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[Édito] Niger : tourisme contre terrorisme, espoir lointain ?

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Féru de batailles politiques et judiciaires, Mathieu Olivier est journaliste spécialiste du Cameroun, du Gabon et du Niger. Il travaille aussi sur les droits de l'homme, tout en gardant un œil sur la data-visualisation.

Si le gouvernement ne jure que par la sécurité et la lutte contre le jihadisme à ses frontières, certains Nigériens espèrent promouvoir une autre approche. Face au terrorisme, ils prônent le développement du tourisme et d'une économie locale basée sur les richesses culturelles du pays.

Dans les environs de Kouré, au sud-est de Niamey, les girafes semblent échapper au quotidien des Nigériens. Comme si, depuis leur altitude, elles étaient parvenues à prendre une certaine hauteur. Elles déambulent paisiblement, d’arbres en points d’eau, sans autre agression potentielle que les épines des acacias faméliques. Même les quelques pick-up de passage semblent tolérés, comme s’ils leur étaient devenus familiers.

Leur expérience des hommes pourrait pourtant les pousser à fuir. Dans les années 1980, sous l’effet de l’activité humaine, les girafes peralta ne comptaient plus qu’une cinquantaine d’individus au Niger. On prévoyait même leur extinction. Mais, autour de Kouré, les villages en ont décidé autrement, choisissant de les protéger. Elles sont aujourd’hui plus de 600 à parcourir la région de Dosso en remontant jusqu’à celle de Tahoua. Dix-sept guides se chargent à présent de protéger l’animal, devenu un symbole reproduit à l’envi sur les tentures, les vêtements.

Petit budget pour le tourisme

girafes kalash

Les girafes au Niger sont un des moyens d'attirer les touristes. © Dom

 

À Kouré, les gardes s’abritent derrière des sacs de sable, comme pour mieux rappeler que la zone a été classée orange par le ministère français des Affaires étrangères et où il est donc déconseillé de se rendre, sauf raison impérative. Quelques rangers sont en formation sous une tente qui prend l’eau. Les panneaux indiquent des informations qui doivent dater d’une époque lointaine et révolue. Partout l’argent manque, en espérant l’ouverture d’un petit restaurant.

L’État met 15 % à 20 % de son budget dans la défense, qui ne produit aucune activité économique dans le pays

Le Centre nigérien de promotion touristique (CNPT) n’est qu’une goutte d’eau dans le budget du ministère du Tourisme, lui-même l’un des moins bien dotés du gouvernement. Quelques salaires sont payés en fin de mois, ainsi que le local et l’électricité. Et s’il reste quelques francs CFA, alors certains projets pourront être financés. Pas question de baisser les bras pourtant dans une région qui voit le développement du tourisme comme un outil de lutte contre le terrorisme.

« L’État met 15 % à 20 % de son budget dans la défense, qui ne produit aucune activité économique dans le pays et ne profite à personne si ce n’est à ceux qui commandent ou qui fabriquent les armes, regrette un responsable local. Il perd le contact avec les populations, qui ne l’informent pas des mouvements des terroristes. Injustice et pauvreté ne pourront pas être balayées par les armes. Pourquoi ne pas attribuer une part du budget sécuritaire à des activités économiques comme le tourisme, à même de recréer un lien entre le territoire, les populations et l’État ? » La question vaut d’être posée.

Le Niger aura de l’énergie à revendre

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Le Niger fait ses calculs : sa production énergétique est en passe de faire de lui un exportateur, et la production pétrolière va même multiplier la contribution du secteur aux recettes de l'État par 2,3.

Le Niger se prépare à devenir un exportateur significatif d’énergie. Ses déficits en électricité devraient diminuer fortement avec les mises en chantier des centrales de Gorou Banda (thermique) et de Malbaza (solaire), et surtout avec le futur barrage de Kandadji, d’une puissance de 130 mégawatts (MW), qui devrait produire une électricité dix fois moins chère que celle obtenue avec des turbines fonctionnant au fuel.

