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Coronavirus en Côte d’Ivoire: les mesures prises lors des offices religieux

Quartier du Plateau, Abidjan, Côte d'Ivoire. (Photo d'illustration)
Quartier du Plateau, Abidjan, Côte d'Ivoire. (Photo d'illustration) Pixabay/CC0/Louis_Abou

En Côte d’Ivoire, le premier cas de coronavirus a été détecté cette semaine. Il n’y a pas de panique palpable dans la population mais des mesures sont prises. Dans un pays aux convictions religieuses ferventes, on s’adapte lors des offices.

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A Notre-Dame de la Tendresse, le prêtre fait son homélie comme à l’accoutumée: prières, chants, prêche… mais au moment de la « paix du Christ », les accolades sont remplacées par un empathique signe de tête. Pour Aurore, une fidèle, il n’y a pas de problème.

« C’est un peu bizarre mais c’est bon pour la conjoncture actuelle. C’est important. On connaît la situation et donc on est d’accord avec, surtout qu’il nous l’annonce avant de le faire, donc il n’y a pas de soucis », dit-elle.

Il y a trois jours, l’archevêque d’Abidjan a imposé plusieurs gestes de précautions à adopter comme l’abandon physique du salut de la paix ou encore recevoir l’hostie uniquement de main à main. Pour Clémence, ce n’est que temporaire.

« Non. Ce n’est pas frustrant. Ce n’est pas la première fois. On est déjà habitués à ça. Quand il y a eu Ebola, on ne se saluait pas. C’était pareil. Et puis, c’est juste pour un moment. On se dit que ça va passer. On va pouvoir se resserrer la main, se faire des accolades… ça ira mieux », dit de son côté Clémence.

Pour le moment, aucune mesure sanitaire particulière n’a été prise en Côte d’Ivoire mais les autorités recommandent tout de même la vigilance.

Lire aussi : Coronavirus: la Côte d'Ivoire annonce son premier cas de contamination

[Édito] L’Afrique dans l’isoloir

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Par

François Soudan est directeur de la rédaction de Jeune Afrique.

Une femme place son vote dans une urne lors de la présidentielle au Togo, le 22 février 2020.

Les élections sur le continent africain sont à la fois un rendez-vous démocratique et l’expression d’une atrophie des libertés. De Conakry à Bangui, en passant par Abidjan, les présidentielles à venir ne pourront qu’être impactées par le fort taux d’abstention des deux catégories susceptibles d’impulser le changement démocratique dans les urnes : les couchées aisées et les jeunes.

Chaque début d’année depuis un bon demi-siècle, avec la régularité d’une pendule, Freedom House publie son index de la liberté dans le monde, bons et mauvais points à l’appui.

Parfois critiquée pour sa proximité avec la diplomatie américaine, l’ONG ne ménage pourtant pas l’administration Trump : sur l’index 2020, qui vient de paraître, les États-Unis réalisent un score démocratique en net déclin, inférieur à celui de la plupart des pays européens et à peine supérieur à celui de la Corée, du Panama ou de la Mongolie.

Bon an mal an, les classements de Freedom House font donc autorité, et le contenu du célèbre planisphère tricolore qui les accompagne, divisant le monde en trois catégories de pays (libres, partiellement libres, non libres), est scruté avec attention par la communauté internationale.

Qui de l’Afrique cette année ? Une stagnation, voire une régression globale, avec néanmoins quelques motifs de satisfaction. On notera ainsi les progrès réalisés en RDC, au Soudan, à Madagascar, en Éthiopie et en Mauritanie.

Atrophie des libertés

A contrario, on relèvera la dégradation de la « note démocratique » du Mozambique ou de la Tanzanie, et le fait que sur les neuf États considérés comme « libres » dans le précédent index, deux rejoignent le ventre mou des « partiellement libres » : le Sénégal et le Bénin.

Dans ces deux vitrines de la démocratie en Afrique francophone, la tenue en 2019 de scrutins d’où furent exclus de facto des leaders ou des partis d’opposition dont la participation aurait été légitime, selon Freedom House, explique ce changement de catégorie.

Quand on sait qu’en cette année 2020 des présidentielles sont attendues en Côte d’Ivoire, en Guinée, au Burkina, au Niger, en Centrafrique, au Burundi ou au Ghana, la question se pose : pourquoi les élections avec une pluralité de candidatures, qui désormais sont la règle sur le continent (à l’exception de l’Érythrée), sont-elles à la fois un rendez-vous démocratique et l’expression d’une atrophie des libertés ?

