Témoignages

 

Côte d’Ivoire : Robert Beugré-Mambé… Abidjan, c’est lui !

 
Mis à jour le 31 octobre 2021 à 10:36
 


Depuis 2014, Robert Beugré-Mambé a lancé un programme de 150 villages du district autonome d’Abidjan, ainsi que la construction de logements sociaux à Bingerville et à Grand-Bassam. © Issam Zejly pour JA

 

Ministre-gouverneur du district autonome d’Abidjan depuis 2011, député de Songon depuis 2018 et poids lourd de la majorité, Robert Beugré-Mambé veut rendre sa ville plus attractive.

Plus de dix années sont passées. Mais Robert Beugré-Mambé s’en souvient-il encore lorsqu’il s’installe dans son vaste bureau au Plateau ? En février 2010, il était président de la commission électorale indépendante (CEI) et tentait de sauver sa tête. Contre vents et marées, il avait refusé de démissionner. Il vivait alors reclus dans sa villa des II Plateaux, où une centaine de militants de l’opposition montaient la garde. Le bruit avait couru qu’il risquait d’être arrêté. La foi de ce prédicateur et fils de pasteur l’avait alors aidé à tenir. Face aux accusations de fraude des autorités, il confiait, impassible, à Jeune Afrique : « C’est la croix que je dois porter. Je la porterai avec toute la sérénité nécessaire. Ma foi profonde est que la vérité de Dieu va finir par s’imposer. »

La suite ? Le gouvernement dissous par Laurent Gbagbo, et lui, démis de ses fonctions. Et puis, un second tour contesté, qui a conduit le pays dans une crise sanglante. Après une telle disgrâce, le voilà aujourd’hui à la tête d’Abidjan, au cœur du pouvoir économique et politique du pays, et qui concentre près de 5 millions d’habitants d’après le dernier recensement de 2014. Depuis 2011, ce poids lourd du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) est à la tête de la ville dont Alassane Ouattara a fait la vitrine de la modernisation qu’il souhaite apporter à la Côte d’Ivoire.

En perpétuel chantier

Né le 1ᵉʳ janvier 1952 à Abiaté, près de Dabou, à quelques kilomètres d’Abidjan, Beugré-Mambé termine vice-major de l’École nationale supérieure des travaux publics (ENSTP) en 1976, puis poursuit sa formation d’ingénieur au Centre des hautes études de la construction (CHEC), à Arcueil, près de Paris. De retour au pays, il intègre le Bureau d’études techniques et il est promu directeur de cabinet du ministre de la Construction, en 1981. Il suit alors les grands dossiers en matière d’habitat, d’environnement et d’aménagement urbain. En 1997, il quitte la fonction publique pour devenir consultant pour la Banque mondiale et divers cabinets privés puis accède, en 2002, au poste de vice-gouverneur du district autonome d’Abidjan.

Devenir gouverneur en 2011, après la crise, était comme un retour à la maison. Mais cette fois-ci, c’est lui le capitaine à bord. Beugré-Mambé nourrit des projets pour les treize communes qui forment Abidjan. D’Abobo à Bingerville en passant par Cocody ou Yopougon, chacune a ses réalités et ses défis. « Abidjan est doux », aime-t-on à répéter au bord de la lagune Ébrié. Mais surtout, elle est en perpétuel chantier pour absorber le flot grandissant de populations venues d’autres villes du pays ou d’expatriés.

C’EST UNE SATISFACTION DE CONSTATER QU’ABIDJAN REPREND SA PLACE, PERDUE À CAUSE DES CRISES PASSÉES, SE RÉJOUIT LA RESPONSABLE COMMUNICATION DU DISTRICT

En 2014, le gouverneur a lancé un programme de désenclavement des villages du district autonome d’Abidjan. Cent cinquante villages sont concernés par des projets de bitumage, d’électrification, d’adduction en eau potable et d’assainissement. « Après une première phase qui a permis de construire 110 km de voies pour un budget de 53 milliards de francs CFA, nous lançons une autre phase de 156 km », se réjouit Nicolas Baba Coulibaly, responsable de communication du district.

Le gouverneur est aussi à l’initiative de la construction de logements économiques et sociaux à Bingerville et à Grand-Bassam, pour répondre à la demande de plus en plus importante. « C’est une satisfaction de constater qu’Abidjan reprend la place qu’elle n’aurait pas dû perdre à cause des crises passées. Le retour des organisations internationales est la preuve que la Côte d’Ivoire est de retour et prend toute sa place de locomotive de la sous-région », ajoute Nicolas Baba Coulibaly.

Réseau international

Une dizaine d’années après son arrivée au district, Beugré-Mambé occupe une place de choix dans la majorité.  En mars 2018, il est élu député de Songon, une commune du district à l’ouest de Yopougon, permettant au parti de renforcer son assise sur la ville. Il s’est également construit un réseau à l’international et est secrétaire général de l’association des maires francophones. Lorsque la Côte d’Ivoire accueille les Jeux de la francophonie en 2017, c’est lui qui est à la manœuvre en tant que ministre chargé du dossier auprès du président de la République.

Avec le président français, Emmanuel Macron, à qui il remet les clés de la ville après l’avoir fait citoyen d’honneur, le 21 décembre 2019.


Avec le président français, Emmanuel Macron, à qui il remet les clés de la ville après l’avoir fait citoyen d’honneur, le 21 décembre 2019. © LUDOVIC MARIN/AFP

Le district qu’il dirige bénéficie d’une certaine autonomie dans sa gestion. Il est financé en partie par des recettes affectées par l’État, par la collecte de taxes locales, et par des projets spécifiques. Mais au quotidien, cette gestion est souvent source de tensions entre les différents niveaux d’administration. Des conflits opposent régulièrement le district d’Abidjan aux communes.

