Témoignages

 

Francis Kéré, architecte de la communauté

L’architecte burkinabè Francis Kéré sur le chantier de la future Assemblée nationale à Porto-Novo, au Bénin.
L’architecte burkinabè Francis Kéré sur le chantier de la future Assemblée nationale à Porto-Novo, au Bénin. © Delphine Bousquet / RFI

La future Assemblée nationale du Bénin a été imaginée par l’architecte burkinabè Francis Kéré. Installé en Allemagne, il est connu pour son utilisation des matériaux locaux.  

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Chemise blanche impeccable, portable en main, Francis Kéré parcourt le chantier de la future Assemblée nationale, un site de 8 hectares au centre de Porto-Novo, la capitale béninoise, occupé par l’ex- gendarmerie nationale. Alors que les travaux débutent, il a un œil sur tout : les prélèvements de sol qui vont permettre d’implanter les fondations, les échafaudages en train d’être repeints.

« La forme est inspirée d’un arbre à palabres, explique l’architecte lors de l’un de ses fréquents passages au Bénin. C’est une coutume démocratique ancienne en Afrique et je voulais que cette assemblée honore cette tradition ». Le plan prévoit aussi un grand parc tout autour pour les Porto-Noviens. L’entreprise chinoise CSCEC doit exécuter les travaux en 30 mois maximum. Le quinquagénaire élancé, qui a un cabinet à Berlin, supervise des projets aux quatre coins du monde, donne des cours à Munich, Harvard et Yale, anime des conférences très prisées, et répond au téléphone en français, allemand et anglais, est à la fois excité et stressé : c’est son plus gros chantier à ce jour et aussi le plus coûteux. Sollicité dans son pays natal pour bâtir un nouveau parlement, c’est finalement au Bénin qu’il relève le défi.

L’école de Gando, pour et avec la communauté  

C’est au Burkina Faso, à Gando, son village sans eau ni électricité, que tout a commencé il y a 20 ans : il n’y a pas d’école et Kéré, alors étudiant en architecture à Berlin, décide d’en construire une. « Lors d’un voyage au pays, les villageois m’avaient demandé de l’argent pour ça. Je me suis dit qu’on allait la réaliser nous-mêmes », raconte Kéré, dont le premier prénom Diébédo et les discrètes scarifications rappellent l’origine Bissa. L’école, en terre et en tôle, des matériaux utilisés localement, est bâtie avec les habitants en un an.

« J’avais un mauvais souvenir d’une classe où nous étions 100, très chaude et sombre et j’ai voulu des locaux aérés et ventilés » explique celui qui a été le premier de sa localité à aller à l’école, à 7 ans, une décision de son père, le chef du village qui l’envoie dans une famille d’accueil à Tenkodogo, à 20 kilomètres de chez lui. Quelques années plus tard, à 17 ans, grâce à une bourse, il part encore plus loin, en Allemagne, se former à l’ébénisterie. C’est là qu’il passe son bac, multiplie les petits boulots pour payer les cours d’architecture, imagine l’école qui fera sa renommée et trouve les moyens financiers et techniques de la réaliser. 

 
Vue sur un panneau d’information montrant le projet de Kéré Architecture.
Vue sur un panneau d’information montrant le projet de Kéré Architecture. © Delphine Bousquet / RFI

C’est à Gando qu’il forge sa marque de fabrique, « construire pour et avec la communauté ». Les trois classes sont en briques de terre comprimées, coiffées d’un toit de tôle surélevé et perforé afin que l’air circule. Des ouvertures verticales permettent à la sèche chaleur sahélienne de monter. Si aujourd’hui l’école est un sujet d’études dans le monde entier, ce fut compliqué d’imposer l’idée d’un bâtiment en argile : « les gens ne voulaient pas que ce soit en terre parce qu’à chaque pluie, ça s’écroule ! Quand les murs étaient à 1 mètre de hauteur, il y a eu un déluge la nuit, et le matin, les femmes sont venues me consoler, elles pensaient que tout était tombé. Tout était debout. C’était gagné ».

