Témoignages

 

« Kaddish pour un amour » de Karine Tuil : prière incandescente pour un amour défunt

Critique 

Prenant la forme du kaddish, la prière juive du deuil, la romancière fait mémoire d’un amour éteint. Un long poème aux accents bibliques et charnels.

  • Christophe Henning, 
« Kaddish pour un amour » de Karine Tuil : prière incandescente pour un amour défunt
 
Dans son nouveau livre, Karine Tuil fait mémoire d’un amour éteint, sous forme d’un kaddish.FLORE-AËL SURUN/TENDANCE FLOUE
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      • Kaddish pour un amour

de Karine Tuil

Gallimard, 124 p, 14 €

De Karine Tuil, on connaît les romans, que ce soit Les Choses humaines (Gallimard, 2019), prix Interallié et Goncourt des lycéens, ou La Décision (Gallimard, 2022), quand un juge, pris dans un imbroglio personnel, doit décider de l’avenir d’un jeune soupçonné de terrorisme. Ce nouveau livre est une longue prière pour un amour qui s’est éteint. Une forme poétique qui explore les sentiments d’une femme aimée, qui ne l’est plus, qui exprime ses réactions parfois contradictoires. Meurtrie, aimante, révoltée, libre, désorientée : « Je ne peux plus voir le visage de Celui qui m’aime/Sans pleurer/Les herbes amères j’ai mangé/De Ta bouche. »

Le kaddish, c’est la prière juive du deuil, qui est aussi une sorte d’élan, de confiance, du rappel du passé, de la vie. En « chantant » un kaddish pour cet amour défunt, Karine Tuil entre dans ce rite qui fait mémoire et invoque plus grand que la perte : « Je parcours une terre humide de larmes/Je savais qu’il y aurait une fin/Tu disais : je t’aime pour l’éternité. »

Rien n’est plus triste qu’un amour qui n’est plus, mais rien n’est plus précieux que le souvenir qu’il laisse. L’occasion pour Karine Tuil de faire discrètement le parallèle entre cette histoire d’amour et l’espoir du peuple juif : « Je t’ai dit : Tu es ma terre promise/Partons ensemble/je recevrai/Ta loi. » Et l’on retrouve encore dans ce long poème des accents du Cantique des Cantiques : « Je T’ai cru/Je suis partie/Mais Tu n’étais pas là/Quand je suis arrivée/De nuit/Depuis Jérusalem/Et à l’aube non plus/Je ne T’ai pas trouvé/Je T’ai cherché/Dans le désert brûlant/Je T’ai appelé/Tu n’as pas répondu. » Avec un « T » majuscule, pour désigner l’être aimé, l’absent souverain, muet, effacé. La supplique se mêle aux psaumes, alors même que le texte est profondément humain, d’abord, comme la Bible après tout : « Je suis faite pour ce silence/Je peux vivre sans Toi/Il n’y a que le désert/Et les mots/Qui a besoin de plus pour vivre ? »

L’écriture poétique se nourrit de cette culture juive du questionnement et de la contradiction. approchant les ambivalences du sentiment amoureux : « Nous ne pouvons pas être ensemble/nous ne pouvons pas être séparés. » Le kaddish devient le tombeau de l’amour défunt pour le préserver, pour le sauver de l’oubli : « Inscris-nous dans le livre de la vie heureuse/Inscris-nous dans le livre de l’amour/Souviens-Toi que nous nous sommes aimés. »

L’essentiel ce matin

La sélection de la rédaction, trois fois par jour
le 17/03/2023

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"Pleures-tu parce que tu veux faire la volonté du Seigneur ou parce que tu veux que Dieu fasse ta volonté ?".

Mariée à contrecœur à 13 ans, sainte Françoise Romaine a fini par devenir sainte.

Françoise Romaine est devenue célèbre pour une sentence fameuse :

« Quand une femme mariée est sollicitée, elle doit laisser sa dévotion à Dieu au pied de l’autel pour le retrouver dans ses occupations domestiques ».

Elle ne voulait pas se marier et désirait plus que tout au monde devenir religieuse, ce dont elle fit part à son père. Malheureusement, celui-ci n’avait que faire de son désir profond et voulait la marier. À une époque où les pères avaient la mainmise sur leur maisonnée, le destin de Françoise était déjà tracé.