Dernier exemple en date, le bras de fer très politique qui a opposé Beugré-Mambé à Jacques Ehouo, maire PDCI (Parti démocratique de Côte d’Ivoire) du Plateau, la commune la plus puissante du district. Le jeune élu avait dénoncé un abus de pouvoir lorsque, au début de juillet, des équipes du district ont démoli des aménagements d’embellissement financés par la mairie et dont les travaux étaient presque terminés. Les équipes du gouverneur avaient répondu avec fermeté ne pas accepter un passage en force et ne pas se laisser dépouiller de ses prérogatives. Le ministère de l’Intérieur, qui chapeaute ces deux entités, a été saisi.

En juin dernier, Alassane Ouattara a signé un décret créant 12 nouveaux districts. Ils sont désormais au nombre de 14, avec celui de Yamoussoukro et celui d’Abidjan. Le chef de l’État a rencontré les nouveaux gouverneurs, qui bénéficient du titre de ministre, afin de leur détailler le rôle qu’ils auront à jouer pour une décentralisation plus efficace.

Tchad : Baba Laddé, l’art de la rébellion… et du rebond

Mis à jour le 2 novembre 2021 à 10:09
 


Mahamat Abdoul Kadre Oumar, qui deviendra plus tard Baba Laddé, est né le 21 juillet 1970 à Gounou-Gaya, au sud de Bongor. © DR

Nommé le 14 octobre à la tête des renseignements généraux par Mahamat Idriss Déby Itno, l’ex-rebelle et préfet a fait un retour remarqué sur le devant de la scène tchadienne. Portrait du « père de la brousse », chef peul aux multiples vies.

Depuis quelques minutes, un garde du corps a ouvert un parapluie au-dessus de la silhouette d’Idriss Déby Itno. Le chef de l’État, canne à la main, continue d’égrener ses arguments de campagne devant une foule de partisans rassemblés par le Mouvement patriotique du salut (MPS). Sur la piste de l’aérodrome de Bongor, à la frontière avec le Cameroun, il achève en ce 1er avril 2021 la tournée qui l’a déjà mené dans la plupart des régions du pays en prévision du scrutin présidentiel qui aura lieu dix jours plus tard. Personne ne doute de sa réélection. La ferveur est attisée par les cadres du MPS autant que par le soleil brûlant dont Idriss Déby Itno a fini par devoir se protéger.

À quelques mètres de la scène, dans une tribune rassemblant des VIP, Baba Laddé patiente. Les personnes qui l’entourent ont le regard surpris. Quelques jours plus tôt, l’ancien gendarme devenu rebelle se trouvait encore au Sénégal, racontant à Jeune Afrique un exil forcé qui l’avait auparavant mené au Cameroun et au Nigeria. Ayant échoué à présenter sa propre candidature à la présidentielle, il affirmait alors être « déterminé à agir pour provoquer l’alternance et tourner la page du système Déby ». Que fait donc ce rebelle aux aspirations d’opposant au pied du podium où Idriss Déby Itno achève son long discours ?

De discrètes négociations sont passées par là. Et, en ce 1er avril, l’ex-gendarme en tenue blanche s’avance sur la scène de Bongor. « Je suis Baba Laddé et je soutiens le maréchal ! », lance-t-il au côté de l’homme qu’il avait juré de combattre. Un garde du corps lui reprend le micro et le meeting s’achève. Idriss Déby Itno savoure le coup de communication et s’affiche comme le candidat de la réconciliation. La foule se disperse et Baba Laddé poursuit sa discrète opération de réhabilitation. Le lendemain, le chef de l’État quitte Bongor sans avoir reçu l’ex-gendarme.

« Tu seras Baba Laddé »

Mahamat Abdoul Kadre Oumar, qui deviendra plus tard Baba Laddé, naît le 21 juillet 1970 à Gounou-Gaya, au sud de Bongor. Son père, un marchand dont la mère est peule et le père barma, est l’un des leaders de la communauté commerçante de la région. Mais c’est dans la famille, elle aussi peule, de sa mère, que le futur rebelle est élevé. Il est particulièrement proche de sa grand-mère, tandis que son père est absent. Marié plusieurs fois, ce dernier a d’autres enfants et se consacre à son commerce.

Le jeune Mahamat passe ses premières années entre le Tchad, le Cameroun et la Centrafrique. La famille maternelle qui l’élève est nomade, alors l’enfant vit de campement en campement jusqu’au jour où son père décide de le ramener auprès de lui, à Gounou-Gaya, pour l’inscrire à l’école primaire. Le jour de son départ, sa grand-mère lui glisse affectueusement à l’oreille : « Lorsque tu reviendras, tu seras Baba Laddé ». Baba Laddé, « le père de la brousse », en langue locale.

Le gamin fait ses premières classes puis fréquente le collège. En 1990, son père choisit le camp d’Idriss Déby Itno (il intégrera ensuite le MPS), qui renverse Hissène Habré. Mahamat Abdoul Kadre Oumar intègre la même année le lycée technique de N’Djamena. Il quitte l’établissement en 1995 pour devenir gendarme.

LUI, LE REBELLE VENU DU SUD, EST JALOUX DE SON INDÉPENDANCE, RÉCLAME DES ARMES

Trois ans plus tard, alors que son père est devenu conseiller municipal sous la bannière du parti au pouvoir, Baba Laddé passe capitaine – il a 28 ans. Mais l’année 1998 marque surtout un tournant décisif dans la vie de l’enfant de Gounou-Gaya : préoccupé par les tensions entre les éleveurs peuls de sa région et les autorités, il crée un premier mouvement politique : le Front populaire pour le redressement (FPR). L’acronyme a été choisi en référence au parti qui a pris le pouvoir et mis fin au génocide quelques années plus tôt au Rwanda. Une première assemblée générale est organisée dans les quartiers du nord de N’Djamena. Le capitaine de gendarmerie est choisi pour présider la formation, mais l’aventure prend une tournure inattendue. Le 15 octobre, il est arrêté avec trois compagnons pour rébellion. Il passera onze mois en prison. Ses premiers.

