Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Niger: à Téra, le président Bazoum lance un appel à ses homologues du Mali et du Burkina Faso

 

Au Niger, le président Mohamed Bazoum poursuit sa visite dans l’ouest du pays à la rencontre des populations déplacées. Hier (jeudi) il était dans la zone des trois frontières (Burkina Faso-Mali-Niger) dans la région de Téra qui  subit la pression des jihadistes. Quelque 13500 personnes y sont déplacées. Mohamed Bazoum a profité de la proximité de Téra avec ses voisins du Mali et du Burkina Faso pour lancer un appel à la mutualisation de leurs actions contre les terroristes.  

avec notre envoyé spécial à Téra, Moussa Kaka

C’est depuis la ville de Téra, dans une zone affectée par le terrorisme sur les trois frontières que le président Mohamed Bazoum a mesuré les difficultés auxquelles peuvent être confrontées les forces nigériennes.

« Dans cette zone des trois frontières, quand vous passez la frontière du Niger, vous n’avez affaire qu’à des espaces occupés par les terroristes. Et ça rend difficile le travail que doivent faire nos forces ».

Du fait de sa proximité avec le Mali et le Burkina Faso, la région de Téra est exposée aux affres du terrorisme d’où cet appel du président Mohamed Bazoum à ses voisins.

« Il est souhaitable, il est urgent que les pays frères du Mali et du Burkina Faso puissent se relever. Nous allons continuer à projeter nos forces de façon à créer le bouclier dont nous avons besoin ».

Diagourou est aujourd’hui un village fantôme en insécurité totale, selon son maire Hama Boukari. « Il n’y a aucune école qui fonctionne, aucun fonctionnaire de l’Etat ne peut aller à Diagourou. Nous avons aujourd’hui 23 chefs de village sur les 43, qui sont à Téra ». 

Quelque 3000 hommes des forces spéciales de l’opération Niya combattent sans répit les jihadistes dans cette zone.

► À lire aussi : au Niger, la situation sécuritaire s'aggrave dans le Tillabéri, alerte Ocha

Le Nigeria sous le choc après le massacre de plusieurs dizaines de catholiques à Owo

 

De nombreuses réactions après le massacre ce dimanche des dizaines de personnes dans une église catholique de la petite ville d'Owo, dans le sud-ouest du Nigeria. On sait bien peu de choses sur les responsables de cet assaut contre les fidèles qui quittaient la messe de la Pentecôte. L'attaque dans cette région habituellement épargnée par la violence n'a pas été revendiquée jusque-là. 

Avec notre correspondante à Lagos, Liza Fabbian

« Ce qu'il s'est passé à Owo révèle l'impunité des groupes armés qui pullulent à travers le Nigeria » a constaté Amnesty International ce lundi. L'ONG demande justice pour les victimes de cette attaque « qui dénote d'un total mépris de la vie humaine ».

Selon l'analyste Idayat Hassan, l'utilisation d'armes lourdes et d'explosifs fait penser au mode opératoire d'un groupe très organisé – qu'il s'agisse des bandits venus du Nord-Ouest ou même des jihadistes de l'État islamique en Afrique de l'Ouest (Iswap).

La directrice du Centre pour la démocratie et le développement remarque aussi que d'autres incidents ont eu lieu ces derniers mois dans des zones habituellement épargnées par la violence. Par exemple fin avril dans l'État de Taraba, où l'Iswap a revendiqué une attaque à la bombe qui a fait six morts et une trentaine de blessés.

Le monde politique a unanimement condamné ce drame, qui survient en pleine primaire de l'APC pour choisir son futur candidat à la présidentielle.

Le vice-président Yemi

Osinbajo a fait le déplacement ce lundi, ainsi que l'ancien gouverneur de Lagos, Bola Tinubu, qui a annoncé une grosse donation aux familles des victimes et à l'église d'Owo.

 
 

Des dizaines de fidèles catholiques abattus par des hommes armés au Nigeria

 

Le massacre a eu lieu à la sortie de la messe de la Pentecôte, dans une petite ville de l'État d'Ondo, dans le sud-est du Nigeria, une région pourtant épargnée jusque-là par les violences qui ont ensanglanté d'autres régions du pays.

Les premiers tirs ont retenti à la mi-journée, lorsque les fidèles ont commencé à sortir de l'église Saint-François, à Owo, une petite ville à plus de 300 kilomètres à l'est de Lagos. Des rafales d'armes automatiques, des explosions et les premiers morts qui tombent dans la foule, racontent des témoins cités par la presse nigériane.

