie dans les années 1970 et 1980 – près de cinq millions de réfugiés se déplacent du Nigeria, du Niger, du Tchad et du Cameroun, sous la double pression de l’assèchement du lac et d’une autre menace, celle de Boko Haram.

Du protocole de Kyoto de 1997 à l’Accord de Paris de 2016 (COP21), la plupart des États africains ont ratifié des traités environnementaux. Les campagnes de sensibilisation se multiplient, notamment dans le cadre de l’Agenda 2063 de l’Union africaine. Les grands projets ne manquent pas, tels que le Fonds bleu, le projet Desert to Power de la Banque africaine de développement ou l’initiative de la Grande Muraille verte visant à cultiver des arbres et des plantes à travers le Sahel.

Du Burkina Faso, qui abrite la plus grande centrale solaire d’Afrique de l’Ouest, au Plan vert du Sénégal émergent du président Macky Sall, à l’Éthiopie qui tire 93 % de son électricité de sources renouvelables, les gouvernements prennent des mesures volontaristes. Le Nigeria, pour sa part, veut atteindre 30 % d’énergie propre d’ici à dix ans.

En raison de son potentiel énergétique renouvelable inégalable, le continent africain reste le plus susceptible de combiner industrialisation et croissance décarbonée. Sept des dix pays les plus ensoleillés du monde se trouvent en Afrique, un atout considérable pour l’énergie solaire. L’Afrique dispose de 10 % du potentiel mondial d’hydroélectricité. Même ses faiblesses peuvent devenir des atouts : 600 millions d’Africains manquent d’électricité, mais le continent peut compter sur d’abondantes ressources énergétiques renouvelables pour remédier à cette fracture énergétique. Portée par l’Union africaine, l’Initiative africaine pour les énergies renouvelables vise à produire 300 gigawatts d’ici à 2030 grâce aux grandes potentialités africaines.

Investissements massifs indispensables

Pour que ce potentiel devienne réalité, des investissements massifs – 50 milliards de dollars par an d’ici à 2050, selon les Nations unies – sont cependant nécessaires, ainsi que des transferts de technologie et d’expertise. Toutefois, comme le président de l’Union africaine, Félix Tshisekedi, l’a souligné, les promesses de financement non tenues des pays riches sont d’autant plus graves que la pandémie grève considérablement les budgets des États africains. Cette question devra faire l’objet d’une plus grande attention lors des prochaines réunions du groupe des sept (G7) ou du groupe des vingt (G20) et lors de la COP26 de Glasgow (Écosse), cet automne.

Solutions africaines ancestrales…

La clé du changement pourrait bien se trouver du côté des nations africaines dont les solutions – ancestrales et innovantes – pourraient être une source d’inspiration pour le reste du monde. Ancestrales, car elles remontent à plusieurs siècles de pratiques agroécologiques basées sur un savoir-faire traditionnel. Le philosophe Mohammed Taleb a démontré que la lutte pour l’environnement est avant tout un combat social et culturel afin de défendre les terres héritées des anciens, plutôt qu’un simple effort pour préserver un stock de ressources.

C’est également une lutte enracinée dans les classes ouvrières. Dans les années 1980, le Burkina Faso du président Thomas Sankara était la vitrine de l’écologie africaine, grâce une politique volontariste de reboisement fondée, en partie, sur une culture populaire et spirituelle. Le recyclage des déchets –nouveau levier de développement économique et social et pilier de la nouvelle économie circulaire – existait en Afrique avant la période coloniale. Cette cosmologie a été brisée par la colonisation dont le but était de « développer » des terres insuffisamment exploitées par les populations locales.

… Et innovantes

Innovantes, les solutions africaines le sont aussi grâce au dynamisme de l’économie digitale. Fers de lance d’une société civile qui se prend en main, les start-up redoublent d’inventivité : ici, une université nigériane forme 300 femmes pour recycler les poches en plastique en sacs, en paniers ou autres accessoires, qui sont ensuite vendus. Là, au Cameroun, un ingénieur installe des panneaux solaires dans des villages où l’électricité est trop chère ou hors de portée. Au Kenya, pour nettoyer la pollution du lac Nakuru, une entreprise collecte les eaux usées des égouts et transforme les déchets en briquettes de carburant.