Les bonnes nouvelles se multiplient aussi dans le domaine pétrolier. Sonatrach a découvert un gisement important à Kafra, à la frontière algérienne, et la China National Petroleum Corporation (CNPC) met en route un deuxième puits à Agadem.

La perspective de faire passer à terme la production d’hydrocarbures de 20 000 à 100 000 barils par jour a poussé le gouvernement nigérien à s’accorder avec le Bénin pour la construction d’un oléoduc long de 2 000 km, pour un coût estimé à 2 milliards de dollars, afin d’exporter ses excédents dans de bonnes conditions de sécurité.

Développement du secteur pétrolier

Le gouvernement a rendu public, en janvier, les grandes lignes de sa politique destinée à « faire du secteur pétrolier nigérien un moteur de développement économique et social », ce qui suppose une répartition des recettes plus favorables à Niamey. Il entend donc élargir le nombre de ses partenaires, aujourd’hui au nombre de trois : CNPC, Sonatrach, et le britannique Savannah Petroleum.

Son objectif est de développer le secteur pétrolier afin de faire passer sa part du PIB de 4 % en 2017 à 24 % en 2025, des recettes de l’État de 19 % à 45 %, des recettes d’exportation de 16 % à 68 %, et des emplois salariés de 5 % à 12 %.

Le Niger a demandé en janvier à réintégrer l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives, qu’il avait quittée en octobre 2017.

Côte d’Ivoire : le camp d’Alassane Ouattara
en ordre de bataille pour la présidentielle

| Par - à Abidjan

En cette rentrée qui s’annonce chargée, le RHDP a achevé la mise en place de ses instances dirigeantes avec un objectif clair : faire triompher son candidat à la présidentielle de 2020. Comment ? Avec qui ? Enquête.

Il est 16 h 40, le 27 août, quand l’Airbus de la présidence ivoirienne se pose sur le tarmac de l’aéroport d’Abidjan. Alassane Ouattara fait son retour au pays après trois semaines de vacances. À Mougins, dans cette villa de plain-pied typique du sud de la France, dont il apprécie tant la tranquillité, le chef de l’État s’est penché sur les dossiers chauds de la rentrée. Revenu en Côte d’Ivoire, il a immédiatement confié à son Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, la tâche de former un nouveau gouvernement, dont la composition a été annoncée le 4 septembre.

Ce léger réaménagement s’inscrit dans le cadre de la mise en place du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP). Officiellement créé à la fin de janvier, le parti unifié est toujours en chantier. Il a pris ses quartiers aux Deux-Plateaux, dans les bureaux que le président utilisait avant son arrivée au pouvoir. Une villa sans signe distinctif, protégée des regards indiscrets par de hauts murs immaculés et qui sera bientôt réaménagée. C’est ici que la direction exécutive, formée à la mi-juillet, se réunit désormais. Composée de 37 membres, elle est dirigée par l’homme d’affaires Adama Bictogo, un fidèle chargé ces dernières années de la mobilisation au sein du Rassemblement des républicains (RDR, le parti présidentiel).

La machine RHDP

La direction exécutive, c’est un peu la cheville ouvrière du RHDP. C’est elle qui est chargée de mettre en œuvre les instructions de ses deux organes de décision : le conseil politique (150 membres) et surtout le directoire (seize personnes), présidé par Gon Coulibaly. C’est le seul organe du parti pour lequel un financement est prévu. Au début d’août, lors d’un séminaire de deux jours organisé à Grand-Bassam, ses membres ont présenté leur feuille de route et fait des propositions de budget pour les trois prochains mois. L’organigramme complet de la coordination locale a ensuite aussi été validé. « Nous avons identifié 40 régions politiques. Dans chacune, un coordinateur a été installé, détaille Adama Bictogo. Il est assisté de plusieurs adjoints et va nommer un secrétaire sectoriel et dix comités de base. L’idée est de décentraliser le plus possible nos équipes. »

Le RHDP montre ses muscles, mais la situation pourrait se corser si l’opposition parvenait à faire front commun

C’est ainsi que, dans l’Ouest, le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Albert Mabri Toikeusse, sera notamment secondé par Albert Flindé, un conseiller du Premier ministre, et par le ministre de l’Artisanat, Sidiki Konaté. À ces coordinateurs régionaux s’ajouteront, dans le courant de septembre, des délégués départementaux, sous-préfectoraux et communaux. « Nous nous sommes fixé comme objectif de mettre en route la machine RHDP d’ici à la fin du mois d’octobre. Après cela, le parti sera en campagne pour préparer les élections d’octobre 2020 », poursuit Adama Bictogo.

