Dialogue interreligieux

« Lorsque nous travaillons pour les âmes, nous ne pouvons user que de persuasion et d'amour... Nous ne pouvons rien faire tant que nous n'avons pas persuadé les gens autour de nous qu'ils sont aimés... » (Cardinal Lavigerie, 1885)

« Nous croyons qu'en toute religion il y a une secrète présence de Dieu, des semences du Verbe qui reflètent un rayon de sa lumière... » (Chapitre 1967)

« Nous célébrons et partageons cette vie avec Dieu lorsque nous allons à la rencontre des cultures et des religions... nous réjouissant de la foi vivante de ces croyants et les rejoignant dans leur quête de la Vérité, cette Vérité qui nous rend tous libres. » (Chapitre 1998)

Missionnaires, nous sommes appelés à faire les premiers pas pour rencontrer les personnes, qu'elles que soient leurs convictions, leur religion.

Au Burkina Faso, cette réalité se traduit surtout dans la rencontre respectueuse et évangélique avec les adeptes des religions traditionnelles et avec les musulmans.

Dans cette rubrique, nous étudierons divers aspects de ces religions, particulièrement de l'islam.

[Chronique] Haro sur les baskets Nike islamophobes !

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Par

Damien Glez est dessinateur-éditorialiste franco-burkinabè

« Dieu est en tout », aiment distiller les religions abrahamiques. Cette croyance n’empêche pas certaines pétitions de réclamer l’interdiction de produits sur lesquels apparaîtrait inopportunément le nom d’Allah, comme dernièrement sur des baskets Nike…

Y a-t-il un complot mercantilo-idéologique destiné à souiller le nom du Tout-Puissant, via d’impurs produits de grande consommation ? Au contraire, sont-ce certains croyants qui nourrissent une paranoïa génitrice de victimisation délétère ? Si ces hypothèses étaient vérifiées, aucune des deux ne serait réjouissante. Depuis quelques jours, une pétition via la plateforme change.org demande le retrait des baskets Nike Air Max 270 du marché.

Le design incriminé inciterait les consommateurs à « piétiner le nom de Dieu »

Le nom d’Allah sur des Air Max ?

Selon l’internaute à l’origine de la démarche, une partie du logo de ce produit « offensant », lu à l’envers, ressemblerait au mot « Allah » tel qu’écrit en arabe. Incrusté sur la semelle « blasphématoire », le design incriminé inciterait donc les consommateurs à « piétiner le nom de Dieu », à le frapper « à coups de pied » et à le souiller « de boue ou même de crasse ».

Si la marque de chaussures de sport dément évidemment toute indélicatesse subliminale, elle n’en reste pas moins préoccupée par ce parfum de scandale. Un porte-parole de la direction affirme que, lu à l’endroit, le graphisme incriminé n’est qu’une « représentation stylisée de la marque Nike Air Max ». Il ajoute que l’entreprise « respecte toutes les religions », mais aussi qu’elle prend « au sérieux les préoccupations de cette nature ». En 1997, l’enseigne avait déjà rappelé 38 000 paires de baskets dont le logo en forme de flamme aurait déjà évoqué une calligraphie spécifique du mot Allah.

Un précédent avec une marque de papier toilette

Mi-janvier 2019, c’est une autre pétition qui était lancée en relais du hashtag #boycottmarksandspencer!. Cette fois, il était question de dénoncer la chaîne de magasins Marks & Spencer, accusée de vendre des rouleaux de papier hygiénique « aloe vera » sur lesquels serait inscrit le nom d’Allah. Que pourrait-il y avoir de plus blasphématoire que de frotter les syllabes de Dieu sur des fessiers souillés ?

Sur Twitter, l’enseigne britannique précisera que le dessin décrypté représentait la feuille d’une plante prisée par les fabricants de cosmétiques. Les initiateurs de la pétition avaient dénoncé « une tentative pathétique d’insulter l’islam », tandis que d’autres internautes se gaussaient de l’hypothèse selon laquelle le nettoyage des dégâts intimes de la défécation transformerait les victimes de diarrhée en « partisans du terrorisme israélien ».