Car Francis Kéré modernise les techniques anciennes et forme la population qui chaque jour apporte l’eau, la terre, les fers. La communauté s’approprie ce bien dont elle est fière et agrandit l’école, ajoute un lycée, qui scolarise désormais 1 300 jeunes ainsi qu’une bibliothèque et des logements pour les enseignants, financés par la Fondation Kéré. Parmi les habitants, une équipe de techniciens est recrutée et participe à d’autres chantiers à travers le pays et même ailleurs en Afrique. « Je suis un architecte qui a eu la chance d’être enraciné en Afrique et qui a puisé dans le potentiel local », analyse-t-il. Il a su prendre le meilleur de chaque monde, l’Afrique où il a grandi, l’Occident où il vit, pour créer une voie novatrice et écologique, bien avant que le développement durable soit sur toutes les lèvres. 

Le droit à la beauté 

Aux expressions journalistiques qui qualifient son style en peu de mots, « high tech durable », « architecture low cost », Kéré préfère parler des principes qui le guident : « mon architecture prend en compte la socioéconomie, le climat et le confort. J’utilise les matériaux abondants sur place. Ce que je construis est durable, simple, confortable et c’est facile à entretenir ». Et même lorsqu’il travaille sur des infrastructures communautaires, il a une exigence : « Tout le monde a droit à la beauté, ça devrait être un droit humain ! »  

Avec le Ghanéen David Adjaye, concepteur du Musée national de l’histoire et de la culture afro-américaine à Washington, il est le seul architecte africain d’envergure mondiale. L’homme de Gando, comme on l’appelle au Burkina, fait remarquer qu’il est difficile d’apprendre l’architecture sur le continent et que les études coûtent cher. Et aux jeunes qui aimeraient imaginer les ouvrages de demain, Kéré rappelle qu’être architecte « ce n’est pas seulement savoir dessiner. C’est avoir une vision ». 

L'hebdomadaire de la paroisse de Nioro du Sahel n°4 du lundi 14 juin 2021.

"Quand vous ne rendez pas le mal pour le mal, Dieu prend votre défense": Rendez-vous avec les amis de Dieu

Kiye 2020 
Textes du jour :
2 Corinthiens 6, 1-10
Matthieu 5, 38-42
Bien-aimés dans le Seigneur, recevez nos salutations fraternelles depuis Kinshasa où nous sommes en vacances.
«Eh bien moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant»
Est-ce que c'est faux, ce que nous dit le Seigneur Jésus? Que gagne-t-on à  rendre le mal pour le mal sinon monter une chaine de violence? Par contre ne pas leur riposter aux méchants nous obtient la grâce de l'assistance de celui-là même qui nous demande de ne pas leur résister. Ne pas rendre le mal pour le mal est un acte à travers lequel nous avouons au Seigneur que nous ne pouvons rien face à telle atrocité et qu'il vienne à notre secours pour combattre à notre faveur.
Bien-aimés dans le Seigneur, aujourd'hui, Jésus nous invite à abandonner toute haine ou tout esprit de vengeance envers les méchants. Si la loi du talion était une mesure de progrès car elle limitait le droit à la vengeance à une proportion équilibrée de sorte qu'on ne pouvait faire au prochain que ce qu'il nous avait fait, sinon on était coupable d'injustice, cette époque est révolue. Depuis que le Seigneur Jésus sur la croix a plaidé pour l'innocence de ses bourreaux  «Père, pardonne-leur: ils ne savent pas ce qu'ils font» (Lc 23,34) et prié pour eux, il a inauguré un nouvel esprit de la loi, fondé sur le pardon et la conversion de péchés des méchants. Il a fait du pardon de nos bourreaux le  huitième sacrement qui nous obtient la grâce protectrice. Dans l'Évangile, le Christ affirme le besoin de surmonter le désir de vengeance par la force de l'amour.
Néanmoins, le pardon doit être accompagné de la vérité. Nous ne devons pas pardonner uniquement parce que nous sommes incompétents et complexés. Souvent les gens confondent l'expression “tendre l'autre joue” avec  l'abandon de nos droits légitimes. Ce n'est pas cela. “Tendre l'autre joue” signifie dénoncer et interpeller celui qui a commis l'injustice avec un geste ou une action pacifique mais ferme, comme en disant: «Tu m'as frappé sur la joue, est-ce que tu veux aussi me frapper sur l'autre? Est-ce que ce que tu fais te semble correct?», Jésus a répondu avec calme et sérénité au serviteur insolent du grand prêtre: «Si j'ai mal parlé, montre ce que j'ai dit de mal; mais si j'ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu?» (Jn 18,23).
Nous voyons donc quelle doit être la conduite du chrétien: ne jamais chercher la vengeance, mais rester ferme, être ouvert au pardon et dire les choses clairement. Certes ce n'est pas un talent très facile, mais c'est le seul moyen de mettre une halte à la violence et mettre en évidence la grâce divine face à un monde qui bien souvent manque de grâce. Saint Basile nous conseil de prendre garde car: «La différence de conduite vous attire à vous et à votre adversaire des noms différents. Dans l'esprit de tout le monde, lui est un homme porté à injurier, vous, une âme grande; lui, un homme violent et emporté, vous, un homme doux et paisible. Il se repentira de ses discours, vous, vous ne vous repentirez jamais de votre vertu».
Seigneur donne-nous un cœur humble et sincères pour que nous aussi sans abandonner nos droits les plus légitimes nous soyons capables de pardonner sincèrement. Ne pas rendre le mal pour le mal est un acte d'ultime honnêteté à travers lequel nous sollicitons l'assistance de Dieu pour qu'il combatte à notre place. Et toi le méchant, est-ce que ça vaut encore la peine d'être méchant envers les enfants de Dieu si tu comprends combien Dieu est leur secours ?
Le Seigneur soit avec vous !
✍🏽 Père KIYE M. Vincent, Missionnaire d'Afrique (Père Blanc)
Paroisse de Nioro du Sahel au Mali
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[Chronique] Décès de TB Joshua : le controversé pasteur nigérian répondra devant Dieu

