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Mali : Abdoulaye Diop, le diplomate au cœur du dispositif d’Assimi Goïta

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Abdoulaye Diop, le ministre malien des Affaires étrangères à l’ONU, en 2016.

Abdoulaye Diop, le ministre malien des Affaires étrangères à l'ONU, en 2016. © Luiz Rampelotto/EuropaNewswire/SIPA

Le ministre malien des Affaires étrangères est l’un des acteurs de premier plan de cette dernière phase de transition. Et le chef de l’État, Assimi Goïta, espère bien bénéficier du carnet d’adresses de ce diplomate chevronné pour redorer son image sur la scène internationale.

Il était sur le point d’être nommé secrétaire exécutif du G5 Sahel quand son téléphone a sonné. Au bout du fil, une proposition pour le poste de ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale. Pour la seconde fois de sa carrière, Abdoulaye Diop accepte ce poste, malgré le contexte si particulier de crise politique et institutionnelle mettant en cause la légitimité d’Assimi Goïta et de son Premier ministre Choguel Maïga sur la scène internationale.

Dès sa prise de fonction, ce diplomate qui d’ordinaire prend soin d’arrondir les angles pour ne pas contrarier ses interlocuteurs, n’a laissé aucune place aux potentielles polémiques relatives à sa nomination. Et fait savoir qu’il n’avait pas accepté le prestigieux maroquin pour faire de la politique, mais pour répondre à la mission qui lui a été confiée. « La diplomatie ne peut que vendre ce qui se fait dans le pays, a-t-il déclaré le 16 juin, à la sortie de la première session extraordinaire des ministres pilotée par le chef du gouvernement. Nous comptons très humblement nous insérer au sein de cette équipe gouvernementale, adopter ses objectifs et rassurer la communauté internationale ».

VRP

Se positionnant dès sa prise de fonction comme le VRP du président Assimi Goïta, Abdoulaye Diop est allé à la rencontre du corps diplomatique installé à Bamako. Lors de ces entretiens, le nouveau MAE a demandé aux ambassadeurs de faire preuve de plus d’indulgence à l’égard du pays. « Le Mali demande la compréhension de la communauté internationale et une lecture plus réaliste et pragmatique des évènements du 25 mai 2021 ».

Cette démarche le mène assez rapidement au-delà des frontières maliennes. Ainsi, au début du mois de juillet, Diop multiplie des voyages très stratégiques sur le plan diplomatique. À Accra, où il a rencontré le Ghanéen Nana Akufo-Addo, président en exercice de la Cedeao ; à Kigali, où il s’est entretenu avec le Rwandais Paul Kagame, un homme dont il « apprécie les méthodes » et pour lequel il a beaucoup « d’admiration » ; ou encore à Kinshasa, à la rencontre du Congolais Félix Tshisekedi, président en exercice de l‘Union africaine. Tel un missionnaire prêchant la bonne parole, à chacun de ses déplacements, Diop prend soin de rappeler qu’il est venu « porter le message du président Assimi Goïta ».

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NOUS VOULONS QUE NOS PARTENAIRES SOIENT À NOS CÔTÉS DANS CES MOMENTS DIFFICILES

« J’ai été dans ces pays pour porter le message de paix du président de la transition, confie à Jeune Afrique Abdoulaye Diop. Nous devons continuer à parler à nos amis, car on ne peut pas se mettre au ban des tractations politiques. J’ai donc demandé aux chefs d’État que j’ai rencontrés de prêter une oreille attentive à notre situation. Le président de la transition s’est engagé à tenir les échéances, ce temps est compté et nous voulons que nos partenaires ne reviennent pas une fois la crise passée mais qu’ils soient à nos côtés dans ces moments difficiles. »