Au niveau communautaire, la réflexion sur les smart cities est plus avancée en Afrique que dans le reste du monde. Des écocités angolaises se dressent à Kilamba près de Luanda ; la Centenary City est une ville verte près d’Abuja, au Nigéria ; la ville technologique kényane de Konza et celle d’Appolonia au Ghana sont les symboles de cette dynamique au moment où l’on annonce que l’Afrique abritera, en 2050, un être humain sur quatre dans le monde, dont 1,5 milliard de citadins aux besoins énergétiques exponentiels.

Le réchauffement climatique ne sera pas résolu sans l’Afrique parce que son sol regorge de solutions pour lutter contre celui-ci.

Le bassin du Congo, deuxième poumon du monde (derrière l’Amazonie), abrite des forêts agissant comme des réserves de carbone essentielles à la régulation du climat. Le PNUE souligne que le continent dispose de 30 % des réserves minérales mondiales, de 40 % de l’or et jusqu’à 90 % du chrome et du platine. Il est ainsi un vivier majeur pour la fabrication de technologies vertes telles que les batteries, les éoliennes et les piles à hydrogène.

L’enjeu est international. Pressées par l’urgence climatique, les nations africaines ne sont pas seulement en position de subir le réchauffement de la Terre, elles doivent être au cœur de la riposte climatique mondiale.

 
 

De nouveaux essais cliniques menés en Afrique dans la lutte contre le paludisme

Le paludisme est une maladie potentiellement mortelle, qui a causé 400 000 décès dans le monde en 2019.
Le paludisme est une maladie potentiellement mortelle, qui a causé 400 000 décès dans le monde en 2019. iStock / RolfAasa

Ce 25 avril, c'est la journée internationale de lutte contre le paludisme, maladie qui a entraîné la mort de près de 400 000 personnes dans le monde en 2019, en grande majorité des enfants de moins de 5 ans. Bien que mortel, ce parasite peut être soigné grâce à des traitements à base d’artémisinine combiné, aussi appelés bithérapie. Mais le problème de ces traitements, c’est que les parasites ont tendance à y résister de plus en plus fréquemment. Alors certains chercheurs travaillent sur l’élaboration de nouveaux médicaments et des essais sont actuellement menés sur 1 600 enfants de moins de 5 ans au Mali, Ghana, Gabon et Bénin… 

Les essais cliniques menés dans ces quatre pays africains testent en grandeur nature des médicaments toujours à base d’artémisinine, non plus en bi, mais en trithérapie.

« L’objectif du projet, c'est d’apporter la preuve que cette trithérapie sera efficace et bien tolérée par les patients, c’est-à-dire avec peu d’effets secondaires supplémentaires par rapport à la bithérapie, et l’absence d’anomalies dans les concentrations plasmatiques de médicaments », explique le chercheur Jérôme Clain, à l'initiative de ces essais.

La trithérapie, c'est un traitement comme son nom l'indique à base de trois molécules. La première, l'artémisinine élimine la plus grande partie des parasites en quelques heures, la seconde poursuit l'éradication et la troisième vient en renfort de la seconde en tuant les parasites résistants.

Et c'est cette troisième molécule, l'atovaquone proguanil, plus connue sous le nom de malarone en combinaison des deux autres qui fait la nouveauté de ces essais. Sa propriété : bloquer la transmission du parasite pendant toute la durée du traitement. « L’intérêt de l'atovaquone proguanil, c’est qu’elle a une double action, à la fois elle empêche la transmission et en plus elle contribue à la diminution des symptômes », avance Jérôme Clain. 

Comme les médicaments combinés existent déjà sur le marché, le coût de cette nouvelle trithérapie serait abordable pour les pays du continent africain.