La direction exécutive mise également sur la diaspora, notamment sur celle d’Europe. En août, au cœur de la canicule parisienne, le ministre de la Promotion de la jeunesse et de l’Emploi des jeunes, Mamadou Touré, a annoncé la création d’un nouveau mouvement. Inspiré d’En marche, la structure ayant accompagné l’accession au pouvoir d’Emmanuel Macron et auprès de laquelle Mamadou Touré multiplie les prises de contact depuis un an, il a, entre autres buts, celui de recruter en Europe, y compris au sein de l’opposition. Quant à Adama Bictogo, il présidera dans les prochaines semaines une grande rencontre à Paris.

Nous estimons aujourd’hui que nous pouvons compter sur près de trois millions de voix

Une cellule électorale dirigée par le ministre Mamadou Sanogo est également à l’œuvre et devrait bientôt présenter différentes stratégies dans la perspective de l’élection. L’objectif du RHDP est clair : s’imposer dès le premier tour face à une opposition éclatée. L’emporter au second tour contre des adversaires unis sera un exercice bien plus complexe. « Nous estimons aujourd’hui que, sur un corps électoral qui devrait avoisiner les huit millions d’électeurs, nous pouvons compter sur près de trois millions de voix, explique un responsable du RHDP. Nous avons fait des simulations avec une participation maximale de 70 %. »

Alliance d’intérêts

À un an de la présidentielle, le RHDP montre ses muscles. Mais cette arithmétique implacable se traduira-t-elle sur le terrain ? Lors des élections municipales d’octobre 2018, la participation avait été de 36 %. Le RHDP avait obtenu 39,87 % des voix, et le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), 21,85 %. Depuis, le contexte a changé, et les choses pourraient se corser si l’opposition parvenait à faire front commun.

Mais pour l’instant, rien n’est fait, et malgré la rencontre entre Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié, le 29 juillet à Bruxelles, le chef de l’État demeure persuadé que leur alliance ne se concrétisera pas et qu’il sera toujours possible de négocier avec Gbagbo dans l’optique d’un éventuel retour en Côte d’Ivoire. « Gbagbo ne sera pas candidat lui-même. En revanche, Pascal Affi N’Guessan se présentera, et cela va émietter l’électorat du Front populaire ivoirien [FPI], assure, confiant, un proche d’Alassane Ouattara. Et, côté PDCI, le seul candidat qui émerge pour le moment a 85 ans et a fait 25 % en 2010. »

Pour espérer l’emporter, le RHDP devra absolument rester fort et uni jusqu’au bout. Ou, du moins, en donner l’impression. De nombreux cadres du PDCI ou de l’Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire (UDPCI), d’Albert Mabri Toikeusse, sont venus gonfler les rangs du parti ces derniers mois, parfois sous la pression. Mais seront-ils tentés de quitter le navire s’ils n’y trouvent finalement pas leur compte ?

Nous savons que le parti ne survivra pas si nous quittons le pouvoir

C’est un risque dont Alassane Ouattara est conscient. Lui qui rêvait initialement de faire du RHDP un grand parti unifié a déjà dû revoir sa stratégie après la rebuffade d’Henri Konan Bédié. Désormais, le RHDP ressemble plus à une alliance d’intérêts qu’il faut transformer en une machine à gagner les élections. Sa structuration sera d’ailleurs complètement revue après le scrutin de 2020. Si son candidat l’emporte, bien sûr : « Parce que nous savons que le parti ne survivra pas si nous quittons le pouvoir », confie un ministre.

