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Guinée : bras de fer entre Rusal et le ministre des Transports
sur la voie ferrée Dubréka-Conakry

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La situation semble à nouveau bloquée entre le ministère guinéen des Transports et la société Rusal, qui se disputent l'usage de la voie ferrée entre Dubréka et Conakry.

En janvier 2018, le redémarrage de la voie ferrée minière Conakry-Fria, en présence d’Alexandre Brégadzé, alors ambassadeur de Russie en Guinée, devait marquer le réchauffement des relations entre Conakry et Rusal.

Mais depuis septembre 2019, la gestion de cette ligne fait l’objet d’un bras de fer entre le ministre des Transports, Aboubacar Sylla, qui souhaite faire circuler un train de passagers sur une partie de la voie – de Conakry à Dubréka –, et le géant russe de l’aluminium, qui refuse pour l’instant que la circulation de ses convois d’alumine soit entravée.

L’aluminerie de Fria réhabilitée

Rusal (10,3 milliards de dollars de CA en 2018) a connu dans son usine de Fria une série de conflits sociaux liés aux salaires, mais aussi et surtout au délabrement de ses installations industrielles, datant de 1957 et rachetées en 2006.

Le groupe avait fini par interrompre la production en 2012, faute de pouvoir s’entendre avec les syndicats et les autorités. Il avait ensuite pris son temps pour concrétiser la rénovation de l’usine et de la voie ferrée attenante.

Selon les connaisseurs, Rusal cherchait, en contrepartie de ses investissements à Fria, à obtenir le gisement de bauxite de Dian-Dian, près de Boké.

Après l’avoir décroché en 2014, le groupe russe a entamé en 2017 la réhabilitation de l’aluminerie de Fria, à nouveau en production depuis mai 2018. Avec l’augmentation de ses cadences, il veut multiplier les convois ferroviaires.

Instructions de Moscou

Alors que la Guinée a fait l’acquisition de wagons de passagers d’occasion en Suisse, qui doivent arriver à la mi-septembre, Aboubacar Sylla entend les faire circuler entre Conakry et Dubréka, sur les 60 premiers kilomètres de la ligne de Rusal vers Fria, afin de desservir les populations de la grande banlieue de la capitale.

Les autorités espéraient que la nomination d’Alexandre Brégadzé, DG de la filiale guinéenne depuis juin 2019, permettrait de parvenir à un accord avec le groupe russe, propriétaire de la voie ferrée. Mais l’ex-ambassadeur – mis à la retraite après qu’il a appelé publiquement à un troisième mandat d’Alpha Condé – suit à la lettre les instructions de Moscou, quitte à déplaire au président guinéen.

Burkina Faso : Blaise Compaoré et ses héritiers

| Par Jeune Afrique

Au moment où le parti soutenant la candidature à la présidentielle de 2020 de Kadré Désiré Ouédraogo était créé, son rival Eddie Komboïgo, président du Congrès pour la démocratie et le progrès (ex-parti au pouvoir), était reçu à Abidjan par Blaise Compaoré.

Le 7 septembre, le parti Agir ensemble pour le Burkina était officiellement créé à Ouagadougou afin de soutenir la candidature de Kadré Désiré Ouédraogo à la présidentielle de 2020.

Eddie Komboïgo reçu par Blaise Compaoré

Au même moment, son rival Eddie Komboïgo, président du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, ex-parti au pouvoir), était reçu à Abidjan par Blaise Compaoré avec une délégation de la section ivoirienne du parti, qui organisait le lendemain un grand meeting à Port-Bouët. Devant des milliers de militants, Komboïgo y a rendu un hommage vibrant à l’ancien président, qui, lui, n’avait pas fait le déplacement en raison de son devoir de réserve.

Le 14 juin, des partisans de Kadré Désiré Ouédraogo qui avaient saisi la justice étaient parvenus à faire annuler le congrès extraordinaire du CDP, qui devait se réunir deux jours plus tard. Il doit se tenir à Ouagadougou le 22 septembre. À son ordre du jour : la refonte des statuts du parti.

Mali : violences intercommunautaires meurtrières à Tombouctou

| Par Jeune Afrique avec AFP

Deux fillettes ont été tuées par balle, jeudi à Tombouctou, théâtre d’affrontements inter-communautaires depuis mercredi. La Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) accuse l’armée malienne d’être à l’origine des tirs.

Tombouctou, la « perle du désert », connaît depuis mercredi soir un vif accès de tensions intercommunautaires, ont rapporté différentes sources bien informées. « Deux fillettes qui étaient dans un véhicule ont été tuées par des tirs », a dit une source proche du gouvernorat local, sans plus de précision.

La Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA, ex-rébellion à dominante touareg) a confirmé que deux enfants avaient trouvé la mort, tués selon elle par des tirs de l’armée malienne. La CMA a également fait état de plusieurs blessés, de commerces et de maisons pillés et saccagés, ainsi que de voitures et de motos incendiées. Les populations civiles sont « visées sur la base de leur appartenance ethnique », a-t-elle dit.

Tensions intercommunautaires

La Croix-Rouge et la mission de l’ONU au Mali (Minusma) ont exprimé leur inquiétude devant ces violences, alors que les tensions sont fréquentes entre les populations sédentaires de la région et les « peaux claires », Touareg et Arabes, accusées d’être responsables de braquages. En avril, une manifestation contre le meurtre d’un jeune chauffeur de car avait dégénéré en scènes de pillage visant les communautés touareg et arabe de la localité proche de Goundam.

Les nouvelles tensions ont éclaté mercredi lorsque des individus non identifiés ont forcé des barrages mis en place par des jeunes de Tombouctou après l’enlèvement, pendant trois jours, de deux des leurs, selon des témoins. « Si l’armée malienne ne peut pas nous sécuriser, nous allons nous sécuriser nous-mêmes. C’est nous les vrais natifs de Tombouctou », a déclaré un jeune manifestant, Younousse Touré, très remonté contre les « peaux claires ».

La CMA a appelé la force de l’ONU à protéger les populations. La Minusma a dit mener des actions sécuritaires avec la police des Nations unies (Unpol) et les forces maliennes.

Le commissaire de Niono tué

Par ailleurs, dans le centre, à Niono (région de Ségou), un commissaire a été tué par des « manifestants qui l’accusaient d’exactions ». Une partie de la population, déjà remontée contre lui, n’a pas supporté de le voir revenir après deux semaines d’absence, a déclaré un responsable du commissariat de Niono.

« Des manifestants excités ont assiégé le commissariat » pour exiger son départ, a rapporté le ministère de la Sécurité civile. « Une horde d’individus armés de projectiles en tous genres ont saccagé le commissariat et agressé le personnel. Les policiers débordés se sont retirés et, dans leur retraite, le commissaire divisionnaire Issiaka Tounkara, blessé à la tête, a été rattrapé et assassiné par les manifestants », selon le communiqué du ministère.

« En outre, ces manifestants ont cassé le magasin d’armement, emporté des armes, incendié deux véhicules d’intervention et deux véhicules particuliers appartenant aux policiers », a ajouté le ministère. « Le bilan est de un mort (le commissaire) et 22 blessés, dont un gendarme, et quatre cas graves parmi les policiers. Côté manifestants, un mort et quelques blessés sont à déplorer », selon la même source.

Afrique : au-delà de la lutte contre le chômage,
comment créer des « emplois décents » ?

  | Par - à Abidjan

Si bon nombre de pays africains affichent étonnamment des taux de chômage parmi les plus bas au monde, la Banque africaine de développement (BAD) recommande d'encourager davantage la création d'« emplois décents ». Certains suggèrent pour cela d'encourager l'industrie ou encore de renforcer la formation professionnelle. Analyse.

Selon les statistiques de l’Organisation internationale du travail (OIT), les chômeurs en Côte d’Ivoire ne représentent que 2,5 % de la population active, et la proportion tombe même à 0,3 % au Niger, 1 % au Rwanda ou encore 2,1 % au Bénin.

Ces taux de chômage sont obtenus par l’OIT en effectuant le rapport entre la part de la population active n’exerçant aucun emploi, ni indépendant ni familial, et la population active. Ils font office de référence dans la production des statistiques nationales dans ces pays. Peut-on pour autant dire que l’Afrique est en situation de quasi plein emploi ?

Pas tout à fait, car « l’Afrique est aussi la région du monde où la proportion de la main-d’œuvre occupant un emploi précaire – définie par l’OIT comme la somme des travailleurs indépendants et des travailleurs familiaux – est la plus élevée », comme l’a rappelé Célestin Monga, vice-président et économiste en chef de la Banque africaine de développement (BAD), à l’occasion de la présentation du rapport Création d’emplois décents, stratégies, politiques et instruments, le 12 septembre à Abidjan.

Précarité, quelle définition ?

Loin d’être contradictoires, ces chiffres reflètent les réalités propres au continent africain, a insisté Célestin Monga. Et, de fait, l’abondance de l’emploi précaire explique ces données.

