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Au Mali, la situation sécuritaire se dégrade dangereusement

Les faits

Alors que l’armée malienne annonçait à la mi-février que les terroristes étaient en « débandade », des coups meurtriers ont été portés par les groupes djihadistes contre les forces de sécurité ces derniers jours. Trois semaines après l’annonce du retrait de la France, la situation sécuritaire est de pire en pire, et l’espace démocratique, en régression.

  • Laurent Larcher, 
Au Mali, la situation sécuritaire se dégrade dangereusement
 
Un soldat de la Minusma, opération de maintien de la paix des Nations unies au Mali, à Tombouctou, le 8 décembre.FLORENT VERGNES/AFP

Les attaques attribuées aux groupes djihadistes ne cessent de se multiplier au Mali depuis quelques jours. Lundi 7 mars, dans la matinée, la base de N’tahaka, un verrou stratégique situé à 50 km de Gao (dans le nord du Mali) tenu par les forces de l’armée malienne (les FAMa), a été prise d’assaut par des djihadistes. Une opération, selon des sources maliennes, très violente. L’état-major des armées à Bamako a annoncé, dans la soirée, avoir perdu seulement deux soldats et éliminé neuf « assaillants ». Un bilan impossible à vérifier. Dans la même journée, un convoi logistique de la mission des Nations unies (Minusma) a sauté sur une mine au nord de Mopti (centre), tuant deux casques bleus égyptiens.

→ À LIRE. Au Sahel, un après-Barkhane lourd d’incertitudes pour toute la région

Ces incidents s’ajoutent à plusieurs attaques durant les jours précédents. Samedi 5 mars, à la frontière mauritanienne, une quinzaine de civils auraient été tués en rentrant du Mali, selon plusieurs sources concordantes. Un massacre qui s’ajoute à la terrible attaque de la base de Mandoro, à la frontière burkinabée, qui a eu lieu vendredi 4 mars : 27 soldats maliens ont été tués – le bilan officiel le plus meurtrier depuis des mois, tranchant avec la relative accalmie que l’on observait depuis quelques semaines.

Une série de communiqués victorieux

Le mardi 21 février, au terme d’une visite officielle de dix jours, l’expert indépendant des Nations unies sur la situation des droits humains au Mali, Alioune Tine, s’était montré optimiste : « Pour la première fois depuis le début de mes visites en 2018, j’ai noté une amélioration tangible de la situation sécuritaire. »

→ À LIRE. « Détruire le terrorisme au Mali était une mission impossible »

Dans un communiqué publié le 22 février, les FAMa ont affirmé avoir consolidé leurs « acquis opérationnels face à des terroristes de plus en plus fébriles, en débandade », assurant en avoir « neutralisé » 22 et arrêté 15 autres dans le nord, le centre et le sud du pays. La semaine précédente, l’état-major malien avait déjà annoncé en avoir tué près de 60 dans le nord du Mali.

À lire les bulletins de cet état-major, l’armée malienne porterait chaque semaine des coups décisifs aux groupes terroristes depuis le début du mois de janvier. Et bien qu’Emmanuel Macron a annoncé le retrait de l’armée française du Mali, le jeudi 17 février, elle conduit toujours des actions de guerre sur ce territoire comme en témoigne l’annonce de l’élimination par Barkhane d’un haut cadre algérien du groupe djihadiste d’Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), à environ 100 km au nord de Tombouctou (nord du Mali), le lundi 7 mars.

Risque d’encerclement de Bamako

La recrudescence, ces derniers jours, des attaques djihadistes sonne comme un cinglant démenti aux communiqués triomphalistes de Bamako. En réalité, jamais le Mali n’a été dans une situation aussi périlleuse pour son intégralité territoriale. Dans une note de l’Ifri publiée début février, Mathieu Pellerin documente leur progression vers le sud du pays, à Koulikoro, Sikasso et Kayes : « La pression exercée sur ces trois régions augure d’une menace nouvelle pour le Mali, celle d’un encerclement progressif de Bamako. »

À cette situation sécuritaire aussi dégradée s’ajoute une détérioration du contexte démocratique. Selon l’expert Alioune Tine, « il est de plus en plus difficile d’exprimer une opinion dissidente sans courir le risque d’être emprisonné ou lynché sur les réseaux sociaux. Ce climat délétère a conduit plusieurs acteurs à l’autocensure, par crainte de représailles des autorités maliennes de la transition et/ou de leurs sympathisants. » Une régression démocratique que le Mali n’avait pas connue depuis la chute de Moussa Traoré, en 1991.

