Vu au Sud - Vu du Sud

Sénégal : les cahiers narcissiques de Mame Boye Diao

Mis à jour le 19 octobre 2021 à 12:57

Damien Glez

Par Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.


Damien Glez © Damien Glez

 

Candidat à la mairie de Kolda, le directeur général des Domaines a offert des cahiers à des élèves en pleine rentrée. Des fournitures scolaires à son effigie… Tollé général.

Générosité caritative bien ordonnée commençant par soi-même, la chanson satirique française Les Dames patronnesses enseignait, dès 1960, qu’il fallait s’identifier face à la communauté comme le bienfaiteur de tel ou tel indigent : « Tricotez tout en couleur caca d’oie / Ce qui permet le dimanche à la grand-messe / De reconnaître ses pauvres à soi. » Qui n’est pas tenté de distiller un peu de soi dans un vrai-faux mécénat mué en sponsoring, comme lorsqu’une grande marque d’ordinateur inonde de ses dons marketés le campus d’un État en voie de développement ?

Quand la politique s’en mêle, l’affaire prend évidemment une tout autre tournure. Et vint le sac de riz estampillé Faure Gnassingbé ou la montre Compaoré qui ne devait pas manquer de vous rappeler l’heure d’un scrutin voué à maintenir le « beau Blaise » au pouvoir…

La gêne instillée par la générosité politicienne devient scandale quand elle cible les élèves candides d’un système éducatif censé être neutre idéologiquement. En cette période de rentrée scolaire qui prend toujours des airs de casse-tête domestique, le directeur général des Domaines sénégalais a laissé parler son portefeuille en fournissant des cahiers à des écoliers souvent déshérités.

Charité et propagande

Premier détail embarrassant : Mame Boye Diao est candidat à la mairie de Kolda à l’occasion du scrutin prévu le 23 janvier prochain. Deuxième détail fâcheux : lesdits cahiers ont été imprimés à son effigie. Voilà comment la charité devient propagande politicienne…

Traditionnellement, les couvertures des précieux livrets servent de support à quelque carte géographique, illustration botanique ou table de multiplication. Pour la rédaction de senenews.com, la grande photo qui barre la couverture des cahiers offerts « viole le paravent apolitique qui est censé couvrir l’école nationale sénégalaise ».

« À cheval donné on ne regarde pas les dents. » À cahier donné, les parents d’élèves – cible indirecte de la campagne marketing – peuvent-ils jauger la couverture ? Pour leur épargner un choix délicat en temps de vie chère, des observateurs en appellent à la responsabilité de l’inspecteur d’académie. Birahim Seck, coordonnateur du Forum civil, a enjoint au ministère de l’Éducation nationale de prendre des mesures urgentes.

Pour l’enseignant-chercheur en droit public Mouhamadou Ngouda Mboup, c’est le préfet de Kolda qui « doit inviter Mame Boye Diao à retirer ses cahiers de propagande et interdire leur utilisation par les élèves au sein des établissements publics scolaires ». Et l’universitaire de rappeler qu’en août, un responsable du mouvement d’opposition Gueum Sa Bopp, Bougane Gueye Dany, avait reçu du préfet une lettre lui demandant de retirer ses affiches publicitaires destinées à pousser les citoyens à s’inscrire sur les listes électorales. Gageons que l’indignation à l’égard d’un don propagandiste n’a pas, elle aussi, une motivation partiale…

Guinée : Mamadi Doumbouya accroît la pression sur les médias

Mis à jour le 15 octobre 2021 à 15:49


Investiture du colonel Mamadi Doumbouya, le 1er octobre 2021 © DR

Alors que les forces spéciales guinéennes ont « visité » sans ménagement le siège de Djoma Média, un groupe appartenant à un proche d’Alpha Condé, l’inquiétude grandit pour la liberté de la presse.

