Vu au Sud - Vu du Sud

Tchad: la lutte antiterroriste au menu
de la ministre française des Armées

Florence Parly auprès des forces françaises de l'opération Barkhane, en 2017 (image d'illustration).
© RFI/Olivier Fourt

Florence Parly, la ministre française des Armées, est à Ndjaména au Tchad. Un déplacement purement sécuritaire consacré à la lutte contre le terrorisme dans la région du lac Tchad et au Sahel.

Après le Niger et le Burkina Faso en juillet 2018, Florence Parly, la ministre de la Défense française arrive à Ndjaména pour poursuivre des discussions en vue de « l’appropriation des opérations de sécurité par les Africains eux-mêmes ». En plus de la visite aux militaires français de l’opération Barkhane, Florence Parly aura des échanges avec le chef de l’Etat tchadien, Idriss Déby Itno, et son ministre déléguè à la Défense, Bichara Issa Djadallah.

Problèmes de financement pour le G5 Sahel

La montée en puissance du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad) sera au centre des discussions. Confrontée à des difficultés de financement, la coalition des cinq pays du Sahel peine à remplir convenablement sa mission. En témoignent les attaques récurrentes contre ses positions, notamment au Niger, au Mali et au Burkina Faso.

Lutte contre Boko Haram

Le Tchad, relativement épargné au Sahel, est par contre engagé sur un autre front, celui de la lutte contre Boko Haram. Vaincu militairement il y a deux ans, le mouvement islamiste semble avoir retrouvé des capacités opérationnelles. En témoignent les attaques dans les quatre pays riverains du lac Tchad ces derniers mois. Pour faire face à ces défis, les pays africains ont besoin du soutien financier et diplomatique de la communauté internationale, et c’est la raison de cette visite.

Après Florence Parly, le président français Emmanuel Macron se rendra lui aussi au Tchad. Un déplacement prévu à Noël lors duquel il devrait rencontrer des soldats français déployés sur place et s'entretenir avec le président Idriss Déby.

Burkina : un nouveau front à l’Est

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Dans la partie orientale du pays, les attaques des groupes jihadistes se multiplient. Comment l’armée, déjà engagée dans le Nord, compte-t-elle y faire face ?

Sans doute aurait-il préféré avoir l’esprit plus tranquille pour son premier voyage officiel en Chine. Au début de septembre, alors qu’il enchaîne les rencontres avec dirigeants et hommes d’affaires de l’empire du Milieu, Roch Marc Christian Kaboré ne cesse de recevoir des nouvelles alarmantes du pays.

Depuis quelques jours, les attaques se multiplient dans la région de l’Est, frontalière du Niger, du Bénin et du Togo. Une, en particulier, a profondément choqué les Burkinabè : la mort de sept soldats, le 28 août, tués par une mine artisanale au sud de Fada N’Gourma.


>>> À LIRE – Burkina : les autorités confrontées à un nouveau défi sécuritaire dans l’Est


« Trop, c’est trop ! », s’agace le chef de l’État en privé. Avant de prendre place à bord du Pic de Nahouri pour rentrer à Ouagadougou, il décide de réunir un conseil supérieur de défense dès le lendemain de son arrivée.

Président et chef de guerre


Vincent Fournier pour JA

Ce 8 septembre, tous les responsables militaires et sécuritaires sont donc convoqués au palais de Kosyam. Face aux haut gradés et à ses collaborateurs, Kaboré se montre très impliqué, étudiant les cartes, évoquant les différents moyens de riposte, allant jusqu’à préconiser les unités ou armements à utiliser en fonction du terrain. Grâce aux informations récoltées par les agents de l’Agence nationale du renseignement (ANR), des bases de jihadistes présumés sont localisées dans les zones forestières de Pama et Gayeri. Ordre est donné de lancer une grande opération dès que possible.

