Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Réinhumation de Thomas Sankara et ses douze compagnons : La famille Bamouni crie à un "deuxième assassinat, 35 ans après"

Accueil > Actualités > Société • Déclaration • mardi 21 février 2023 à 10h49min 
 
Réinhumation de Thomas Sankara et ses douze compagnons : La famille Bamouni crie à un

 

Ceci est une déclaration de Céline Bamouni, la fille de Feu Babou Paulin Bamouni, l’un des douze compagnons d’infortune du père de la révolution burkinabè. Dans ce message, elle indique que sa famille ne va pas participer à la réinhumation des restes de leur défunt parent, "si les choses restent en l’état".

LE DEUXIEME ASSASINAT ! 35 ANS APRES

Si les choses restent en l’état nous, les ayants droit de Feu BAMOUNI Babou Paulin, Journaliste, Agent civil de la fonction publique Burkinabè, relevant du ministère de l’information au moment de son assassinat avec le Capitaine Président Thomas SANKARA et 11 autres compagnons, ne participerons pas à la réinhumation de ses restes mortels.

Pour la simple raison que le droit d’accompagner dignement notre cher père nous est refusé.

A la suite des exhumations en juin 2015 pour les besoins de l’enquête, nous avons manifesté auprès de la Justice Militaire notre souhait (certes verbal) de pouvoir fournir, au moment opportun, un cercueil de notre choix pour les restes de notre père. Sachant qu’il était un agent civil de l’Etat nous supposions que ça ne devrait pas poser de problème.

En effet un accord de principe (une fois de plus verbal) nous a été donné par l’autorité.

7 ans plus tard, soit en Juillet 2022, lorsque les pompes funèbres militaires ont informé toutes les familles des martyrs que les ré-inhumations devaient se faire assez rapidement, nous avons jugé utile de réitérer notre requête, par écrit cette fois-ci, datée du 8 septembre 2022 en précisant toujours que nous souhaitons ré-inhumer les restes de notre père dans un cercueil fourni par nos soins.
A notre grand étonnement cette lettre n’aura jamais de réponse, malgré nos relances.

 

Le 23 janvier 2022 nous adressons à nouveau une correspondance à la Justice Militaire, pour, cette fois-ci, lui réclamer les restes de notre père agent civil de l’Etat, afin que nous puissions procéder, nous-mêmes, à son inhumation au lieu de notre choix.

Après relances, nous recevons, le 15 février 2023, une réponse du Directeur de la Justice Militaire, datée du 13 février 2023 qui dit ne pouvoir donner une suite favorable à notre requête car « lesdits ne sont pas sous sa gestion ». Sans rien de plus ! Et ce dernier omet de nous préciser à qui nous adresser pour obtenir les restes mortels de notre père.

Le 17 février 2023 nous apprenons par un communiqué officiel la date des réinhumations de tous les restes mortels et la confirmation du lieu d’inhumation préalablement contesté.

Nous adressons donc dès le lendemain de l’annonce une énième requête à l’Officier de Garnison responsable des pompes funèbres militaires, datée du 18 février 2023 pour qu’à défaut de pouvoir récupérer les restes mortels, nous soyons, tout au moins, autorisés à apporter le cercueil que nous avons choisi pour notre père pour les réinhumations du 23 février 2023. A ce jour toujours pas de réaction de sa part.

Pour rappel BAMOUNI Babou Paulin, Journaliste, Agent civil de la fonction publique, abattu lâchement pour son pays, a été enseveli le 15 octobre 1987 avec 12 autres compagnons de lutte sans la moindre dignité.

L’histoire nous donne l’opportunité à nous ses enfants de pouvoir effectuer cette démarche si personnelle et symbolique, lourde de sens pour nous qui l’avons perdu à l’âge de 13, 11 et 2 ans et qui n’avons jamais eu l’occasion de lui offrir un quelconque présent. C’est malheureux que ce soit un cercueil, mais ainsi Dieu en a décidé.