Redorer le blason de la transition

« La deuxième phase de la transition a besoin de redorer son blason pour aller vers une normalisation. Pour cela, elle doit asseoir une certaine légitimité aux yeux de la communauté internationale et avoir le soutien indéfectible des pays africains, analyse Boubacar Salif Traoré directeur d’Afriglob, un cabinet de conseil en sécurité et développement. Tout cela passe in fine par la reconnaissance d’Assimi Goïta comme chef d’État à part entière par la communauté internationale. C’est en cela que le choix de Diop est intéressant et important. Il a une longue carrière diplomatique derrière lui, et s’est doté d’un important réseau sur lequel Goïta veut s’appuyer. »

Ce rôle essentiel le mène sur tous les fronts. Lorsqu’une délégation de la mission du Conseil paix et sécurité de l’Union africaine, conduite par le Nigérien Victor Adekunle Adeleke, rencontre le président Goïta à Bamako, Abdoulaye Diop, qui était jusqu’en mars 2021 le directeur de cabinet du président de la Commission de l’UA Moussa Faki Mahamat, est aux premières loges.

Lors de cette rencontre, le tandem Goïta-Diop a pris soin de rassurer l’UA, notamment sur le calendrier que le Mali compte tenir pour organiser les élections à date. Objectif : convaincre l’UA de lever les sanctions imposées au pays. Une première victoire se profile peut-être pour le chef de la diplomatie malienne : au sein de la sphère diplomatique bamakoise, ils sont nombreux à croire à une prochaine levée des sanctions de l’UA.

Diplomate chevronné

Né en 1965 à Brazzaville, Abdoulaye Diop passe les cinq premières années de sa vie au Congo, où ses parents avaient posé leurs valises quelques années plus tôt. De ces années, il garde néanmoins peu de souvenirs. Abdoulaye Diop regagne très jeune le Mali pour faire son éducation auprès de sa grand-mère.

À 20 ans, il obtient une bourse d’étude pour intégrer l’École nationale d’Administration (ENA) d’Alger. Il en ressortira en 1989 avec une maîtrise en diplomatie. Son intérêt pour la matière dominera tout son cursus universitaire. En 1994, il obtient une maitrise en relations internationales à l’Institut international de l’Administration publique (IIAP) à Paris et une autre en Diplomatie et gestion des organisations internationales à l’Université Paris XI.

« De par mon histoire, j’avais une connexion naturelle qui allait au-delà du Mali et s’étendait à l’international. Je suis d’origine malienne, j’ai un nom de famille qui est sénégalais. Et je suis né au Congo, où une partie de ma famille a longtemps vécu. C’est donc tout naturellement que la diplomatie s’est présentée à moi », explique-t-il.

Diop fait ses premiers pas dans la sphère diplomatique à partir de 1990. Il est promu chargé de programme à la direction de la coopération internationale auprès du ministère des Affaires étrangères au Mali. C’est le début d’une longue carrière diplomatique qui le conduira à l’ambassade du Mali à Bruxelles en tant que conseiller en charge des relations avec le groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). Il deviendra successivement conseiller diplomatique des présidents Alpha Oumar Konaré (2001) et Amadou Toumani Touré (2003).

Bien que proche des ministères et des présidents, Abdoulaye Diop n’a jamais porté les couleurs d’un parti politique. En 2003, ATT le propulse à Washington, où il est nommé ambassadeur du Mali pendant six ans. Durant toute sa carrière, il mettra un point d’honneur « à mettre d’accord les acteurs, peu importent leurs divergences », assure-t-il. Un trait de caractère tiré de sa mère, « qui était une médiatrice née », confie-t-il.

Homme de dossiers et fin connaisseur des rouages de la diplomatie, le président Ibrahim Boubacar Keïta fait appel à lui en 2014 pour conduire l’un des accords les plus importants de ces dernières années au Mali.