Elle se rendit donc chez son directeur spirituel et lui expliqua entre deux sanglots qu’elle ne pourrait jamais vivre sa vraie vocation d’épouse du Christ.
Celui-ci écouta patiemment les lamentations de la jeune fille de 13 ans. Quand elle eut terminé, il lui demanda calmement :

« Pleures-tu parce que tu veux faire la volonté du Seigneur ou parce que tu veux que Dieu fasse ta volonté ? »

 

 

Mariée de force

Françoise fut très surprise. Elle venait de se faire remettre en place. Bien qu’elle désira ardemment devenir religieuse, la volonté de Dieu s’exprimait clairement à travers la volonté de son père. Elle ne pouvait en aucun cas le faire changer d’avis, si bien qu’elle n’eut d’autre choix que d’accepter l’appel de Dieu tel qu’il lui fut présenté, dans la paix ou dans les larmes. Françoise décida d’accepter sa croix et se retrouva vite mariée à un noble, bon et riche.

On attendit de Françoise qu’elle mène pleinement une vie mondaine. Une exigence de trop pour la jeune fille si pieuse et réservée : elle en perdit la santé et se retrouva à l’article de la mort pendant plusieurs mois. Finalement, saint Alexis (qui s’était enfui de chez lui quand sa famille avait essayé de le contraindre à se marier) lui apparut et lui annonça que Dieu lui offrait le choix de guérir ou non. Dans son agonie, Françoise pria et finit par répondre : « La volonté de Dieu est mienne. » Elle recouvra immédiatement la santé et retourna à la vie qu’elle détestait.

Une vie dévouée aux plus pauvres

À nouveau elle essaya d’accepter sa croix, qui s’avéra être encore trop lourde pour elle. Elle n’était, semble-t-il, pas destinée à la porter seule. Sa belle-sœur, Vannozza, aspirait elle aussi à une vie de sainteté. Un jour, Vannozza retrouva Françoise en pleurs et lui demanda ce qui l’affectait. Ce jour-là, elles décidèrent ensemble de ne vivre que pour Dieu. N’oubliant pas de servir leurs familles en premier lieu, elles se mirent à aller à la messe encore plus souvent, à servir les malades et les prisonniers, et même à prier dans une chapelle secrète qu’elles aménagèrent dans une tour abandonnée de leur propriété. Grâce à la force que lui donnèrent ces actes de charité et de piété, Françoise put enfin s’acquitter de son rôle de femme du monde — et avec le sourire désormais.

Pendant des années, Françoise et Vannozza durent batailler contre leur belle-famille, qu’elles voulaient bien sûr honorer et respecter, sans pour autant renoncer au service des pauvres comme l’exigèrent leurs proches. Lorsque son beau-père vendit tout le vin et le blé en excès de la famille pour éviter que Françoise ne les redistribue, le grenier à céréales fut rempli miraculeusement pendant des mois, quelle que soit la quantité qu’elle continua de donner aux pauvres, et le seul fût de vin qui resta ne fut jamais à sec. Alors leurs maris et leur beau-père furent pleinement acquis à leur cause et les deux jeunes femmes purent accomplir leurs services à leur guise, demandant parfois l’aumône pour les pauvres ou aménageant un hôpital dans le château.

Une figure inspirante

Françoise eut six enfants, dont trois moururent en bas âge et deux autres de la peste dans l’enfance. Elle entra dans le Tiers-Ordre franciscain, fonda un ordre d’oblates, et vit pendant des années son ange gardien à ses côtés, en permanence. Et pourtant, c’est pour son dévouement simple de mère et d’épouse qu’elle est connue.

Elle mérite d’être invoquée par tous ceux qui pensent que leurs vies ont pris la mauvaise direction de manière irrémédiable. L’astuce du diable est de convaincre que les circonstances de nos vies rendent la sainteté inaccessible. L’on se dit parfois : « J’aurais peut-être pu aspirer à la sainteté si je n’avais pas épousé cette personne, ou bien eu autant d’enfants, ou subi cet accident de voiture. Ou bien encore si je n’avais pas avorté, ou abandonné mes études, ou bien si je n’étais pas devenu(e) si aigri(e)… ». Mais quels qu’en soient les motifs d’origine, c’est par ces circonstances — ces croix — que Dieu vient nous sanctifier. Françoise Romaine fut inconsolable quand son mariage fut arrangé, mais c’est bel et bien par ce mariage qu’elle est devenue sainte.