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La stratégie des djihadistes

La Katiba Macina, fer de lance de la progression djihadiste vers le sud, poursuit l’encerclement de la capitale en évitant de mener des attaques qui pourraient affaiblir la position de la junte à l’heure de son bras de fer avec la France et l’Union européenne. Selon une source malienne, son chef Amadou Koufa aurait fait du départ de la France une condition pour entamer des pourparlers de paix. On assiste à la même attitude de la part du groupe lié à Al-Qaida et dirigé par le Touareg malien Iyad Ag Ghali. Ce dernier, qui jouit de la protection d’Alger, comme s’en désole Paris, a fait aussi du départ de la France la condition de son dialogue avec Bamako. Le groupe lié à l’État islamique est toujours actif dans la zone des trois frontières. Il est aussi très actif au Burkina Faso et au Niger.

Inflation : la Côte d’Ivoire mobilise plus de 80 millions d’euros pour lutter contre l’envolée des prix

Mis à jour le 8 mars 2022 à 12:00
 

 

Sur un marché à Adjamé, l’une des communes d’Abidjan, le 18 juin 2020. © Reuters/Thierry Gouegnon

 

Après l’Algérie et le Sénégal, la Côte d’Ivoire légifère pour contenir l’inflation, qui frappe l’ensemble de la région.

Le 4 mars, au journal télévisé de 20h, sur la chaîne publique nationale, Souleymane Diarrassouba, le ministre ivoirien du Commerce et de l’Industrie, a annoncé qu’une série de mesures allaient être mises en œuvre pour faire face à une inflation alimentaire galopante.

Entre janvier et mars 2022, les prix des produits pétroliers, notamment ceux du gasoil, seront partiellement subventionnés grâce à une enveloppe budgétaire de 55 milliards de F CFA (83,8 millions d’euros). S’agissant des produits alimentaires, un plafonnement des prix s’appliquera durant une période de trois mois sur l’huile de palme raffinée, le sucre, le lait, le riz, le concentré de tomate, la viande de bœuf et les pâtes. La liste des produits de grande consommation et des services dont les prix sont réglementés sera élargie.

L’impact du conflit en Ukraine

Le gouvernement ivoirien souhaite également contrôler davantage l’évolution des prix lorsque celle-ci dépend de décisions locales et non des fluctuations des cours sur les marchés internationaux.

Pour y parvenir, et durant les six mois précédant toute augmentation du prix des denrées de grande consommation, une « information préalable » sera communiquée, suivie d’une « concertation ». Par ailleurs, pour favoriser le marché intérieur, les exportations de produits vivriers de grande consommation (banane plantain, manioc, igname…) seront soumises à autorisation.

Les acteurs du secteur vivrier bénéficieront, pour leur part, d’une allocation. La population sera tenue au courant du démantèlement des barrages routiers illégaux. Enfin, le gouvernement consentira des efforts supplémentaires pour informer les consommateurs de l’évolution des cours des produits et des intrants sur le marché international.

Pour un même produit, indique le ministère du Commerce et de l’Industrie, l’inflation varie en amplitude d’une région à une autre. Ce phénomène serait dû à « une combinaison de facteurs endogènes et exogènes ». En raison de la guerre qui oppose l’Ukraine à la Russie, le prix du pétrole a fortement augmenté. Ce lundi 7 mars, le baril de Brent a crû de 17,8%, pour atteindre 139,13 dollars, du jamais-vu depuis la crise de 2008, année de son record historique à 147,50 dollars. Le coût du transport maritime s’est lui aussi envolé, les tarifs du fret étant en forte augmentation.

