Dialogue interreligieux

« Lorsque nous travaillons pour les âmes, nous ne pouvons user que de persuasion et d'amour... Nous ne pouvons rien faire tant que nous n'avons pas persuadé les gens autour de nous qu'ils sont aimés... » (Cardinal Lavigerie, 1885)

« Nous croyons qu'en toute religion il y a une secrète présence de Dieu, des semences du Verbe qui reflètent un rayon de sa lumière... » (Chapitre 1967)

« Nous célébrons et partageons cette vie avec Dieu lorsque nous allons à la rencontre des cultures et des religions... nous réjouissant de la foi vivante de ces croyants et les rejoignant dans leur quête de la Vérité, cette Vérité qui nous rend tous libres. » (Chapitre 1998)

Missionnaires, nous sommes appelés à faire les premiers pas pour rencontrer les personnes, qu'elles que soient leurs convictions, leur religion.

Au Burkina Faso, cette réalité se traduit surtout dans la rencontre respectueuse et évangélique avec les adeptes des religions traditionnelles et avec les musulmans.

Dans cette rubrique, nous étudierons divers aspects de ces religions, particulièrement de l'islam.

Qu’est-ce que le Congrès des dirigeants religieux, auquel se rend le pape François au Kazakhstan ? 

Explication 

Le pape François participera ce mercredi matin 14 septembre à une prière suivie d’une rencontre avec des responsables religieux au VIIe Congrès des dirigeants des religions mondiales et traditionnelles. Cette instance de dialogue entre les différentes confessions entend promouvoir la paix et le rôle des cultes dans les sociétés.

  • Matthieu Lasserre, 
Qu’est-ce que le Congrès des dirigeants religieux, auquel se rend le pape François au Kazakhstan ?
 
Le congrès des dirigeants des religions mondiales et traditionnelles, en 2018, dans la « Pyramide pour la paix » à Noursoultan, capitale du Kazakhstan.CONGRESS OF LEADERS OF WORLD AND TRADITIONAL RELIGIONS

Rassembler les religions et œuvrer en faveur de la paix. Voilà l’ambitieux objectif affiché par le Congrès des dirigeants des religions mondiales et traditionnelles qui débute ce mercredi 14 septembre à Noursoultan, au Kazakhstan.

Le fait marquant de ce congrès, le septième depuis sa création en 2003, sera la présence du pape François dans la capitale kazakhe pour une prière silencieuse suivie d’une rencontre avec les participants.

Un sommet multiconfessionnel

Fondé par le premier président kazakh Noursoultan Äbichouly Nazarbaïev, lui-même inspiré par la Journée mondiale de prière pour la paix instituée en 1986 par Jean-Paul II à Assise, ce congrès est une instance informelle rassemblant les représentants des organisations catholiques, juives, musulmanes mais aussi zoroastriennes, bouddhistes, taoïstes, protestantes et orthodoxes.

Selon les organisateurs, l’édition 2022 du congrès rassemble quelque 100 participants venant de cinquante pays différents, soit le plus grand nombre d’invités jamais accueillis au sein de l’instance de dialogue. Outre le pape, l’imam Ahmed Al Tayeb, à la tête de l’université cairote d’Al-Azhar, l’une des plus hautes autorités dans l’islam sunnite, sera présent à Noursoultan. Il avait cosigné avec François le Document sur la fraternité humaine en 2019.

Sont également invités le grand rabbin ashkénaze d’Israël David Lau et son équivalent séfarade Yizhak Yosef, ainsi que le métropolite orthodoxe Antoine de Volokolamsk, responsable des relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou. Le pape François aurait pu rencontrer le patriarche de Moscou, Kirill, lors de sa visite apostolique au Kazakhstan, sur fond de tensions provoquées par la guerre en Ukraine. Ce dernier a finalement annulé sa venue au congrès.

De nombreuses organisations civiles et des responsables politiques participent aux échanges. Ce rassemblement a notamment vocation à devenir une « institution interconfessionnelle internationale permanente pour le dialogue des religions et l’adoption de décisions concertées », explique son site Internet.

Plusieurs axes de travail

Les priorités du Congrès, qui se réunit tous les trois ans, sont l’« affirmation de la paix, de l’harmonie et de la tolérance comme principes inébranlables de l’existence humaine »« la réalisation du respect mutuel et de la tolérance entre les religions, les confessions, les nations et les groupes ethniques » et la lutte contre « l’utilisation des sentiments religieux des gens pour aggraver les conflits et les hostilités ».