Demandons à cette sainte, fêtée le 9 mars, d’intercéder pour ceux qui ont le sentiment d’être pris au piège dans leur vie et particulièrement pour ceux qui se sentent seuls.

Sainte Françoise Romaine, priez pour nous !

« Black is Beautiful » : Faith Ringgold entre au musée Picasso

Jusqu’au 2 juillet 2023, le Musée Picasso accueille la première rétrospective en France consacrée à l’artiste africaine-américaine Faith Ringgold, âgée de 92 ans.

Mis à jour le 10 mars 2023 à 16:59
 
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« American People Series # 20 = Die », de Faith Ringgold (1967). © Faith Ringgold/ARS, NY and DACS, London, courtesy ACA Galleries, New York 2022; The Museum of Modern Art/Licensed by SCALA/Art Resource, NYV

À quelques pas de la porte d’entrée de l’exposition « Black is Beautiful », de Faith Ringgold (92 ans), au Musée Picasso (Paris), une scène de guerre civile, où des hommes et des femmes, noirs et blancs, s’entretuent. Titre de la toile : Die. Sur un fond cubique aux variations de gris, des pistolets rencontrent des couteaux, et des enfants pataugent dans du sang. En bas du tableau, une fillette noire et un petit garçon blanc s’enlacent, terrifiés. Face à la toile, datée de 1967, les spectateurs s’asseyent et observent, exactement comment Ringgold l’avait prévu en la peignant : « Je ne voulais pas que les gens puissent regarder puis détourner le regard, parce que beaucoup font ça avec l’art. Je veux qu’ils voient et regardent. Agripper leurs yeux et les maintenir ouverts, parce que c’est ça, l’Amérique ».

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Ringgold et Picasso

Au premier coup d’œil, le tableau paraît familier. Il évoque Guernica (1937), l’œuvre célèbre de Pablo Picasso sur la guerre d’Espagne. Et pour cause, Ringgold l’a étudié alors qu’il était exposé au MoMa, à New York, de 1943 à 1981, et Die en est explicitement inspiré.

Quand Cécile Debray, présidente du Musée Picasso et commissaire de l’exposition, raconte Faith Ringgold, on en revient souvent à l’artiste espagnol, mort en France en 1973. Picasso est d’ailleurs un personnage très présent dans l’œuvre de Ringgold. « Nombre d’artistes africains-américains font, eux aussi, référence à lui », souligne Debray. C’est l’une des raisons de l’installation de cette exposition – qui est la première rétrospective en France de l’artiste américaine – en ce lieu particulier.

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Dès le début du XXe siècle, les œuvres de Picasso sont exposées aux côtés de masques africains, surtout aux États-Unis. « Très vite, les intellectuels et les artistes de Harlem y voient une forme de complicité avec lui », analyse la présidente du musée national. Faith Ringgold est issue de l’histoire culturelle de Harlem, capitale symbolique de l’éveil des communautés noires, qui a vu fleurir des créateurs, des penseurs, des musiciens, des écrivains, et dont elle fait partie. Au gré de son travail, elle noue un dialogue, à la fois empathique et critique, avec l’auteur des Demoiselles d’Avignon.

« Tout était soit noir, soit blanc »

L’exposition suit un ordre chronologique, et Die fait partie de la première époque de Ringgold, qui débute au début des années 1960, avec une date clé : 1964, année du Civil Rights Act, qui met légalement fin à la ségrégation et aux discriminations. « Cette Amérique post-ségrégation voit les Noirs commencer à entrer dans les quartiers blancs et à l’université. Le climat est extrêmement tendu. L’été 1967 est réputé avoir été particulièrement violent », indique la commissaire.

