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Dévaluation du franc CFA : frayeurs autour d’une rumeur

Mis à jour le 12 mars 2022 à 18:18
 
Damien Glez
 

Par Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

 

© Damien Glez

Le vent de panique a été provoqué par un post Twitter montrant un changement dans la conversion d’un euro en franc CFA. Mais la BCEAO a démenti toute dévaluation de la monnaie africaine.

« 1 euro égale 658,83 francs CFA » : en début de semaine, un moteur de recherche semble indiquer qu’un euro ne coûterait plus 655,957 francs CFA, soit une augmentation de 0,438 % de la monnaie européenne et donc une baisse relative de la valeur de la monnaie ouest-africaine. Le cours du franc CFA étant officiellement arrimé à celui de l’euro avec un taux de parité fixe, la diminution éventuelle de la valeur de la devise africaine par rapport à la monnaie européenne ne saurait être le fruit d’une spéculation privée. Assistait-on, via Google devenu Wikileaks, à la révélation d’un changement de parité sur décision politique ? Le mot tabou émerge soudain sur les réseaux sociaux…

Machine complotiste

Présenté comme « comptable, fiscaliste, éco-entrepreneur » et « intégrateur de solutions de gestion d ’entreprises », le twittos @kabre13 diffuse la capture d’écran de l’euro à 658,83 CFA et lance la rumeur : « Sommes-nous en train d’assister tranquillement à une dévaluation du franc CFA ?! » Traumatisé par le spectre du 11 janvier 1994, jour de triste mémoire où le CFA avait été officiellement dévalué de 50 %, des internautes s’affolent. Et la machine à complots se met en marche : la condition d’une dévaluation étant le secret qui empêche la fuite des capitaux, le silence serait-il un indice accablant ?

Certes, si le changement de parité monétaire implique le silence, tout silence n’implique pas de changement de parité monétaire. Certains faits d’actualité récents constituent toutefois un terreau propice aux théories conspirationnistes : l’inflation alimentaire à deux chiffres, dès 2021, dans certains pays ouest-africains, le malaise sur des marchés sahéliens sanctionnés par la Cedeao, les effets possibles de la guerre menée par la Russie en Ukraine sur un continent africain qui importe près des deux tiers du blé qu’il consomme, l’incertitude sur le désarrimage futur de l’eco vis-à-vis de l’euro ou encore l’incendie, début février, de l’imprimerie de francs CFA de la ville de Chamalières, en France.

La réaction de la BCEAO

Relayant une émission « anticonformiste » du média français Sud-radio, l’internaute Aristide Sidibe met en garde : « La parité fixe euro-franc CFA risque d’être une victime collatérale des sanctions de l’Occident contre la Russie. Car cette inflation galopante des prix en Europe va inévitablement conduire à la dévaluation du franc CFA ».

Très rapidement, dans un communiqué daté du jeudi 10 février, la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest monte au créneau. Catégorique, elle contredit la rumeur d’une dévaluation effective : « La BCEAO dément formellement cette information et précise que le taux de change entre l’euro et le franc CFA demeure inchangé, à savoir 1 euro = 655,957 F CFA ». Et l’organe sous-régional d’émission d’inviter « à la plus grande vigilance » en se référant quotidiennement à la rubrique « statistiques / cours des devises contre franc CFA » de son site internet.

Quid, alors, de la capture d’écran qui mit le feu aux poudres ? Elle pourrait s’expliquer par les effets des taux commerciaux de banques commerciales, de bureaux de change ou de compagnies de transfert d’argent en quête de profits, le tout combiné à des approximations d’algorithmes de moteur de recherche…

Mali: comment l’embargo a réactivé la relation spéciale avec la Guinée

 

Le 9 janvier dernier, la Cédéao a placé le Mali sous embargo. La Guinée est le seul pays de l’organisation sous-régionale à avoir refusé d’appliquer la mesure. Du côté guinéen de la frontière, dans la région limitrophe qui jouxte le voisin malien, les habitants ont les yeux rivés sur Bamako. Les sanctions ont réactivé la relation spéciale qu’entretiennent les deux pays.