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Par  Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

Glez

Le richissime prédicateur évangélique est décédé le 5 juin à l’âge de 57 ans. Friande de storytelling, son Église reste floue sur les circonstances de sa mort.

Il aura usé d’avocats talentueux qui lui auront permis de ne pas répondre aux tribunaux nigérians pour « négligence criminelle » et « homicide involontaire ». S’il se targuait de pouvoir ressusciter ses ouailles, le prédicateur nigérian TB Joshua n’aura pas empêché sa propre « promotion céleste », celle qui l’a officiellement emporté « samedi [5 juin] après son programme du soir », sans qu’aucun détail sur les circonstances du décès ne soit donné.

Fortune, miracles présumés, procédures judiciaires et complotisme… Le parcours sulfureux de TB Joshua a de quoi fasciner les foules, et ceci dès le début. Le pasteur néopentecôtiste Temitope Balogun Joshua aurait « passé 15 mois dans le ventre de sa mère » et échappé de justesse à la mort, sept jours après sa venue au monde, à la suite de l’explosion d’une carrière près de sa maison. Un pasteur aurait même décrypté la naissance de TB Joshua dans une prophétie centenaire.

Génie de la communication

Né sous un signe mystique, le Nigérian surfera toute sa vie sur un business religieux qui enthousiasmera ses fidèles et fera grincer quelques dents. Tel un génie de la communication, il créera et dirigera, à Lagos, l’Église Synagogue de toutes les Nations (Scoan), s’attribuant de nombreux « miracles » comme des résurrections ou des guérisons du sida. Il séduira de nombreuses célébrités africaines du sport, de la politique ou du showbiz. En 2011, le magazine Forbes estimait sa fortune entre 10 et 15 millions de dollars.

À la suite de plusieurs polémiques liées notamment à des vidéos aux contenus controversés, son espace d’expression se réduira petit à petit. YouTube fermera son canal – 1,8 million d’abonnés –, tandis que Facebook censurera plusieurs de ses vidéos de « guérison » sur sa page suivie par 5,7 millions de personnes. Celui que ses fidèles appelaient « l’homme de Dieu » ou « le prophète » a principalement choqué avec une vidéo aussi homophobe que violente : une femme y est frappée pour exorciser « le démon de l’homosexualité ». La vidéo sera vue plus d’1,5 million de fois.