 Roch se serait-il transformé en chef de guerre ? Ses proches sont plusieurs à le penser

Dans les jours qui suivent, des avions de chasse décollent de Ouaga en direction de l’Est et ciblent les lieux repérés. Au sol, environ 700 militaires, dont des hommes du 25e régiment de parachutistes de Bobo-Dioulasso, sont mobilisés. Dans le laconique communiqué de l’armée revenant sur cette opération inédite, pas un mot sur d’éventuelles victimes.



À l’image de son ex-homologue français François Hollande, le flegmatique « Roch » se serait-il transformé en chef de guerre ? Ses proches sont plusieurs à le penser.

Confronté au premier attentat de masse de l’histoire du Burkina seulement deux semaines après son entrée en fonction – le 15 janvier 2016, un commando jihadiste avait tué une trentaine de personnes à Ouagadougou –, le successeur de Blaise Compaoré doit, depuis, gérer les attaques à répétition menées contre des civils et les forces armées, en plein cœur de la capitale, dans le Nord et maintenant à l’Est…

« Au fur et à mesure, il s’est spécialisé sur ces enjeux sécuritaires. Aujourd’hui, il les maîtrise complètement et sait comment y répondre », assure un de ses fidèles. Son entourage ajoute qu’il a « parfaitement pris la mesure de ce qui se passe dans l’Est » et qu’il suit ce dossier de manière quotidienne. « Il a en outre décidé que le conseil supérieur de défense se tiendrait désormais tous les quinze jours et jusqu’à nouvel ordre », précise Rémi Dandjinou, le ministre de la Communication.

Un situation qui n’a cessé de se dégrader

Certains estiment néanmoins que la réaction présidentielle a été tardive. Voilà en effet longtemps que la menace d’un nouveau front se dessine dans l’Est. Les premiers signalements dans la zone remontent à la fin de l’année 2015. Et depuis le mois de février dernier, la situation n’a cessé de se dégrader.

Les autorités ont longtemps laissé traîner le problème avant de s’y attaquer

Dans un discours à l’Assemblée nationale, le Premier ministre Paul Kaba Thiéba a lui-même reconnu que celle-ci était devenue « préoccupante », indiquant qu’en sept mois, 23 personnes (18 militaires ou paramilitaires et 5 civils) avaient été tuées dans 22 « attaques terroristes » à travers la région.

Certes, l’armée a bien tenté des opérations de ratissage, comme en mars dans la brousse d’Ougarou ou en avril dans les forêts de Nakortougou et Foutouri, mais elles n’ont visiblement rien donné. « Les autorités ont longtemps laissé traîner le problème avant de s’y attaquer, un peu comme elles l’avaient fait dans le Nord », déplore une source occidentale.

« C’est faux, rétorque un collaborateur du président Kaboré. Il y a des casernes militaires dans l’Est. Au début, nous pensions que ces effectifs suffiraient. Mais la montée en puissance de la menace nous a conduits à réévaluer nos moyens de riposte. »

Sunday Alamba/AP/SIPA

En réalité, c’est surtout la capacité de l’armée à tenir plusieurs fronts qui pose aujourd’hui question. L’important effort consenti depuis deux ans pour sécuriser le nord frontalier du Mali, où 1 300 militaires (sur environ 12 000 hommes) ont été envoyés en renfort, a réduit les effectifs ailleurs.



Soumis à une pression militaire accrue dans la zone dite des « trois frontières » (Burkina-Mali-Niger), des jihadistes qui y opéraient ont contourné le dispositif et se sont engouffrés dans la brèche ouverte à l’Est. Ils y ont trouvé de nombreux avantages : peu d’habitants, une faible présence étatique, et des forêts plutôt denses et giboyeuses, où il est possible de se cacher et de chasser.