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Cette période correspond au plus fort de la répression des soulèvements populaires. Le panneau, de plus de 1,80m par 3,60 m, s’inscrit dans une série baptisée American People, qui dépeint le racisme ordinaire. Il illustre la crainte d’un avenir sanglant, que l’artiste voit alors comme une « prophétie » et à qui l’actualité continue de donner régulièrement raison.

Amérique déchirée

Cette première partie de l’exposition groupe des œuvres qui dressent le portrait d’une Amérique déchirée. En témoignent Black Light Series et, notamment, la toile « The American Spectrum », qui présente un dégradé de visages, sorte de palette chromatique des couleurs de peau des Américains. Ringgold déclare alors : « La question était simplement de savoir comment être Noir en Amérique, il n’y avait aucun moyen d’échapper à ce qu’il se passait à l’époque [dans les années 1960]. Il fallait prendre position d’une manière ou d’une autre, car il était impossible d’ignorer la situation : tout était soit noir, soit blanc, et de manière tranchée. »

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"Woman in a Bridge # 1 of5 - Tar Beach", de Faith Ringgold, 1988. © Faith Ringgold/ ARS, NY and DACS, London, courtesy ACA Galleries, New York 2022

 

À mesure que l’exposition se déploie, les salles dévoilent des ambiances en perpétuel mouvement, au rythme des phases artistiques de Ringgold. Il n’y a ni période bleue ni période rose, mais tout un voyage au gré des techniques de la peintre. Les huiles sur toile laissent place à des acryliques, à des patchworks colorés, à des impressions et collages, à des sculptures, et, même, à des performances. Aux méthodes se mêle un militantisme qui ne cesse de voguer entre trois sujets : être une femme, être une artiste, et être noire. « Ringgold est un cumul de marginalités », explique la commissaire. Ces sujets sont comme des refrains qui reviennent sans cesse.

« J’ai découvert mes racines dans l’art africain »

Au détour d’une salle, le style change radicalement. Les murs sont recouverts de textiles peints aux couleurs pop. On est dans les années 1970, qui marquent un tournant esthétique pour Ringgold. Elle remet en cause la façon dont elle peint et essaie de créer un « art typiquement africain-américain », souligne Cécile Debray. Elle regarde alors vers l’Afrique, et témoigne, à l’époque : « J’ai découvert mes racines dans l’art africain, et j’ai commencé à peindre et à créer un art correspondant à mon identité de femme noire ».

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« Ringgold s’inspire d’une tradition populaire féminine, reprend la commissaire d’exposition. L’art du quilt et du patchwork, qu’elle détourne au profit de ses combats. C’est pour elle l’occasion de collaborer avec sa mère, la styliste Willi Posey Jones, qui a un côté bohème et qui, étant elle-même une artiste, a donné une éducation très libre à ses enfants. Posey Jones participe à la couture des quilts avec sa fille. »

 

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Tradition du gospel

Sur ces patchworks, on décèle aussi un peu l’influence de son père, un conducteur de bus, également pasteur. Ringgold est marquée par la tradition du gospel et des prêches, qu’elle matérialise sous la forme de récits inscrits sur ses pièces. « Chez elle, les narrations prennent un tour grinçant : elle parle de junkies, de femmes victimes d’abus… », note la commissaire, qui se réfère à la série The French Collection.

Pour cette dernière, Ringgold se tourne vers la France, dialogue avec la scène artistique parisienne du début du XXe siècle, et, là encore, avec Picasso. « Dans The French Collection, elle raconte l’histoire d’une jeune artiste africaine-américaine qui arrive à Paris dans les années 1920. Elle l’imagine en train de poser dans l’atelier de Picasso. C’est là qu’émerge le message “Black is Beautiful”, et là, aussi, dans cet atelier, qu’elle dialogue avec des masques africains et avec Les Demoiselles d’Avignon, qui l’enjoignent d’embrasser sa vocation d’artiste pour devenir libre. »

Comment transmettre le désir de lire ?

Témoignages 

Vendredi 10 mars, tous les Français sont invités à ouvrir un livre durant un quart d’heure. Une initiative du Centre national du livre dont La Croix est partenaire. En classe, au théâtre ou dans les rayons d’une librairie, trois passeuses témoignent de leur art de partager l’irremplaçable plaisir de lire.