Après avoir renversé l’ancien président Alpha Condé, le 5 septembre, Mamadi Doumbouya assurait qu’il « n’y aura[it] aucun esprit de haine, ni de vengeance [ni] de chasse aux sorcières ». Mais pour la presse, certaines méthodes sont bien moins rassurantes que ces paroles. Le 9 octobre, les forces spéciales guinéennes ont fait une descente musclée au siège de Djoma Média, dans la banlieue sud-est de Conakry, un groupe audiovisuel privé connu pour appartenir à un proche d’Alpha Condé. Son patron, Kabinet Sylla – surnommé « Bill Gates » – était intendant à la présidence sous l’ancien chef de l’État.

Les militaires se sont présentés en affirmant vouloir « vérifier une information faisant état du stationnement de véhicules volés dans l’enceinte » du siège du groupe, rapporte son directeur général, Kalil Oularé, interrogé par Jeune Afrique. Mais la situation a dégénéré quand les policiers qui montaient la garde devant l’entrée s’y sont opposés. Les forces spéciales n’avaient ni mandat ni ordre de mission.

Deux blessés

Des renforts, avec à leur tête le colonel Amara Camara, qui commande la Compagnie mobile d’intervention et de sécurité (CMIS) numéro 21 du quartier populaire de Cosa, sont alors arrivés pour prêter main forte aux policiers. Des affrontements ont éclaté entre les deux unités et des coups de feu ont brièvement été entendus. Deux hommes ont été blessés.

Mais la tempête n’était pas encore finie à Djoma Média. « Vers 23h10, un commandant de l’armée et un civil se sont à nouveau présentés à notre siège, toujours pour les mêmes motifs, explique Kalil Oularé. Quand j’ai remonté l’information au colonel Balla Samoura [membre du Comité national de rassemblement pour le développement], il m’a répondu de les laisser faire. Après vérification, ils sont repartis. » Puis vers 4h du matin, des hommes en uniforme des forces spéciales ont fait irruption au domicile du colonel Amara Camara et ont emporté de l’argent et des bijoux, selon la famille de ce dernier.

LES MÉDIAS ONT ÉTÉ EXCLUS DES PRESTATIONS DE SERMENT DE MOHAMED BÉAVOGUI ET DE MAMADI DOUMBOUYA

Interdits aux journalistes

L’incident survenu au siège de Djoma Média a provoqué une levée de boucliers au sein de l’opinion. L’Union des radiodiffusions et télévisions libres de Guinée (Urtelgui) a condamné « énergiquement cette agression armée et ciblée de la part d’éléments présumés issus de l’Unité d’élite anciennement commandée par le président de la transition, le colonel Mamadi Doumbouya ».

L’émotion a été assez forte pour que le colonel Balla Samoura se fasse l’émissaire du président de la transition. Le 11 octobre, ce haut membre de la junte s’est voulu rassurant : « À moins qu’il ne commette un jour une faute grave, Djoma n’est la cible d’aucune action de déstabilisation de la part des nouvelles autorités. »  Cela n’a pas rassuré : le 8 octobre, le média apprenait que ses comptes étaient gelés.

Les premières semaines du régime de Mamadi Doumbouya ne paraissent pas de bon augure pour la liberté de la presse. La prestation de serment du nouveau Premier ministre, Mohamed Béavogui, a notamment été interdite aux journalistes, exception faite de la RTG, le média d’État. Cela avait déjà été le cas pour celle de Mamadi Doumbouya lui-même ou lors des concertations nationales avec les forces vives du pays.

Burkina : Meridiam et Aéroport de Marseille voient grand à Donsin 

Mis à jour le 13 octobre 2021 à 16:12


Thierry Déau est le fondateur et président de Meridiam, société d’investissement spécialisée dans le financement et la gestion de projets d’infrastructures. Ici à Paris, en décembre 2016. © Vincent Fournier/JA

L’exécutif burkinabè et un consortium composé de Meridiam et Aéroport de Marseille Provence (AMP) ont conclu un accord sur le futur aéroport international de Ouagadougou-Donsin. Les acteurs privés français ont un an pour mobiliser les 220 millions d’euros nécessaires au financement du projet.