Empilés sur un carton, des documents officiels portant le vert, jaune, rouge, du drapeau malien. Sur le marché de Siguiri, en attendant les clients qui se font rares, le vendeur de poissons séchés Mamadou Bah passe en revue le paquet de cartes consulaires apporté par son fils. Elles viennent d’arriver de Conakry. Rendre des petits services administratifs à la communauté, cela fait partie de ses attributions de président du Haut Conseil des Maliens de l’extérieur à Siguiri. Ils sont officiellement 600 dans cette cité plantée à 80 kilomètres de la frontière malienne où l’économie repose en grande partie sur le commerce.

L’embargo décidé par la Cédéao aurait pu menacer leurs moyens de subsistance mais pas seulement. « Ça nous aurait fatigué. Il aurait été impossible pour nous d’aller voir nos familles, lance le patriarche de 72 ans, très satisfait, Dieu merci la Guinée n’a pas accepté de fermer la frontière. » Il a « deux familles, une au Mali et une ici ». : originaire de la région de Nioro du Sahel, il est installé en Guinée depuis 40 ans où il a épousé deux femmes. Mais au Mali, il a toujours la famille de son grand frère et certains de ses enfants. L’un d’entre eux « s’est marié là-bas », les autres « y sont pour étudier ». Ils se voient souvent. À ses côtés, il y a d’ailleurs sa fille « arrivée du Mali il n’y a pas si longtemps ». Elle est venue lui rendre visite.      

Dans les allées encombrées du marché de Siguiri, c’est le grand écart émotionnel, entre les commerçants qui craignent de voir la frontière fermer un jour et la certitude des autres que cela ne se produira jamais. Alassane Bah, le fils de Mamadou, est né en Guinée, il y a grandi, fait ses études et n’a pas la nationalité malienne. Mais il est fier « d’être à la fois Malien et Guinéen » : « La Guinée et le Mali ce sont les mêmes familles, donc la fermeture des frontières, ça ne doit pas arriver. » 

Ces liens très forts entre les deux pays sont particulièrement visibles chez les habitants de Siguiri. À Kankan aussi, la capitale régionale, où les mariages transnationaux sont monnaie courante. « Nos anciens dirigeants disaient que nous étions deux poumons dans un même corps », renchérit Issiaka Samaké, le vice-président des reortissants maliens à Kankan.

Une histoire partagée       

Guinéens et Maliens entretiennent des liens familiaux très étroits, depuis des siècles, explique le professeur d’histoire Mamadou Dindé Diallo, chargé des études à la Faculté des sciences sociales de l'université de Kindia, auteur de plusieurs d’ouvrages sur la presse écrite en Guinée. « Ce sont les mêmes communautés qui se trouvent de part et d’autre de la frontière. Les peuples sont liés, au moins depuis le Moyen-Âge. Toutes les populations guinéennes ont transité par les royaumes qui se sont développés dans l’aire du Mali. De l’empire du Ghana jusqu’à l’empire songhaï. » Cela vaut pour toutes les ethnies présentes aujourd’hui en Guinée, assure ce spécialiste de l’histoire contemporaine de son pays. Et ce passé a laissé des traces : « Nous partageons beaucoup d’éléments culturels, nous avons en commun nos langues. » Cette proximité ancienne a été érigée, au lendemain des indépendances notamment, en roman transnational.

Ahmed Sékou Touré a largement contribué à la constitution de ce récit. Si le premier président guinéen de la période post-coloniale entretient des relations compliquées avec ses homologues sénégalais, ivoiriens notamment, il réussit à garder de bons contacts avec le voisin malien. Le professeur d’histoire rappelle l’une de ses phrases restée célèbre. Dans les années 70, il déclare que« le Mali s’arrête au palais du Peuple à Conakry, donc que les Maliens peuvent venir jusqu’au palais, car c’est le même territoire ». C’est lui qui a popularisé cette comparaison, faisant de la Guinée et du Mali les deux poumons du même corps. La citation est convoquée par plusieurs personnes près de la frontière et notamment à Kankan, où Issiaka Samaké l'actualise : « Si l’un [des poumons] va mal, l’autre doit le sauver et, à ce titre, on a beaucoup apprécié la réaction des autorités guinéennes. »   