Pakistan: Asia Bibi acquittée – The Supreme Court
has dismissed the review petition against Asia Bibi

Asia Bibi définitivement acquittée | Vatican News

Ce mardi matin [29 janv.] la Cour Suprême du Pakistan a rejeté l’appel à un nouveau procès visant la mère de famille chrétienne, acquitté le 31 octobre dernier. Asia Bibi pourrait désormais quitter son pays où elle est menacée de mort par les islamistes.

La chrétienne pakistanaise Asia Bibi a été emprisonnée pour blasphème en 2010.

Entretien réalisé par Olivier Bonnel-Cité du Vatican

La sentence n’est pas une surprise mais elle était très attendue: Les juges de la Cour Suprême ont rejeté la demande de la partie adverse qui souhaitait que l’affaire soit réexaminée par un panel de juges et d’oulémas. La décision est logique : le magistrat qui présidait l’audience n’était autre qu’Asif Saeed Khosa, le président de la cour qui avait rédigé l’arrêt d’acquittement d’Asia Bibi fin octobre.

Il y a quatre mois, des milliers d’islamistes avaient bloqué trois jours durant les principaux axes du pays pour exiger sa pendaison, poussant le gouvernement du Premier ministre Imran Khan à signer un accord très controversé avec eux. Le pouvoir pakistanais s’était en effet engagé à lancer une procédure visant à interdire à Asia Bibi de quitter le territoire et à ne pas bloquer la requête en révision du jugement d’acquittement par la Cour Suprême. Une mesure qui avait provoqué la consternation de nombreux Pakistanais, accusant Imran Khan de céder au chantage des islamistes. 

Libérée le 8 novembre de la prison de Multan, dans le centre du pays où elle était enfermée, Asia Bibi a été placée en lieu sûr, sa familles craignant des représailles. Cette affaire emblématique et très médiatisée, qui a provoqué une émotion internationale, montre combien la question de la liberté religieuse reste sensible au Pakistan. La loi contre le blasphème est souvent évoquée et instrumentalisée pour condamner les minorités dans le pays, parfois même les lyncher. Si le gouvernement pakistanais a souvent appelé à la modération, il fait l’objet de pression de la part des islamistes les plus radicaux.

Des avancées timides vers la liberté religieuse

La justice a néanmoins concédé quelques ouvertures envers les minorités. Le 16 janvier dernier, la Cour Suprême a ainsi restauré la valeur civile du mariage chrétien, une disposition qui existait avant 2003 mais qui avait été annulée. Concrètement, la plus haute instance juridique pakistanaise a ordonné aux Conseils de l’union d’enregistrer les mariages chrétiens en chargeant l’administration nationale en charge des registres et le gouvernement du Pendjab d’émettre des certificats de mariage en conformité avec la loi fédérale. «Une mesure très bonne» s’est réjoui le père Mario Rodrigues, recteur de la cathédrale Saint Patrick de Karachi.

Après cette décision de la Cour Suprême, plus rien n’empêche désormais Asia Bibi de quitter le Pakistan avec sa famille. Plusieurs pays comme la France ou le Canada ont proposer de l’accueillir. «L’affaire Asia Bibi», qui dure depuis bientôt dix ans est en tout cas emblématique des difficultés que vit la minorité chrétienne dans le pays nous explique le père Michel Protain, spriritain. Il a vécu dix années comme missionnaire au Pakistan. Il revient d’abord sur l’origine de cette histoire, qui a commencé autour d’un puits où Asia Bibi venait chercher de l’eau.

À écouter sur la page de l’article: Asia Bibi définitivement acquittée, Olivier Bonnel, Vatican News, 29.01.19


SC rejects review petition against Asia Bibi acquittal |Daily Times.pk

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ISLAMABAD: The Supreme Court of Pakistan (SCP) on Tuesday has dismissed the review petition against Asia Bibi’s acquittal in blasphemy case.

A three-member bench headed by Chief Justice Asif Saeed Khosa, comprising Justice Qazi Faez Isa and Justice Mazhar Alam Miankhel heard the review petition against Asia Bibi’s acquittal in blasphemy case.