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LE PRÉSIDENT IBK ET MOI CHERCHIONS UN HOMME RIGOUREUX QUI POUVAIT CONDUIRE LES NÉGOCIATIONS RELATIVES AU PROCESSUS DE L’ACCORD DE PAIX

« C’est sous le gouvernement que j’ai dirigé qu’il a été nommé pour la première fois ministre des Affaires étrangères. À l’époque, le président IBK et moi cherchions un homme rigoureux qui pouvait conduire les négociations relatives au processus de l’accord de paix, se souvient l’ancien Premier ministre Moussa Mara. Par son professionnalisme et sa faculté à trouver des compromis, nous avions jugé qu’il était celui qui pouvait conduire ce rapport de force au niveau international. » En occupant le ministère des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop devient l’artisan de l’accord de paix et le négociateur en chef du gouvernement.

Architecte de l’Accord de paix

Six ans après, l’accord divise profondément les Maliens. Certains réclament sa relecture quand d’autres veulent son application stricte. Abdoulaye Diop, qui juge que cet accord pose « un cadre qui nous permet d’aller vers la paix durable dans la zone », reconnaît tout de même quelques failles.

«  Il y a eu beaucoup de retard dans sa mise en exécution, regrette-t-il. Cette faute n’incombe pas à une seule personne mais à tous les acteurs qui l’ont soutenu et signé. Le gouvernement malien a sa part de responsabilité notamment concernant la mise en place de l’armée reconstituée connue sous l’acronyme DDR (désarmement, démobilisation et réinsertion). Ce point central de l’accord de paix devait intervenir 60 jours après sa signature, mais nous avons été loin du compte », déplore-t-il.

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S’IL Y A RELECTURE DE L’ACCORD DE PAIX, IL FAUT LA FAIRE EN INCLUANT TOUTES LES PARTIES PRENANTES »

Alors que l’accord de paix a fait l’objet d’intenses débats entre les membres du Conseil national de transition (CNT) – l’organe législatif -, le chef de la diplomatie malienne assure ne pas s’opposer aux personnes qui prennent quelques distances avec celui-ci. « En revanche, il ne faut pas déconnecter l’accord de son contexte d’alors et des rapports de forces qui existaient au moment de sa signature. La remise en cause d’un simple volet ne peut pas remettre en cause tout l’accord », dénonce-t-il.

« La donne a fondamentalement changé sur le terrain. En 2015, cet accord permettait de faire face aux groupes armés. Aujourd’hui, il s’agit davantage d’une problématique liée aux groupes terroristes et aux conflits inter-communautaires. S’il y a relecture de l’accord de paix, il faut la faire de manière intelligente, en incluant toutes les parties prenantes. Les Maliens doivent sentir que cet accord leur appartient. »

Ligne brouillée entre Paris et Bamako

Alors que le président français Emmanuel Macron détaillait, le 9 juillet dernier, la suite que prendra l’opération Barkhane au Sahel, Abdoulaye Diop, qui a toujours manifesté sa « gratitude » envers le début des opérations françaises au Mali, déplore le manque de dialogue de Paris.

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NOUS AVONS REGRETTÉ AVOIR APPRIS LE RETRAIT DE BARKHANE LORS DE CONFÉRENCES DE PRESSE »

« Le retrait de Barkhane est une décision souveraine de la France et qui s’inscrit au regard de la politique en France. Nous pouvons la comprendre. Mais alors que l’État malien est directement concerné par cette opération, nous avons regretté avoir appris ces décisions lors de conférences de presse, déplore-t-il. Il est impératif que le retrait de Barkhane se fasse dans le cadre d’un dialogue entre Paris et Bamako. Cette discussion doit se tenir entre nos homologues politiques, militaires, puisqu’un traité de défense nous lie avec la France. »

Selon Abdoulaye Diop, « des dispositifs solides » doivent être définis pour minimiser l’impact de cette baisse d’effectifs dans la sous-région. « Il ne faut pas oublier que cette guerre est régionale, prévient-il. Par effet de ricochet, un pays qui va mal va contaminer ses alliés. »

De Kumasi à New York, l’ascension du jeune Kofi Annan (1&2)

Le secrétaire général de l'Organisation des Nations unies, Kofi Annan, au National Forum en Europe. Dublin Castle, 14 octobre 2004.
Le secrétaire général de l'Organisation des Nations unies, Kofi Annan, au National Forum en Europe. Dublin Castle, 14 octobre 2004. Maxwells/Handout via REUTERS

En 1972, multi-diplômé, Kofi Annan débute une irrésistible ascension au sein des Nations unies.