Effet miroir

Cette idée d’un destin commun a été réactivée par le contexte actuel. À Conakry comme à Bamako, des militaires ont fait chuter récemment un pouvoir civil, en promettant de refonder l’État. Le 9 janvier, la Cédéao a décidé d’imposer au Mali un blocus, pour sanctionner la junte qui n’a pas respecté ses engagements ; elle aurait dû organiser des élections et rendre le pouvoir aux civils en ce mois de février.

En refusant d’appliquer la mesure, la Guinée a contenté une partie de l’opinion publique qui accuse l’organisation d’être l’instrument d’influence de l’ancienne puissance coloniale. « C’est pas l’embargo de la Cedeao, ce sont les Français qui l’ont mis en place, ce sont les Français qui ont voulu nous fatiguer… entame Mamadou Bah qui se lance dans une longue diatribe. Ils viennent exploiter nos ressources et ils ne veulent pas qu’on reste en paix pour pouvoir continuer à le faire. » Le processus de rupture avec Paris, dans lequel Bamako s’est engagé, entre en résonance avec l’histoire de Conakry, estime Mamadou Dindé Diallo : « Les Guinéens ont le sentiment que les Maliens sont en train de revivre ce que la Guinée a vécu dans les années 60-70, en allant vers la vraie indépendance. »    

L’un des épisodes les plus récents de cette relation mythifiée entre Mali et Guinée date de 2014-2016, avec l'épidémie d’Ebola. Quand Conakry s’était retrouvée isolée, seul le Mali avait accepté de garder sa frontière ouverte. Tous les voisins avaient préféré se barricader, craignant une propagation de la maladie. L’anecdote est ainsi racontée par des interlocuteurs différents, avec, à chaque fois, le même objectif : montrer le caractère inaltérable des liens entre les deux pays et comment dans cet espace, l’Afrique de l’Ouest, où on peut par moment les exclure, les bannir, chacun peut compter sur l’autre.

► À lire aussi : 

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Mali-Russie : Sadio Camara et Alou Boï Diarra en mission secrète à Moscou

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 8 mars 2022 à 18:09
 


Le ministre de la Défense Sadio Camara, à Bamako le 19 août 2020. © Malik KONATE / AFP

 

Selon les informations de Jeune Afrique, le ministre malien de la Défense et le chef d’état-major de l’armée de l’air se sont envolés pour la Russie en pleine guerre avec l’Ukraine.

Le colonel Sadio Camara et le général Alou Boï Diarra ont discrètement décollé de Bamako le 6 mars à destination de Moscou. Le ministre malien de la Défense et le chef d’état-major de l’armée de l’air ont quitté la capitale à bord d’un vol Turkish Airlines via Istanbul. Ils étaient encore tous deux encore en Russie ce 8 mars.

Peu de détails ont filtré sur les objectifs de cette visite, ni sur les personnalités russes qu’ils doivent rencontrer. Les deux officiers sont toutefois les artisans de l’accord conclu entre les autorités de transition maliennes et la nébuleuse russe Wagner de l’oligarque Evgueni Prigojine, qui a commencé à déployer ses mercenaires au Mali depuis fin décembre. Environ 1000 combattants de Wagner sont aujourd’hui actifs dans le pays, principalement dans le Centre, où ils mènent des opérations conjointes avec les Forces armées maliennes (Fama).

Sadio Camara et Alou Boï Diarra avaient déjà effectué plusieurs allers-retours en Russie en 2021. Mais ce nouveau déplacement intervient dans un contexte bien particulier, près de deux semaines après le lancement, le 24 février, de l’invasion russe en Ukraine, qui vaut à Vladimir Poutine et à son régime d’être mis au ban d’une grande partie de la communauté internationale.