  • Recueilli par Marie-Valentine Chaudon, Emmanuelle Giuliani et Nathalie Lacube, 
Comment transmettre le désir de lire ?
 
Une enfant de 8 ans lit une bande dessinée, à Paris, en 2020.SOPHIE CHIVET/AGENCE VU

♦ « Raconter aux autres les histoires qu’ils ont aimées »

Sandrine Scaduto,professeure des écoles en CP à Paris 15e

« En début d’année de CP, pour ménager une transition douce, je raconte aux enfants des albums de grande section de maternelle, en privilégiant ceux qui parlent de livres. Tel le formidable J’aime les livres d’Anthony Browne dans lequel un petit singe détaille tous les volumes qu’il apprécie : ceux qui font rire, font peur, font rêver… Très vite, les élèves prennent eux-mêmes des livres, d’autant que j’ai installé dans la classe un coin bibliothèque avec des “quartiers” en fonction du niveau des enfants, pour ne pas décourager avec des textes trop difficiles ceux qui sont un peu à la traîne.

Dès qu’ils savent lire, je leur demande de raconter aux autres les histoires qu’ils ont aimées mais en laissant la fin en suspens pour donner envie à leurs camarades de se saisir à leur tour du volume. Cela les stimule, ce qui, à vrai dire, n’est pas très difficile car à cet âge ils sont, sauf rares exceptions, curieux de tout ! Ainsi, ils ne rechignent jamais au moment “silence, on lit” du vendredi : pendant une vingtaine de minutes, eux et moi prenons un livre et nous nous y plongeons dans le calme.

À la fin de l’année, chacun repartira avec un livre correspondant à son niveau et à sa personnalité. Et dès la rentrée, j’ai suggéré aux parents, surtout à ceux qui sont le moins favorisés culturellement, d’inscrire leur enfant à la bibliothèque municipale qui est gratuite.

J’ai aussi un puissant allié en la mascotte de la classe, le dinosaure mauve Dinomir, issu des albums illustrés par Quentin Blake et dont ma mère a cousu une grande effigie qui “habite” notre classe. Il nous accompagne tout au long de l’année, envoie des lettres aux enfants, reçoit leurs réponses, leur offre un stylo au retour des vacances… Ses aventures sont très bien écrites, en prise avec la vie quotidienne, riche d’un beau vocabulaire qui s’étoffe au fur et à mesure des albums.

Enfin, je m’appuie beaucoup sur… la nourriture, domaine qu’adorent les enfants ! Depuis le menu du jour à la cantine jusqu’à la recette de la galette des rois, tout est prétexte à lire et à écrire, les deux étant évidemment étroitement associés. »

♦ « Offrir une incarnation de l’invisible »

Pauline Bayle, metteuse en scène et directrice du Théâtre public de Montreuil

« J’étais lectrice bien avant de faire du théâtre. Dès que j’ai su lire, j’ai eu un rapport très compulsif aux livres. Très jeune, j’allais toute seule à la bibliothèque pour en emprunter et les dévorer. Pour moi, les livres et le théâtre sont intimement liés. Les premiers m’ont conduit au second. J’ai adapté sur scène l’Iliade et l’Odyssée d’Homère, Illusions perdues de Balzac et je suis en train de travailler sur Virginia Woolf.

J’ai une foi immense en ces œuvres, autant pour les méandres de leur fiction que pour la puissance poétique de leur langue, et j’ai la conviction qu’elles apportent beaucoup à la réflexion sur la condition humaine.

Si mes spectacles donnent envie au public d’ouvrir ensuite ces livres souvent perçus comme difficiles, c’est formidable, mais ce n’est pas mon but premier. Sur le plateau, je cherche d’abord à offrir une incarnation de l’invisible, de cet imaginaire contenu dans la forme abstraite du texte.

Le théâtre part des livres et je crois qu’il mène souvent à d’autres livres. Pour moi, les œuvres théâtrales prennent la mesure de la complexité du monde et ouvrent nécessairement la voie à la réflexion. Elles suscitent l’envie de lire, et pas seulement le texte même de la pièce. C’est pourquoi, au Théâtre public de Montreuil, nous avons installé une librairie avec une sélection d’ouvrages autour des pièces proposées.