Succession

Pour s’assurer d’un heureux scénario, le chef de l’État s’implique personnellement. Depuis plusieurs mois, députés et membres de la société civile défilent à son domicile de la Riviera. Il dira dans les prochains mois s’il décide ou non de briguer un nouveau mandat. « Je le ferai savoir en 2020, a répété Alassane Ouattara, le 6 août. Je prendrai ma décision au moment opportun et sur la base de ce que mon parti me dira de faire. » « Sauf circonstance exceptionnelle, il n’ira pas », assure l’un de ses amis. Le plus vraisemblable toutefois est que le chef de l’État n’a pas encore définitivement arrêté sa décision.

CIpres

 

Amadou Gon Coulibaly, le Premier ministre ivoirien, lors d'un meeting à Ferkessédougou
le 26 juillet 2019. © DR / Amadou Gon Coulibaly

 

Gon Coulibaly est sur orbite

Ce dont il rêverait, c’est de voir Amadou Gon Coulibaly lui succéder. Le président entend les doutes émis par ses proches quant à la capacité de son Premier ministre à s’imposer dans les urnes mais veut croire qu’ils peuvent être surmontés. Il préfère son profil de sérieux technocrate à celui du ministre de la Défense, Hamed Bakayoko, qui ne serait pas encore prêt pour la magistrature suprême. « Gon Coulibaly est sur orbite », confirme un ministre.

De fait, le RHDP semble taillé sur mesure pour accompagner sa candidature. Après Ouattara, le patron, c’est lui. Quand il s’est agi de constituer les organes de décision du RHDP, toutes les tendances représentées au sein du parti ont pu faire des propositions, mais c’est Amadou Gon Coulibaly qui a présenté une première liste au chef de l’État, qui a procédé aux derniers arbitrages depuis Paris, le 9 juillet, en marge de sa rencontre avec Emmanuel Macron. Finalement, le Premier ministre a placé la plupart de ses fidèles, parfois au détriment d’anciennes figures du RDR.

Ajustements

Un temps convoité par le secrétaire général de la présidence, Patrick Achi, le poste de directeur exécutif a donc été confié à Adama Bictogo. Sa nomination vient récompenser la forte implication de l’ancien ministre dans les mois qui ont précédé la création du RHDP. Elle a toutefois provoqué le mécontentement de certains barons. Car Adama Bictogo est avant tout un proche du Premier ministre. Il y a deux ans, déjà, il était pressenti pour prendre les commandes du parti présidentiel, mais, face à la grogne interne, il avait finalement été écarté.

« On a assez dit que le RHDP n’était que le RDR bis, s’agace un député proche de Daniel Kablan Duncan. Les proches de Gon Coulibaly trustent tous les postes importants. Si c’est comme ça, autant retourner au PDCI ! » De fait, le vice-président aurait aimé que le poste revienne à une personnalité issue de son mouvement, PDCI-Renaissance. Il s’en est ouvert au chef de l’État, qui lui a laissé entrevoir la possibilité de faire des ajustements.

Kablan Duncan n’affrontera jamais frontalement Gon Coulibaly

Ces derniers temps, Kablan Duncan peine à asseoir son autorité sur les transfuges du PDCI. Et le ralliement très médiatisé de Jeannot Ahoussou-Kouadio, le président du Sénat, au RHDP ne lui facilite pas la tâche. Annoncé comme potentiel successeur du chef de l’État alors que l’alliance avec Bédié était encore d’actualité, Kablan Duncan a en outre été contraint de s’effacer pour ne pas faire d’ombre à Gon Coulibaly. Il n’a certes pas complètement renoncé, mais, à 77 ans, il pourrait être une victime collatérale de la modification constitutionnelle envisagée par le chef de l’État. « De toute façon, Kablan Duncan n’affrontera jamais frontalement Gon Coulibaly. Le jour où le président lui dira “ça suffit, Daniel”, il se rangera », assure un proche d’Alassane Ouattara.