Car l’OIT recense dans la catégorie des emplois précaires « la somme des travailleurs indépendants et des travailleurs familiaux collaborant à l’entreprise familiale », ceux-là même qui sont moins susceptibles de bénéficier d’un régime de travail formel et risquent donc davantage de ne pas travailler dans des conditions décentes.

Car selon l’organisation basée à Genève, un indépendant est « un travailleur travaillant pour son propre compte ou avec un ou plusieurs partenaires et qui n’a engagé aucun employé pour travailler de manière continue pour lui ». Les membres des coopératives figurent donc dans cette catégorie.

80 % d’emplois précaires au Niger

Quant aux « travailleurs familiaux collaborant à l’entreprise familiale », ils sont définis par l’OIT comme « des travailleurs exerçant des emplois indépendants, en tant que travailleurs indépendants, dans un établissement axé sur le marché exploité par une personne de leur famille, vivant dans le même ménage ».

Quelles politiques pourraient-elles permettre de réduire le pourcentage d’emplois précaires au profit du taux d’emplois décents, et dans quels secteurs ?

On retrouve ainsi un taux de travailleurs exerçant un emploi précaire de plus de 80 % au Niger, ou encore de 65 % au Rwanda.

Célestin Monga définit alors un emploi décent comme un emploi ayant une productivité relativement élevée et permettant à l’individu de se procurer des revenus suffisants sur une période relativement longue. Quelles politiques pourraient-elles donc permettre de réduire le pourcentage d’emplois précaires au profit du taux d’emplois décents, et dans quels secteurs peut-on en créer ?

Encourager l’industrie et les services

Selon l’économiste, les secteurs tels que l’agriculture et les mines « sont à même de générer durablement de la croissance, des économies d’échelles, [et de la] productivité. »

D’après une estimation de la BAD, l’augmentation de 3,4 % de la part du PIB de l’industrie manufacturière en Afrique pourrait ainsi entraîner « un choc positif total sur les investissements de 485 milliards de dollars (440 millions d’euros) ». De même, pour chaque point supplémentaire du secteur manufacturier dans la contribution au PIB de l’Afrique, il en résulte un investissement par habitant de 66 dollars en moyenne.

Célestin Monga évoque également le secteur des services et des industries créatives, rappelant que le secteur des services est le premier au monde en termes d’emplois et représente 70 % de la production mondiale.

Il propose enfin un investissement dans les secteurs du numérique (IA, robotique, internet des objets, nanotechnologies…), où l’Afrique a sa carte à jouer dans les prochaines années.

Renforcer la formation professionnelle

Quant au ministre ivoirien de la promotion de la jeunesse et de l’emploi des jeunes, Mamandou Touré, il invite à repenser la formation professionnelle pour renforcer l’adéquation formation-emploi, citant « le programme d’insertion des jeunes mis en place par l’État ivoirien en partenariat avec certaines entreprises, inspiré du modèle suisse et qui a donné dans sa première phase pilote des résultats très satisfaisants, avec 70 % de ces jeunes ayant pu obtenir un emploi stable au terme de leur formation ».

Les cycles de métiers sont de plus en plus courts. Il est important de former des jeunes qualifiés et directement opérationnels

Freddy Tchala, directeur général de MTN Côte d’Ivoire (jusqu’à la fin du mois de septembre), a abondé dans ce sens : « Les cycles de métiers, notamment dans le secteur des télécommunications, sont de plus en plus courts. Il est important de former des jeunes qualifiés et directement opérationnels dans les entreprises. »

Réorganiser le secteur informel

La réorganisation de l’informel fait figure de clé du problème auprès de tous les intervenants à la conférence : ce secteur constitue le gros des emplois précaires (plus de 80 %). Reste à valoriser ces métiers, notamment dans l’artisanat, selon Mamandou Touré.

Abebe Shimeles, chef de la division politique macroéconomique, soutenabilité de la dette et prévisions de la BAD, propose quant à lui une transformation structurelle de ce secteur, c’est-à-dire une réaffectation de l’activité économique et de la main-d’œuvre des secteurs les moins productifs de l’économie vers les plus productifs. « Par exemple, l’Éthiopie a engagé depuis quelques années ce type de réformes, dont les résultats sont plutôt encourageants », a-t-il déclaré, citant l’augmentation « massive » des IDE, notamment chinois, dans le secteur des textiles. « Ce secteur emploie aujourd’hui une part importante de la main d’œuvre du pays », a-t-il ajouté.