Aujourd’hui adultes et responsables, notre seul souhait, qui est des plus légitimes dans notre entendement d’enfants désireux de contribuer aux obsèques de notre cher père nous est ôté sans autre forme de procès le droit de l’accompagner avec tous les honneurs dignes de son rang de papa, Non, le brave Agent Civil et adorable père qu’a été BAMOUNI Babou Paulin ne mérite pas ce sort post-mortem !

Son épouse, ses enfants, ses parents et ses frères et sœurs, ont été privés de ce rôle car cette nuit du 15 octobre 1987 il a été enseveli par d’autres dans la précipitation et sans cercueil.

35 ans après, l’histoire a l’air de se répéter ! Il est assassiné une seconde fois sous nos yeux et il sera inhumé « à la militaire » comme cela nous a été dit et sur les lieux où il a perdu la vie.

Cette vie qui lui a été arrachée par des militaires !
Il sera enseveli encore, sans qu’aucun rite coutumier relevant de son ethnie ne soit fait afin que ses ancêtres également l’accompagnent dans son repos éternel !

 

En clair il nous est interdit de faire le deuil de notre papa !
Certains ont eu l’audace de nous dire que nous n’avons aucun droit en tant que famille biologique, car les restes de tous les martyrs du 15 octobre 2015 appartiennent à la famille politique seule légitime à décider. Aucune empathie à notre égard ! Aucune compassion ! Bien au contraire, nous ne faisons qu’essuyer de la part d’opportunistes aux agendas cachés et patriotes de la 25e heure, des critiques qui frisent parfois un « inhumanisme » intolérable.

Notre père était agent civil de l’Etat et l’organisation des ses obsèques incombent à sa famille n’en déplaise à la Justice Militaire et à la fameuse famille politique. C’est notre droit de vouloir l’accompagner dignement.

Si notre doléance de près de 8 ans n’est pas accordée nous n’assisterons pas à la réinhumation.

Pour les Ayants Droits Biologiques de Feu Camarade Babou Paulin BAMOUNI, Journaliste, Agent Civil de l’Etat Burkinabè.

Céline BAMOUNI
Paix à ton âme, Papa.

À l’UA, corruption et copinage au menu de la réunion des ministres des Affaires étrangères

Les chefs de la diplomatie, réunis à Addis-Abeba le 15 février lors de la session du Conseil exécutif de l’organisation, ont examiné un rapport sur le manque de sanctions envers les irrégularités financières et les nominations abusives.

Par Jeune Afrique - avec The Africa Report
Mis à jour le 16 février 2023 à 13:39


 ConfUA
 

 

    Cérémonie d’ouverture de la 42e session du Conseil exécutif de l’Union africaine, à Abbis-Abeba, le 15 février 2023. © African Union

Ce rapport ne fait pas de grandes révélations, mais il enfonce un peu plus le couteau dans la plaie : préparé par le Comité des représentants permanents (CRP), présidé par le Sénégal, le document de 70 pages souligne l’absence de sanctions à l’encontre des membres du personnel de la Commission de l’Union Africaine (UA) qui ont commis des irrégularités financières.

À LIRE[Enquête] Sécurité, mandats, finances, gouvernance… Union africaine : 20 ans pour rien ?

À la tribune de la 42ème session du Conseil exécutif, le 15 février à Addis-Abeba, le représentant du Nigeria a donné le ton.

Répartition « injuste » des postes

Il s’est dit « profondément préoccupé » par la « non-application des sanctions » contre les employés de la Commission reconnus coupables de corruption. Ils « doivent être sanctionnés » pour « toute infraction commise », a-t-il ajouté.

Des soupçons de cette nature pèsent en effet depuis quelques années sur la Commission de l’UA. En 2021, la plateforme Devex avait rapporté qu’un audit externe réalisé par PricewaterhouseCoopers avait conclu à « de possibles actes répréhensibles, une mauvaise utilisation et/ou une mauvaise gestion des ressources de la Commission » dans plusieurs domaines, notamment le recrutement du personnel. Des irrégularités dans la rémunération et les indemnités du personnel avaient également été notifiées.