Le projet d’aéroport international Ouagadougou-Donsin, sur la table depuis plus de dix ans, reprend du souffle. Les ministres des Transports, Vincent Dabilgou, et des Finances, Lassané Kaboré, ont signé le 12 octobre dans la capitale burkinabè avec le Sénégalais Amadou Sy, directeur des investissements chez Meridiam, une concession d’une durée de trente ans assortie d’un investissement d’environ 220 millions d’euros pour développer la future infrastructure aéroportaire prévue à 35 kilomètres au nord-est de Ouagadougou.

« Les négociations se sont poursuivies jusqu’au dernier moment. Nous avons fait une présentation du projet devant les syndicats et répondu à leurs inquiétudes notamment sur le maintien des avantages acquis », a expliqué à Jeune Afrique Amadou Sy, le représentant de Meridiam, en consortium avec Aéroport de Marseille Provence (AMP) sur le projet.

Une convention tripartite (État, syndicat, consortium) est prévue pour régler le transfert des agents de l’actuel aéroport de Ouagadougou au nouvel aéroport de Donsin.

Démarrage des travaux dès la fin de 2022

« Les autorités burkinabè, via le comité technique de négociation dirigé par Bruno Bamouni, ont obtenu un accord bénéfique pour l’État et, de notre côté, nous sommes fiers d’avoir signé un beau dossier, a commenté Amadou Sy. Le Burkina a besoin d’investisseurs. C’est un signal fort que nous envoyons en dépit des difficultés sécuritaires. »

LES TRAVAUX DEVRAIENT DURER DEUX ANS ET DEMI

Entamées en 2018 à la suite d’un protocole d’accord entre l’État et le consortium, les négociations ont connu une accélération après la rencontre entre le président Roch Marc Christian Kaboré et le président de Meridiam, Thierry Déau, en marge du sommet de Paris sur le financement des économies africaines qui s’est tenu en mai.

Selon nos informations, le consortium dispose d’un délai d’un an pour mobiliser les 220 millions d’euros du projet. IFC (groupe Banque mondiale), la Banque africaine de développement (BAD), l’Agence française de développement (AFD), l’Institution financière de développement allemande (DEG), la Société islamique pour le développement du secteur privé (filiale de la Banque islamique de développementBID), le fonds Emerging Africa Infrastructure Fund (EAIF) et CDC Group devraient contribuer.

Déjà engagé sur la conclusion du closing financier, Meridiam annonce un démarrage des travaux, qui devraient durer 30 mois, pour la fin de 2022.

L’accord en question, approuvé par le conseil d’orientation dirigé par le chef du gouvernement, Christophe Dabiré, a été entériné en conseil des ministres. Il prévoit que le consortium versera à l’État une redevance fixe annuelle de 2,1 millions d’euros à laquelle s’ajoute une redevance variable assise sur les revenus non aéroportuaires générés par l’activité commerciale sur le site de l’aéroport (boutiques, parking, hôtels, etc.).

600 millions d’euros de revenus attendus

In fine, ces redevances, combinées aux recettes fiscales versées par le concessionnaire, devraient générer près de 600 millions d’euros de revenus pour l’État sur la durée de la concession. Toujours selon nos informations, le schéma choisi implique que le financement et la réalisation en maîtrise d’ouvrage publique des voiries d’accès, de bâtiments administratifs, de la tour de contrôle et de la piste d’atterrissage incombent à l’État.

LE SITE DEVRAIT ASSURER 1 400 EMPLOIS DIRECTS

À l’opérateur privé revient la charge de développer, financer et construire le reste des bâtiments et équipements – à commencer par l’aérogare passagers, les hangars et les zones de fret – et d’assurer l’exploitation, la gestion et la maintenance de l’intégralité du nouvel aéroport.

Une centrale solaire d’une capacité de 10 mégawatts et équipée d’un système de stockage est également prévue  pour couvrir 80 % des besoins en électricité de l’aéroport. Le concessionnaire devra en outre mobiliser 20 millions d’euros supplémentaires pour financer les travaux de raccordement en eau, électricité et fibre optique de l’aéroport.

Après la construction de l’infrastructure, qui doit générer 5 000 emplois directs et indirects, le site devrait assurer 1 400 emplois directs.