La Mauritanie en colère après des disparitions à la frontière avec le Mali

 

Tensions entre la Mauritanie et le Mali, suite à la disparition d'éleveurs mauritaniens en territoire malien. Plusieurs dizaines de Mauritaniens sont portés disparus depuis près de trois jours. Des sources locales affirment qu'ils auraient été tués par des soldats maliens, des accusations qui n'ont pour l'heure pas été confirmées. Cela fait plusieurs semaines que la région frontalière entre les deux pays connait un regain de violence.

Les autorités mauritaniennes sont en colère. Dans un communiqué publié mardi après-midi, le ministère des Affaires étrangères accuse l'armée malienne « de crimes récurrents contre ses ressortissants ». Dans son communiqué, le ministère affirme par ailleurs que la vie de ses concitoyens restera au dessus de toute autre considération, alors que les autorités maliennes ont entrepris un rapprochement avec Nouakchott, suite à l'embargo imposé par la Cédéao.

Quelques heures plus tôt, son secrétaire général recevait l'ambassadeur malien. « Nous appelons vos autorités à Bamako, et elles ne décrochent même pas », s'est emporté ce dernier au cours de l'entretien, selon une source diplomatique à Nouakchott.

Lundi soir déjà, le ministère de l'Intérieur avait fait part de son inquiétude, et promis de faire toute la lumière sur le sort des disparus.

Troisième incident du même type en deux mois

Plusieurs dizaines de personnes ont aussi manifesté ce mardi après-midi devant le ministère de l'Intérieur mauritanien. Des pancartes dénonçaient « les agressions de l’armée malienne ».

Je suis révoltée. Il faut que cela cesse. On ne peut plus accepter que nos parents soient liquidés physiquement par l’armée malienne. Ces tueries récurrentes doivent cesser.

Les parents des disparus manifestent pour condamner les «crimes de l'armée malienne»

C'est le troisième incident sécuritaire qui touche des ressortissants mauritaniens au Mali, en deux mois. Samedi, deux commerçants ont été blessés par balle alors qu'ils rentraient à Abel Bagrou, localité frontalière. Le 17 janvier, les corps de sept éleveurs avaient été retrouvés près du village malien de Nara. Après protestation de Nouakchott, les autorités maliennes avaient promis une enquête sur cet événement, mais assuraient que rien ne permettait d'incriminer leurs forces armées. Aucun élément de ces investigations n'a encore été rendu public.

Côte d'Ivoire: le Marché des arts et du spectacle d’Abidjan ouvre ses portes

 abidjan

À Abidjan s’ouvre ce samedi la 12e édition du Masa, le Marché des arts et du spectacle d’Abidjan. Plus d’une centaine de spectacles sont au spectacle et 24 pays d’Afrique, d’Europe ou d’Amérique du sud sont représentés.

Avec notre envoyé spécial à AbidjanFrédéric Garat

Le Masa est au spectacle vivant ce que le Fespaco et au monde du cinéma africian, un rendez-vous incontournable pour prendre le pouls de la création et juger de ce qui se fait de mieux en matière de conte, de cirque, de théâtre ou encore de musique.

Des secteurs sérieusement ébranlés ces deux dernières années par la pandémie, durant laquelle ils étaient rares et bien peu argentés. Pour tirer le rideau sur le drame du Covid-19, cette année les organisateurs ont décidé d’axer le thème du Masa autour du « défi des contenus ». « Quel message porte-t-on à travers un chant en bambara ? Quelle est l’intention artistique dans un pas de danse ? Quel concept est soutenu dans une mise en scène théâtrale ? », faut-il comprendre.

À part la forme qui compte, qu’apporte le spectacle sur le fond à une société en manque de repères et de réflexions ? Pour y réfléchir, de multiples prestations seront données au Masa pendant une semaine.

La compagnie Circus Baobab de Conakry, les contes camerounais de Show Azouzou, les danseurs burkinabés du Farafina Ballet ou encore Dji Eka. La femme battante de Côte d’Ivoire, qui, le 8 mars prochain devrait rappeler à grands coups de tambours ce que sont les droits des femmes, qu’elles soient artistes ou pas.

Le Masa durera jusqu'au 12 mars à Abidjan.