En poste à la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique, à Addis-Abeba en Éthiopie, puis à la Force d’urgence des Nations unies (FUNU II) à Ismaïlia en Égypte, au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés à Genève en Suisse, il arrive au siège des Nations unies à New York, comme sous-secrétaire général à la gestion des ressources humaines et coordonnateur des Nations unies pour les questions de sécurité.

Marche après marche, le fonctionnaire grimpe les échelons administratifs du mont ONU avec discrétion, jusqu’à la guerre du Golfe de 1990 où il se retrouve en première ligne et révèle ses talents de fin négociateur.

Cliquer sur "Humour" ci-dessous, puis sur "La parlotte de Charlotte" et enfin sur la flèche rouge qui vous permettra d'entendre ce que cette femme veut dire !

Ce serait une valeur socioculturelle propre à l'Afrique, mais la solidarité africaine, qu’est-ce que c’est réellement ?

 

MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS  À L'OCCASION DE LA
1ère JOURNÉE MONDIALE DES GRANDS-PARENTS ET DES PERSONNES ÂGÉES

 

Chers grands-pères, Chères grands-mères !

Je suis avec toi tous les jours” (cf. Mt 28, 20) ! Telle est la promesse que le Seigneur a faite à ses disciples avant de monter au ciel et c’est la même promesse qu’il te répète aussi aujourd’hui, cher grand-père et chère grand-mère.À toi. “Je suis avec toi tous les jours” sont aussi les paroles qu’en tant qu’Evêque de Rome, et en tant que personne âgée comme toi, je voudrais t’adresser à l’occasion de cette première Journée Mondiale des Grands-parents et des Personnes âgées. Toute l’Eglise est proche de toi –disons-le mieux, elle nous est proche – : elle a souci de toi, elle t’aime et ne veut pas te laisser seul !

Je sais bien que ce message te parvient à un moment difficile : la pandémie a été une tempête inattendue et furieuse, une dure épreuve qui s’est abattue sur la vie de tout le monde, mais qui a réservé un traitement spécial, un traitement encore plus rude à nous, les personnes âgées. Beaucoup d’entre nous sont tombés malades ; nombreux ont perdu la vie ou ont vu mourir leur conjoint ou leurs proches ; d’autres encore ont été contraints à la solitude pendant une très longue période, isolés.

Le Seigneur connaît chacune de nos souffrances actuelles. Il est aux côtés de ceux qui font l’expérience douloureuse d’être mis à l’écart ; notre solitude – aggravée par la pandémie – ne lui est pas indifférente. Une tradition raconte que saint Joachim, le grand-père de Jésus, avait lui aussi été exclu de sa communauté parce qu’il n’avait pas d’enfants ; sa vie – tout comme celle de sa femme Anne – était considérée comme inutile. Mais le Seigneur lui envoya un ange pour le consoler. Alors qu’il se tenait tout triste aux portes de la ville, un envoyé du Seigneur lui apparut pour lui dire : « Joachim, Joachim ! Le Seigneur a exaucé ta prière insistante » . Giotto, dans l’une de ses célèbres fresques [2], semble situer l’épisode pendant la nuit, une de ces nombreuses nuits sans sommeil, pleines de souvenirs, de soucis et de désirs, auxquelles beaucoup d’entre nous sommes habitués.