Ambitieux, Marcel Amon Tanoh se positionne lui aussi comme un potentiel rival du Premier ministre dans la perspective de 2020. « Il ne supporte pas que tout tourne autour de Gon », explique l’un de ses collaborateurs. Dans les couloirs de la présidence, son positionnement suscite des interrogations. « Il n’a aucune base électorale et très peu de soutiens au sein du parti », remarque un proche du chef de l’État. Il fait peu de doute que lui aussi rentrera dans les rangs si Alassane Ouattara décide publiquement de faire de Gon Coulibaly son dauphin.

Mabri compte toujours soumettre sa candidature

Enfin, le chef de l’État devra gérer le cas d’Albert Mabri Toikeusse. Ouattara l’apprécie, et Mabri fait partie des rares ministres à pouvoir accéder directement à lui. Tout en ne faisant pas mystère de sa volonté d’être candidat. Avant que son parti, l’UDPCI, n’intègre le RHDP, il avait même publiquement annoncé qu’il se présenterait en 2020. « Mabri compte toujours soumettre sa candidature [au RHDP], explique l’un de ses proches. Si elle n’est pas retenue, il en informera ses militants, qui décideront s’il doit malgré tout se présenter. »

À un an de la présidentielle, Alassane Ouattara devra donc faire les bons arbitrages pour éviter les grincements de dents. « La répartition des postes entre la vice-présidence, la primature et les différentes institutions sera peut-être aussi importante que le choix du candidat », conclut un collaborateur du chef de l’État.


La difficile quête de candidats

En plus de ses organes de direction, le RHDP s’est doté d’un conseil national de 7 900 membres et d’un bureau politique de plus de 3 000 personnes – des effectifs pléthoriques destinés à montrer la supériorité numérique du parti face à ses rivaux. Mais il n’a pas toujours été facile de trouver autant de candidats, et certaines des personnalités retenues ont appris qu’elles l’étaient en découvrant leur nom dans la presse.

Côte d’Ivoire, Ghana et acteurs du cacao d'accord
pour une filière plus durable

Le Ghana et la Côte d'Ivoire représentent plus de 60% de la production mondiale de cacao.
© Photos Getty Images

Pendant deux jours, Abidjan accueillait une nouvelle réunion des industriels et négociants du cacao avec le Conseil café-cacao ivoirien et le Cocoa Board ghanéen. Au programme, la durabilité de la production, c’est-à-dire la lutte contre le travail des enfants, la déforestation, l’amélioration des revenus des planteurs, la traçabilité et la transparence. Des exigences des consommateurs, que les acteurs entendent répercuter pour empêcher leurs ventes de s’effondrer. La Côte d'Ivoire, le Ghana et les industriels se sont entendus sur la mise en place d’un cadre de concertation sur ces questions.

La menace brandie en juillet par deux sénateurs américains d’un boycott du cacao ivoirien si les pires formes de travail des enfants ne sont pas éradiquées dans la filière, y aura sans doute été pour quelque chose. Après le coup de pouce aux producteurs pour la saison prochaine, le CCC ivoirien et le Cocoa Board ghanéen s’engagent à collaborer davantage avec l’industrie sur les questions de durabilité du cacao.

Richard Scobey, président de la World Cocoa Foundation, qui regroupe les acteurs du secteur s’en félicite. « Nous avons trouvé un accord sur le mécanisme d’une collaboration cruciale et sur de nouvelles actions pour travailler ensemble sur les questions clés : la déforestation, le problème du travail des enfants, l'accélération des moyens d'existence durables des cacaoculteurs et la mise en place des systèmes de traçabilité et de transparence nécessaires pour suivre les progrès sur ces importantes initiatives. »

► À lire aussi : Cacao: Accra et Abidjan imposent un mécanisme de compensation

Si la Côte d’Ivoire et le Ghana estiment que l’ampleur donnée au phénomène du travail des enfants est exagérée, ces pays promettent de donner des gages rapidement grâce au recensement en cours. « Nous allons essayer de donner des assurances à l'industrie, au monde entier, au consommateur que nos pays font du cacao propre. D'ici fin 2020, chaque planteur sera recensé. Sa plantation sera géolocalisée et nous saurons s'il y a des enfants à risques dans les plantations », explique Yves Koné, directeur général du CCC.