Sur le plan intérieur, une faible pluviosité a « entraîné une perturbation du calendrier agricole », ce qui a abouti à « une insuffisance de l’offre de produits vivriers locaux ».

Mieux qu’au Mali ou au Bénin

L’inflation qui sévit en Côte d’Ivoire frappe également, à des niveaux variables, la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest et du Maghreb. Dans un bulletin publié au début de mars, la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) souligne que la rapidité de la hausse des prix dans la zone de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) est principalement liée aux produits alimentaires.

Si l’on considère que ce taux est passé de 6% en décembre 2021 à 6,5% en janvier 2022 dans l’Uemoa, la Côte d’Ivoire est plutôt épargnée (5,6%) par rapport à ses voisins tels que le Mali (8,7%), le Bénin (7,9%) et le Togo (7,5%). Les cours mondiaux des principaux produits alimentaires atteignent quant à eux des sommets, comme ceux de l’huile, dont le taux atteint 54% en glissement annuel.

Pour contenir la poussée inflationniste sur les biens alimentaires de grande consommation, l’Algérie et le Sénégal ont eux aussi annoncé l’adoption de mesures. Lors d’un Conseil des ministres, Abdelmadjid Tebboune, le président algérien, a décidé de geler des taxes sur certains produits alimentaires, qui figurent dans la loi de finances 2022. Au Sénégal, 50 milliards de F CFA (76,2 millions d’euros) ont été mobilisés pour subventionner les producteurs locaux de riz. Une baisse de 100 F CFA (0,15 euro) sur le prix de l’huile, de 25 F CFA sur le kilo de riz « brisé non parfumé » et de 25 F CFA sur celui du sucre a été annoncée.

Tchad: la date du 13 mars pour le pré-dialogue va-t-elle être tenue?

 

Après plusieurs reports, une nouvelle date a été communiquée pour l'ouverture du pré-dialogue entre le gouvernement et les politico-militaires : c'est le 13 mars 2022 à Doha au Qatar. Pour arriver à cette nouvelle date, les autorités tchadiennes et qataries ont dû calmer le jeu suite aux écoutes de Timan Erdimi, mais aussi régler certaines questions logistiques. 

Avec notre correspondant à Ndjaména, Madjiasra Nako

C’est tard ce jeudi 3 mars que les différents mouvements politico-militaires ont reçu à nouveau les invitations du ministère des Affaires étrangères du Qatar pour se rendre à Doha. La note qui précise la taille des délégations invite chaque membre à transmettre copie de son passeport pour les formalités de visas

Calmer le jeu

Ndjaména et Doha ont donc mis une dizaine de jours pour régler les problèmes politiques et logistiques. Le Qatar et le Tchad ont dû calmer le jeu après l'interception d'appels téléphoniques du chef rebelle Timan Erdimi basé à Doha, évoquant un renversement du pouvoir tchadien avec l'aide du groupe russe Wagner. Il a aussi fallu s’assurer que chaque participant a un passeport et peut voyager de là où il se trouve vers Doha dans des conditions de sécurité optimales.

Invitations reçues à l'UFDD 

Au niveau de l’UFDD du général Mahamat Nouri, on confirme avoir reçu les invitations. « Les copies des passeports ont été envoyées, disent les proches de Nouri, nous attendons le retour du Qatar ». L'entourage de Mahamat Ali Mahdi, le chef des FACT, dit pour sa part que les problèmes administratifs pour son déplacement sont pratiquement réglés, mais ce sont des détails liés à un déplacement en toute sécurité qui attendent. « La seule voie pour quitter la Libye, indique le FACT, c’est Tripoli et nous attendons de voir si cela sera possible »

 À lire aussi : Tchad: le pré-dialogue national prévu dimanche au Qatar a été repoussé

Mauritanie : Trafigura, Litasco, Addax… La guerre du carburant continue 

 
Mis à jour le 3 mars 2022 à 13:21
 

 

Le ministre mauritanien du Pétrole Abdesselam Ould Mohamed Saleh et le CEO d’Oryx Energies, Moussa Diao. © Montage JA; DR; Nicolas Righetti pour JA

 

Après avoir octroyé le contrat d’approvisionnement du pays à Addax Energy en janvier, le ministre du Pétrole a finalement déclaré l’appel d’offres infructueux. Le Suisse Trafigura, le Russe Litasco et le Dubaïote BB Energy espèrent profiter de cette nouvelle chance. Enquête sur un bras de fer remonté jusqu’au sommet de l’État. 