Un candidat vaccin suscite l'espoir au Burkina

Au Burkina Faso, les chercheurs de l’Unité de recherche clinique de Nanoro et leur partenaire de l’Université d’Oxford ont rendu publique les premiers résultats des essais sur un candidat vaccin contre le paludisme. L’essai clinique de ce candidat vaccin vient de passer sa deuxième phase. Le R21/Matrix-M a fait preuve d’une très grande efficacité. Ce qui suscite déjà de l’espoir au niveau des acteurs de la lutte contre le paludisme, rapporte notre correspondant à Ouagadougou, Yaya Boudani.

Au total, 450 enfants âgés de 5 à 17 mois ont été recrutés  dans  24 villages durant ces premiers essais. Les chercheurs ont déclaré que sur 12 mois de suivi, le vaccin s'était avéré efficace à 77 % dans le groupe ayant reçu la dose la plus élevée, et à 71% dans le groupe ayant reçu la dose la plus faible, sans qu'aucun effet indésirable grave lié au vaccin n’ait été constaté.

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Ces résultats n'ont jamais été égalés par un autre candidat vaccin. Ce qui suscite beaucoup d’espoir chez les spécialistes de la santé. C’est d’ailleurs le premier candidat vaccin à atteindre l'objectif d'efficacité de 75% fixé par l'Organisation mondiale de la santé.

« Ce sont des résultats impressionnant. Nous attendons avec impatience la prochaine étape qui est l’essai clinique de phase III pour confirmer avec des données à grande échelle les résultats d'innocuité et d'efficacité d'un vaccin qui est hautement indispensable pour le contrôle du paludisme dans notre région », souligne le professeur Halidou Tinto,   investigateur principal de l'essai.

La dernière phase des essais va bientôt  commencer. 4 800 enfants âgés de 5 à 36 mois vont être recrutés dans quatre pays africains : le Burkina Faso, le Kenya, Mali et la Tanzanie. C’est après les résultats de cette phase que le candidat vaccin pourra être homologué.

Poursuivre la lutte

En attendant, le paludisme continue de tuer massivement en Afrique et majoritairement des enfants de moins de 5 ans. Il est donc primordial de continuer de lutter contre sur le continent, malgré la pandémie de Covid-19, rappelle le docteur Moumouni Kinda, directeur général d'une ONG médicale qui agit sur le terrain en Afrique centrale et de l'ouest pour prévenir des effets de cette maladie. Depuis 1 an l'OMS a enregistré une hausse de la mortalité liée au paludisme de 19 000 à 100 000 personnes en Afrique subsaharienne.

Nous avons remarqué une baisse de fréquentation dans les structures de santé dans lesquelles nous travaillons, cette baisse pourrait essentiellement être liée à la peur de la pandémie. (…) Il est vrai que le Covid est une urgence mondiale alors il faut s’investir dans la lutte contre cette pandémie mais il faut continuer à lutter contre les autres maladies…


Docteur Moumouni Kinda

► À écouter aussi : au Gabon, sur les traces des chasseurs de moustiques à Lambaréné (Reportage Afrique)

[Chronique] Sommet de Joe Biden sur le climat : les clefs du casting africain

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Par  Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

Glez

Le président américain Joe Biden, qui organise jeudi et vendredi un sommet virtuel sur le climat, a invité 40 dirigeants, dont cinq africains. Quels ont été les critères de sélection ?

Il n’est jamais anodin de recevoir une invitation au premier sommet d’envergure d’un président américain frais émoulu, fût-ce une rencontre en visio-conférence qu’on peut suivre en pantoufles. C’est encore moins banal, quand un continent de 54 pays ne se voit attribués que cinq bristols.