Casse-tête

Une partie de la réponse se trouve dans l’analyse des résultats de différents sondages réalisés ces cinq dernières années par le réseau de recherche panafricain Afrobarometer et repris récemment par The Economist.

Ils démontrent qu’en Afrique subsaharienne les deux catégories les plus susceptibles d’impulser le changement démocratique dans les urnes – les couches aisées et les jeunes – sont celles qui votent le moins. Si, en Occident, les riches urbains votent plus que les pauvres des zones rurales, c’est ici l’inverse.

Les élections africaines ne se jouant en général ni sur les débats de société ni sur les questions de justice sociale ou fiscale, la minorité fortunée sait que le résultat, quel qu’il soit, n’affectera pas sa position privilégiée.

En nul endroit, sur un continent où la part de la fiscalité dans le PIB est de moitié inférieure à ce qu’elle est dans les pays de l’OCDE, les alternances politiques ne se sont traduites par plus d’impôts pour les riches. D’où le déficit d’enjeu et donc de motivation électorale chez ces derniers. Quant aux jeunes, on sait que, partout dans le monde, y compris lorsque les élections sont parfaitement libres, leur taux de participation est faible, en particulier dans les villes.

À ce phénomène global, amplifié par la fréquentation quasi exclusive des réseaux sociaux – qui n’ont en général que faire de la notion de citoyenneté – comme source d’information et d’inspiration, s’ajoutent en Afrique le casse-tête du processus d’inscription sur les listes électorales et le désir qu’éprouvent 42 % des jeunes de 18 à 25 ans (selon Afrobarometer) d’émigrer. Quand on veut tenter sa chance ailleurs, c’est qu’on a abandonné l’idée de changer l’ordre des choses chez soi.

Démocratisation de la fraude

Le résultat de cette double tendance à l’abstentionnisme, joint aux découpages électoraux privilégiant les campagnes au détriment des villes dont les pouvoirs en place se méfient, fait que presque partout les couches les plus modestes, les moins éduquées et les moins urbanisées sont surreprésentées parmi les électeurs du continent.

Or cet électorat a trois caractéristiques qui ne favorisent ni l’alternance ni l’individualisation du vote, chère aux théoriciens de la démocratie. Il est légitimiste, fortement communautarisé et… aisément achetable, tout au moins aux yeux des politiciens.

Pouvoirs et oppositions s’efforcent, chacun avec leurs moyens, de jouer de ces trois cartes, au point que ce qui bien souvent définit le degré de crédibilité d’une élection en Afrique, ce n’est pas la transparence « à la norvégienne » du scrutin, mais l’égale possibilité offerte à chaque acteur d’influer sur les résultats. La démocratisation de la fraude en quelque sorte.

L’époque des « big men » au pouvoir passée de mode

De Conakry à Bangui, en passant par Abidjan, les présidentielles à venir ne pourront qu’être impactées par cette caractéristique, laquelle demeure fondamentale, même s’il n’est guère politiquement correct de la souligner.

En conclure que tout change pour que rien ne bouge serait pourtant une erreur. Si les présidents Issoufou, Ouattara et Nkurunziza ont décidé de – ou renoncé à – briguer un mandat de plus en 2020, c’est aussi parce que l’époque des « big men » au pouvoir à durée indéterminée est passée de mode.

L’invalidation, le 3 février, par la Cour suprême du Malawi, de l’élection du président Peter Mutharika pour cause de grosse tricherie et d’utilisation massive du Tipp-Ex sur les procès-verbaux est une quasi première sur le continent (seule la Cour kényane en avait fait de même en 2017). Elle pourrait encourager d’autres juridictions de ce type sur la voie de l’indépendance.

Enfin, l’engouement suscité auprès de la jeunesse urbanisée par des leaders d’opinion résolument en marge de la classe politique traditionnelle, comme Bobi Wine, en Ouganda, et Ousmane Sonkho, au Sénégal, démontre que cette catégorie d’âge est loin d’être aussi apathique que le suggèrent les sondages. Pour peu qu’on sache lui démontrer l’utilité de son vote.

[Tribune] En Afrique, les nouveaux seigneurs de l’armement

 
 
Par

Auteur et consultant spécialisé dans les questions de défense.

Des militants armés dans le Delta du Niger, en février 2006.

Chine, Pakistan, Corée du Sud ou encore Indonésie : en Afrique, de nouveaux acteurs se font une place sur le très juteux marché de l’armement. Et leur influence est appelée à croître.