Les survivants de l'attaque ont expliqué avoir attendu une vingtaine de minutes avant de pouvoir se montrer et d'évacuer les blessés. Un médecin cité par l'agence Reuters a estimé, dimanche, que « pas moins de 50 corps » ont été amenés dans les hôpitaux de la ville.

L'évêque ainsi que le gouverneur de l'État se sont immédiatement rendus sur place. Ce dernier a parlé d'un « dimanche noir » et d'une attaque « vile et satanique ». Le pape François lui-même, à Rome, a fait savoir qu'il « priait pour les victimes et pour le pays ». Quant au président Muhammadu Buhari, il a estimé que « seuls des démons » avaient « pu concevoir et commettre un acte aussi ignoble ».

L'identité des assaillants n'est pas connue pour l'instant. La région a été relativement épargnée par la violence ces dernières années, même si elle a été en proie à des agressions croissantes entre agriculteurs et éleveurs.

La Cédéao reporte ses décisions sur les transitions en Guinée, au Mali et au Burkina Faso

 

Les chefs d'État ouest-africains étaient réunis en sommet à Accra au Ghana, ce samedi 4 juin. La Cédéao s'est penchée sur les transitions en cours au Mali, au Burkina Faso et en Guinée. Trois pays dirigés par des juntes militaires depuis des coups d'État. Finalement, pas d'assouplissement ou de durcissement des sanctions lors de ce sommet. 

Avec notre envoyé spécial à Accra, Pierre Pinto

Sur le Mali, la Cédéao ne se satisfait pas des 24 mois de transition que propose la junte. L’organisation régionale maintient ses 16 mois maximum. Mais au sein de l'organisation, le traditionnel consensus entre les États n’a pas été trouvé. Les chefs d'État ont donc décidé de renvoyer leur décision au 3 juillet, le prochain sommet ordinaire de la Cédéao. Jusqu'à ce présent, un assouplissement des sanctions contre le Mali et un éventuel durcissement des positions contre la Guinée étaient attendus.

Mais ce samedi, le huis-clos a été assez long, signe de possibles désaccords. Selon plusieurs sources, les pays membres étaient divisés en deux camps. D'un côté, les partisans d'une ligne ferme sur le Mali comprenant notamment le Niger, la Gambie ou le Ghana. Quand d’autres, comme le Nigeria, mettent de l’eau dans leur vin, et commencent à trouver les sanctions trop dures pour la population malienne, particulièrement en cette période de guerre en Ukraine qui impacte toutes les économies du monde. Le président nigérian Muhammadu Buhari est, chose rare, venu en personne à ce sommet de la Cédéao à Accra.

Le Niger et la Gambie en particulier tenant à garder une position ferme sur les sanctions.  

Désaccords ou plus de temps laissé aux juntes ?

Est-ce que ces deux blocs n'ont pas réussi à faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre ? Ou bien est-ce que les chefs d'État ont décidé de laisser davantage de temps aux juntes pour clarifier leurs positions ? Peut-être un peu des deux.

Le sommet de l'Uemoa qui a suivi celui de la Cédéao s'est transformé en grand oral pour le Premier ministre burkinabè Albert Ouédraogo et pour le ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop qui ont pu s'exprimer devant les chefs d'État de cette organisation.

Le sommet a par ailleurs désigné l’ancien président nigérien Mahamadou Issoufou médiateur pour le Burkina Faso. Là aussi, l'organisation régionale attend encore des progrès sur la durée de la transition. Ouagadougou propose toujours trois ans, mais c’est trop pour la Cédéao qui reconnait toutefois les dispositions des autorités à maintenir le dialogue avec la Cédéao.

Inacceptables également les 36 mois décidés par la Guinée. Conakry, qui a déjà échappé aux sanctions fin mars, a encore un mois pour revoir son calendrier.

Les religions ont-elles contribué à la prise de conscience écologique ? 

débat
  • Stéphane LavignottePasteur, théologien protestant et militant écologiste
  • Louise Geisler-Roblin,Doctorante en philosophie politique

Depuis la première conférence des Nations unies sur l’environnement, connue sous le nom de conférence de Stockholm, il y a tout juste 50 ans, la prise de conscience écologique a connu différentes phases. Si l’encyclique du pape François Laudato si’, en 2015, a marqué un tournant pour l’Église catholique, les religions n’ont pas toujours été en pointe sur la question environnementale.