Pour son sommet « virtuel » débuté le 22 avril et consacré au climat, Joe Biden a pourtant convié 40 dirigeants, ce qui aurait pu laisser espérer une dizaine de places au continent qui représente plus d’un quart des pays du monde et qui, de surcroît, subit de manière particulièrement cruelle les effets du réchauffement climatique : cultures décimées par la sécheresse ou quelque cyclone, menaces de famine et, en corolaire, heurts intercommunautaires entre agriculteurs et éleveurs…

Des invités incontournables

L’Afrique se console en considérant qu’il s’agit prioritairement d’attirer à la table des négociations les plus gros pollueurs, dont ses nations ne font guère partie. Mais pourquoi les invités africains à cette mondanité écologiste sont-ils Félix Tshisekedi, Cyril Ramaphosa, Ali Bongo Ondimba, Uhuru Kenyatta et Muhammadu Buhari ? La démonstration de l’équilibre géographique ne résiste guère à l’absence de présidents nord-africains.

Au moment du choix des invités à n’importe quel sommet, luisent les badges d’incontournables. Depuis la 34e session du sommet de l’Union africaine de février dernier, le président de la RDC préside l’institution continentale. La RDC – ça tombe bien – est souvent présentée comme le « second poumon du monde », avec le bassin du Congo, le fleuve Congo ou encore le parc des Virunga.

Dans une même logique d’ampleur vertueuse ou « vicieuse », les émissions nationales de gaz à effet de serres sont liées à la taille d’un pays et à son développement économico-industriel, ce qui rend incontournables l’Afrique du Sud et le Nigeria, les deux géants du continent africain.

Biden aura besoin du quintet africain

Par ailleurs, s’il s’agit de désigner poliment du doigt les pollueurs présumés responsables et irresponsables, il est aussi utile de décerner quelques satisfécit à valeur d’exemples. Officiellement, le nouveau président américain a invité « les dirigeants […] qui font preuve d’un solide leadership en matière de climat ». Pays de feu la militante écologiste nobelisée Wangari Maathai et son organisation Green Belt, le Kenya abrite le siège mondial du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et a misé très tôt sur un écotourisme favorable à la préservation de l’écosystème.

Quid d’Ali Bongo Ondimba, dont sa participation au sommet marquera son retour dans des événements d’envergure mondiale ? Pays, comme la RDC, de la région du bassin du Congo, le Gabon a adopté, depuis de nombreuses années, des politiques applaudies en matière de préservation de l’environnement et d’utilisation raisonnable des ressources naturelles. Et comme le Kenya, il compte un activiste écologiste reconnu : Marc Ona.

Face à des interlocuteurs comme le Chinois Xi Jinping et le Brésilien Jair Bolsonaro, l’ambitieux Biden aura bien besoin du soutien du quintet africain.

Burkina Faso : « Juger Blaise Compaoré n’ajoutera pas à l’instabilité »

| Par - à Ouagadougou
Mis à jour le 20 avril 2021 à 12h28
L’ancien président burkinabè Blaise Compaoré à Milan, en 2012.
L'ancien président burkinabè Blaise Compaoré à Milan, en 2012. © Luca Bruno/AP/SIPA

Le chercheur français Mathieu Pellerin décrypte l’impact sécuritaire que pourrait avoir au Burkina le procès de Blaise Compaoré, inculpé pour « complicité » dans l’assassinat de Thomas Sankara, et revient sur l’insécurité galopante qui prévaut chez les voisins malien et nigérien.

Le prochain procès de l’ex-chef de l’État burkinabè, Blaise Compaoré, inculpé pour « complicité » dans l’assassinat de Thomas Sankara, sera-t-il un nouveau facteur de déstabilisation pour le Burkina Faso ? Selon Mathieu Pellerin, analyste Sahel à International Crisis Group (ICG), l’influence de l’ancien président sur la situation sécuritaire depuis sa chute a largement été surestimée.

« Il est rare que la réconciliation se fasse sans justice », insiste le chercheur, qui détaille également pour Jeune Afrique l’urgence, pour les voisins malien et nigérien, de « réparer les fractures entre communautés » afin de freiner les risques d’expansion jihadiste au Sahel.