Enfin, Tchétché N’Guessan, professeur à l’Université Félix Houphouët-Boigny, invite à une prise en compte plus importante de la question de l’emploi au sein de la BAD. Il propose la création d’un sixième pilier – en référence aux cinq piliers traditionnels de la Banque africaine de développement (éclairer et électrifier l’Afrique ; nourrir l’Afrique ; intégrer l’Afrique ; industrialiser l’Afrique ; améliorer la qualité de vie des populations africaines) – uniquement consacré à la problématique de l’emploi.

Terrorisme : la Cedeao se dote d’un plan d’action
à un milliard de dollars pour contrer les jihadistes

| Par et - à Ouagadougou

À l'issue de son sommet extraordinaire à Ouagadougou, samedi 14 septembre, la Cedeao a décidé de se doter d'un plan d'action pour la période 2020-2024 afin d'améliorer la lutte contre le terrorisme. L'organisation sous-régionale prend ainsi la main sur le dossier, sans toutefois se substituer au G5 Sahel.

Les modalités de ce plan d’action prioritaires de cinq ans seront entérinées lors du prochain sommet de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), prévu en décembre à Abuja. À l’occasion de la réunion extraordinaire qui s’est tenue samedi 14 septembre à Ouagadougou, les chefs d’État ont annoncé que l’organisation sous-régionale allait mobiliser des ressources à hauteur d’un milliard de dollars (environ 900 millions d’euros). “Cette contribution financière démontre notre engagement à faire la différence”, a expliqué le président Mahamadou Issoufou, également président en exercice de la Cedeao.

“Nous allons mobiliser ces ressources sur cinq ans à partir de 2020. Le président de la commission de la Cedeao [l’Ivoirien Jean-Claude Brou] va regarder comment chaque pays va participer au financement du mécanisme”, a pour sa part précisé Roch Marc Christian Kaboré, le président burkinabè.

Selon nos informations, 500 millions de dollars seront décaissés par l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa). Un comité technique se réunira bientôt pour préciser le mode de financement de la somme restante. “Des prélèvements communautaires pourraient être privilégiés”, explique un ministre ouest-africain. La commission de la Cedeao a également invité le Tchad et à la Mauritanie, deux États représentés au sommet – respectivement en tant que pays appartenant au Bassin du lac Tchad et au G5 Sahel – , à participer à l’effort financier.

“La Cedeao prend la main”

Ces ressources seront débloquées pour la formation des unités engagées dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, notamment les trafics d’armes, de tabac ou de drogue. Elles vont permettre également aux États d’organiser et de mutualiser les informations récoltées par leurs unités de renseignement. Cela pourrait aboutir à la mise en place d’un système numérisé de données biométriques pour faciliter la collaboration entre les services.

Tout en actant le droit de poursuite, les participants au sommet ont décidé d’impliquer la force en attente de l’organisation sous-régionale

“La Cedeao prend la main”, analyse un ministre. Tout en actant le droit de poursuite dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, les participants au sommet ont décidé d’impliquer la force en attente de l’organisation sous-régionale. “Les ministres de la Sécurité vont étudier les scénarios d’implication de cette force. Cette question sera élucidée en décembre lors du prochain sommet”, précise un participant au huis clos

“Pas un substitut au G5 Sahel”

Mais alors que l’avenir du G5 paraissait incertain à de nombreux observateurs, la Cedeao n’a toutefois pas vraiment décidé de refondre totalement l’organisation ni de l’élargir à d’autres pays. Et si la force conjointe du G5 n’a pas encore prouvé son efficacité sur le terrain, Mahamadou Issoufou a défendu l’initiative. “Il ne s’agit pas de trouver un substitut à la force conjointe du G5 Sahel et la force multinationale mixte du Bassin du lac Tchad. Dans l’immédiat, il faut renforcer les instruments en place, et la force en attente est prévue sur le moyen terme”, a-t-il déclaré.

Face à la dégradation alarmante de la situation sécuritaire en Afrique de l’Ouest, et le spectre de plus en plus pesant de propagation aux pays côtiers, les dirigeants ont lancé un appel à la communauté internationale, notamment les Nations unies, qu’ils exhortent à doter la Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali) d’un mandat aux prérogatives renforcées. “La communauté internationale ne doit pas détourner son regard du Sahel et du Bassin du lac Tchad. C’est elle qui a provoqué la crise libyenne, véritable foyer d’alimentation de la crise dans notre région”, a fustigé le président nigérien.

À l’ouverture du sommet, Moussa Faki, le président de la Commission de l’UA, avait milité pour que l’ONU mette en place “des contributions obligatoires” de ses États membres pour financer la lutte contre le terrorisme. “Les Nations unies doivent assumer leur rôle”, avait-il déclaré.