Réunis dans la « Pyramide pour la paix », un imposant bâtiment en verre faisant face au palais présidentiel et construit pour abriter l’événement, les responsables religieux discuteront mercredi en session plénière de leur rôle dans le monde post-pandémie.

Le lendemain, plusieurs groupes de travail réfléchiront à diverses thématiques, notamment « le rôle de l’éducation religieuse » dans la coexistence des religions et des cultures, « la contribution des dirigeants religieux et des politiciens pour la promotion du dialogue interreligieux » ou « le rôle des religions pour défendre la place des femmes » dans la société.

Un congrès à l’image du Kazakhstan

Pour l’ancien président Noursoultan Äbichouly Nazarbaïev, le Congrès des dirigeants des religions mondiales et traditionnelles se voulait à l’image de son pays. Au carrefour entre l’Orient et l’Occident, proche du monde slave, le Kazakhstan comprend une forte proportion de musulmans : près de la moitié des Kazakhs sont issus de l’islam sunnite et 20 % de l’islam chiite. Une large part de la population reste ancrée dans l’orthodoxie (environ un tiers) mais cette minorité tend à décliner.

En 2003, l’Église catholique s’est montrée particulièrement ouverte à l’idée d’un sommet mondial réunissant plusieurs autorités religieuses. Pour la première édition, Rome avait ainsi envoyé le cardinal slovaque Jozef Tomko pour le représenter. Des cardinaux français, Roger Etchegaray et Jean-Louis Tauran, y ont également mené la délégation vaticane les années suivantes.

Le pape François aux responsables religieux du monde entier : « Ne justifions jamais la violence ! » 

Récit 

Au deuxième jour de son voyage au Kazakhstan, le pape François a lancé, mercredi 14 septembre, un appel à des responsables religieux du monde entier pour que les religions ne conduisent « jamais à la guerre ». Parmi eux, le ministre des affaires étrangères du Patriarcat de Moscou.

  • Loup Besmond de Senneville (envoyé spécial à Noursoultan, Kazakhstan), 
Le pape François aux responsables religieux du monde entier : « Ne justifions jamais la violence ! »
 
Le pape François, à droite, le métropolite Antoine de Volokolamsk, à gauche, et le grand rabbin d'Israël Yitzhak Yosef, au centre, lors du Congrès des dirigeants religieux, à Noursoultan, au Kazakhstan, mercredi 14 septembre 2022.ALEXANDER ZEMLIANICHENKO/AP

La grande salle, avec sa moquette bleu roi au sol, fait penser à celles qui accueillent les sommets internationaux. Mais dans l’immense Palais de l’indépendance de Noursoultan, la capitale kazakhe, c’est un Congrès de responsables religieux que le pape a ouvert, mercredi 14 septembre.

Devant 80 d’entre eux, venus du monde entier, le pape a condamné tout usage de la violence au nom de Dieu. « Ne justifions jamais la violence. Ne permettons pas que le sacré soit instrumentalisé par ce qui est profane », a lancé François, arrivé la veille dans ce pays d’Asie centrale qui compte moins de 1 % de catholiques. « En mémoire des horreurs et des erreurs du passé, unissons nos efforts pour que jamais plus le Tout-Puissant ne devienne otage de la volonté de puissance humaine », a-t-il supplié.

« Que le sacré ne soit pas l’accessoire du pouvoir »

Assis à deux places du métropolite Antoine (Sevriouk) de Volokolamsk, le « ministre des affaires étrangères » du Patriarcat de Moscou, François a rappelé, en des termes plus diplomatiques, ce qu’il avait dit au mois de mars au patriarche Kirill« Que le sacré ne soit pas l’accessoire du pouvoir et que le pouvoir ne soit pas l’accessoire du sacré ! », a imploré le pape.

Au patriarche, avec qui François s’était entretenu en mars, le pape avait affirmé que les responsables religieux ne devaient jamais être « des enfants de chœur » des gouvernants. Le récit que l’évêque de Rome avait fait de cet entretien en mai au Corriere della Sera avait fait bondir le Patriarcat de Moscou.

Sans jamais évoquer explicitement la situation en Ukraine, qu’il a abordée frontalement la veille lors de son discours devant les dirigeants kazakhs, le pape a martelé : « Dieu est paix et conduit toujours à la paix, jamais à la guerre. » Avant d’inviter ceux qui ont pris place autour de la table à réduire les conflits « non pas avec les armes et les menaces, mais avec les seuls moyens bénis du Ciel et dignes de l’homme ».

Le pape, ainsi que les 80 autres responsables religieux présents ont observé, en ouvrant ce VIIe Congrès des dirigeants des religions mondiales et traditionnelles, quelques secondes de silence durant lesquelles ils ont prié « pour la paix ».