Après l’accord signé par toutes les parties le 22 novembre, la situation semblait apaisée entre Addax Energy, filiale d’Oryx Energies, et Nouakchott. Toutes les demandes de pénalités formulées par la Société nationale industrielle et minière (Snim), la Société mauritanienne d’électricité (Somelec), mais aussi les distributeurs locaux comme El Bezine, Atlas et Star Oil avaient été abandonnées.

En contrepartie, le trader genevois avait accepté de payer 9 millions d’euros à répartir entre les différentes parties mauritaniennes, à l’exception de la Snim. Mais il avait aussi obtenu de récupérer les deux cautions de 10 millions de dollars que la Snim avait gelé pour compenser des retards dans les livraisons de carburant.

Dans la foulée, Addax avait participé et gagné début janvier l’appel d’offres pour l’approvisionnement du pays à partir du 15 avril, et ce pendant un an. Ce contrat d’un million de tonnes de fioul, de kérosène, de gasoil et d’essence représente un chiffre d’affaires d’environ un milliard de dollars.

La trêve fut finalement de courte durée. À la surprise générale, le ministre du Pétrole, des Mines et de l’Énergie, Abdessalam Ould Mohamed Salah, a pris le 24 février un arrêté pour annoncer que l’appel d’offres était finalement déclaré infructueux. Une décision qu’il n’a pas eu besoin de motiver conformément aux textes en vigueur. Tous les traders sont désormais invités à faire de nouvelles propositions. Leur examen par la Commission des hydrocarbures est prévu le 18 mars. En coulisses, il s’agit d’un nouvel épisode d’une guerre d’usure pour contrer l’hégémonie d’Addax.

Guérilla

Une guérilla véritablement engagée après l’arrivée au pouvoir du président Mohamed Ould Ghazouani, en juin 2019. L’an dernier, la Snim avait par exemple exigé le paiement de 34 millions de dollars pour des retards, obligeant Addax à engager une procédure d’arbitrage d’urgence devant la Chambre de commerce internationale (CCI) de Paris. Dans le cadre de l’accord du 22 novembre, la société minière a d’ailleurs obtenu le remboursement des quelques dizaines de milliers d’euros engagés pour sa défense.

Adjudicataire de l’approvisionnement du pays depuis 2016, un record de longévité depuis la création de ce contrat en 2002, le trader n’avait, au cours des trois premières années où il avait assuré l’approvisionnement en carburant du pays, jamais été véritablement contesté. Il y avait bien sûr eu des négociations en fin d’année avec les fonctionnaires du ministère pour solder un certain nombre de pénalités.

Mais celles-ci ont toujours eu cours, quelque soit le trader. Fin 2014, BB Enregy, société détenue par des intérêts libanais mais implantée à Dubaï, a par exemple payé 4,5 millions de dollars après avoir entamé une procédure d’arbitrage, puis accepté une transaction. Trafigura, Fal Oil, Vitol et Gunvor ont eux aussi dû en leur temps faire quelques concessions financières.

Trente millions de dollars d’économie

Si Addax s’est imposé au cours des dernières années, c’est parce que ses cotations sont très difficiles à égaler, que le prix est un critère déterminant et que le processus de dépouillement des offres est transparent. Le négociant a aussi bénéficié dans une certaine mesure d’un besoin accru de stabilité dans l’approvisionnement du pays en produits raffinés alors que sévissait la pandémie de Covid.