Le théâtre darfouri

Libéré le 19 septembre 1999, il décide de fuir le pays. Sa mère s’est remariée et s’est installée au Nigeria, à Maiduguri. Alors Baba Laddé décide de la rejoindre via le Cameroun. Pendant plusieurs années, basé dans le nord nigérian, il travaille à développer son FPR. Il le voit comme un parti sans frontières, un front d’autodéfense des communautés peules du Nigeria, du Cameroun, de la Centrafrique et, bien entendu, du Tchad. Il noue même des contacts avec des représentants au Niger, au Burkina Faso, au Mali et au Sénégal et prend la parole lors de conférences dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest.

Baba Laddé se fait un surnom, alors qu’une nouvelle rébellion s’attaque à Idriss Déby Itno au Tchad. Celle-ci est une hydre à (au moins) quatre têtes : Mahamat Nouri, Mahamat Nour Abdelkerim, Timan Erdimi et Hassan Saleh al-Djinedi.

Courtisé, ayant sous ses ordres quelques centaines d’hommes (certes peu équipés), Baba Laddé se rapproche successivement des différentes factions dont les bases arrière se trouvent au Soudan. Lui-même s’installe à Khartoum, devenant tour à tour commissaire aux Affaires extérieures puis commissaire à la Défense d’Al-Djinedi et de Nour. Mais, chaque fois, l’alliance avec une des composantes de la rébellion ne lui convient pas longtemps. Lui, le rebelle venu du Sud, est jaloux de son indépendance, réclame des armes, fait valoir sa stratégie auprès des autorités soudanaises, qui soutiennent en sous-main les adversaires d’Idriss Déby Itno. Baba Laddé finit par agacer les pontes de la rébellion autant que l’entourage d’Omar el-Béchir. Le temps est venu de quitter le théâtre darfouri.

MALGRÉ LES ACCUSATIONS D’EXACTIONS CONTRE LES CIVILS, LE PRÉSIDENT FRANÇOIS BOZIZÉ VOIT BABA LADDÉ D’UN BON ŒIL

Il regagne alors le Nigeria et, dès septembre 2008, s’établit dans la région de la Grande Sido, à la frontière entre le Tchad et la Centrafrique. Dans cette zone de brousse, l’un de ses lieutenants, Ali Darassa, a déjà travaillé à l’implantation de ses troupes. Il y bénéficie d’alliés de circonstances, notamment le rebelle centrafricain Jean-Jacques Démafouth, qui deviendra son adversaire par la suite. L’état-major du FPR a alors ses quartiers à Kaga-Bandoro, en Centrafrique, et explique à qui veut l’entendre qu’il est ici pour combattre les coupeurs de route, les fameux Zaraguinas.

Malgré les accusations d’exactions contre les civils, le président François Bozizé voit Baba Laddé d’un bon œil. Idriss Déby Itno, son homologue de N’Djamena, beaucoup moins. Le chef de l’État tchadien ne supporte pas de voir des troupes rebelles camper au sud de son pays. Jouant de pressions diplomatiques et militaires, il obtient son arrestation le 10 octobre 2009.

Le piège centrafricain

Extradé à N’Djamena – en échange du rebelle centrafricain Charles Massi –, Baba Laddé se retrouve une nouvelle fois derrière les barreaux. Ses hommes restent dirigés en Centrafrique par Ali Darassa, tandis que le FPR passe sous le contrôle de son frère, Ramadan. Accusé de rébellions multiples, l’ancien gendarme parvient à s’échapper onze mois après son incarcération. Fuyant le Tchad via le Cameroun puis le Nigeria, il se réfugie cette fois au Sénégal. Alerté, Abdoulaye Wade tente alors une médiation entre le dérangeant rebelle et Idriss Déby Itno, mais l’affaire tourne court. L’ancien président tchadien Goukouni Weddeye tente également sa chance, en vain. Idriss Déby Itno veut la tête de Baba Laddé. Ce dernier décide alors de reprendre les armes. Il quitte le Sénégal pour le Nigeria puis, déguisé, parvient à passer au Cameroun, avant de rejoindre Kaga-Bandoro, en Centrafrique.

En janvier 2012, alors que la pression militaire conjointe des armées tchadienne et centrafricaine monte autour de lui en Centrafrique, il tente cette fois de s’exiler au Soudan du Sud, mais les autorités l’y repoussent. Acculé dans la région de Bambari, il lui faut trouver une porte de sortie. Elle s’offre à lui en septembre : le 2, Baba Laddé se rend aux autorités centrafricaines, sous le contrôle des Nations unies, qui ont offert leur médiation. Le lendemain, il est accueilli à Bangui, puis transféré à N’Djamena le 5. Trois jours plus tard, il signe sa reddition contre l’incorporation de ses hommes à l’armée tchadienne. Lui-même est nommé en janvier 2013 chargé de mission au sein du cabinet du Premier ministre Emmanuel Nadingar. En apparence, Baba Laddé a dit adieu à la rébellion. Le général est rentré dans le rang.