À LIRE[Enquête] UA – Moussa Faki Mahamat : « Il faut dépasser les souverainetés étriquées pour voir plus grand en Afrique »

L’année précédente, c’était au tour du président de la Commission, Moussa Faki Mahamat, d’être accusé de copinage après la fuite d’un mémo assimilant l’UA à un cartel « mafieux » en raison de sa gestion des nominations de hauts fonctionnaires, effectuées en dehors de toute procédure régulière.

Malgré le démenti du porte-parole de l’UA, des États membres continuent de penser que la répartition des postes est injuste. À Addis-Abeba, le représentant de la Libye s’est plaint que ses compatriotes « avaient des difficultés à obtenir des postes en fonction de leurs compétences et de leur expérience ».

Freins institutionnels

Ces dérives sont autant de freins institutionnels qui empêchent les projets de se réaliser dans les budgets et les délais impartis, selon les ministres des Affaires étrangères. Le représentant du Ghana a suggéré que l’allocation budgétaire soit « liée aux taux d’exécution » et a indiqué que son pays « ne soutiendrait plus aucune dépense » à moins que « les délais de financement ne soient respectés ».

Même son de cloche au sein de la délégation ougandaise et chez le ministre éthiopien des Affaires étrangères, Demeke Mekonnen, qui a déploré « des anomalies majeures dans les performances financières de l’UA ».

Les recommandations de Paul Kagame

En 2016, le président rwandais Paul Kagame a été chargé de superviser un processus de réforme visant à rationaliser l’UA et à résoudre le problème de la fragmentation institutionnelle, alors que l’organisation était devenue trop pléthorique. Il a conclu que l’UA n’était pas adaptée à sa mission et a formulé des recommandations qui sont toujours en cours d’exécution.

Le ministre sud-africain des Affaires étrangères, Naledi Pandor, a fait référence à ces préoccupations lors de la réunion du Conseil exécutif du 15 février, avertissant que l’UA risque de se transformer en un « animal lourd qui nous coûtera beaucoup, mais ne nous fera pas avancer » si elle crée trop de nouvelles institutions ou élargit les institutions existantes.

Opération meurtrière de l'armée malienne et de ses supplétifs russes à Soumoun

 

Les soldats maliens et leurs supplétifs russes se positionnent dès dimanche soir près du village de Soumouni. Ils soupçonnent la présence de jihadistes de la katiba Macina du Jnim (Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans), liés à al-Qaïda.

Il faut dire que, depuis plusieurs mois, de nombreux villages de la zone, dont celui de Soumouni, ont dû se résoudre à passer des accords avec les jihadistes. Afin de pouvoir circuler librement et cultiver leurs champs, les villageois acceptent de se soumettre aux règles imposées par les jihadistes, comme les obligations vestimentaires ou le versement de l'impôt.

Lundi matin, très tôt, les soldats maliens et leurs supplétifs russes entrent dans Soumouni et ouvrent le feu. Cinq hommes sont tués sur le coup : quatre cultivateurs et le directeur de l'école du village, qui téléphonait devant sa maison. Les quatre cultivateurs, natifs de Soumouni, seront enterrés sur place. Le corps de l'enseignant, originaire de San, passe la nuit à Macina avant d'être transporté le lendemain matin vers sa ville natale pour y être inhumé.

Quatre à sept autres personnes, selon les sources, ont été blessées au cours de l'opération et évacuées par l'armée malienne elle-même. Les trois cas les plus graves ont été dirigés vers l'hôpital régional de Ségou. Ces informations ont été obtenues et recoupées par RFI auprès de nombreuses sources locales.