Ce sont deux exemples significatifs, car ils illustrent une tendance de fond dans le marché de l’armement. Le premier nous emmène au Mali, où, le 7 janvier, l’armée a réceptionné un premier lot de véhicules blindés Typhoon en provenance des Émirats arabes unis – ces engins font partie d’une commande totale de 100 exemplaires.

Le deuxième exemple nous conduit au Ghana, où, un mois plus tôt, le président Nana Akufo-Addo a remis à l’armée de son pays 33 blindés Cobra et Cobra II, achetés cette fois auprès de l’entreprise turque Otokar.

Nouveaux acteurs

Il y a encore une décennie, les principaux fournisseurs de l’Afrique subsaharienne étaient américains, européens, israéliens ou russes. La Chine faisait encore figure de nouvelle venue, avec sa politique agressive et innovante de grands contrats d’infrastructure incluant des achats de matériel militaire, le tout financé par des prêts à long terme.

Cependant, depuis quelques années, de nouveaux acteurs se sont imposés. Parmi eux, la Corée du Sud, qui est parvenue à vendre des fusils d’assaut au Malawi, des avions d’attaque légère au Sénégal et des véhicules tactiques au Bénin, à la Côte d’Ivoire et au Mali. Kia et Hyundai ont même installé à Bamako une chaîne d’assemblage pour des modèles civils et militaires.

L’Indonésie a également su se faire une place, en exportant des avions de transport au Sénégal, en Guinée et au Burkina Faso, tout en négociant avec le Ghana la fourniture de blindés et avec le Nigeria celle de navires amphibies et de patrouilleurs.

Soutiens avantageux

Le succès de la Corée du Sud et de l’Indonésie s’explique en partie par le soutien que les autorités de ces deux pays apportent aux entreprises, facilitant l’obtention d’aides au financement et de prêts garantis. La Turquie a recours à une approche similaire, et ses blindés sont désormais en service au Burkina Faso, au Ghana, en Mauritanie, au Nigeria, au Rwanda et au Sénégal.

De plus, contrairement à leurs concurrents occidentaux, Ankara, Séoul et Djakarta n’ont pas à gérer le passif de décennies de relations militaires parfois tourmentées avec leurs clients. Les matériels proposés par ces différents pays sont perçus comme un bon compromis de par leur rapport qualité-prix. Plus compétitifs que leurs équivalents occidentaux, ils sont dans le même temps considérés comme plus performants ou plus fiables que ceux fournis par la Chine.

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Un soldat dans la ville pétrolière de Malakal, au Soudan du Sud, le 24 février 2015 (image d'illustration). © Jacob Zocherman/AP/SIPA

 

Ainsi, les nouvelles générations de chasseurs bombardiers développées en Europe et aux États-Unis sont trop coûteuses à acquérir et à mettre en œuvre pour la plupart des armées de l’air africaines.

Plusieurs d’entre elles ont donc entamé des discussions avec le Pakistan, qui produit le JF-17, un avion de combat supersonique à la fois performant, abordable et adapté aux besoins des pays émergents. Le Nigeria a quant à lui passé commande de trois JF-17 et espère en acquérir trois autres rapidement. Pour remporter ce marché, Islamabad a fait d’importants efforts en matière d’assistance technique et de formation, tout en offrant à Abuja des facilités de crédits.

Coopérations plus vastes

De leur côté, les Émirats lient la plupart de leurs ventes d’armements sur le continent à des efforts de coopération plus vastes, selon une logique de développement de relations stratégiques à long terme. À cela s’ajoutent les liens qui unissent Abou Dhabi à de nombreuses nations musulmanes du continent ainsi que la volonté de contrer l’influence qatarie.

Ainsi, la vente des Typhoon au Mali citée en préambule a vraisemblablement été facilitée par un financement émirati et agrémentée d’une donation de 30 blindés supplémentaires. Les industriels émiratis ont également conclu quelques transactions plus conventionnelles, dont la vente de véhicules blindés Panthera T6 au Cameroun ou d’embarcations rapides à la marine du Mozambique.

L’influence de ces nouveaux acteurs de l’armement ne devrait que croître dans les prochaines années. Peu ou pas désireux de conditionner leurs ventes à des exigences de politique intérieure, ils sont perçus comme plus accommodants que les fournisseurs historiques. C’est une opportunité qu’ils ont perçue – et saisie !