Riposte inévitable

Bien que les attaques aient diminué après les grandes opérations de ratissages menées au début de septembre, les autorités ne se font aucunes illusions sur le fait qu’elles sont engagées dans un combat de longue haleine. « Les groupes qui y étaient implantés vont forcément essayer de revenir, explique un haut gradé. Face à ces ennemis très mobiles, qui maîtrisent les techniques de guérilla et qui se fondent dans la population, nous devons adapter notre stratégie. »

Dans cette guerre asymétrique, les capacités en renseignement sont primordiales. Les autorités burkinabè le savent et ont sollicité les moyens de surveillance aériens des Français de l’opération Barkhane pour épier les vastes zones boisées de l’Est.

« Cette riposte militaire est inévitable, poursuit un collaborateur de Kaboré. Mais le président a toujours dit que ce n’était pas la seule solution pour lutter contre les groupes jihadistes qui nous attaquent. »

Dans le Nord, il a ainsi lancé un Programme d’urgence pour le Sahel de 455 milliards de F CFA (693 millions d’euros) pour accélérer le développement de cette région isolée. Reste à savoir si un tel effort financier sera fait pour l’Est, alors que Kaboré est confronté à de nombreux autres défis économiques et sociaux.


Ennemis invisibles

Aucune attaque revendiquée. Pas de déclaration ni d’images sur lesquelles travailler. Comme le concède un officier, les services burkinabè n’ont que « peu d’informations » sur les « ennemis invisibles de l’Est ». On sait toutefois qu’il s’agirait de jihadistes descendus du Soum et/ou de la « zone des trois frontières ».

À leur tête, deux chefs présumés : l’un lié au groupe burkinabè Ansarul Islam, l’autre un temps actif au Mali sous la bannière de l’ex-Mujao [Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest]. Dans leurs rangs : une majorité de Burkinabè, des Maliens et des Nigériens. Selon un membre des services de renseignements, ils seraient aussi venus pour « couvrir » les différents trafics (carburant, cigarettes, drogue…) qui remontent depuis les pays côtiers vers le Sahel. Ils collaborent ainsi avec les trafiquants et bandits locaux, qui prospèrent depuis longtemps dans cette région de l’Est, connue pour être l’une des plus criminogènes du Burkina.

Niger: inquiétude sur les cas de paludisme
et de malnutrition infantile

Au Niger les cas de malnutritrion infantile et de paludisme chez les enfants seraient en hausse selon l'Unicef.
© EC/ECHO/Anouk Delafortrie

Au Niger, les autorités ont démenti samedi 29 septembre un communiqué alarmiste de Médecin sans frontières (MSF) sur la mortalité infantile dans le sud du pays. L'ONG alerte sur les cas de paludisme et de malnutrition chez les enfants. Une inquiétude que partage l'Unicef.

Mardi, l'ONG Médecins sans frontières a affirmé que dix enfants de moins de cinq ans décèdent chaque jour dans son centre de santé de Magaria, dans la région de Zinder.

Vendredi, Djermakoye Hadiza, responsable du programme gouvernemental de lutte contre le paludisme a affirmé au contraire que seuls 67 décès liés au paludisme avaient été recensés à Magaria depuis le début de l'année.

L'agence des Nations unies, l'Unicef, quant à elle, reconnait une hausse de la mortalité infantile liée au paludisme et à la malnutrition, dont les causes sont complexes et encore mal identifiées.

Il y a une augmentation de 45% des enfants qui souffrent de paludisme pendant le mois d’août. Le district sanitaire a reçu 19 444 enfants. On voit quand même qu’il y a une détérioration de la situation. Beaucoup de ces cas arrivent tard, en comparaison de l’année dernière. (…) Et la prise en charge de la malnutrition aiguë modérée, c’est-à-dire avant que les cas deviennent sévères, n’est plus opérationnelle.
Félicité Tchibindat

Recrudescence des attaques de Boko Haram
au Tchad

Les environs du lac Tchad sont régulièrement la cible d'attaques de Boko Haram, comme ici à Ngouboua, en avril 2015.
© AFP PHOTO / PHILIPPE DESMAZES

Une attaque d'éléments de Boko Haram dans la nuit de vendredi 28 à samedi 29 septembre a fait six morts sur la rive nord du lac Tchad, et dix-sept jihadistes abattus. Cette attaque illustre une recrudescence des actions des islamistes qui semblaient avoir été défaits il y a deux ans, même si le Tchad est relativement épargné.