Pari sur la reprise du trafic

Tablant sur une reprise rapide du trafic aérien, le consortium prévoit un terminal aéroportuaire capable d’accueillir à sa mise en service un million de passagers par an, soit le double du trafic de l’actuel aéroport avant la crise sanitaire. Le moment venu, il prévoit ensuite de doubler sa capacité à 2 millions de passagers par an grâce à la conception modulaire de l’aérogare qui permet des travaux d’agrandissement sans perturber la gestion et le trafic aéroportuaires.

Revendiquant 18 milliards de dollars d’actifs sous gestion via une centaine de projets en Europe, aux États-Unis, en Amérique du Sud et en Afrique, Meridiam est notamment engagé au Sénégal, en Éthiopie, en Côte d’Ivoire, au Gabon et à Madagascar. Fondé en 2005 par Thierry Déau, l’investisseur compte deux bureaux africains, à Dakar et Addis-Abeba, et une équipe d’une vingtaine de personnes.

Quant à Aéroport de Marseille Provence, il exploite l’aéroport du même nom, fort d’un trafic de plus de 9 millions de passagers et d’un volume de fret estimé à 60 000 tonnes par an.

Transition au Tchad : Le CMT assure la continuité de l’État

Le Conseil militaire de transition mis en place après la disparition du président Idriss Déby Itno continue de consolider les bases d’un État tchadien fragilisé par les attaques à ses frontières. Continuité institutionnelle, sécurité, soutien social, libertés… il est depuis quatre mois sur tous les fronts.

© Mahamat Idriss Déby Itno Général

Le 20 avril 2021, le Maréchal Idriss Déby Itno perdait la vie suite à l’incursion au Tchad d’une colonne rebelle, le jour même de la proclamation des résultats provisoires de l’élection présidentielle. La disparition du président de la République, chef de l’État et chef suprême des armées, a provoqué de nouvelles attaques aux frontières du pays et fait vaciller l’État sur ses bases.

Suite au refus du président de l’Assemblée nationale d’assurer la vacance du pouvoir, un Conseil militaire de transition (CMT) de quinze membres, dirigé par le général Mahamat Idriss Déby Itno, a été chargé de faire face aux menaces auxquelles le pays était confronté. Près de quatre mois plus tard, son bilan, en lien avec les acteurs politiques, sociaux et religieux du pays, ainsi qu’avec ses alliés internationaux, est probant.

Continuité institutionnelle

Une Charte de transition a été promulguée dès le 21 avril pour instituer les organes de la transition. Outre le CMT, il s’agit notamment du Conseil National de Transition (CNT), en cours de création, et du gouvernement de transition (GT). C’est conformément à cette Charte qu’un Premier ministre de transition civil, Albert Pahimi Padacké, a été nommé le 26 avril. Cinq jours plus tard, suite à la médiation initiée par la communauté internationale et après des consultations nationales, un gouvernement de transition a été mis en place par le Premier ministre. Le programme de celui-ci a obtenu la confiance de l’Assemblée nationale, à l’unanimité, le 14 mai.

LE PROGRAMME DU PREMIER MINISTRE A OBTENU LA CONFIANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE À L’UNANIMITÉ

Une feuille de route en attendant un Plan national de développement

Le gouvernement s’est doté d’une feuille de route, cadre de référence pour les organes de transition dans leurs relations avec les pays amis et les partenaires au développement. Celle-ci vise à assurer la continuité de l’État, à préserver les acquis de paix et de stabilité et à poursuivre les programmes de développement du pays, afin de créer les conditions propices à l’organisation des élections générales aux termes de la transition.

© Le Gouvernement de transition

La feuille de route définit trois axes stratégiques et dégage 123 actions dont elle estime les coûts de réalisation :

– Renforcer la sécurité et la défense : 298 milliards de F CFA, dont 11 milliards sont disponibles
– Organiser le dialogue, consolider la paix et l’unité nationale : 424 milliards de F CFA, dont 129 milliards sont disponibles
– Renforcer la bonne gouvernance et l’État de droit : 273 milliards de F CFA, dont 14milliards sont disponibles

Les actions prévues seront donc financées par le budget de l’État, mais aussi avec les partenaires au développement et les pays amis du Tchad, de manière bilatérale ou à travers un événement réunissant les bailleurs de fonds internationaux.