« Une purification du mal est nécessaire »

Autre allusion à peine voilée au soutien apporté par les responsables orthodoxes russes à la guerre en Ukraine, François a appelé à « une purification du mal », « nécessaire pour tous et pour chacun ».

« Celui qui permet le mal et ne s’oppose pas au mal ne peut pas être considéré comme un vrai croyant mais, dans le meilleur des cas, un croyant tiède », a souligné François, s’appuyant sur un passage du poète kazakh Abaï (1845-1904).

Haine, fanatisme et terrorisme

Au cours de son discours, durant lequel il s’est alarmé contre « le fléau de la guerre », le pape François a plaidé contre les « conceptions réductrices et destructrices qui offensent le nom de Dieu par les rigidités, les extrémismes et les fondamentalismes, et le profanent par la haine, le fanatisme et le terrorisme ».

De construction de la paix, il a aussi été question dans le discours du représentant du Patriarcat de Moscou. Mais lisant un message du patriarche Kirill, le métropolite Antoine a adopté, pour répondre au pape, un tout autre ton. Développant le thème de la perte des valeurs morales en Occident – une idée portée depuis des années par le Patriarcat de Moscou –, il a apporté, en quelque sorte, une réponse au pape.

« Il y a sans cesse moins d’amour et de compassion » dans la société, a-t-il regretté, en attribuant cet état de fait aux discours de certains médias et à la « falsification des faits historiques ». Sans jamais citer l’Ukraine, la guerre, ni évidemment la responsabilité de l’État russe dans l’ « opération militaire » en cours, selon le vocable local pour qualifier l’attaque contre son voisin occidental, il a aussi déploré « les paroles pleines de haines envers les autres peuples ».

« La polarisation qui touche certains pays (…) est plus forte que jamais », a-t-il estimé, en craignant la « menace de la faim totale » ou encore une possible « catastrophe nucléaire ».

Remous à la tête de l’Union des oulémas, vitrine théologique des Frères musulmans 

Analyse 

Le président de l’Union internationale des savants musulmans (oulémas), le Marocain Ahmed Raïssouni, a démissionné après avoir tenu des propos jugés inacceptables en Algérie et en Mauritanie. La polémique intervient alors que les Frères musulmans, auxquels cette organisation est liée, traversent une période difficile.

  • Benoît Fauchet, 
Remous à la tête de l’Union des oulémas, vitrine théologique des Frères musulmans
 
Le prédicateur marocain Ahmed Raïssouni a démissionné de la présidence de l’Union internationale des savants musulmans (oulémas).ABDELHAK SENNA/AFP

Ses propos s’inscrivant dans la rhétorique expansionniste du « grand Maroc » ont provoqué la fureur de nombreux commentateurs algériens – soutiens du Front Polisario, mouvement indépendantiste sahraoui – et mauritaniens.

Ces dernières semaines, lors d’entretiens accordés aux chaînes maghrébines en ligne Blanca et Awras TV, le prédicateur marocain Ahmed Raïssouni a, pêle-mêle, estimé que « l’existence même de la Mauritanie (était) une erreur », une « invention coloniale », et prévenu que les oulémas (savants musulmans) du royaume chérifien seraient prêts à « marcher sur Tindouf », ville algérienne située non loin du Sahara occidental, si le souverain du Maroc Mohammed VI le leur demandait.

Figure du PJD

Des paroles potentiellement incendiaires dans la région, et qui ont pu surprendre. Car Ahmed Raïssouni, 69 ans, n’est pas qu’un théologien marocain éminent, considéré comme l’idéologue du Parti de la justice et du développement (PJD), islamiste et conservateur. Il était surtout, jusqu’à dimanche 28 août, le président de l’Union internationale des savants musulmans (UISM), organisation basée à Doha (Qatar) qui fait office de vitrine théologique de l’islam politique prôné par la confrérie d’origine égyptienne des Frères musulmans.

Ulcérée, l’Association des oulémas algériens a annoncé le gel de sa participation à l’UISM, dans l’attente d’« excuses claires, nettes et précises » de la part d’Ahmed Raïssouni ou de « sa démission pure et simple ». Son homologue mauritanienne s’est, elle, contentée d’indiquer que son « respect pour les frères du Royaume du Maroc ne (pouvait) se faire au détriment de la souverainetémauritanienne ».

« Liberté d’expression »

Manifestement contrarié, le cheikh qatari – d’origine kurde irakienne – Ali Al-Qaradaghi, secrétaire général de l’UISM, a souligné que le président Raïssouni s’était exprimé « en son nom propre », tout en estimant que ses propos posaient « problème ». L’intéressé a préféré démissionner plutôt que de s’excuser, défendant « sa liberté d’expression sans conditions ni pressions », dans un communiqué diffusé dimanche 28 août.