Chief Justice Asif Saeed remarked “Based on merit, this review petition is dismissed.”

The CJP expressed that there is clear logical inconsistency in statements of all the witnesses, they could be imprisoned forever or given death sentence for misleading the court in such delicate case.

We are deliberately keeping sensitivity of the case in consideration, otherwise, witnesses would have been in prison over false statements, he included.

The CJP further commented that legal advisor of Qari Salim, a cleric who made the first official complaint against Asia Bibi in 2009, has failed to discover any error in the decision.

The petition was filed by Qari Muhammad Saalam through his lawyer Ghulam Mustafa Chaudhry. Ghulam Mustafa presented his arguments before the bench and demanded a larger bench comprising Islamic scholars to hear the petition.

Asia Bibi, a farm worker, was condemned in 2010 over allegations that she made derogatory remarks about Islam after neighbours working in the fields with her objected to her drinking water from their glass because she was not Muslim.

Incited by Qari Salim, a mob at the time accused her of committing blasphemy. Police responded by arresting Bibi, who was sentenced to death by a trial court in November 2010.

Bibi has denied the charges, and her prosecution rallied international rights groups, politicians and religious figures.

Last year, a three-judge bench headed by Chief Justice Mian Saqib Nisar, Justice Asif Saeed Khosa and Justice Mazhar Alam Khan Miankhel overturned the death sentence of Bibi, sparking days of violent demonstrations by Tehreek-e-Labaik Pakistan (TLP) activists across the country.

Last year, a three-judge bench headed by Chief Justice Mian Saqib Nisar, Justice Asif Saeed Khosa and Justice Mazhar Alam Khan Miankhel overturned the death sentence of Bibi, sparking days of violent demonstrations by Tehreek-e-Labaik Pakistan (TLP) activists across the country.

Source: Daily Times, Pakistan, Web Desk, 29.01.19

Israël: Rencontre interreligieuse de hauts représentants,
suivie d’une visite au tombeau du Báb (bahai.fr)

English version: Interfaith gathering of senior representatives followed by visit to Shrine of the Bab (BWNS)

CENTRE MONDIAL BAHÁ’Í, publié le 24 janvier 2019 – Le 14 janvier, au cours d’une rencontre marquante d’unité interreligieuse, 10 représentants des confessions chrétienne, druze, juive, musulmane et bahá’íe ont été rejoints par 17 évêques catholiques et leurs conseillers venus de l’étranger pour une rencontre interconfessionnelle spéciale sur la coexistence religieuse. Le groupe a ensuite visité le tombeau du Báb.

De gauche à droite) Carmel Irandoust, secrétaire générale adjointe de la Communauté internationale bahá’íe, lisant une prière aux côtés du cheik Jaber Mansour, du rabbin David Metzger, de l’émir Muhammad Sharif Odeh et du père Yousef Yakoub.

De gauche à droite) Carmel Irandoust, secrétaire générale adjointe de la Communauté internationale bahá’íe, lisant une prière aux côtés du cheik Jaber Mansour, du rabbin David Metzger, de l’émir Muhammad Sharif Odeh et du père Yousef Yakoub.

Les panélistes, qui représentaient chacune des communautés religieuses participantes, ont expliqué comment leurs coreligionnaires peuvent non seulement renforcer un esprit de tolérance et de coexistence mutuelles, mais aussi collaborer dans leurs efforts pour créer l’unité. Un certain nombre d’orateurs ont noté que les principes de dialogue, de tolérance, de respect, de coexistence et d’amour les uns envers les autres étaient mis en exergue dans toutes leurs écritures sacrées. Et afin de créer des liens d’unité entre les personnes de différentes religions et de bannir l’indifférence et les préjugés, il est important, selon plusieurs des panélistes, que les personnes communiquent et se connaissent.

 Le père Yousef  Yakoub (à gauche) récitant la prière de saint François d’Assise en arabe, anglais et hébreux dans le recueillement des membres de l’auditoire et des panélistes (à partir de la gauche) : l’émir Muhammad Sharif Odeh, Shervin Setareh, secrétaire générale adjointe de la Communauté internationale bahá’íe, le rabbin Naama Dafni-Kelen, l’évêque Michel Dubost, le cheik Jaber Mansour, le rabbin David Metzger et le cheik Rashad Abo Alhigaa.