Côte d’Ivoire: le RHDP choisit Amadou Gon Coulibaly comme candidat à la présidentielle

Amadou Gon Coulibaly s'exprime après avoir été désigné comme candidat du RHDP à la présidentielle d'octobre 2020. Le 12 mars 2020
Amadou Gon Coulibaly s'exprime après avoir été désigné comme candidat du RHDP à la présidentielle d'octobre 2020. Le 12 mars 2020 REUTERS/Thierry Gouegnon

Le RHDP a désigné son candidat pour la présidentielle du 31 octobre. Sans surprise, il s’agit du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly. Il a été désigné par consensus ce jeudi soir à l’occasion d’un Conseil politique extraordinaire du parti, initialement prévu pour choisir un mode de désignation et expliquer aux militants le choix d’Alassane Ouattara de ne pas briguer un troisième mandat.

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De notre correspondant à Abidjan, Pierre Pinto

Ces derniers jours, Alassane Ouattara a démontré son goût pour la surprise et la stratégie du contrepied. Peu de gens savaient en effet jeudi après-midi que ce conseil serait en fait l’intronisation du candidat RHDP, Amadou Gon Coulibaly.

Dans une longue explication des raisons de son renoncement à briguer un troisième mandat Alassane Ouattara, très en verve, ouvre la séance en rappelant son souhait de voir le pouvoir revenir à une nouvelle génération.

« Le président Houphouët disait: ‘’vous verrez après moi, les Ivoiriens vont trouver quelqu’un qui fera mieux que moi. Moi, je dis la même chose. Je suis sûr que vous porterez votre choix sur quelqu’un qui fera mieux que Alassane Ouattara. Et je serais là pour accompagner cette personne ».

 
 

Ayez pitié de moi ! Laissez-moi partir

 

Concert de louanges

Ensuite les poids lourds du RHDP se succèdent à la tribune pour vanter les mérites de leur champion. A commencer par le numéro deux du gouvernement le populaire Hamed Bakayoko louant la « rigueur », la « méthode », « l’organisation », et la « force de travail » du Premier ministre.

« Pour moi, après ADO, c’est Amadou Gon Coulibaly. Je suis persuadé qu’Amadou Gon Coulibaly est le mieux placé pour assurer la relève ».

Le concert de louanges se poursuit plusieurs heures durant. « M. le président, pour nous, grâce à votre bénédiction, Amadou Gon Coulibaly a déjà gagné », s’est exclamé Kobenan Kouassi Adjoumani, porte-parole du RHDP.

En fin de soirée, Amadou Gon coulibaly est désigné par consensus. Le RHDP lance la campagne présidentielle et en donne le tempo.


Amadou Gon Coulibaly, un technocrate «discipliné», travailleur et dévoué

A 61 ans, Amadou Gon Coulibaly incarne pour Alassane Ouattara cette nouvelle génération que le président ivoirien souhaite voir accéder au pouvoir. Premier ministre depuis 2017, cet ingénieur de formation passe pour quelqu’un de méthodique, travailleur et dévoué, maitrisant ses dossiers. Un technocrate, « discipliné, qui a toujours refusé de se mettre en avant, considérant que c’est un manque de respect envers le chef », le décrit un responsable du RHDP.

Comme pour remédier à d’éventuelles carences en termes d’image et préparer une probable candidature, le Premier ministre est depuis un an, placé systématiquement sur le devant de la scène, sillonnant les régions, mettant en avant les réalisations lancées par le gouvernement début 2019 dans le cadre de son programme social.

 

Nous devons gagner ces élections. Je n'ai pas de doute.

 

Ouattara: « Amadou, un frère, un fils »

Discret, austère pour certains, Amadou Gon Coulibaly, issu d’une grande famille du nord, travaille à combler un déficit de popularité dans le reste du pays. « Un déficit de communication » corrige ce responsable : « Gon est victime de sa posture légitimiste. Il n’a jamais voulu poser d’acte d’émancipation », ajoute-t-il. Car Amadou Gon Coulibaly est un fidèle parmi les fidèles d’Alassane Ouattara avec qui il collabore depuis 30 ans. Il est là à la fondation du RDR en 94. « Sa loyauté n’a jamais failli. Amadou est plus qu’un collaborateur, plus qu’un frère, c’est un fils », déclarait jeudi soir Alassane Ouattara.

Dialogue avec les jihadistes au Mali : IBK est-il prêt à céder aux exigences de Iyad Ag Ghaly ?

| Par - à Bamako
Un Casque bleu bangladais, lors d'une patrouille près de Gao, en mai 2019 (Illustration).