Mais aussi lorsque tout semble obscur, comme pendant ces mois de pandémie, le Seigneur continue à envoyer des anges pour consoler notre solitude et nous répéter : “Je suis avec toi tous les jours”. Il te le dit, il me le dit, il le dit à nous tous ! Tel est le sens de cette Journée que j’ai voulu que l’on célèbre pour la première fois cette année, après une longue période d’isolement et une reprise encore lente de la vie sociale : que chaque grand-père, chaque grand-mère, chaque personne âgée – en particulier les plus isolés d’entre nous – reçoive la visite d’un ange !

Parfois, ils auront les traits de nos petits-enfants, d’autres fois, ceux des membres de notre famille, des amis de toujours ou que nous avons rencontrés pendant ces moments difficiles. Pendant cette période, nous avons appris l’importance des câlins et des visites pour chacun d’entre nous, et comme je suis attristé par le fait que dans certains lieux, ces gestes ne soient pas encore possibles !

Mais le Seigneur nous envoie aussi ses messagers à travers la Parole de Dieu, qu’il ne fait jamais manquer à notre vie. Lisons chaque jour une page de l’Évangile, prions les Psaumes, lisons les Prophètes ! Nous serons surpris par la fidélité du Seigneur. Les Écritures nous aideront également à comprendre ce que le Seigneur attend de notre vie aujourd’hui. En effet, il envoie les ouvriers à sa vigne à toutes les heures de la journée (cf. Mt 20, 1-16), à chaque saison de la vie. Je peux moi-même témoigner d’avoir reçu l’appel à devenir Évêque de Rome au moment où j’avais atteint, pour ainsi dire, l’âge de la retraite et je ne pensais plus pouvoir faire grand-chose de nouveau. Le Seigneur est toujours proche de nous, toujours, avec de nouvelles invitations, avec de nouvelles paroles, avec sa consolation. Il est toujours proche de nous. Vous savez que le Seigneur est éternel et ne prend jamais sa retraite, jamais.

Dans l’Évangile de Matthieu, Jésus dit aux Apôtres : « Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé » (28, 19-20). Ces paroles s’adressent aussi à nous aujourd’hui et nous aident à mieux comprendre que notre vocation est celle de conserver les racines, de transmettre la foi aux jeunes et de prendre soin des plus petits. Écoutez bien : quelle est notre vocation aujourd’hui, à notre âge ? Conserver les racines, transmettre la foi aux jeunes et prendre soin des plus petits. N’oubliez pas cela.

Peu importe ton âge, si tu travailles encore ou pas, si tu es resté seul ou si tu as encore une famille, si tu es devenu grand-mère ou grand-père très tôt ou plus tard, si tu es encore indépendant ou si tu as besoin d’assistance, car il n’y a pas un âge de retraite pour la mission d’annoncer l’Évangile, de transmettre les traditions aux petits-enfants. Il faut se mettre en chemin et, surtout, sortir de soi pour entreprendre quelque chose de nouveau.

Il y a donc une vocation renouvelée pour toi aussi à un moment crucial de l’histoire. Tu te demanderas : comment est-ce possible ? Mon énergie s’épuise petit à petit et je ne crois pas pouvoir faire grand-chose. Comment puis-je commencer à me comporter différemment lorsque l’habitude est devenue la règle de mon existence ? Comment puis-je me consacrer à ceux qui sont plus pauvres alors que j’ai déjà tant de soucis pour ma famille ? Comment puis-je élargir mes horizons quand je ne parviens même plus à quitter ma résidence ? Ma solitude n’est-elle pas un trop lourd fardeau ? Combien d’entre vous se posent cette question : ma solitude n’est-elle pas un trop lourd fardeau ? Nicodème a posé une question similaire à Jésus lui-même lorsqu’il lui a demandé : « Comment un homme peut-il naître quand il est vieux ? » (Jn 3, 4). Cela est possible, répond le Seigneur, en ouvrant son cœur à l’action de l’Esprit Saint qui souffle où il veut. L’Esprit Saint, en vertu de la liberté qu’il a, va partout et fait ce qu’il veut.