Le père Yousef Yakoub (à gauche) récitant la prière de saint François d’Assise en arabe, anglais et hébreux dans le recueillement des membres de l’auditoire et des panélistes (à partir de la gauche) : l’émir Muhammad Sharif Odeh, Shervin Setareh, secrétaire générale adjointe de la Communauté internationale bahá’íe, le rabbin Naama Dafni-Kelen, l’évêque Michel Dubost, le cheik Jaber Mansour, le rabbin David Metzger et le cheik Rashad Abo Alhigaa.

 

Les échanges au Centre mondial bahá’í ont été suivis de prières en arabe, en anglais et en hébreu. Les 50 participants se sont ensuite rendus à pied au sanctuaire du Báb, un bâtiment à coupole, situé sur le mont Carmel à Haïfa, où sont enterrés les restes sacrés du Héraut de la foi bahá’íe.

Les religieux catholiques étaient en Terre sainte au nom du pape et de l’Église pour une réunion annuelle dans le but de montrer leur soutien à la communauté chrétienne ; ils venaient d’une douzaine de pays différents, principalement d’Europe et d’Amérique du Nord.

Environ 50 personnes, dont 17 évêques catholiques et anglicans et leurs conseillers venus du monde entier, ont assisté à une réunion interconfessionnelle au Centre mondial bahá’í le 14 janvier.

Environ 50 personnes, dont 17 évêques catholiques et anglicans et leurs conseillers venus du monde entier, ont assisté à une réunion interconfessionnelle au Centre mondial bahá’í le 14 janvier.

Le père Yousef Yakoub, chef de la communauté chrétienne maronite de Haïfa, qui a co-organisé l’événement, a récité l’émouvante prière de saint François d’Assise : « Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix. Là où est la haine, que je mette l’amour. Là où est l’offense, que je mette le pardon. Là où est la discorde, que je mette l’union. Là où est l’erreur, que je mette la vérité. Là où est le doute, que je mette la foi. Là où est le désespoir, que je mette l’espérance. Là où sont les ténèbres, que je mette la lumière. Là où est la tristesse, que je mette la joie. »

Les persécutions antichrétiennes en Afrique,
un sujet sensible (The Conversation)

L’Afrique suscite bien des fantasmes lorsqu’on parle de ses tensions interreligieuses, qu’il s’agisse d’évoquer la « multiplication » des persécutions antichrétiennes ou la « prolifération » des menaces djihadistes au Sahel. Un récent article du Monde, daté du 16 janvier, en témoigne à sa manière.

Marc-Antoine Pérouse de Montclos, Institut de recherche pour le développement (IRD)

À l’en croire, 97 % des chrétiens tués en 2018 l’auraient été sur le continent africain. L’article a visiblement tant frappé les lecteurs qu’il a été le quatrième plus partagé de la journée sur le site Internet du journal. Cependant, ses conclusions qui se fondent sur un index mondial [voir: Index mondial de la persécution des chrétiens 2019, ndlr] de persécution des chrétiens dont la réalisation n’est pas scientifique et dont les résultats posent de nombreuses questions méthodologiques sur la façon d’estimer l’ampleur des tensions interreligieuses en Afrique sont contestables.

Un index qui pose problème

Publié par Open Doors, une ONG protestante, ledit index n’en est pas à une contradiction près. Ainsi, le Nigeria y apparaît comme le pays où l’on tuerait le plus grand nombre de chrétiens. En revanche, il ne figure pas dans le classement des sept pays « capitaux » où, selon Open Doors, on persécuterait le plus les chrétiens, à savoir, par ordre décroissant d’importance : la Corée du Nord, l’Afghanistan, la Somalie, la Libye, le Pakistan, le Soudan et l’Érythrée. Doit-on en déduire qu’il existerait des formes de persécution encore plus terribles que la mise à mort ? Ou bien qu’il vaudrait mieux être tué au Nigeria qu’interdit de messe en Corée du Nord ?