L'une d'entre elle explique qu'après avoir ouvert le feu, les militaires maliens et leurs supplétifs russes ont rassemblé les habitants de Soumouni : « Ils ont expliqué qu'ils venaient combattre les jihadistes et leurs complices, et qu'ils avaient même les moyens de savoir qui avait une arme ou qui en avait manipulé récemment. Puis, ils sont repartis. »

Les autorités maliennes de transition démentent, depuis plus d'un an, la présence de mercenaires du groupe Wagner et continuent d'affirmer que seuls des instructeurs russes soutiennent l'armée nationale, et qu'ils ne participent pas aux opérations de terrain.

Sollicitée par RFI, l'armée malienne n'a pas donné suite.

 

Assimi Goïta va-t-il libérer Bouaré Fily Sissoko, l’ancienne ministre d’Ibrahim Boubacar Keïta ?

En détention provisoire depuis août 2021 dans le cadre de l’affaire dite de « l’avion présidentiel », l’ancienne ministre de l’Économie multiplie les appels à Assimi Goïta pour demander la tenue de son procès.

Mis à jour le 14 février 2023 à 16:57
 
 

 fily

 

 

Bouaré Fily Sissoko © Doc Facebook Bouare Fily Sissoko

 

Sans doute son dossier aura-t-il longtemps été éclipsé par celui de Soumeylou Boubèye Maïga, décédé en détention le 21 mars 2022. Mais Bouaré Fily Sissoko, qui dort en prison depuis le 26 août 2021, semble bien décidée à attirer l’attention sur sa situation.

Il y a un peu plus de dix-huit mois, l’ancienne ministre de l’Économie et des Finances d’Ibrahim Boubacar Keïta était placée sous mandat de dépôt pour « atteintes aux biens publics », « faux et usages de faux » et « délit de favoritisme » dans l’affaire dite de « l’avion présidentiel » d’Ibrahim Boubacar Keïta. Un dossier qui vise également Mahamadou Camara, qui fut ministre de la Communication après avoir été le directeur de cabinet d’IBK.

À LIREKarim, Bouba, Aminata Maïga… Que devient la famille d’Ibrahim Boubacar Keïta ?

Alors que l’instruction traîne en longueur, Bouaré Fily Sissoko adressait, dès août 2022, un courrier au président de la transition Assimi Goïta. Un « recours ultime » dans l’espoir que la procédure « puisse connaître un dénouement rapide », écrivait-elle au colonel putschiste.

Dans sa lettre, l’ancienne ministre s’est dite prête à comparaître devant la justice malienne à tout moment, jugeant son maintien en détention provisoire « difficile à comprendre », l’ensemble des pièces nécessaires à la tenue d’un procès étant disponible.

Demandes de liberté provisoire

Le 5 janvier 2023, Bouaré Fily Sissoko prenait de nouveau la plume, espérant cette fois obtenir le soutien de l’Association malienne des procureurs et poursuivants (AMPP). Dans son courrier adressé à cette organisation, celle qui fût plusieurs fois ministre entre 2000 et 2015, précise avoir obtenu une réponse favorable à sa dernière demande de libération provisoire. Seul obstacle :  la caution de 500 millions de francs CFA, soit un peu plus de 760 000 euros, qui lui est demandée.

« À mon humble avis, demander à un fonctionnaire malien quel que soit son parcours, de constituer cette somme faramineuse, dans une procédure d’instruction conduite suivant le principe de la présomption d’innocence et par une chambre qui en principe a vocation à instruire à charge et à décharge, équivaut tout simplement à le traiter de criminel financier de classe exceptionnelle, sans en apporter les preuves », écrivait alors l’intéressée.

La Cour suprême incompétente ?

Si les autorités maliennes ne semblent pas vouloir réagir, l’AMPP s’est à son tour fendue d’un courrier, adressé au colonel Assimi Goïta le 7 février. Une lettre longue de huit pages, dans laquelle l’AMPP dénonce une « auto-saisine illégale de la Cour suprême du Mali, relativement à des affaires relevant de la compétence exclusive de la Haute Cour de justice ».

À LIREMali : la détention de deux ministres d’IBK est-elle légale ?