Les conditions imposées par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) comme préalable à tout dialogue avec Bamako semblent inacceptables pour les autorités maliennes, comme pour leurs partenaires étrangers. Certains acteurs locaux veulent pourtant croire qu’un retrait militaire de la France et de l’ONU est envisageable.

Quelques jours après la signature d’un accord historique en Afghanistan, fin février, entre les autorités américaines et les talibans, le Mali peut-il suivre le même chemin ? Le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), acceptera-t-il les conditions imposées par les jihadistes, à qui il a récemment tendu la main en vue d’un éventuel dialogue ?

Là où de nombreux commentateurs craignaient que l’ouverture de discussions avec les jihadistes maliens ne débouche sur une remise en cause de principes fondamentaux – laïcité ou unité du pays – , la première réponse du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), dirigé par Iyad Ag Ghaly, a été d’édicter un préalable d’un autre genre : que la France et l’ONU retirent leurs troupes déployées dans le pays.

« IBK n’acceptera pas »

Dans un communiqué diffusé le 8 mars sur une plateforme de propagande jihadiste, le groupe, affilié à Al-Qaïda, affirme en effet être « prêt à engager des négociations avec le gouvernement malien (…) afin de discuter des moyens de mettre fin au conflit sanglant entré dans sa septième année à cause de l’invasion des croisés français ». Mais le GSIM ajoute aussitôt qu’il « ne saurait être question de négociations à l’ombre de l’occupation, avant le départ du Mali de toutes les forces françaises et de ceux qui les suivent ».

Pour le moment, ces exigences rencontrent une fin de non-recevoir ferme au palais de Koulouba. « Le président IBK l’a répété hier [lundi] à l’ambassadeur d’Allemagne : il n’acceptera pas le départ de Barkhane ni de la Minusma », confie à Jeune Afrique une source à la présidence.

« Le Mali n’a pas intérêt à faire partir les soldats français et les casques bleus de l’ONU, car cette question est régionale : la sécurité au Mali dépend aussi de la sécurité dans les pays voisins », appuie Moumouni Soumano, le directeur du Centre malien pour le dialogue interpartis et la démocratie.

Intérêt commun à la trêve

Cependant, la perspective d’une trêve entre Bamako et le GSIM, lequel mène régulièrement des attaques dans le nord et le centre du Mali contre l’armée malienne, contre la Minusma ou encore contre les forces françaises de Barkhane, pourrait arranger les deux parties, à en croire certains des responsables de groupes armés signataires de l’accord de paix d’Alger.

« Le Mali est en difficulté militairement et les combattants du GSIM perdent du terrain face à l’avancée de l’État islamique. Le dialogue est dans l’intérêt des deux parties », estime Fahad Ag Mahmoud, le secrétaire général du Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (Gatia), une milice favorable à Bamako créée en 2014 pour combattre le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et qui continue d’être active dans le nord du pays, face, notamment, aux groupes jihadistes.

Boubacar Saigh Ould Taleb, le secrétaire général du Mouvement populaire pour le salut de l’Azawad (MPSA, qui compte environ une centaine de combattants), estime quant à lui qu’un retrait de Barkhane ne serait qu’une question de temps. « Depuis le sommet de Pau, il est question du mettre un terme à l’opération Barkhane, qui serait remplacée par l’opération Takuba, un dispositif beaucoup moins lourd dont le budget serait supporté par les pays européens qui accepteront d’y prendre part », assure-t-il à Jeune Afrique. « Quant à la Minusma, son effectif peut se rétrécir peu à peu, tout dépend du retour de la paix », veut-il croire.

Si le gouvernement malien commence à négocier avec les terroristes de GSIM, Paris va en prendre acte

Pour Paris, en revanche, céder aux exigences préalables des jihadistes aurait des conséquences sur l’appui apporté à Bamako. « Si le gouvernement malien commence à négocier avec les terroristes du GSIM, la France va en prendre acte et pourrait diminuer fortement la taille de son contingent », assure une source sécuritaire française. Dans un tel scénario, la France « ne gardera, sur le long terme, que la base militaire de Gao, pour servir de point d’appui et de projection au cas où les intérêts français seraient menacés dans la région. »

Mais un tel retrait semble loin d’être à l’ordre du jour, selon notre source française. « Emmanuel Macron ne retirera pas les soldats de Barkhane avant les élections présidentielles de 2022 en France, car un tel retrait serait un signe d’échec pour lui », estime-t-elle.