Fin 2019, le Premier ministre alors en poste, Ismaïl Ould Bedda Ould Cheikh Sidiya, avait bien demandé une première fois à ce que l’appel d’offres que le trader avait gagné soit déclaré infructueux, permettant à Litasco, filiale du russe Lukoil de l’emporter. Mais en bout de course, le chef de l’État avait exigé que ce changement de partenaire n’entraîne pas de hausse de coût pour le pays et Addax avait finalement récupéré l’approvisionnement du pays, d’abord pour six mois alors que son contrat arrivait à échéance et que le pays pouvait craindre une pénurie de carburant.

Pour battre ses concurrents, le trader, dirigé par Moussa Diao, tire profit des infrastructures qu’il possède à Las Palmas, aux Canaries, situées à 1200 kilomètres au nord de Nouakchott, et de synergies avec d’autres contrats qu’il détient dans la région. Selon nos informations, sa proposition permettait en janvier aux parties mauritaniennes de réaliser environ 30 millions de dollars d’économie vis-à-vis des offres de ses compétiteurs.

« Contrat à risque »

Le marché mauritanien, trois fois moins important que ceux du Sénégal ou du Mali, impose de nombreuses rotations pour effectuer les livraisons compte tenu de ses capacité de stockage limitées, restreignant la marge des négociants. Annoncées à 400 000 tonnes, les réservoirs mauritaniens ne seraient, selon une source proche d’Oryx, que d’environ 120 000 tonnes.

Beaucoup de négociants de premier rang comme Vitol, Glencore ou Gunvor ne participent plus aux appels d’offres du pays. « C’est un contrat à risque », indique un connaisseur du dossier. « Chaque année, les lignes rouges sont un peu plus repoussées. Il y a tant d’intervenants que c’est difficile de mettre tout le monde d’accord. Un jour le pays devra le remettre à plat, sinon plus aucune société ne voudra soumettre une offre ». Les traders Trafigura, Litasco, eux-aussi basés en Suisse, ainsi que des sociétés plus petites comme BB Energy, restent néanmoins sur les rangs.

Réseau

Sur le terrain, ces fournisseurs ont leurs partisans. Trafigura est proche de Tidiani Ben Al Houssein, président du distributeur Star Oil Group, tandis que le représentant du négociant russe Litasco en Mauritanie compte au sein de son réseau le patron du groupe AON Mohamed Ould Noueigued, souvent présenté comme la première fortune de Mauritanie, et propriétaire du petit distributeur pétrolier SMP Atlas. Ce dernier a adressé à Addax en 2021 une demande de pénalités de plusieurs millions de dollars pour des retards de livraison alors que sa commande n’était que de quelques dizaines de milliers de dollars.

Loin de rester inactif face à la menace d’une éviction, Addax a lui renforcé sa présence sur le terrain. Représenté par Mohamed Ould Brahim Ould Boucheiba, le négociant genevois a aussi eu recours en 2020 à l’homme d’affaires proche du palais Sidy Amar pour tenter d’aplanir les dissensions avec les fonctionnaires du ministère du Pétrole, à même de tempérer les demandes de pénalités de retard de la Somelec, de la Snim et des distributeurs locaux alors que la Mauritanie n’offre pas les conditions de stockage prévues dans le contrat.

Addax est par ailleurs accompagné par l’avocat Éric Diamantis (Diamantis&Partners) dont l’un des associés est le franco-mauritanien Jemal Taleb. Mais pour l’heure, le chef de l’État Mohamed Ould Ghazouani se tient manifestement à l’écart de ce dossier.

Tensions au sein du gouvernement

Selon nos informations, la Somelec a adressé le 10 février une nouvelle demande de pénalités à Addax d’un montant de 14 millions de dollars pour des retards liés au contrat échu en avril 2021. Estimant cette exigence infondée, tous les litiges ayant été théoriquement réglés par l’accord signé en novembre dernier, Addax a prévenu la Somelec qu’il excluait de répondre favorablement à ses attentes. Le directeur du trading pour l’Afrique de l’Ouest du négociant, Éric Derhille, a par ailleurs informé le ministère du Pétrole, des Mines et de l’Énergie, la Commission nationale des hydrocarbures et l’administrateur général de la Snim, de la décision prise par son groupe.