En effet, selon la Constitution malienne, les procédures visant des ministres ou des hautes personnalités de l’État pour des infractions commises dans l’exercice de leurs fonctions étatiques relèvent de la Haute Cour de justice.

Or cette juridiction d’exception est une composante de l’Assemblée nationale, dissoute avec le coup d’État d’août 2020. « Aucune Haute Cour de justice n’ayant été mise en place depuis, la Cour suprême s’est auto-saisie des dossiers, bien qu’initialement elle n’est pas habilitée à juger ce genre d’affaires », explique un avocat malien. Mais selon l’AMPP, « aucune disposition particulière ou spéciale ne donne un quelconque pouvoir aux premiers responsables de la Cour suprême de s’auto-saisir de telles affaires ».

Selon Alhassane Sangaré, l’ancien bâtonnier qui défend Bouaré Fily Sissoko, la composition même des chambres dépendant de la Cour suprême pose problème. « Le président de la Cour suprême est à la tête de la chambre d’instruction en charge du dossier, quand son vice-président est à la tête de la chambre d’appel. On ne peut pas imaginer qu’un juge subalterne ait vocation à corriger en toute indépendance les erreurs de son supérieur hiérarchique », fait valoir le magistrat.

Aller au procès

Ayant épuisé les recours visant une révision de la caution demandée pour la libération provisoire de l’ancienne ministre, Me Sangaré réclame aujourd’hui la tenue d’un procès. « La procédure est aujourd’hui bloquée au niveau de la Cour suprême. La seule voie possible est d’organiser un procès rapidement. Et je pense que la justice ne sait pas quoi faire, car aucun véritable élément prouvant une infraction de la part de ma cliente ne figure au dossier. Si elle ne peut pas être jugée, alors elle doit être libérée », estime-t-il.

À LIREMali : Boubou Cissé, les vérités d’un exilé

Comme Bouaré Fily Sissoko, plusieurs caciques de l’ère IBK sont aujourd’hui en prison ou menacés de l’être, notamment dans des dossiers d’acquisition d’équipement militaire. C’est notamment le cas de l’ancien Premier ministre Boubou Cissé, poursuivi dans l’affaire dite « Paramount », concernant des soupçons d’irrégularités dans l’achat de véhicules blindés. Les anciens ministres Mamadou Igor Diarra et Tiéman Hubert Coulibaly, en exil comme Boubou Cissé, sont visés par la même procédure.

Depuis les deux putschs d’août 2020 et mai 2021, nombre d’anciennes personnalités politiques ont maille à partir avec la justice, dont le fils de l’ancien président Karim Keïta, réfugié en Côte d’Ivoire. Les anciens piliers du régime d’Ibrahim Boubacar Keïta crient à l’instrumentalisation de la justice. La transition, elle, promet « la fin de l’impunité ».

Pourquoi Macky Sall n’aurait jamais dû recevoir Marine Le Pen

En accueillant la présidente du Rassemblement national, le chef de l’État sénégalais a commis une faute politique. Pis, il a créé un précédent fâcheux pour le continent.

Mis à jour le 14 février 2023 à 12:53
 Karfa
 
 

Par Karfa Diallo

Conseiller régional Nouvelle-Aquitaine, fondateur-directeur de l'association Mémoires et partages.

 
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Marine Le Pen (bras croisés) et des élus locaux de Ross Béthio, au Sénégal, le 17 janvier 2023. © Facebook Marine Le Pen

 

En recevant au Palais Marine Le Pen, la présidente du Rassemblement national, Macky Sall foule aux pieds les combats antiracistes des pionniers de l’indépendance du Sénégal et des défenseurs du panafricanisme.

Cette validation africaine de la stratégie de dédiabolisation d’un parti grisé par ses récents succès électoraux et par son intégration progressive dans l’appareil d’État français constitue un précédent dont les diasporas africaines risquent de pâtir, dans une Europe où l’extrême droite grignote insidieusement l’espace républicain.