BABA LADDÉ PASSE TROIS ANNÉES À LA PRISON DE KORO-TORO, EN PLEIN DÉSERT

La réalité est plus nuancée. Depuis le début de l’année 2012, Ali Darassa et une partie des hommes du FPR en Centrafrique se sont en effet rapprochés de la rébellion de la Séléka, qui menace le pouvoir de François Bozizé – qu’elle finira par renverser en 2013. Quant à Baba Laddé, il entre très vite en conflit avec les autorités de N’Djamema et avec le nouveau Premier ministre, Joseph Djimrangar Dadnadji.

En septembre 2013, devenu chargé de mission à la primature, il prend à nouveau le chemin de l’exil. Il évoque des raisons de santé, N’Djamena parle de retour à la rébellion, une nouvelle médiation s’enclenche… Elle ne dure pas : en juillet 2014, Baba Laddé signe un nouveau retour et est cette fois nommé préfet de la Grande Sido.

De la préfecture aux RG

Cette pige préfectorale dure à peine quatre mois. Démis de ses fonctions, comme nombre d’autres préfets, le 24 novembre 2014, Baba Laddé fuit une nouvelle fois vers la Centrafrique. Seulement, la Séléka n’y est plus au pouvoir et les Nations unies n’ont pas oublié le rebelle tchadien, dont les troupes sont accusées d’exactions depuis des années. Il est finalement arrêté par les Casques bleus le 8 décembre 2014 puis extradé pieds et poings liés vers le Tchad le 2 janvier 2015. Cette fois, N’Djamena décide de ne pas prendre de risques avec celui qui s’est déjà échappé deux fois de leurs geôles. Après interrogatoire, Baba Laddé est incarcéré le 9 janvier dans la prison de Koro-Toro, un bagne à la triste réputation situé dans le nord du pays, en plein désert.

IL Y SERA SURTOUT CHARGÉ DE FOURNIR DES RENSEIGNEMENTS SUR LES GROUPES REBELLES DE CENTRAFRIQUE

Condamné en 2018 à huit ans d’emprisonnement pour, entre autres, « association de malfaiteurs » et « viol », il parvient toutefois à négocier un aménagement de sa peine, notamment grâce à un haut gradé de l’Agence nationale de sécurité (ANS), avec qui il est parvenu à entrer en contact. Transféré à N’Djamena puis à Moussoro, il est libéré le 7 septembre 2020 grâce à une remise de peine présidentielle. Il restera moins de trois mois au Tchad.

Se sentant menacé, il décide une nouvelle fois de fuir. Sous prétexte de se faire soigner à l’étranger, il prend la route du Cameroun puis – déclaré persona non grata par Yaoundé – du Nigeria, où sa présence finit là aussi par déranger. Alors, fin janvier, il pose ses valises au Sénégal, après avoir fait étape au Bénin. C’est de Dakar, en février et mars 2020, qu’il entre une fois encore en négociations avec l’entourage d’Idriss Déby Itno, et notamment avec Mahamat Abdelkerim Charfadine, ancien numéro deux des renseignements tchadiens.

Le 1er avril 2021, Baba Laddé se trouve donc sur le podium de Bongor, au côté d’un Idriss Déby Itno parachevant sa campagne pour obtenir un sixième mandat. Le maréchal du Tchad trouvera la mort 17 jours plus tard, dans la nuit du 18 avril. Quant au « père de la brousse », il expérimente, depuis, un énième retour à N’Djamena. Ce 14 octobre, après un accord secret passé avec Mahamat Idriss Déby Itno, fils et successeur d’Idriss Déby Itno, l’ancien gendarme a été nommé à la tête de la Direction des renseignements généraux et d’investigation. Il y sera surtout chargé de fournir des renseignements sur les groupes rebelles de Centrafrique, où il a conservé des contacts au sein des groupes armés. Mais combien de temps cette nouvelle vie durera-t-elle ? L’ex-rebelle ambitionne de faire du FPR une force politique à même de peser dans la transition en cours. « Déterminé à changer la vie politique de [son] pays », comme il l’a confié à Jeune Afrique, en aura-t-il la patience ? À 51 ans, l’ancien enfant nomade pourrait bien choisir de reprendre la route. Et les armes ?

Guinée – Cellou Dalein Diallo : « La chute d’Alpha Condé a été une grande satisfaction »

Mis à jour le 2 novembre 2021 à 15:58
 


Cellou Dalein Diallo arrive au siège de l’UFDG, à Conakry, en octobre 2020 © JOHN WESSELS/AFP

 

Figure de l’opposition à Alpha Condé, renversé le 5 septembre dernier, le chef de l’UFDG a apporté son soutien à la junte militaire et envisage déjà d’être candidat à la présidentielle qui devrait être organisée à la fin de la transition. Il s’est confié à « Jeune Afrique ».

Depuis plus de dix ans, Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé étaient devenus les meilleurs ennemis de Guinée. Trois présidentielles et moult scrutins législatifs ou locaux, dont « Cellou » a toujours contesté les résultats officiels, les ont opposés, parfois dans la violence et le sang. Même s’il leur est arrivé un court moment, en 2008-2009, de collaborer face au régime ubuesque de Moussa Dadis Camara, ces deux-là se sont toujours détestés.

Entre le diplômé en comptabilité et gestion de l’université de Conakry et le docteur en droit de la Sorbonne, entre le libéral et le socialiste, les seuls points communs étaient la quête du pouvoir et l’animosité réciproque qui les animait. Alors, évidemment, les images d’un Alpha Condé dépenaillé et avachi dans un canapé après le putsch du 5 septembre n’ont guère tiré de larmes à l’ancien Premier ministre de Lansana Conté… Ce dernier, de passage à Paris, nous a reçus le 27 octobre pour répondre à nos questions sur le coup d’État et ses conséquences, la transition en cours, ses ambitions et ses projets, le rôle de la communauté internationale et, bien évidemment, Alpha Condé. Entretien.