DES GAGES DE BONNE VOLONTE

Afin de convaincre ses partenaires politiques et sociaux de sa bonne foi dans sa volonté de réaliser une transition courte et de rendre le pouvoir aux civils à court terme, le CMTa multiplié les gestes de bonne volonté. Dans le même temps, il s’est attaché à ramener la sécurité à travers le pays.

• Paix et sécurité
Dès le début du mois de mai dernier, l’armée tchadienne a revendiqué la victoire contre les rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), dont la percée avait conduit à la mort du président Idriss Déby. Pour consolider leur victoire, une opération de recensement des militaires, ainsi qu’une autre, de désarmement, ont été menées par les forces de sécurité.


© Le 30 juin, visite du PCMT au contingent tchadien à Tera, zone des 3 frontières (Mali, Niger, Burkina Faso).

• Démocratie et État de droit
Les autorités ont libéré plusieurs prisonniers d’opinion, dont, en juin dernier, Baradine Erdeï Targuio. Notamment accusé de cybercriminalité, le président de l’Organisation tchadienne des droits de l’homme, qui s’était pourvu en cassation, avait été arrêté en janvier 2020 puis condamné en février dernier à trois ans de prison. Parmi les actes à mettre à leur crédit, les autorités ont également légalisé le parti politique Les transformateurs, du candidat à la présidentielle Succes Masra. Il faut noter que les droits des prisonniers de guerre du FACT ont été respectés. Enfin, le président du CMT a signé le 30 juin un décret accordant des remises collectives de peines aux condamnés de droit commun.

• Respect des libertés
Les autorités ont levé les restrictions sur les marches pacifiques et autorisé plusieurs manifestations sous le respect des termes de l’arrêté du ministre de la Sécurité publique. Ce fut le cas, le 29 juillet, lors de la marche organisée par le mouvement citoyen Wakit-Tama et qui s’est déroulée dans le calme.

LES AUTORITÉS ONT LEVÉ LES RESTRICTIONS SUR LES MARCHES PACIFIQUES

• Réconciliation nationale
Alors qu’un gouvernement d’union nationale et de réconciliation a été formé, un portefeuille a été dédié à cet objectif. C’est sous la direction du ministre chargé de la Réconciliation nationale qu’un comité, lui-même chargé de l’organisation du dialogue national inclusif, est en train d’être mis en place avec toutes les composantes politiques et sociales du pays. Ses membres seront choisis sur des critères de représentativité et de compétences. C’est dans le cadre de la politique de la main tendue du CMT aux opposants en exil que Hassan Fadoul khitir, réfugié au Togo depuis deux décennies, est rentré au pays.

• Social
Aucun retard de paiement des salaires des fonctionnaires et des pensions des retraités n’a été relevé, malgré la situation économique difficile que traverse le pays, accentuée par la crise sanitaire. Pour améliorer les services aux citoyens, dans l’urgence, les autorités ont acquis un groupe de 19 MW qui viendra renforcer les capacités de la SNE, alors que l’offre d’eau a été améliorée dans la capitale, N’Djamena.


RELANCE ÉCONOMIQUE : UN SOUTIEN MULTIFORME DES PARTENAIRES INTERNATIONAUX

La feuille de route dont le gouvernement s’est doté ne se substitue pas au Plan National de Développement (2022-2026) à venir, lequel devra relancer l’économie nationale. Pour le mettre en place, au même titre que la feuille de route, le Tchad aura besoin de tous ses partenaires. C’est pourquoi les autorités ont eu une activité diplomatique intense depuis quatremois, avec notamment les déplacements du chef de l’État au Niger, au Nigeria, en Angola et en France. Il faut souligner que le processus de transition bénéficie d’un soutien important de la communauté internationale, notamment de l’Union Africaine, de la Communauté́ économique et monétaire des États de l’Afrique Centrale (CEMAC), de la Communauté économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC), ainsi que de pays amis (Togo, Égypte, Qatar, Angola, Soudan…).

© Le 5 juillet, le PCMT et le Président Macron à l’Elysée.