Jeune Afrique : L’inculpation de Blaise Compaoré dans l’assassinat de Thomas Sankara peut-elle compromettre le processus de réconciliation au Burkina Faso ?

Mathieu Pellerin : Les États confrontés à ce type de défis se heurtent à la difficulté de trouver le juste milieu entre réconciliation et justice. Il est rare que la réconciliation se fasse sans justice, et je crois qu’à ce sujet le président Roch Marc Christian Kaboré a toujours été clair. En 2016, il estimait que les procès, dont celui sur les responsables présumés de l’assassinat du président Thomas Sankara, étaient le point de départ d’une vraie réconciliation nationale.

Je ne crois pas qu’un tel procès puisse rajouter de l’instabilité… L’influence de l’ancien président sur la situation sécuritaire depuis 2015 a été largement surestimée.

La question terroriste fait-elle partie du processus de réconciliation souhaité par le président Kaboré ? 

Elle est intimement liée à la question de la réconciliation. Les jihadistes se sont développés au Burkina en exploitant toutes les fractures locales entre communautés, fondées très souvent sur l’exploitation des ressources. Il convient de réparer ces fractures et de réconcilier des communautés qui ont commis de nombreuses violences depuis 2016 au Sahel puis dans le Centre-Nord, l’Est, le Nord et dans la boucle du Mouhoun. Le chantier de la réconciliation est clairement un moyen de freiner l’expansion jihadiste.

Au Mali, au Burkina et au Niger, les groupes armés continuent de dicter leur loi. Comment jugez-vous la situation sécuritaire dans ces trois pays ?

Au Burkina Faso et au Niger, la légère baisse du nombre des attaques, qui a été observée malgré les évènements de ces derniers jours, tient à la fois à l’efficacité du renforcement des effectifs de l’opération Barkhane, aux affrontements entre le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans [GSIM] et l’État islamique dans le Grand Sahara [EIGS], mais aussi au changement d’approche du Burkina, qui ne privilégie plus seulement l’option militaire.

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LE NIGER FAIT FACE À DE NOUVELLES VIOLENCES COMMUNAUTAIRES TRÈS INQUIÉTANTES

Au Mali, la situation reste très préoccupante, notamment dans le centre du pays. Le Niger fait quant à lui face à de nouvelles violences communautaires très inquiétantes. Les groupes jihadistes ont perdu de nombreux combattants, mais ils n’ont pas perdu beaucoup de terrain. Le nombre de déplacés continue de croître, tandis que la menace s’intensifie dans les régions de Sikasso, Kayes et à la frontière avec la Côte d’Ivoire.


Exercice de commando de parachutistes du Burkina Faso, sous la supervision des forces spéciales néerlandaises,
lors de l’exercice annuel de lutte contre le terrorisme mené par l’armée américaine à Thiès, au Sénégal, le 18 février 2020. © CHEIKH A.T SY/AP/SIPA

L’arrivée du contingent tchadien dans la zone des trois frontières est-elle un aveu d’impuissance des armées nationales ? La stratégie de Barkhane a-t-elle atteint ses limites ?

Le Tchad est membre du G5 Sahel, et dès la mise en place de la force conjointe, il était prévu que des forces nationales puissent intervenir au-delà des zones frontalières.

Par ailleurs, Barkhane, comme les armées nationales, n’a jamais caché qu’elle avait besoin des forces tchadiennes, les plus rompues à la guerre asymétrique au Sahara. L’arrivée de ce contingent était prévue depuis longtemps, elle a simplement été retardée. Plus largement, la question qui se pose est de savoir si la seule réponse militaire n’a pas atteint ses limites.

Les affrontements entre les combattants affiliés à l’État islamique et ceux du GSIM sont-ils nombreux ?

Ils n’ont jamais cessé depuis janvier 2020, en dépit de tentatives de dialogue qui ont jusqu’ici échoué. Depuis le printemps 2020, ils se concentrent surtout dans la zone du Gourma malien, ainsi que sur le versant burkinabé de la frontière. Des combats  sont survenus dans le Liptako, mais ils sont beaucoup moins nombreux. Toutefois, le massacre récent de Tilia pourrait changer la donne et amener le GSIM à intervenir davantage contre l’EIGS dans cet espace.