Jeune Afrique : Comment avez-vous réagi au putsch qui, le 5 septembre, a provoqué la chute d’Alpha Condé ?

Cellou Dalein Diallo : Avec une grande satisfaction, a fortiori quand la junte a annoncé qu’elle allait mettre en place rapidement des élections libres et transparentes. Il faut bien comprendre qu’à l’époque, tous les recours contre la dictature d’Alpha Condé étaient épuisés. Nous avions alerté la communauté internationale, la Cedeao, l’Union africaine. Et nous avions organisé des marches pacifiques qui ont été violemment réprimées, ce qui n’avait d’ailleurs pas été suffisamment condamné. Il n’y avait pas d’autre issue.

Après avoir combattu le changement constitutionnel de 2020, vous avez apporté votre soutien aux putschistes du Comité national de rassemblement pour le développement (CNRD). N’est-ce pas contradictoire avec l’idéal démocratique que vous dites défendre ?

Non, car nous étions déjà dans un régime d’exception avec Alpha Condé. Mettre fin à un régime illégal et illégitime n’est en rien anti-démocratique. C’est au contraire un premier pas vers un retour à l’ordre constitutionnel qu’il convient de saluer.

La Cedeao exige une transition de maximum six mois, votre alliance politique [l’Alliance nationale pour l’alternance démocratique, Anad] souhaite qu’elle dure pour 15 mois et le CNRD, lui, n’a pris aucun engagement. Faites-vous confiance à la junte pour organiser des élections dans un délai raisonnable ?

Nous n’avons aucune raison, pour l’instant, de douter de sa bonne foi. Mais, évidemment, nous sommes et resterons vigilants.

DEPUIS QUE LE COLONEL DOUMBOUYA NOUS A REÇUS POUR QUE NOUS FORMULIONS DES PROPOSITIONS, C’EST SILENCE RADIO

Le gouvernement qui a été nommé ne comprend aucune figure politique. Quant au Conseil national de transition (CNT), il n’inclura que 15 sièges destinés aux membres de formations existantes sur 81. Estimez-vous ce choix normal ?

Ce que je déplore, surtout, c’est l’absence de dialogue. Depuis que le colonel Doumbouya nous a reçus pour nous demander de formuler des propositions, ce que nous avons fait, c’est silence radio. Que le CNRD décide de mettre les formations politiques à l’écart du gouvernement pour que celui soit impartial, c’est défendable. Mais nous n’avons jamais été consultés et découvrons les décisions officielles comme tout le monde. Idem pour la charte de transition d’ailleurs. Quant au CNT, 15 sièges sur 81, je ne vois pas comment les répartir dans un pays qui compte plus de 200 partis…

Que pensez-vous de la nomination de Mohamed Béavogui au poste de Premier ministre ?

Il a la réputation d’un fonctionnaire international au parcours plutôt brillant. On espère qu’il mettra son expérience au service de la Guinée, de la démocratie et de l’instauration d’un État de droit.

La communauté internationale, et notamment la France, a été particulièrement critique vis-à-vis d’Alpha Condé au moment de sa réélection pour un troisième mandat. Elle semble désormais en retrait depuis le coup d’État. Qu’attendez-vous d’elle ?

On ne peut pas dire que la France a été très sévère avec Alpha Condé. Certes, elle n’a pas adressé de félicitations et n’a fait que prendre acte de son élection. Mais qu’est-ce qui a été fait à l’égard des nombreuses violations des droits humains ? Je vous rappelle qu’il y a eu près de 150 morts, abattus à bout portant, dont 37 ont été enterrés nuitamment, dans la forêt, à Nzérékoré. On n’a pas suffisamment entendu la communauté internationale par rapport à ces crimes.

Aujourd’hui, nous attendons qu’elle accompagne la transition, après les condamnations de principe émises lors du coup d’État. Le retour à l’ordre constitutionnel doit être encadré et favorisé, notamment grâce à des financements, de l’assistance technique pour l’organisation des élections ou le CNT, qui doit élaborer des lois relatives au code électoral, à la commission électorale, etc.

J’AI ENVIE D’ÊTRE CANDIDAT À LA PRÉSIDENTIELLE. J’ESPÈRE ÊTRE INVESTI PAR MON PARTI

Quelles doivent-être selon vous les priorités de la transition ?

La principale mission, c’est la mise en place d’institutions légitimes, donc le retour à l’ordre constitutionnel. À côté de cela, il faut bien évidemment gérer les affaires courantes, lutter contre la délinquance financière et la corruption, faire en sorte que les victimes des violences d’État aient droit à la justice, qui doit être indépendante, et à réparations.

Avec plus de 200 militants et cadres incarcérés et des dizaines de morts lors des violences postélectorales de 2020, votre parti, l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), est-il aujourd’hui en ordre de marche ?

Mieux, il sort renforcé de cette dramatique épreuve et nos militants sont galvanisés. De même, tous les Guinéens ont pu constater le courage et l’abnégation de nos partisans, qui ont versé leur sang pour combattre cette dictature.

Les autorités penchent pour l’organisation des locales avant la présidentielle. Y êtes-vous favorable ou préférez-vous le scénario inverse, comme en 2010 ?

Oui, j’y suis favorable car je préfère ce schéma. Mais on pourrait aussi, pour des raisons économiques, coupler la présidentielle et les législatives, après le référendum destiné à adopter la Constitution et les élections locales. Cela permettrait de gagner du temps et de l’argent.

Serez-vous candidat à la prochaine présidentielle ?

J’en ai en tout cas envie. J’espère donc être investi par mon parti.

Croyez-vous pouvoir l’emporter ?