Par exemple, lors des représentations de l’Iliade, le public pouvait trouver à la librairie les livres de l’helléniste Pierre Judet de La Combe, ou l’essai de la philosophe Simone Weil L’Iliade ou le Poème de la force, qui m’avait énormément marquée. Il me semble très important de discuter avec les spectateurs, de parler avec eux de nos sources, nos inspirations…

Il y a toujours des lectures à l’origine d’une pièce, même quand celle-ci ne repose pas sur un texte en particulier et s’écrit au fil des répétitions. De nombreux metteurs en scène aiment ces moments d’échange avec le public, c’est une manière de transmettre le désir d’en savoir plus, d’ouvrir des horizons. Un spectacle est toujours un point de départ. »

♦ « Défaire la culpabilité face à la lecture »

Léa Szerman, libraire indépendante à Paris 13e

« Mon rôle en tant que libraire, c’est de créer un lieu et de laisser plusieurs ingrédients fonctionner. D’abord, sélectionner un concentré de livres qu’on veut défendre, en mettre plein les yeux pour que tout fasse envie. Ensuite, faire de la librairie un espace de liberté où l’on vous laisse tranquille, un espace de paix, de flânerie, de déambulation, qui permet aux visiteurs de prendre le temps. Les gens passent une demi-heure, trois quarts d’heure avec eux-mêmes et c’est un moment très riche qui permet d’appréhender ce que la lecture nous apporte. Cette pause ouvre la curiosité.

Bien sûr, si on me demande conseil, je suis ravie ! L’autre élément, c’est la discussion, l’échange où on peut suggérer, répondre à des demandes plus ou moins précises. Les gens hyper-ouverts aux conseils sont soit totalement curieux, soit totalement perdus.

Le plus important, c’est de défaire la culpabilité face à la lecture. Dans l’enceinte de la librairie, les adultes expriment souvent de la honte ou du repentir : “Je reconnais que je lis peu”je n’ai pas ouvert un livre depuis un mois”. Souvent aussi, les parents ou grands-parents qui accompagnent des enfants se désolent : “Pourtant, il aimait les histoires quand il avait 3 ans !” Pour donner envie de lire, il faut déculpabiliser. Expliquer qu’on peut être quelqu’un de merveilleux et ne pas lire, ou ne pas lire pendant un temps entier de sa vie, et ce n’est pas grave.

Depuis que j’ai ouvert ma Librairie du désordre à Paris en janvier 2020, j’ai constaté que le désir doit venir du lecteur. À nous simplement de le susciter. On peut donner envie de lire à un enfant sans interférer, en créant un lieu qui attise son désir, comme un rayon jeunesse dans une librairie. Pour qu’il soit attiré, on peut lui sortir quelques choix jeunesse et les laisser à sa disposition, à sa hauteur. Il faut aussi éviter de dire “ça, il faut le lire !”. Il n’y a rien qu’il “faille” lire, il faut marcher au pur désir. »

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Un quart d’heure… pour commencer

Le Centre national du livre (CNL) propose un « quart d’heure de lecture national » simultané dans toute la France, le vendredi 10 mars à 10 heures, sous le mot-dièse #10marsjelis. Chaque Français est ainsi invité à « s’interrompre pour lire quelques pages d’un livre de son choix pendant quinze minutes ».

Destinée à promouvoir la lecture, le plaisir, l’émotion et l’ouverture au monde qu’elle procure, l’opération inaugurée en mars 2022 – alors que la lecture était décrétée grande cause nationale 2021-2022 – élargit l’initiative lancée en 2018 par le ministère de l’éducation nationale dans les établissements scolaires.

Entreprises, associations, bibliothèques, librairies… sont conviées à faire connaître leurs actions spécifiques sur le site du CNL.

Sous-catégories

Les informations sur nos maisons de formation datent de quelques années, et nous avons demandé aux responsables de ces maisons de nous donner des nouvelles plus récentes.
La première réponse reçue vient de Samagan, le noviciat près de Bobo-Dioulasso (lire la suite)

 

La deuxième réponse nous a été donnée par la "Maison Lavigerie", notre maison de formation à la périphérie de Ouagadougou, où les candidats ont leurs trois premières années de formation (lire la suite)