Le Qatar, émirat protecteur des Frères musulmans, aurait-il poussé Ahmed Raïssouni vers la sortie, notamment pour ménager ses relations avec l’Algérie ? C’est une possibilité que n’écarte pas Haouès Seniguer, spécialiste de l’islamisme. « Le Qatar est un soutien indéfectible des organisations islamistes légalistes. Mais il est aussi soucieux de ses bonnes relations interétatiques, indique à La Croix ce politiste. En fonction des intérêts, l’idéologie passe au second plan. »

« Crise depuis un moment »

Fondée en 2004 par Youssef Al-Qaradawi, théologien « frériste » de référence aujourd’hui affaibli (95 ans) et persona non grata dans de nombreux pays, l’UISM a fort à faire pour concourir au leadership sur le sunnisme, face à des institutions comme la Ligue islamique mondiale (saoudienne) ou le grand imam d’Al-Azhar (égyptien), qui vilipendent la dangerosité de son islamisme.

L’organisation se serait bien passée de la démission de son président alors que les Frères musulmans, de l’Égypte au Maroc en passant par la Tunisie, « vivent une crise depuis un moment », soulignent Haouès Seniguer.

Pour autant, l’UISM devrait survivre au départ d’Ahmed Raïssouni, commente le politologue. « Il y a de la ressource au sein de cette organisation, où d’autres acteurs bénéficient d’un capital symbolique fort auprès de beaucoup de musulmans observants. »

Rencontrez les « grands de ce monde » et les « petits », demande le pape François aux cardinaux 

Reportage 

Le pape François a créé samedi 27 août à Rome vingt nouveaux cardinaux dont le profil international est particulièrement marquant. Au cours d’un discours exigeant, il les a encouragés à être attentifs au monde qui les entoure.

  • Loup Besmond de Senneville (à Rome), 
Rencontrez les « grands de ce monde » et les « petits », demande le pape François aux cardinaux
 
Le pape François parle à Mgr Jean-Marc Aveline après l’avoir créé cardinal au cours d’un consistoire, samedi 27 août à la basilique Saint-Pierre de Rome (Vatican).ALBERTO PIZZOLI/AFP

« Puis-je compter sur toi ? » C’est avec cette question, lancée comme un défi, que le pape François a conclu, samedi 27 août à Saint-Pierre de Rome, son homélie. Devant lui, près de 200 cardinaux, dont 19 auxquels François s’apprêtait à remettre la barrette rouge, signe de leur appartenance au Collège cardinalice. Le vingtième, le Ghanéen Richard Kuuia Baawobr, a dû être hospitalisé la veille, après son arrivée à Rome.

À ceux qui allaient devenir cardinaux dans quelques minutes, tout comme à ceux vêtus de rouge depuis plusieurs décennies, le pape a adressé un discours exigeant, à l’image de sa conception de leur rôle. Brossant un portrait-robot loin de l’image d’Épinal des cardinaux, hommes de pouvoir ayant pour tâche d’élire parmi eux le futur pape.

« Un cardinal aime l’Église », leur a lancé François. « Toujours avec le même feu de l’Esprit. En traitant les grandes questions, comme en s’occupant des petites ; en rencontrant les grands de ce monde, comme les petits, qui sont grands devant Dieu. »

Internationalisation du Collège cardinalice

Dans une basilique Saint-Pierre où s’était pressée la foule des grands jours, mêlant cardinaux, évêques, ambassadeurs du monde entier ainsi que des fidèles venus des pays des nouveaux cardinaux, le pape a souligné qu’« un homme au zèle apostolique est poussé par le feu de l’Esprit à prendre courageusement soin des choses, grandes comme petites ». À l’image du cardinal Agostino Casaroli, diplomate ayant servi sous Jean-Paul II, admiré du pape François, et qui consacrait aussi du temps à visiter des prisonniers.

Au cours de la cérémonie, marquée par une forme de sobriété, le pape François a remis la barrette pourpre à chaque nouveau cardinal, venu s’agenouiller devant lui. L’occasion, aussi, d’échanger quelques mots avec ces hommes qui venaient de rejoindre le Collège des conseillers du pape. « Tout à l’heure, quand le pape m’a remis la barrette, il m’a dit : “Et surtout, reste avec le peuple” », a affirmé, dans la soirée, le nouveau cardinal Jean-Marc Aveline.