« Perte d’un géant »

L’affaire qui devait conduire TB Joshua au tribunal concernait l’effondrement, en 2014, d’une auberge abritant les fidèles de la Scoan. Des étages avaient été ajoutés à l’édifice, sans permis de construire et sans prendre en compte d’évidents risques de défaillance structurelle. La tragédie fera 116 victimes et un tribunal convoquera le prédicateur et deux architectes. Joshua hurlera au complot.

Un complot dans lequel un mystérieux avion aurait été responsable de la destruction du bâtiment. Il obtiendra plusieurs reports des procédures judiciaires qui n’aboutiront donc pas avant son décès. Un décès que le gouverneur d’Ondo, l’État du sud-ouest dont TB Joshua était originaire, qualifiera de « perte d’un géant » pour la chrétienté.

L’histoire du Nigeria ne manque pas de pasteurs médiatiques aux allures de gourou : David Oyedepo, le millionnaire président de l’Église de la foi vivante mondiale, le révérend Essa Ogorry, qui avait refusé d’unir un jeune couple arrivé au temple avec quelques minutes de retard, ou encore Michael Oluronbi, Nigérian basé à Birmingham et condamné à 34 ans de prison pour abus sexuels.

Mali : ce qu’il faut savoir sur Choguel Maïga, Premier ministre de la transition

| Par 
Choguel Kokalla Maïga (au centre) lors de la cérémonie d’investiture d’Assimi Goïta, le lundi 7 juin à Bamako.
Choguel Kokalla Maïga (au centre) lors de la cérémonie d’investiture d’Assimi Goïta, le lundi 7 juin à Bamako. © Nicolas Remene / Le Pictorium

Fer de lance de l’opposition au régime d’IBK puis au Conseil national de transition, Choguel Kokalla Maïga a été nommé Premier ministre ce lundi 7 juin, quelques heures après l’investiture d’Assimi Goïta à la tête du pays.

• De Gao à l’URSS

Choguel Kokalla Maïga naît en 1958 à Tabango, dans la région de Gao. Après l’obtention de son baccalauréat, il prend le chemin de la Biélorussie puis de l’URSS, où il intègre l’Institut des télécommunications de Moscou – il en sort avec un diplôme d’ingénieur en télécommunication. À son retour à Bamako à la fin des années 1980, il soutient une thèse sur le désenclavement du nord du Mali grâce aux réseaux hertziens et satellitaires.

• Moussa Traoré en héritage

En 1991, à la suite du coup d’État militaire fomenté contre Moussa Traoré, à qui il était reproché d’avoir plongé le Mali dans un système dictatorial et meurtrier, Choguel Maïga décide malgré tout de revendiquer cet héritage contesté et crée son parti, le Mouvement patriotique pour le renouveau (MPR). « Choguel était perçu comme un fou. Au moment où les Maliens voulaient faire table rase du passé et en finir avec les années Traoré, il avait, lui, l’ambition de le faire renaître de ses cendres », se souvient l’un de ses proches.

• Au gré des opportunités

Familier du marigot politique malien, Choguel Maïga a travaillé avec presque tous les régimes. Fervent soutien de Moussa Traoré, il a ensuite rallié Amadou Toumani Touré (ATT) lors du deuxième tour de l’élection présidentielle de 2002. Il deviendra son ministre de l’Industrie et du Commerce. En 2015, il se rapproche du président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) et se voit confier le portefeuille de l’Économie numérique, de l’Information et de la Communication. Acerbes, ses détracteurs le qualifient volontiers « d’opportuniste » sans « véritable identité politique ».

• IBK

Son éviction du gouvernement, en 2016, aurait été le point de rupture entre IBK et lui. La rancœur qu’il a conservée à son égard sera l’un des moteurs de son combat au sein du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP). En août 2020, quand IBK est renversé et que la Cedeao prend des sanctions contre le Mali, Choguel Maïga rétorque que c’est l’ancien président qu’elle aurait dû punir.

• Clivant

« Au sein du M5, il ne fait pas l’unanimité. Choguel et quelques politiciens sont arrivés et ont pris en otage le mouvement à des fins politiques. Cela a fini par faire éclater le M5 », déplore Clément Dembélé, président de la Plateforme de lutte contre la corruption et le chômage au Mali (PCC-Mali), qui a mené la contestation contre IBK à ses côtés, il y a un an. Le choix de le porter à la primature n’a pas fait consensus, ni au sein de la classe politique ni au sein de son propre mouvement.