Comme je l’ai répété à maintes reprises, nous ne sortirons plus les mêmes de cette crise que le monde entier traverse : nous sortirons meilleurs ou pires. Et « Plaise au ciel que […] ce ne soit pas un autre épisode grave de l’histoire dont nous n’aurons pas su tirer leçon ! – nous avons la tête dure ! –. Plaise au ciel que nous n’oublions pas les personnes âgées décédées par manque de respirateurs ! […] Plaise au ciel que tant de souffrance ne soit pas inutile, que nous fassions un pas vers un nouveau mode de vie et découvrions définitivement que nous avons besoin les uns des autres et que nous avons des dettes les uns envers les autres, afin que l’humanité renaisse » (Enc. Fratelli tutti, n. 35). Personne ne se sauve tout seul. Nous sommes tous débiteurs, les uns des autres. Tous frères.

Dans cette perspective, je voudrais te dire qu’on a besoin de toi pour construire, dans la fraternité et dans l’amitié sociale, le monde de demain : celui dans lequel nous vivrons – nous avec nos enfants et nos petits-enfants – lorsque la tempête se sera apaisée. Nous devons tous être « parties prenantes de la réhabilitation et de l’aide aux sociétés blessées » (ibid., n. 77). Parmi les différents piliers qui devront soutenir cette nouvelle construction, il y en a trois que tu peux, mieux que quiconque, aider à placer. Trois piliers : les rêves, la mémoire et la prière. La proximité du Seigneur donnera la force d’entreprendre un nouveau chemin, même aux plus fragiles d’entre nous, par les routes du rêve, de la mémoire et de la prière.

Le prophète Joël fit autrefois cette promesse : « Vos anciens seront instruits par des songes, et vos jeunes gens par des visions » (3, 1). L’avenir du monde réside dans cette alliance entre les jeunes et les personnes âgées. Qui, mieux que les jeunes, peut prendre les rêves des personnes âgées et les mener à bien ? Mais pour cela il faut continuer à rêver : dans nos rêves de justice, de paix, de solidarité réside la possibilité que nos jeunes aient de nouvelles visions, et qu’ensemble nous puissions construire l’avenir. C’est important que tu témoignes toi aussi qu’il est possible de sortir renouvelé d’une expérience d’épreuve. Et je suis sûr que ce n’est pas l’unique épreuve, parce que dans ta vie, tu en as eu beaucoup d’autres et tu as réussi à t’en sortir. Apprend également de cette expérience à t’en sortir maintenant.

Les rêves sont pour cette raison intimement liés à la mémoire. Je pense à combien est précieux le souvenir douloureux de la guerre et à ce que les nouvelles générations peuvent en apprendre sur la valeur de la paix. Et il t’appartient de transmettre cela, toi qui as vécu la douleur de la guerre. Faire mémoire est une véritable mission pour toute personne âgée : la mémoire, et transmettre cette mémoire aux autres. Édith Bruck, qui a survécu au drame de la Shoah, affirme que « le fait d’éclairer ne serait-ce qu’une seule conscience vaut l’effort et la douleur de garder vivant le souvenir de ce qui s’est passé - et elle continue-. Pour moi, faire mémoire est synonyme de vivre » [3]. Je pense aussi à mes grands-parents et à ceux d’entre vous qui ont dû émigrer et savent combien il est difficile de quitter sa maison, comme beaucoup de personnes le font encore aujourd’hui en quête d’un avenir. Certains d’entre eux, nous les avons peut-être à côté de nous et ils prennent soin de nous. Cette mémoire peut aider à construire un monde plus humain et plus accueillant. Mais, sans la mémoire, on ne peut pas construire ; sans les fondations, tu ne construiras jamais une maison. Jamais! Et les fondations de la vie sont la mémoire.