  • Recueilli par Benoît Fauchet et Mélinée Le Priol, 
Les religions ont-elles contribué à la prise de conscience écologique ?
 
TRYFONOV - STOCK.ADOBE.COM
 

► « Les Églises ont été précurseures, puis se sont endormies avant de se réveiller »

Stéphane Lavignotte, pasteur, théologien protestant et militant écologiste, auteur de L’Écologie, champ de bataille théologique (1)

« Les religions ont contribué tôt à la prise de conscience écologique, mais elles se sont endormies ensuite, avant de se réveiller récemment. La conférence de Stockholm en 1972 avait été marquée par un service œcuménique à la cathédrale et la prédication du théologien protestant André Dumas avait été publiée en une de l’hebdomadaire Réforme. Cela n’arrivait pas de nulle part. Depuis 1966, le Conseil œcuménique des Églises (COE) organisait des conférences sur l’avenir de la société industrielle, auxquelles a été associé Ivan Illich, prêtre, un des penseurs de l’écologie politique et de la convivialité. En 1974, le COE organise une conférence œcuménique où sera forgé le concept de « développement soutenable ».

Ce qui est intéressant, c’est que les religions ne se sont pas contentées de dire qu’il fallait s’occuper des modes de vie, des structures, elles ont souligné que l’avenir de l’écologie se jouait au niveau de nos imaginaires : ce qu’on retrouve avec bonheur dans l’encyclique du pape François Laudato si’. En outre, les Églises vont insister sur les dimensions sociales de cette question : c’est ce que le pape appellera une « écologie intégrale », prenant en compte les inégalités Nord-Sud, les pauvres, la question des villes.

Hélas, comme dans une grande partie de la société, cette dynamique s’est fortement ralentie à la fin des années 1980, avec un creux dans les années 1990. Les mouvements qui portaient cette question, comme Justice et Paix-France dans le catholicisme, ont rencontré des résistances. Ensuite, alors que les Églises avaient pu être vues comme précurseures, elles ont plutôt semblé être devancées par les demandes de la société avant la COP 21, la conférence des Nations unies de 2015 sur les changements climatiques.

La même année paraissait Laudato si’, texte dont je pourrais signer 98 % du contenu, qui est sur une base biblique partageable dans un cadre œcuménique et complètement lisible par des non-croyants. Vu de l’extérieur, on a l’impression que l’Église catholique a accéléré la cadence, et c’est une bonne nouvelle. Comme protestants, nous pouvons accomplir toutes les accélérations que nous voulons, nous sommes 1 % de la population mondiale ; je crois à la force des minorités actives, mais il y a des limites ! L’effet d’entraînement sur la société est nettement plus important quand cela vient de l’Église catholique.

Malheureusement, Laudato si’ a fait l’impasse sur l’examen de ce qui avait posé problème dans la théologie chrétienne. Ce qui manque aujourd’hui, pour réellement renverser la compréhension du « Dominez la terre » de la Bible comme un « Exploitez la terre », c’est justement de faire l’inventaire des trésors et des complications qui demeurent dans notre mémoire. Nous rendrons ainsi service à la société, car elle est aussi nourrie de cette vision théologique. »

► « Je dirais plutôt que les religions ont participé au débat »

Louise Geisler-Roblin, doctorante en philosophie politique

« Sur les questions écologiques, les religions ont, bien sûr, dit beaucoup de choses, mais il me paraît difficile de quantifier leur contribution à la prise de conscience écologique. Je dirais plutôt qu’elles ont participé au débat.

À partir des premières mises en garde des milieux scientifiques, ces questions écologiques ont fait l’objet d’une sorte d’appropriation spirituelle. Des penseurs, protestants notamment (Jacques Ellul, Bernard Charbonneau), se sont interrogés dès les années 1960 : qui sommes-nous, nous, les humains, pour nous croire supérieurs aux autres êtres et les utiliser à nos fins ?

Ces questionnements se sont poursuivis dans les années 1980, avec des personnalités comme Jean-Marie Pelt ou Pierre Rabhi. Ce dernier fréquentait les milieux catholiques, mais s’inspirait des sagesses orientales. Des personnes se réclamant du bouddhisme se sont d’ailleurs inspirées de cette spiritualité d’union avec le monde pour proposer de réduire la distance entre les hommes et la nature.