• Imam Dicko

La proximité entre les deux hommes, qui se vouent un profond respect, n’est un secret pour personne. Officiellement, l’imam et le M5 font désormais cavalier seul, mais le nouveau Premier ministre est un visiteur régulier au domicile de Mahmoud Dicko. Il s’y rend pour prendre « des conseils » auprès de l’imam le plus influent du Mali, qui voit en lui « un homme politique très intelligent ».

• Accord de paix

Choguel Maïga s’est toujours montré très critique vis-à-vis de l’accord pour la paix et la réconciliation, signé en 2015. En 2019, il déclarait que celui-ci devait « être renégocié » et il exhortait la communauté internationale d’en avoir « le courage ». Pour apaiser les esprits tout en rassurant les partisans de l’accord, c’est en sa présence que le président Assimi Goïta a reçu une délégation de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), le 2 juin dernier. « Nous n’avons rien contre Choguel Maïga et respectons ses opinions. Notre unique préoccupation, c’est le respect de la feuille de route et de la charte de la transition », confie un responsable de la CMA.

• Volte-face

« Nous avons aujourd’hui un gouvernement de militaires, composé de militaires et de civils nommés par les militaires, dénonçait-il en septembre dernier. Le M5-RFP ne peut pas se rendre complice de l’installation d’un régime militaire. » À Bamako, son choix d’accepter de travailler avec l’ex-junte alors qu’il a refusé de coopérer avec le gouvernement de Moctar Ouane fait grincer des dents. Pour certains, sa candidature à la primature souligne l’incohérence du M5 qui, quelques semaines, plus tôt avait déposé une requête auprès de la Cour constitutionnelle pour demander la dissolution du CNT qu’il considérait comme illégitime.

• Soupçons

Dans les arcanes du pouvoir malien, il se murmure encore que si Choguel Maïga a été débarqué de son ministère en 2016, à la faveur d’un remaniement, c’est à cause de soupçons de mauvaise gestion à l’époque où il dirigeait  l’Autorité malienne de régulation des télécommunications et des postes (AMRTP). D’ailleurs, après sa sortie du gouvernement, des inspecteurs ont été envoyés dans les locaux de l’AMRTP à la demande du président IBK et de son Premier ministre, Modibo Keïta. Mais aucune accusation n’a jamais été étayée. Dénonçant une cabale, un ancien collègue ministre affirme que « toute une machine politique a été montée contre lui à l’époque ».

• Rassembleur ?

Si son entourage se réjouit de sa nomination à la primature, certains doutent en coulisses qu’il ait l’envergure politique nécessaire pour le poste et qu’il soit suffisamment rassembleur. « Choguel n’est pas un homme d’État, concède l’un de ses proches. Seul, il ne peut pas mobiliser le peuple. » Il a pourtant été deux fois candidat à la magistrature suprême : en 2002 et en 2018.

Séverin Mouyengo, écrivain et sapeur

                      Détail de la couverture du livre « Ma vie dans la sape », de Séverin Mouyengo ».
               Détail de la couverture du livre « Ma vie dans la sape », de Séverin Mouyengo ». © Librairie La Petite Égypte.

La Sape, la société des ambianceurs et des personnes élégantes, s’est développée au cours des années 1970 entre les deux Congos. Séverin Mouyengo en a été le témoin avant d’en devenir l’un des plus grands protagonistes. Avec pédagogie, vitalité et humour, il retrace ce long voyage qui est demeuré longtemps presque immobile entre Pointe-Noire et Brazza.

La sapologie a ses fidèles, ses passionnés et ses spécialistes. Ce livre s’adresse aussi aux autres, à qui il promet un périple pour le moins déroutant. Il s’agit de l’autobiographie de Séverin Mouyengo, le « salopard de la sape », si l’on en croit le titre qui lui est donné un jour de mai 1974, lors d’une fête à Pointe-Noire, alors qu’il n’a pas 19 ans.

Séverin Mouyengo a d’abord été un ngaya, autrement dit un non-connaisseur, avant de mentir à sa mère pour obtenir la somme indispensable à l’achat de « vêtements griffés » dans les magasins les plus chers du centre de Brazzaville. Il a alors quatorze ans et plonge dans un univers qui l’éloigne un temps de l’école et de toute autre occupation.