Absolument.

JE LAISSE AUX NOUVELLES AUTORITÉS LE SOIN DE DÉCIDER DU SORT D’ALPHA CONDÉ

Si vous êtes élu, quelles seront vos priorités ?

La première d’entre elles, c’est de mettre en place une vraie administration. Pour mettre fin au laxisme, à la corruption, au favoritisme et faire en sorte qu’elle soit réellement au service de la population. Il est impossible de mener un vrai projet de développement sans cela. Et je serai le premier à donner l’exemple.

Comment analysez-vous la purge qui vient d’être menée au sein de l’état-major de l’armée, avec une quarantaine d’officiers mis à la retraite ?

Je dois avouer que j’ai été surpris, mais cela devait être nécessaire. Tout le monde sait que certains généraux ont participé au pillage du pays.

Quel sort, selon vous, faut-il réserver à Alpha Condé ?

Je me réjouis déjà qu’il bénéficie d’un traitement digne. Il ne faut pas se comporter avec lui comme lui l’a fait avec les autres. Pour le reste, je laisse aux nouvelles autorités le soin de décider de son sort.

Tanguy Gahouma : « Face au changement climatique, l’Afrique ne demande pas l’aumône »

Mis à jour le 30 octobre 2021 à 10:55
 


Tanguy Gahouma-Bekale, conseiller du président Ali Bongo Ondimba, lors de la COP 21 à Paris. © Bruno Levy/Divergence

 

L’ACTU VUE PAR… Chaque samedi « Jeune Afrique » invite une personnalité à décrypter un sujet d’actualité. Négociateur en chef du groupe Afrique à la COP26, le Gabonais Tanguy Gahouma enjoint aux pays développés, principaux pollueurs, de respecter leurs promesses de soutien aux pays du Sud.

Alors que tous les regards sont désormais tournés vers Glasgow, en Écosse, où se réunira la 26e Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP 26), du 31 octobre au 12 novembre 2021, les Africains affûtent leurs arguments pour obtenir des engagements clairs et les financements promis par les pays développés.

Entre cette COP et la précédente, plusieurs rapports ont été publiés, montrant une dégradation plus rapide et importante que prévue de la situation climatique et écologique dans le monde. Ils ont aussi relevé l’urgence d’agir réellement, au-delà des promesses. Tous en sont conscients, si rien n’est fait, il ne sera pas possible d’atteindre les objectifs de l’accord de Paris de 2015, qui prévoit de limiter la montée des températures en dessous de 2 degrés, et si possible à 1,5 degré par rapport à l’ère préindustrielle.

Directeur général de l’Agence gabonaise d’études et d’observation spatiale (Ageos) et secrétaire permanent du Conseil national gabonais du climat, Tanguy Gahouma sera le président du Groupe africain de négociateurs sur le changement climatique à la COP26. À quelques jours de ces assises, il détaille ce que le continent en attend.

Jeune Afrique : Quels sont les priorités des négociateurs africains pour cette COP26 ?

Tanguy Gahouma : La COP 26 représente pour nous l’échéance la plus importante depuis la COP21 de Paris. Cette dernière avait permis d’arriver à un accord, une grande première après des décennies de négociation et depuis la signature en mars 1994 de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Désormais, la priorité est de mettre en œuvre cet accord. Nous souhaitons entrer dans la phase de l’action, passer l’étape des questions de procédures pour attaquer frontalement le dérèglement climatique.

PLUTÔT QUE DE RÉDUIRE NOS ÉMISSIONS DE 40 OU 50 % DANS LES DIX PROCHAINES ANNÉES, NOUS ALLONS ENCORE LES ACCROÎTRE DE 10 %. POUR NOUS, AFRICAINS, C’EST INACCEPTABLE.

Pensez-vous que les décideurs politiques seront sensibles aux alertes des experts ?

Dans son dernier rapport, le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) tranche, pour la première fois, le débat portant sur qui, de la nature ou de l’homme, est responsable du réchauffement : il affirme que la température de la Terre a augmenté de 1,1 degré depuis la période préindustrielle et que l’action humaine en est définitivement et indéniablement responsable. Et si nous dépassons les 1,5 degré, nous aurons atteint le point de rupture, la situation deviendra irréversible. Au-delà des considérations techniques, la priorité est donc politique pour le groupe Afrique. Nous devons mobiliser toutes les énergies pour que le thermomètre arrête de monter.

Les Africains ont-ils, plus que les autres, intérêt à agir ?

Selon les Contributions déterminées au niveau national [premiers objectifs et mesures climatiques fixés lors de la COP21], nous sommes sur une trajectoire qui nous conduit vers plus de 2,5 degrés, voire quasiment trois degrés. Selon ces données, plutôt que de réduire nos émissions de 40 ou 50 % dans les dix prochaines années – et c’est ce qu’il faut faire ! – nous allons encore les accroître de 10 %.

Pour nous, Africains, c’est inacceptable. On ne peut pas s’engager dans l’accord de Paris censé favoriser la baisse des émissions tout en constatant que la situation empire et en sachant que nous n’avons plus que dix ans pour agir avant le point de non-retour. Cette COP 26 doit réussir à remettre en adéquation les ambitions nationales avec l’engagement de Paris : celui de limiter la hausse de la température moyenne à 2°C, voire 1,5°C.

L’Afrique est-elle le continent le plus vulnérable, comme l’affirment la majorité des experts ?

Oui, l’Afrique est le continent le plus vulnérable. C’est important que tout le monde le sache. Nous sommes la zone du monde la plus chaude. Lagos, Libreville, Dakar, Douala, Le Cap… La plupart de nos grandes villes sont situées sur la côte. En conséquence, une grande partie de nos populations, de notre environnement et de nos économies est directement impactée par la hausse du niveau de la mer. Le trait de côte recule déjà année après année. Et notre vulnérabilité est d’autant plus importante que nous sommes moins développés que les autres régions.