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LA PRIORITÉ SEMBLE ÊTRE D’ÉVITER QUE LES COMMUNAUTÉS NE S’ARMENT POUR SE VENGER

Comment Mohamed Bazoum, le nouveau président nigérien, peut-il ramener le calme dans son pays ? 

Dans la région de Tillabéri, au sud-ouest du pays, il n’y a pas de recette miracle qui pourrait ramener le calme. Il y a quelques années, un dialogue était sans doute possible avec certains cadres militaires nigériens du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), passés ensuite par l’EIGS. Mais depuis 2017 et la multiplication des violences communautaires perpétrées dans la région et à la frontière malienne, le conflit s’est radicalisé et le dialogue est bien plus complexe, bien que pas impossible. Aujourd’hui, à la suite des massacres survenus dans le Nord Tillabéri et à Tilia, la priorité semble être d’éviter que les communautés ne s’arment pour se venger.

Pour cela, il faut que l’État assure la sécurité de ces communautés, tout en veillant à prévenir les règlements de compte en maintenant un dialogue constant entre elles et la communauté peule, incriminée à tort par les actes posés par l’EIGS.

Après cinq mois d’accalmie, il y a une recrudescence des attaques terroristes au Burkina Faso. Faut-il y voir l’échec des négociations entamées par les communautés locales avec les terroristes d’Ansaroul Islam ou du Gsim ?

Je ne pense pas. Le pacte de non-agression semble toujours effectif, même s’il est difficile de savoir s’il découle d’un effort concerté des autorités et de ces groupes, ou d’une situation restée figée depuis plusieurs mois parce qu’elle arrange tout le monde.

Dans de nombreuses régions, il semble en tout cas que les groupes jihadistes et l’armée s’évitent. Toutefois, un tel pacte est nécessairement fragile car il ne constitue pas un accord. En particulier, l’action des Volontaires de défense de la patrie (VDP) pose question. Ces derniers ont été propulsés dans la guerre anti-terroriste, se retrouvent enfermés dans celle-ci et continuent de cibler ou d’être ciblés par les groupes jihadistes.

C’est ce qui semble se passer dans certaines localités de plusieurs régions, où certains conflits locaux impliquant les VDP ont laissé des traces jusqu’ici indélébiles. C’est notamment le cas à Tanwalbougou ou à Gorgadji. Les autorités doivent capitaliser sur ce pacte de non-agression pour construire la paix entre les communautés. Et cela doit se faire région par région, commune par commune. C’est ce que nous avions recommandé il y a un an dans notre rapport sur le Burkina Faso intitulé « Sortir de la spirale des violences ». On observe qu’à Thiou ou Pobé-Mengao, par exemple, un tel processus en marche est porteur d’espoir.

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LES INSURRECTIONS JIHADISTES SE NOURRISSENT D’INJUSTICES LOCALES

Faut-il négocier avec les terroristes ?

Notre organisation a toujours milité en ce sens. Il faut tout d’abord rappeler pourquoi les recrues prennent les armes. Les insurrections jihadistes se nourrissent d’injustices locales, elles-mêmes découlant d’inégalités statutaires entre les communautés ou d’injustices produites par la gouvernance étatique.

Les exactions perpétrées contre des populations civiles par les forces de défense et de sécurité et des groupes d’autodéfense, qui ont explosé depuis 2018, ont offert un nouveau terreau. Toutes ces questions peuvent trouver des solutions par la concertation, la réconciliation et la justice. Cela peut permettre de convaincre de nombreux combattants de renoncer aux armes. Il faut que les partenaires internationaux, à commencer par la France, laissent les États sahéliens privilégier cette approche. Sur le terrain, les autorités locales – et même parfois nationales – négocient déjà depuis plusieurs années.