Côte d’Ivoire : Jean-Louis Billon, (trop ?) impatient d’être président

Mis à jour le 9 octobre 2021 à 10:45


Jean-Louis Billon, ancien ministre du Commerce, de l’Artisanat et de la Promotion des PME, dans son bureau à Abidjan, Côte d’Ivoire, le 7 mars 2018. © ISSAM ZEJLY – TRUTHBIRD MEDIAS pour JA

La déclaration de candidature à la présidentielle de 2025 de ce député et homme d’affaires prospère a suscité un tollé sur la scène politique. Mais il devra d’abord convaincre au sein de son propre camp, le PDCI-RDA.

Lorsqu’on est un des hommes les plus riches de la Côte d’Ivoire, que peut-on désirer de plus ? Pour Jean-Louis Billon, c’est devenir président de la République. En déclarant sa candidature à l’élection présidentielle de 2025, le 22 septembre dernier, ce quinquagénaire a jeté un pavé dans la mare. Alors que le débat sur le retour d’une limitation d’âge pour briguer la magistrature suprême a été relancé, il veut donner les clés du pays à une nouvelle génération d’hommes politiques. Et mettre à la retraite les trois figures principales de la scène politique ivoirienne, l’actuel président, Alassane Ouattara, 79 ans, et ses deux prédécesseurs, Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié, respectivement 76 et 87 ans.

À quatre ans de l’échéance, Billon est le premier à dévoiler ses intentions. De façon prématurée ? « Ce n’est pas un coup de tête. Déjà au collège, mes camarades savaient que j’avais cette ambition », glisse-t-il. Ce samedi 25 septembre, les tensions créées par l’annonce de sa candidature sont encore vives. Pourtant, en franchissant le pas du portail de sa verdoyante villa au Plateau, c’est le calme qui règne. De fait, l’impatience de l’héritier de l’empire agro-industriel Sifca n’était un secret pour personne à Abidjan.

Enfin son tour ?

En 2020 déjà, Billon y avait cru. Mais il s’était résolu à soutenir la candidature du président du PDCI-RDA, Henri Konan Bédié. « Le parti était menacé, il y avait des débauchages de cadres, dit-il, Bédié s’est présenté en garant de l’unité et de la pérennité du PDCI. Reste que cette élection a été une grande mascarade que nous avons décidé de ne pas la cautionner au final. C’est l’ensemble du processus même qui était vicié en 2020. »

Aux côtés notamment du Front populaire ivoirien de Laurent Gbagbo, le PDCI a appelé à boycotter le scrutin lors duquel Alassane Ouattara briguait un troisième mandat. Cette fois-ci, il veut y croire, son tour est arrivé.

Le chef d’entreprise a déjà les grandes lignes de son programme. Il veut « refondre » la Constitution ivoirienne et garantir une séparation des pouvoirs. « Est-ce normal pour un contribuable de payer la présidence, la vice-présidence, l’Assemblée nationale, le Sénat, les conseil régionaux, les mairies, la commission électorale, le Conseil constitutionnel… ? Il y a une multitude d’institutions que le contribuable paye au détriment de son développement et de son bien-être immédiat. Nous devons débattre de ces questions et mettre en place une Constituante », insiste-t-il.

Puissante famille

Celui qui a fait de la réconciliation des jeunes avec la classe politique son leitmotiv, prépare activement 2025 avec une équipe « déterminée ». Le « Mouvement national des billonnistes pour 2025 » s’est mis en ordre de bataille et a commencé à installer des représentations locales dans plusieurs villes du pays.

Mais cet activisme n’est pas vu d’un bon œil par tous, à commencer par certains dans sa propre famille politique, en pleine restructuration et minée par des divisions internes. Ces dernières semaines, deux clans se sont affrontés par médias interposés autour de sa candidature. Saura-t-il, le moment venu, les rassembler ? Pas sûr, d’autant que d’autres poids lourds du PDCI pourraient, eux-aussi, vouloir se lancer dans la course.