Pour ce qui est des institutions religieuses, les Églises protestantes et orthodoxes ont été plus rapides pour se positionner. Est-ce parce que le catholicisme ne s’intéressait qu’aux réalités d’en haut ? C’est en tout cas le reproche qui lui a été fait. La « lourdeur » de l’institution ecclésiale catholique explique aussi qu’elle ait été plus longue à réagir.

Une cinquantaine d’années plus tard, ce retard me semble en partie rattrapé. Les Églises ne se contentent plus d’alerter sur le danger environnemental pour les générations futures, mais elles disent en substance que pour être vraiment chrétien, il importe de vivre de façon écologique.

À partir des années 2000, l’Église catholique a pris des positions fortes. Par l’intermédiaire des papes, mais pas seulement ! Le peuple des fidèles s’est emparé de la question. Je pense aux Assises chrétiennes de la mondialisation de 2003-2004, qui comportaient une dimension écologique très forte, ou encore à la démarche de conversion écologique entreprise par les Scouts et Guides de France.

Les papes, pour leur part, ont vu l’écologie comme un problème social, et François est celui qui a poussé cette dimension le plus loin avec Laudato si’. Il y écrit que la crise écologique, loin de « concurrencer » les questions sociales, relève du même problème. Cette idée a sans doute orienté les discussions lors de la COP21, dont la tenue en 2015 a coïncidé avec la publication de l’encyclique. Pour le pape, il ne s’agit pas uniquement de poser des actions, mais de changer son cœur pour mieux habiter la planète.

Ce que Laudato si’apporte de plus par rapport aux autres religions, c’est surtout une espérance. Car le pape voit dans la crise écologique une occasion inespérée de réapprendre à vivre de façon incarnée sur cette planète. Il termine son encyclique sur l’idée qu’à la fin, tous les êtres partageront la vie éternelle, et que le salut vient de Dieu. Mais entre-temps, nous devons agir pour prendre soin de notre planète : même si le salut ne vient pas de nous, nos actions et nos luttes ont une importance. »

→ PODCAST - « Place des religions », comprendre les défis écologiques

(1) Textuel, 192 p., 17,90 €

Mauritanie: vers un procès devant la cour criminelle pour l’ex-président Mohamed Ould Abdel Aziz

 

Soupçonné de « corruption, blanchiment d'argent et d’enrichissement illicite », l’ex-président Mohamed Ould Abdel Aziz sera jugé devant la cour criminelle avec onze autres dignitaires de son régime. Une information confirmée par l’avocat de l’ex-chef de l’État.

Pour Mohamed Ould Abdel Aziz, toute la procédure contre lui s’apparente à un « règlement de compte ». L’ex-président a d’ailleurs toujours refusé de répondre au juge.

Saisie en 2020, suite à une commission d’enquête parlementaire, les magistrats se sont penchés sur les dix années de pouvoir de l’ex-chef de l’État, notamment sur sa gestion des revenus pétroliers, sur les ventes de domaines de l'État, la liquidation d'une société publique assurant l'approvisionnement du pays en denrées alimentaires et les activités d'une société chinoise de pêche.

Les avocats de Mohamed Ould Abdel Aziz ont confirmé qu’il doit donc être jugé devant la cour criminelle en charge des crimes de corruption, qu’aucune date de convocation ne leur a été transmise. Ils n’ont d’ailleurs pas encore indiqué s’ils comptaient faire appel de cette décision.

Le président Aziz est malade et a besoin d’être soigné en dehors de la Mauritanie. Nous avions exprimé plus d’une fois aux autorités judiciaires et parfois politiques, ils refusent toujours d’accepter nos doléances. (…) Son dossier est un dossier politique mais il veut se défendre, parler devant la justice le plus tôt possible. Il est innocent, ils n’ont aucune preuve contre l’ex-président.

Maitre Mohameden Ould Ichedou, avocat de l’ancien président Aziz

Inculpé avec l’ex-président en mars 2021 notamment pour corruption et enrichissement illicite, l’un de ses gendres, deux anciens Premiers ministres, plusieurs ministres et hommes d’affaires sont également renvoyés devant les juges. Mohamed Ould Abdel Aziz a toujours estimé qu’il était protégé par l’immunité que lui confère la Constitution.

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