Enfin, la prière. Comme l’a dit une fois mon prédécesseur, le Pape Benoît, le saint vieillard qui continue à prier et à travailler pour l’Église, : « La prière des personnes âgées peut protéger le monde, en l’aidant probablement de manière encore plus incisive que l’activisme de tant de personnes » [4]. Il a dit ça presqu’à la fin de son pontificat en 2012. Que c’est beau ! Ta prière est une ressource très précieuse : c’est un poumon dont ni l’Église ni le monde ne peuvent se priver (cf. Exhort. ap. Evangelii Gaudium, n. 262). Surtout en ce temps si difficile pour l’humanité, alors que nous sommes en train de traverser, tous sur un même bateau, la mer houleuse de la pandémie, ton intercession pour le monde et pour l’Église n’est pas vaine, mais elle indique à tous la confiance sereine d’un port sûr.

Chère grand-mère, cher grand-père, au moment de conclure mon message, je voudrais t’indiquer aussi l’exemple du bienheureux – et bientôt saint – Charles de Foucauld. Il a vécu comme ermite en Algérie et dans ce contexte périphérique, il a témoigné de « son aspiration de sentir tout être humain comme un frère » (Enc. Fratelli tutti, n. 287). Son histoire montre comment il est possible, même dans la solitude du désert, d’intercéder pour les pauvres du monde entier et de devenir véritablement un frère ou une sœur universel.

Je demande au Seigneur que, suivant son exemple, chacun de nous puisse élargir son cœur, le rendre sensible aux souffrances des derniers, et capable d’intercéder pour eux. Que chacun de nous apprenne à répéter à tous, et aux plus jeunes en particulier, ces paroles de consolation qui nous ont été adressées aujourd’hui : “Je suis avec toi tous les jours” ! Allons de l’avant et courage ! Que le Seigneur vous bénisse.

 

Rome, Saint Jean de Latran, 31 mai 2021, Fête de la Visitation de la Vierge Marie.

 

François

 

PRIÈRE POUR LA PREMIÈRE JOURNÉE MONDIALE DES GRANDS-PARENTS ET DES PERSONNES ÂGÉES

Je te rends grâce, Seigneur,
Pour le réconfort de Ta présence :
Dans ma solitude,
Tu es mon espérance et ma confiance ;
Depuis ma jeunesse, tu es mon rocher et ma forteresse !
Merci pour la famille que tu m’as donnée
Et pour la bénédiction d’une longue vie.
Merci pour les moments de joie et pour les moments de difficulté.
Merci pour les rêves réalisés et pour ceux qui sont encore à venir.
Merci pour ce temps de fécondité renouvelée auquel tu m’appelles.
Augmente, ô Seigneur, ma foi,
Fais de moi un instrument de ta paix ;
Apprends-moi à accueillir ceux qui souffrent plus que moi,
Apprends-moi à ne jamais cesser de rêver
Et à raconter Tes merveilles aux jeunes générations.
Protège et guide le Pape François et l’Église,
Afin que la lumière de l’Évangile se répande

jusqu’aux extrémités de la terre.
Envoie ton Esprit, ô Seigneur, afin qu’il renouvelle la face du monde,
Apaise la tempête de la pandémie,
Réconforte les pauvres et mets fin à toute guerre.
Soutiens-moi dans ma faiblesse,
Et fais que je vive pleinement
Chaque instant que tu me donnes
Avec la certitude que tu es avec moi chaque jour
Jusqu’à la fin des temps.
Amen.

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Les informations sur nos maisons de formation datent de quelques années, et nous avons demandé aux responsables de ces maisons de nous donner des nouvelles plus récentes.
La première réponse reçue vient de Samagan, le noviciat près de Bobo-Dioulasso (lire la suite)

 

La deuxième réponse nous a été donnée par la "Maison Lavigerie", notre maison de formation à la périphérie de Ouagadougou, où les candidats ont leurs trois premières années de formation (lire la suite)