IL JOUAIT AUPRÈS D’HOUPHOUËT-BOIGNY OU DE JACQUES CHIRAC

À ceux qui laissent entendre qu’il n’a pas la carrure pour être président, Billon répond : « J’ai gagné toutes les élections auxquelles j’ai participé. Nous ferons gagner le PDCI ». Il a plusieurs atouts dans la manche. L’homme d’affaires prospère est issu d’une famille puissante. Son père, Pierre Billon est le fondateur de l’empire Sifca.

Né en 1964 à Bouaké, il a grandi entouré de personnalités de premier plan. Enfant, il jouait auprès d’Houphouët-Boigny, d’Henri Konan Bédié ou même, parfois, de Jacques Chirac. Son épouse, Henriette Gomis, est la fille de Charles Gomis, ancien ambassadeur en France, qui était proche d’Alassane et Dominique Ouattara, et la sœur de Sylvie Tanoh, l’épouse de l’ancien ministre Thierry Tanoh.

Ascension politique

Rentré en Côte d’Ivoire dans les années 1995 après des études de droit des affaires en France et aux États-Unis pour se préparer à prendre la tête de Sifca, Jean-Louis Billon est démangé par la politique. En 2001, il devient maire indépendant de la commune de Dabakala. Il est ensuite élu à la présidence du conseil régional du Hambol, en 2013. Mais en pleines tensions entre le PDCI et le RHDP, il est suspendu de ce poste, le 12 juillet 2017. Si on lui reproche d’avoir changé d’étiquette politique en cours de mandat – il avait été élu sous la bannière du Rassemblement des républicains d’Alassane Ouattara -, lui dénonce une sanction politique. Billon est également passé par plusieurs portefeuilles ministériels : le Commerce, l’Artisanat et la promotion des PME de 2012 à 2016, puis le Commerce, jusqu’en 2017.

Des postes qui ne l’ont pas empêché de garder une certaine indépendance, quitte à agacer au sein du pouvoir. Comme en 2014, lorsqu’il conteste dans une interview l’attribution du second terminal à conteneurs du port d’Abidjan au consortium formé autour du groupe français Bolloré. « Nous devons protéger les champions nationaux en créant les conditions pour leur permettre de grandir et développer un nationalisme. Il y a des choses à la portée des entreprises ivoiriennes », nous confie-t-il quelques années plus tard.

En 2017, il n’est pas reconduit au gouvernement, mais il assure ne pas l’avoir mal vécu. Nommé par Bédié secrétaire exécutif du parti, chargé de la Communication et de la propagande, l’homme d’affaires devient alors l’un des principaux opposants à l’alliance avec le parti présidentiel. Désormais député de Dabakala, Jean-Louis Billon espère que son fief sera un tremplin pour la présidence.

Il en est sûr, Bédié, dont il est l’un des protégés, ne se représentera pas en 2025 : « Dans son dernier discours, le président Bédié affirme qu’il mettra toutes ses forces pour qu’il y ait de la cohésion. »Reste que personne ne peut être sûr que le Sphinx a dit son dernier mot. Alors que Laurent Gbagbo est en train de créer un nouveau parti, et que les proches d’Alassane Ouattara insistent sur le fait que le président n’est qu’au premier mandat de la troisième république, Bédié pourrait être tenté de se lancer à nouveau dans la course. Rien n’indique que le « jeune » Billon de 56 ans osera alors tenir tête à son aîné.

Après l’annonce de sa candidature perçue par beaucoup comme un défi au patron du PDCI, Jean-Louis Billon a été contraint de présenter ses excuses au chef de son parti, le 28 septembre. Au sortir d’un échange avec l’ancien président dans sa villa de Cocody, une photo les montrant tous les deux a fait le tour de la toile. « Ces derniers temps, l’actualité a essayé de nous opposer et je suis venu lui dire qu’il n’en était rien et que si certains propos que j’avais tenus ont pu le heurter à cause des interprétations qui ont été faites, cela n’était pas intentionnel », a déclaré Billon à la sortie de l’audience. Rétropédalage ? Loin de lever toute ambiguïté, cette séquence aura surtout montré la volonté du jeune loup de ménager le vieux crocodile. La course est encore longue jusqu’en 2025, inutile de se faire des ennemis au sein de son propre camp.