Derrière la précision des chiffres, la démonstration manque également d’exactitude. D’après Open Doors, 4 305 chrétiens auraient été tués dans le monde pour des raisons liées à leur croyance en 2018. Mais est-ce que « 97 % » d’entre eux l’ont vraiment été en Afrique ? Ou bien, pour reprendre d’autres chiffres cités de façon contradictoire par l’article du Monde, « près de neuf dixièmes », c’est-à-dire moins de 90 % ? On ne le sait guère. De fait, les calculs d’Open Doors laissent la « porte ouverte » à de nombreuses interprétations et révèlent bien des incohérences.

Concernant l’Afrique, en particulier, l’ONG classe le Nigeria, pays le plus peuplé du continent, en tête de liste des pays les plus touchés par des violences contre des chrétiens, avec 3 731 morts recensés en 2018, contre 146 en Centrafrique, 50 en Somalie, 43 au Congo, 42 au Mozambique, 31 en Éthiopie et 30 au Soudan du Sud.

Pour autant, il n’est pas évident que tous ces gens aient été tués pour des raisons liées à leur confession. En 2017, déjà, des discussions entamées avec les rédacteurs des rapports d’Open Doors avaient révélé toutes les limites de leurs interprétations des statistiques tirées d’une base de données, NigeriaWatch, qui comptabilise les morts de la violence grâce à la vigilance quotidienne de chercheurs de l’université d’Ibadan).

Une méthodologie qui pose question

La méthodologie employée par l’ONG à propos du Nigeria s’est avérée pour le moins surprenante. Dans le nord à dominante musulmane du pays, Open Doors a en l’occurrence appliqué un taux uniforme de 30 % de chrétiens, proportion qui mériterait d’être étudiée de plus près puisqu’il n’existe plus de données publiques et officielles sur les allégeances confessionnelles de la population depuis le recensement de 1953, le dernier opéré par le colonisateur britannique.

En extrapolant, l’ONG protestante a alors estimé que 30 % des personnes tuées dans les douze États du nord de la Fédération nigériane étaient chrétiennes. Mieux encore, elle a considéré qu’une bonne partie de ces victimes étaient mortes en raison de leur croyance, alors même qu’elles avaient tout aussi bien pu succomber à des attaques liées à la criminalité de droit commun : à cause de leur portefeuille, donc, et non de leur croix.

Soyons clairs. L’Amérique latine, qui est majoritairement chrétienne, connaît des records mondiaux de taux d’homicides. On y tue ainsi beaucoup de chrétiens, mais pas pour des raisons liées à leur croyance. Le titre de l’article du Monde est d’ailleurs trompeur : ce ne sont pas 97 % des chrétiens tués en 2018 qui l’ont été sur le continent africain, mais 97 % de ceux qui auraient été tués en raison de leur croyance.

Le Nigéria au-delà des clichés

Indéniablement, il existe des discriminations et des persécutions antichrétiennes dans le nord du Nigeria. À l’occasion, il arrive aussi que des chrétiens soient tués en raison de leur confession, notamment lors d’attaques menées contre des églises par la secte djihadiste Boko Haram, par des gangs de criminels ou, très rarement, par des églises rivales. Mais il importe de ne pas exagérer l’ampleur de ces violences.

Avec bientôt 200 millions d’habitants, le Nigeria échappe en grande partie aux représentations stéréotypées du choc des civilisations. Dans l’immense majorité des cas, chrétiens et musulmans y coexistent pacifiquement – ce qui n’empêche nullement des tensions économiques dues, entre autres, aux différentiels de développement entre le nord et le sud du pays.


L’auteur vient de publier « Déconstruire la guerre », éditions de la Maison des Sciences de l’Homme.

Marc-Antoine Pérouse de Montclos, directeur de recherches, Institut de recherche pour le développement (IRD)

This article is republished from The Conversation under a Creative Commons license. Read the original article.

Belg.: Prêtre, imam et rabbin… Écho (bwatho)

Prêtre, imam et rabbin… Écho

L’affiche était exceptionnelle ! Un prêtre, un imam et un rabbin, réunis autour d’une table, pour une soirée d’échange et de partage. C’est le moment vécu, ce lundi 14 janvier, à l’église Saint-Sébastien de Braine-l’Alleud. Le débat a porté sur les conditions du « vivre ensemble » entre chrétiens, musulmans et juifs.