Un processus de réappropriation

La sapologie de ce côté du fleuve se présente alors comme un phénomène de réappropriation des codes vestimentaires de l’ex-colonisateur, avec une prédilection, donc, pour des vêtements ou des accessoires comme la canne ou le feutre, qui pour certains ramènent à la fin du XIXe siècle ou au début du XXe siècle.

L’association des couleurs - selon la règle des 2/2 ou des 3/3 -, l’intérêt pour la mode récente, la façon de « prendre l’air » avec son « accoutrement » - de « la diatance de 16h », entendez la promenade de l’après-midi dans les artères de la capitale, aux soirées des night-clubs - font de la sape une discipline qui accorde des univers très différents les uns des autres, mais semble obsédée par le désir de paraître et le besoin d’ascension sociale.

Cette expression de l’ascendant par l’apparence se retrouve dans plusieurs anecdotes du livre, du « monsieur » donné par le proviseur du lycée alors qu’il vient demander un aménagement d’horaire, à la confusion lors de sa prise de poste dans l’administration des Eaux et Forêts où ses interlocuteurs le prennent constamment pour un chef de service.

Il fait aussi longuement état d’une amitié de son adolescence avec « une jeune femme blanche ». « Chez les peuples autochtones (pygmées), écrit-il ailleurs, le vêtement correspond à la logique de la différence et du statut, il est dénué de toute valeur imaginative. » Si l’assertion est parfaitement discutable, elle n’en trahit pas moins que l’imaginaire du sapeur est hanté par le traumatisme colonial, l’humiliation des hiérarchies raciales et par la peur du mépris.

Une contestation non-violente de l’ordre établi

L’auteur l’exprime d’ailleurs très consciemment dans les annexes, préférant s’en tenir dans son proprement dit à un vécu qui ne s’alourdit jamais du recul de l’analyse. On ne saurait contester l’élégance de ce choix à celui qui en 2004 a été reconnu « grand Sapeur », sans même être allé à Paris.

C’était six ans après que la Guerre civile ne l’a contraint à enterrer tous ses vêtements, croyait-il pour quelques jours. Quand il reviendra chez lui après un an, seules une montre et une gourmette auront survécu aux assauts de la chaleur et des pluies. Plus de deux-cents costumes - la plupart de grande griffe - et plus de trois-cents chemises auront été rendus inutilisables. Entre-temps, cinq de ses proches sont morts de malnutrition.

Il l’écrit à la toute fin du livre : « Dans la plupart des cas, les sapeurs sont des jeunes d’origine populaire et de famille modeste, aux perspectives économiques réduites, issues des sociétés traditionnelles. » Derrière cette frivolité qui excédait les gouvernements « socialistes » d’Afrique centrale, il y a une contestation de « l’ordre établi », laquelle s’accompagne d’une apologie de la « non-violence » et d’un désir de sublimer le quotidien par la beauté et par la joie.

C’est ce dont témoignent aussi les nombreuses photographies illustrant cet ouvrage au vocabulaire savoureux, et la reconnaissance internationale obtenue sur le tard, qui l’a amené à voyager de l’Afrique du Sud au Japon, pour des spots publicitaires ou des expositions. « Le dandy joue sa vie faute de pouvoir la vivre » écrivait Albert Camus. Et il ajoutait : « Quand les dandys ne se tuent pas ou ne deviennent pas fous (…), ils posent pour la postérité. »

► Séverin Mouyengo, Ma vie dans la sape, Librairie La Petite Égypte, 2021.

À écouter sur rfi.fr :

► Hommages à Papa Wemba: les sapeurs saluent leur pape une dernière fois.

► Yvan Amar, « La Danse des mots » : Les Sapeurs du français.

Sous-catégories

Les informations sur nos maisons de formation datent de quelques années, et nous avons demandé aux responsables de ces maisons de nous donner des nouvelles plus récentes.
La première réponse reçue vient de Samagan, le noviciat près de Bobo-Dioulasso (lire la suite)

 

La deuxième réponse nous a été donnée par la "Maison Lavigerie", notre maison de formation à la périphérie de Ouagadougou, où les candidats ont leurs trois premières années de formation (lire la suite)