Dominique Ouattara, très active sur la question du travail des enfants, se rend dans les prochains jours aux États-Unis pour plaider la cause de la Côte d’Ivoire.

 À voir également : [Infographie] Cacao: comprendre l'ultimatum du Ghana et de la Côte d'Ivoire

Mahamadou Issoufou

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François Soudan est directeur de la rédaction de Jeune Afrique.

Le président nigérien Mahamadou Issoufou a décidé de quitter le pouvoir en avril 2021, adoubant pour lui succéder son ministre de l'Intérieur Mohamed Bazoum. Une sagesse assez rare sur le continent pour être saluée.

On peut dire ce que l’on veut de l’entretien que le président Mahamadou Issoufou a accordé à JA au début d’août, sauf qu’il a laissé ses lecteurs indifférents. Agacement de la part de certains de ses pairs, qui ne supportent guère de se voir administrer indirectement les leçons de bonne gouvernance démocratique dont « Zaki » (« le lion », en haoussa) est coutumier. Applaudissements chez tous ceux qui se satisfont de voir un chef d’État tenir sa promesse cardinale de respecter le nombre de mandats que lui octroie la Constitution, avec en prime une rare touche d’honnêteté : aurais-je voulu m’éterniser au pouvoir, ajoutait-il, que les Nigériens m’en auraient empêché.

Quels que soient les reproches formulés par l’opposition à l’encontre de cet ingénieur des mines de 67 ans, entré en politique il y a quatre décennies, trois fois battu et deux fois élu à l’élection présidentielle, l’image que l’Histoire retiendra de lui après son départ programmé pour avril 2021 sera celle d’un homme lucide, conscient de l’usure du pouvoir et suffisamment sensé pour ne pas se croire indispensable. À condition bien sûr que rien ne vienne gâcher le scénario des dix-huit mois à venir.

Déchirement intime

Pour que les choses soient à la fois claires et irréversibles, Mahamadou Issoufou s’est livré à un exercice quasi inédit en Afrique : il a, depuis six mois, adoubé son dauphin officiel en la personne de son ministre de l’Intérieur, Mohamed Bazoum. L’avenir dira ce qui, dans le timing de cette annonce, relevait de la stratégie calculée et de la nécessité de faire barrage à la candidature autoproclamée du ministre des Finances Hassoumi Massaoudou, limogé depuis.

Une chose est sûre : les trois hommes étaient liés depuis la fin des années 1980, et cet épisode a été vécu comme un déchirement intime. Mais le choix de Bazoum est une audace qui, elle aussi, est à porter au crédit d’Issoufou : quelles que soient ses indéniables qualités d’homme d’État, l’actuel président du parti au pouvoir est issu d’une communauté arabe très minoritaire au Niger, dont les racines plongent au cœur de l’espace tchado-­libyen. Sa sélection est donc une forme de pari assumé sur la maturité de l’électorat et sa capacité à transcender les cloisonnements ethniques. Celui de la modernité, en quelque sorte.

Bazoum peut s’appuyer sur le bilan économique globalement positif du président sortant et sur la visibilité des grands chantiers infrastructurels

En l’absence probable du principal candidat de l’opposition, l’ancien Premier ministre Hama Amadou – dont l’exil et la condamnation font un peu tache sur le boubou immaculé de l’expérience démocratique nigérienne – , et face à des adversaires avançant en ordre dispersé, Mohamed Bazoum a pour l’instant un boulevard devant lui. D’autant qu’il s’appuie sur le bilan économique globalement positif du président sortant (en dépit du lourd fardeau des dépenses sécuritaires) et sur la visibilité des « grands chantiers » infrastructurels.

Le Niamey de 2019 n’a à cet égard plus aucun rapport avec celui que l’auteur de ces lignes découvrit il y a un quart de siècle, à l’occasion de l’interview nocturne et passablement surréaliste d’un général au destin tragique, Ibrahim Baré Maïnassara. La capitale a totalement changé de visage, et le Niger, on peut l’espérer, définitivement exorcisé ses démons putschistes. Reste qu’ici comme ailleurs, aucune élection n’est gagnée d’avance.