NOUS DEMANDONS LE SOUTIEN DES PAYS DÉVELOPPÉS PARCE QU’ILS ENDOSSENT LA RESPONSABILITÉ HISTORIQUE DE CETTE CATASTROPHE

Les pays développés s’étaient engagés à verser conjointement 100 milliards de dollars par an, à partir de 2020, pour aider les pays en développement à faire face au dérèglement climatique. Ces promesses ont-elles été tenues ? 

Ces fameux 100 milliards de dollars, c’est un engagement politique et il est vital qu’il soit respecté. Ce sera l’un des enjeux de cette COP26. Nous demandons le soutien des pays développés parce qu’ils endossent la responsabilité historique de cette catastrophe. Nous ne demandons pas d’argent pour nos dépenses courantes, nous voulons un soutien technologique, nous voulons être aidés à améliorer nos capacités d’adaptation.

Quand et comment les fonds seront effectivement mis sur la table ? Si l’on ne parvient pas à répondre à ces questions, le processus aura perdu de sa crédibilité. Dans une telle négociation, la confiance mutuelle est la règle. Si nos partenaires veulent que nous fassions des efforts, ils doivent nous envoyer des signaux positifs. Il n’est pas juste de faire reposer uniquement sur nous les efforts nécessaires pour sauver notre planète alors que la responsabilité de sa mise en danger incombe à d’autres.

Ces 100 milliards de dollars promis sont-ils à la hauteur des besoins réels ? 

Les 100 milliards de dollars par an sont une estimation proposée par les politiques. Nos estimations montrent que le vrai coût à consentir est dix fois plus important. Pendant cette COP, nous insisterons donc sur l’article 9.3 de l’accord de Paris, qui exige de déterminer le montant du financement nécessaire. D’autant que l’on sent que certains ne souhaitent pas ouvrir ce dossier…

LE GABON MILITE POUR QUE SES EFFORTS DE PRÉSERVATION DES FORÊTS ET DES PUITS DE CARBONE SOIENT PRIS EN COMPTE

À Glasgow, l’un des grands enjeux portera sur le mécanisme d’échange de « droits à polluer » entre les pays qui émettent peu et ceux qui émettent trop. Quelle position allez-vous défendre ? 

Ce système n’est pas uniquement un mécanisme de marché, il pourrait contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il faut donc finaliser l’article 6 de l’accord de Paris [qui prévoit son instauration]. Certains pays développés estiment que les crédits du Mécanisme pour un développement propre [MDP, financement de projets de réduction d’émissions de gaz à effet de serre selon le principe de la compensation carbone dans le cadre du protocole de Kyoto] devraient être directement transférés dans le dispositif prévu au titre de cet article 6. Nous souhaitons au contraire limiter ces transferts. Si ceux-ci se font selon les désirs exprimés par ces pays développés, nous, Africains, aurons l’impression de perdre notre temps, car il ne s’agira pas d’efforts concrets. Nous souhaitons également que les financements disponibles dans le cadre du MDP contribuent au fonds d’adaptation au changement climatique pour les pays en développement.

Pourquoi l’Afrique ne profite-t-elle pas du marché carbone ?

Le continent n’est qu’un petit émetteur, avec 4 % des émissions mondiales. Elle n’a donc reçu que 1 % des financements émis dans le cadre du MDP et elle ne pourra pas être un gros bénéficiaire. C’est un non sens. Le Gabon milite pour que les efforts de préservation des forêts et des puits de carbone soient aussi pris en compte. Car si le pays déforeste 10 000 hectares par an, il en préserve dans le même temps 23 millions.

L’AFRIQUE DEMANDE À ACCÉDER À DES TECHNOLOGIES ET À DES OPPORTUNITÉS DE DÉVELOPPEMENT

La lutte contre le réchauffement climatique peut-elle aussi être porteuse d’opportunités ?

Oui, mais à condition que l’on ne nous emmène pas dans des directions qui ne sont pas les nôtres. En Afrique, au moins un tiers de la population n’a pas accès à l’électricité. Comment dès leur parler de mobilité électrique ou d’énergie verte ? Nous avons un gros potentiel dans le domaine de l’hydroélectricité, nous disposons de l’ensoleillement le plus important au monde… Mais il faut prévoir un transfert de technologies et un accompagnement des populations vers des solutions plus durables.

Prenez le développement de l’agriculture industrielle : comment accompagne-t-on les pays à trouver une ressource équivalente à ce que rapporte l’huile de palme pour éviter la déforestation qu’ont connue d’autres bassins de production, en Amazonie ou en Indonésie ? Sur le climat, l’Afrique ne demande pas l’aumône, nous demandons à accéder à des technologies et à des opportunités de développement qui soient en phase avec l’accord de Paris. 

Finance : dix choses à savoir sur Delphine Traoré, l’Africaine qui monte chez le géant allemand Allianz

Mis à jour le 27 octobre 2021 à 15:02

 

Delphine Traoré, directrice générale d’Allianz Africa à compter du 1er Novembre 2021. © Allianz Africa

La Burkinabè devient numéro un d’Allianz Africa à compter du 1er novembre. Membre du comité exécutif et directrice régionale des opérations depuis 2017, elle est la première femme africaine à occuper de telles responsabilités auprès du leader mondial de l’assurance.

1. Origines modestes

Delphine Traoré est native d’Orodara, petit village à l’ouest de Bobo-Dioulasso, la deuxième ville du Burkina Faso. Sa première langue, avant ses 5 ans, n’était ni le français ni l’anglais, mais le siamou, idiome krou parlé dans le sud-ouest du pays.