Un rendez-vous serait néanmoins prévu le 15 mars à Nouakchott entre les parties. Toujours selon nos informations, l’état-major d’Addax a aussi reçu une autre demande de pénalités émanant du distributeur Star Oil. A moins d’un mois et demi de l’échéance du contrat d’Addax, la Mauritanie n’a pas choisi son futur fournisseur de carburant. Ce dossier serait à l’origine de tensions entre le ministre du Pétrole et le Premier ministre Mohamed Ould Bilal, favorable à la stabilité des prix. Seule certitude : le nouvel appel d’offres occasionnera un surcoût pour l’approvisionnement du pays en produits raffinés compte tenu de la remontée des cours, accélérée par l’offensive russe en Ukraine.

Procès Sankara au Burkina Faso : le putsch de Damiba au secours de celui de Compaoré ?

Mis à jour le 4 mars 2022 à 14:34
 
Damien Glez
 

Par Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

 

 

 @Damien Glez

 

Pour les avocats des responsables présumés de la mort de Thomas Sankara, l’investiture du lieutenant-colonel à la présidence du pays démontre qu’un putsch ne constitue plus une infraction. Le procès est suspendu.

Aussi indolore semble-t-il devenu, le putsch militaire – sport politique national du Burkina Faso – est-il condamné à scander toujours la vie des Burkinabè sans que la justice ne fasse exception ? L’historique et médiatique procès de l’assassinat de Thomas Sankara – président arrivé au pouvoir à la faveur d’un coup d’État et renversé par un coup d’État – pourrait emprunter une déviation elle-même liée à… un coup d’État.

Aujourd’hui au banc des accusés, les putschistes compaoristes du 15 octobre 1987 (Gilbert Diendéré, Blaise Compaoré et Hyacinthe Kafando) paraissent proche d’être sauvés par ceux-là même qui enfoncèrent censément le dernier clou du cercueil de l’ère Compaoré en renversant l’ancien compaoriste Roch Marc Christian Kaboré.

Un coup d’État légalisé

Les avocats des trois accusés, contre lesquels sont requis plusieurs dizaines d’années de prison, ont obtenu le 3 mars la suspension du procès qui venait juste de reprendre. Leur argumentation est limpide : en validant cette semaine l’investiture du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba à la présidence du pays, le Conseil constitutionnel a légalisé le coup de force du 23 janvier. Dès lors, tout putsch cesserait d’être une infraction au Burkina Faso, celui de Compaoré comme celui de Damiba. « Si l’attentat à la sûreté de l’État est devenu légal, je ne vois pas pourquoi nos clients sont poursuivis », conclut Me Olivier Somé.

Peut-on juger un coup d’État sous un régime issu d’un coup d’État ? L’exception d’inconstitutionnalité est-elle justifiée ? Sans doute gêné aux entournures, le Conseil constitutionnel dispose d’un délai d’un mois pour répondre à cette requête de la défense. Qui se contorsionne se contorsionnera…

« Catastrophe constitutionnelle »

Déjà en deuil de leur président Kassoum Kambou, décédé le 19 février, les sages vont devoir mettre en perspective leur habillage légal de la prise du pouvoir du Mouvement patriotique pour la sauvegarde de la restauration (MPSR) et la plaie béante de l’assassinat de l’icône « Thom Sank ». Noieront-ils le poisson de la requête dans les eaux du jargon judiciaire, eux qui savent à quel point la popularité de l’évènement de 2022 est inversement proportionnelle à celle du drame de 1987 ? Paraphraseront-ils la célèbre publicité burkinabè « Tôle, c’est pas tôle » en concluant « Putsch, c’est pas putsch » ?

Si le constitutionnaliste Abdoulaye Soma a qualifié la bienveillance du Conseil à l’égard du lieutenant-colonel Damiba de « catastrophe constitutionnelle », certains considèrent, selon le proverbe, que « lorsque le canari se casse sur sa tête, il faut en profiter pour se laver ». Dans une tribune parue 7 février dernier, le philosophe Kwesi Debrsèoyir Christophe Dabiré suggérait rien de moins que la légalisation des coups d’État en Afrique. À effet rétroactif ?