Éléments de langage

En choisissant le Sénégal pour sa première visite à l’étranger depuis les élections qui ont vu le parti créé par Jean-Marie Le Pen entrer massivement à l’Assemblée nationale française, Marine Le Pen déploie une stratégie d’ensemble sur un continent dont les ressortissants sont pourtant les cibles favorites des attaques, physiques et verbales, des militants d’extrême droite.

À LIRELe Sénégal de Macky Sall, grand ami de la France en Afrique de l’Ouest

L’habile dirigeante de l’extrême droite française a su bien préparer ses interlocuteurs sénégalais, trop ignorants à la fois de leur propre histoire politique et des valeurs qu’incarne le Rassemblement national.

Dans une tribune publiée par le journal L’Opinion, le 16 janvier, la fille de Jean-Marie Le Pen a enrobé sa stratégie d’éléments de langage que l’élite politique sénégalaise a gobés tout rond.

Courbettes

Habituée des harangues contre l’immigration, Marine Le Pen use de la langue de bois pour mettre en avant « l’importance d’un authentique co-développement euro-africain », « la francophonie » ou « les questions de sécurité alimentaire et de santé ». Opportuniste, elle parachève son discours en défendant une candidature africaine à l’ONU et en souhaitant « qu’un représentant de l’Afrique [siège] comme membre permanent du Conseil de sécurité ».

Il n’en fallait pas plus pour que le président Macky Sall, qui doit pourtant avoir remarqué que la jeunesse sénégalaise s’en prend de manière récurrente aux intérêts français, déroule le tapis rouge à la présidente du Rassemblement national, entraînant dans son sillage une administration qui, en trois interminables journées, de Dakar à Saint-Louis, a multiplié les courbettes pour vanter la coopération possible avec la dirigeante d’un parti qui fait ouvertement carrière sur la haine des Noirs et des Arabes.

Visite d’exploitations agricoles, accolades avec des forces militaires françaises, larmes de crocodile devant des lits de patients hospitalisés et tristesse de façade à la Maison des esclaves de Gorée, elle a tout osé, et le Sénégal lui a tout permis.

À LIRESénégal : quel futur pour Gorée ?

Grisée, elle a enfoncé le clou : « Il est très important de ne pas perdre le contact avec l’Afrique. Je voulais commencer par me rendre au Sénégal, qui est un pays pivot sur le continent. La vision que je porte n’est pas seulement une vision franco-française. Elle est aussi une vision de la France dans le monde. Il est important de pouvoir la confronter à l’étranger. »

À LIREMimi Touré : « Marine Le Pen n’aurait jamais dû être autorisée à venir au Sénégal »

Face à ce discours et cette présence incongrue, seule une femme, l’ancienne Première ministre Aminata Touré, s’est dite scandalisée. « Madame Le Pen n’aurait jamais dû être autorisée à fouler un continent qu’elle insulte depuis des années. Le Sénégal, ce n’est pas un pays qui devrait accueillir des personnalités racistes et xénophobes, qui l’assument et qui en font un plan de carrière politique. Qu’elle reprenne immédiatement le prochain avion et qu’elle reparte. »

« J’ai un ami président noir »

En espérant que cette diatribe ne soit pas qu’opportunisme de la part de celle qui, il y a encore huit mois, approuvait toutes les stratégies de Macky Sall, il reste une vraie question : comment expliquer l’indifférence des milieux militants panafricanistes sénégalais devant cet accueil présidentiel ?

Macky Sall a offert à Marine Le Pen une porte d’entrée idéologique inédite sur le continent africain, ce qui profitera surtout à l’extrême droite européenne et aux racistes de tout poil.

À la panoplie d’expressions toutes faites qu’elle a l’habitude d’aligner, Marine Le Pen pourra maintenant ajouter : « Je ne suis pas raciste, j’ai un ami président noir. Regardez la belle dédicace qu’il m’a faite sur son livre, Le Sénégal au cœur ! »