La paroisse Saint-Sébastien a bien marqué les 50 ans de la construction de son église. Plus de deux cents personnes ont participé à la rencontre inter-religieuse organisée ce lundi 14 janvier 2019.

Sous le label du « vivre ensemble en Belgique », trois orateurs ont pris la parole :
* le grand Rabbin Albert Guigui, de la grande synagogue de Bruxelles
* Hussein Ben Abderahmane, alias Abou Youssouf, imam de la mosquée Al Azhar de Sint-Josse-ten-Noode et
* le père Charles Delhez, jésuite, écrivain, curé de la paroisse Saints-Marie-et-Joseph de Blocry (Louvain-la-Neuve).

Menée sous la forme de question-réponse, par l’abbé Fadi, curé de la paroisse, cette soirée a eu comme premier volet la question de la violence : la violence assez fréquemment imputée aux religions et leurs livres sacrés. Tout en faisant référence à l’actualité, les trois invités ont esquissé les voies d’un meilleur Vivre ensemble.

La place du contexte

Prenant la parole, Albert Guigui a relevé que la violence n’est pas le propre des religions. Les deux plus grandes guerres meurtrières de l’histoire de l’humanité, à elles seules, ont causé près de cent millions de morts. Le message central des religions reste le commandement de l’amour du prochain.

Bien sûr que, dans la Torah ou la Bible, on trouve ici et là des versets violents. Tout cela, après plus de 3000 ans, mérite d’être relu dans le contexte avec un effort d’interprétation. Abondant dans le même sens, Abou Youssouf a indiqué aussi que les musulmans sont appelés à réaliser le même effort. Le radicalisme ainsi que la violence qui leur sont collés sont à comprendre en remontant à l’émergence des Frères musulmans vers 1928. L’utilisation de l’islam à des fins politiques, le refus de la lecture métaphorique, en plus du recul de la spiritualité prônée par le soufisme,… sont autant d’éléments pouvant éclairer la situation actuelle.

Pour sa part, le père Delhez a pointé le manque d’indépendance politique des religions. Vis-à-vis de l’Islam, il parle d’un certain retard de sécularisation, d’une spiritualité ayant davantage fait place au légalisme. Et à la société occidentale, le curé de Blocry reproche son matérialisme.

De fait, il faut retrouver la voie d’une véritable spiritualité. Pour cela, la responsabilité des bergers des communautés est engagée. Leurs prêches et leurs actes comptent.

« Construire ensemble »

Pour tous les conférenciers, sortir de l’instrumentalisation des religions est un enjeu majeur. Prendre conscience de la société actuelle, de notre culture est un appui pour vivre nos religions aujourd’hui, dans ce qui fait leur essentiel.

Par ailleurs, une connaissance mutuelle reste aussi une piste pour que nos religions soient des chemins de sortie de la violence.

Pour le Rabbin Guigui, il faut surtout se démarquer d’un concept piège : la tolérance. Celle-ci implique l’acceptation de l’autre du fait que, bon gré mal gré, il est mon vis-à-vis : cela insinue passivité, résignation. Mieux encore : au « vivre ensemble » qui ne rime pas forcément avec rencontre, échange ou partage, il faut opposer un « construire ensemble ». À la place de l’assimilation -qui peut signifier négation de sa culture ou de ses origines-, le Rabbin a suggéré une intégration dans une société particulière, comme celle de l’Europe, tout en conservant son identité. Là se profile un engagement, une démarche vis-à-vis de l’autre.

Les questions de l’assistance, intervenues à la fin de cette rencontre, n’ont fait qu’appuyer une telle nécessité.

Un vrai chantier ! Et devant un tel chantier, les prêtres, les imams et les rabbins se doivent d’être des constructeurs de ponts.

Le Rabbin Guigui, l’Imam Youssouf et le père Charles ont eu le mérite d’avoir posé les jalons.

Abbé Alfred Malanda

Source : Prêtre, imam et rabbin… Écho