2. Père fondateur

Ancien diplomate dans le génie rural, son père, Jules Dekrin Traoré, a tenu à ce que ses trois filles soient formées dans de prestigieuses écoles, dans une logique d’égalité des sexes. À contre-courant des préceptes de l’entourage familial qui lui dictaient de privilégier l’éducation de son fils unique, il n’a pas hésité à puiser dans ses économies pour envoyer sa fille Delphine à l’université, aux États-Unis (Boston University, Massachusetts).

3. Seule Africaine au comex

Depuis qu’elle a été nommée directrice des opérations (COO) de la branche Afrique de l’assureur allemand en 2017, Delphine Traoré est devenue la seule femme noire « à bord ». Elle participe à la prise de décision dans une multinationale qui compte plus de 150 000 collaborateurs à travers le monde et représente 140 milliards de revenus au global (en 2020). Le siège des opérations d’Allianz Africa est établi à Abidjan tandis que la majorité des fonctions administratives est localisée à Casablanca. Un nouveau hub en Afrique de l’Est est, quant à lui, situé à Nairobi depuis le récent rapprochement avec Jubilee Holdings.

4. Interprète

À la fin de ses études secondaires, elle souhaite devenir interprète international mais, sur les conseils de son père  une fois n’est pas coutume , se tourne finalement vers la finance. Elle hésite un temps à poursuivre vers l’expertise comptable, avant de décrocher un premier emploi dans une compagnie d’assurances américaine.

5. États-Unis

Delphine Traoré passe le début de sa vie active en Amérique du Nord. Après avoir obtenu une maîtrise en gestion des assurances de l’université de Boston, la Burkinabè décroche une licence en commerce et en comptabilité de l’université de Pittsburgh, avec grande distinction (cum laude). Elle est, par ailleurs, assureur agréé en assurance vie et en assurance dommages de l’American Institute for Chartered Property Casualty Underwriters (AICPCU), une ONG qui dispense formations et certifications.

Après un premier emploi dans l’Ohio, dans le Midwest américain, elle s’envole pour le Canada en 2005 et rejoint le groupe Allianz, où elle occupe plusieurs postes à responsabilité au sein d’Allianz Global Corporate & Specialty (AGCS), business unit du groupe centrée sur les services de gestion des risques.

6. Ngozi Okonjo-Iweala

La Burkinabè voue une admiration certaine à Ngozi Okonjo-Iweala, à la tête de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) depuis février 2021, une femme africaine qui « (l)’inspire particulièrement ». La Nigériane a été directrice adjointe de la Banque mondiale pendant vingt-cinq ans, ministre des Finances du Nigeria à deux reprises et a brièvement occupé le poste de ministre des Affaires étrangères en 2006.

Elle siège par ailleurs aux conseils d’administration de Twitter, Standard Chartered Bank ainsi que de Gavi (alliance du vaccin). Un parcours qui a eu une grande influence sur la manière de diriger et de s’imposer dans le monde professionnel de Delphine Traoré. Laquelle a côtoyé Ngozi Okonjo-Iweala des années durant quand l’économiste présidait Africa Risk Capacity, agence de l’Union africaine spécialisée dans la réponse aux risques climatiques et catastrophes naturelles, dont elle est toujours administratrice.

7. Courte échelle

Grâce à sa position au sein du géant mondial des assurances et aux différentes plateformes auxquelles elle a accès, elle nourrit l’ambition de « faire monter en compétence les jeunes femmes et hommes dans les domaines de la finance et des technologies en Afrique ». Elle affirme, par ailleurs, faire de l’égalité des genres dans le milieu professionnel une priorité.

8. Spiritualité

Matinale, Delphine Traoré pratique « la gratitude » après avoir prié. Elle aime se concentrer, dans le calme, avant que son mari et ses enfants ne soient réveillés, et se focaliser sur ce qui est positif, sur le travail accompli, et prendre ainsi la mesure de ce qu’il reste à parcourir. « Ce rituel contribue, année après année, à la réalisation de mes objectifs de vie, personnels et professionnels », assure-t-elle.

9. Sororie à succès

Chacune dans sa spécialité, les sœurs de Delphine Traoré portent, elles aussi, « haut les drapeaux burkinabè et africain ». Apolline Traoré, formée à New York, est réalisatrice dans le cinéma et directrice générale d’une société de production locale, Les Films Selmon, créée en 2001. Valérie Traoré, elle, est la fondatrice et la directrice générale de Nyel, une société de conseil en affaires publiques, présente au Sénégal, au Rwanda et à Maurice, activesur toutes les questions relatives à la défense des droits humains.

10. Distinctions multiples

L’assureuse collectionne les prix et distinctions. Classée au sein des 50 femmes les plus influentes d’Afrique en 2018 par Jeune Afrique, Delphine Traoré figure parmi les femmes leaders économiques de Forbes Africa un an plus tard. En 2015, la native d’Orodara avait remporté  le trophée du Leadership féminin lors des Africa Leadership Awards et, la même année  tout comme la précédente , figurait au classement des leaders économiques de demain de l’étude Choiseul 100 Africa.

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Les informations sur nos maisons de formation datent de quelques années, et nous avons demandé aux responsables de ces maisons de nous donner des nouvelles plus récentes.
La première réponse reçue vient de Samagan, le noviciat près de Bobo-Dioulasso (lire la suite)

 

La deuxième réponse nous a été donnée par la "Maison Lavigerie", notre maison de formation à la périphérie de Ouagadougou, où les candidats ont leurs trois premières années de formation (lire la suite)