Auparavant, l’archevêque de Marseille était allé, avec les autres nouveaux cardinaux, saluer Benoît XVI, 95 ans. Le pape émérite les avait reçus, en compagnie de son successeur, au monastère Mater Ecclesiae, comme il le fait après chaque consistoire depuis le début du pontificat de François.

Une « bonne nouvelle » pour l’Église en France

Le cardinal Aveline était venu accompagné d’une délégation de 300 personnes depuis la Cité phocéenne, dont le maire de Marseille, Benoît Payan. L’élu socialiste a croisé à la basilique Saint-Pierre le ministre français de l’intérieur, Gérald Darmanin, venu conduire la délégation française pour l’occasion.

Au cours d’une réception qui a eu lieu à la Villa Bonaparte, ambassade de France près le Saint-Siège, le ministre a dit partager avec les catholiques français « le souci de l’autre, le souci du frère » et l’attention à « l’altérité ». Devant lui, beaucoup de responsables catholiques français se réjouissaient de la « bonne nouvelle » de cette création d’un cardinal français. En contraste, glissaient certains, avec une année difficile pour l’Église en France, marquée par le rapport de la Commission indépendante de lutte contre les abus sexuels dans l’Église (Ciase), mais aussi les récents débats internes sur le Synode ou les migrants.

Surtout, certains ne cachaient pas compter sur le nouveau cardinal marseillais, qui se rendra désormais tous les 15 jours à Rome pour siéger au dicastère pour les évêques, dont il est membre, afin de renforcer l’influence française au Vatican.

En créant 20 nouveaux prélats, le pape François poursuit l’internationalisation du Collège cardinalice. Un caractère universel qui est apparu comme une évidence un peu plus tôt dans la matinée, samedi, quand une majorité des nouveaux cardinaux se sont présentés devant la presse.

Venus des quatre coins du monde

Parmi eux, Mgr Giorgio Marengo, le préfet apostolique d’Oulan-Bator (Mongolie), devenant à 48 ans le plus jeune cardinal de l’Église, a enchaîné pendant près de deux heures les entretiens devant les caméras du monde entier. « Je viens d’un pays qui ne compte que 1 450 catholiques », a-t-il affirmé. « Ce pays, qui n’a plus d’expérience chrétienne directe, a quelque chose à dire à l’Église universelle. »

Ce missionnaire de la Consolata est apparu comme un symbole de ces cardinaux venus des quatre coins du monde, y compris depuis ses périphéries les plus éloignées. Il a décrit sa stupeur, à l’annonce de son cardinalat, alors qu’il se trouvait à Rome avec des responsables bouddhistes de son pays. Celui qui pourra prendre part à des conclaves ces 32 prochaines années, jusqu’à l’âge canonique de 80 ans, a aussi dit considérer son rôle de benjamin du Collège cardinalice comme « un appel dans l’appel » à être cardinal.

Venu du même continent, Lazzaro You Heung-sik, le préfet, de nationalité coréenne, du dicastère pour le clergé, a quant à lui évoqué l’importance du dialogue avec la Chine, redisant la disponibilité du pape à se rendre à Pékin – « il suffit que le gouvernement chinois l’invite, il est prêt » –, mais aussi en Corée du Nord, où François a redit dans une interview diffusée le 27 août son désir de s’y rendre aussitôt que possible.

Réfléchir au rôle de l’Église dans un monde complexe

Ces nouveaux cardinaux ont en quelque sorte offert un tour du monde saisissant des défis de l’Église catholique. Loin des querelles de chapelle et des batailles idéologiques. C’est en particulier le cas de ceux venus d’Amérique latine, comme l’archevêque émérite de Carthagène, le Colombien Jorge Enrique Jiménez Carvajal. Lui a évoqué le rôle de l’Église catholique dans « ce monde en plein bouleversement », notamment depuis la pandémie de Covid-19. Soulignant en particulier la responsabilité de l’Église vis-à-vis des peuples d’Amérique latine.

Cette voix sociale est aussi portée par le cardinal brésilien Leonardo Ulrich Steiner, archevêque de Manaus, qui a fustigé devant les micros et les caméras les dérives de l’économie libérale, faisant penser aux positions économiques souvent exprimées par François depuis le début de son pontificat.

Ces cardinaux du monde entier doivent désormais se réunir autour de François, lundi 29 et mardi 30 août. L’occasion d’étudier la nouvelle Constitution de la Curie, à l’invitation du pape, mais aussi de se rencontrer et faire connaissance. Une nécessité, souligne aussi le cardinal colombien Jiménez Carvajal, pour réfléchir au rôle de l’Église « dans un monde si complexe et difficile ».