C’est la troisième incursion jihadiste sur le territoire tchadien en quatre mois. Dans la nuit de vendredi à samedi, les localités de Moussarom et Ngueleya, sur la rive nord du lac Tchad, dans l'ouest du pays, ont été attaquées. On dénombre six morts du côté des loyalistes. Ce sont des militaires, des douaniers et des agents des Eaux et Forêts. La contre-offensive des forces tchadiennes leur a permis d’abattre dix-sept jihadistes.

Dernière attaque fin juin

La dernière attaque de jihadistes dans le territoire tchadien remonte à la fin juin. Dix-huit paysans qui avaient tenté de regagner leur village avaient été égorgés, obligeant les autorités à faire remonter le niveau d’alerte qui avait considérablement baissé.

Boko Haram s'est-il reconstitué ?

Après la fin de la campagne militaire contre Boko Haram il y a deux ans, les observateurs avaient indiqué que la secte, vaincue militairement et en proie à des dissensions, avait perdu en capacité de nuisance. Mais depuis six mois, la fréquence des attaques dans les quatre pays riverains du lac Tchad (Cameroun, le Niger, le Nigeria et le Tchad) laisse penser, selon le même spécialiste, que le mouvement jihadiste qui contrôle encore des territoires a eu le temps de se reconstituer.

Mali: le quartier général du G5 Sahel
déménagé de Sévaré à Bamako

L'entrée du désormais ancien quartier général du G5 Sahel à Sévaré.
© REUTERS/Aaron Ross

Le quartier général de la force conjointe du G5 Sahel au Mali a déménagé, a indiqué l'état-major français vendredi 28 septembre, dans un communiqué. Installé à Sévaré, dans le centre du pays, il avait été complètement détruit fin juin par une attaque jihadiste. Une décision à la portée symbolique forte mais à l'impact opérationnel limité.

Le nouveau commandant de la force du G5 Sahel, le général mauritanien Hanena ould Sidi, aurait donc demandé son transfert à Bamako, la capitale malienne, à 600 kilomètres au sud de l'ancien poste de commandement.

Vendredi 29 juin dernier, à quelques jours de la date anniversaire de lancement du G5 Sahel, un pick-up piégé fonce à toute allure contre le PC de Sévaré. L'explosion souffle le bâtiment et l'assaut fait trois morts.

Le jour de l'attentat a été une journée terrifiante pour les populations.
Les habitants de Sévaré partagés sur ce départ
 

C'est à dessein que les terroristes ont choisi de frapper trois jours avant la visite d'Emmanuel Macron à Nouakchott en Mauritanie. Un joli pied de nez au président français et à ses partenaires dans la lutte contre le terrorisme.

Une reculade ?

Dans ce contexte, le déménagement du PC de Sévaré pourrait ressembler à une véritable reculade. « Pas du tout, répond un responsable militaire. Le poste de commandement de Sévaré a été en partie détruit, il faut le reconstruire. En attendant, c'est plus pratique de s'installer ici. »

En réalité, choisir Sévaré était un pari risqué. Au cœur du Mali, à la croisée des zones d'influence de trois groupes jihadistes différents, à quelques kilomètres seulement des frontières mauritaniennes et burkinabè, Sévaré se trouve dans l'œil du cyclone. Or le PC n'est pas une place forte militaire d'où les contingents sont déployés. Il s'agit d'un quartier général, avec du matériel dernier cri et des techniciens de haut niveau qui se trouveront sans doute aussi bien à Bamako.

D'après l'état-major français, le général Hanena ould Sidi, commandant de la force, y a déjà installé son équipe et entend « reprendre les opérations dans le meilleur délai. » Discret comme son prédécesseur, le général Didier Dacko, qu'il a remplacé après l'attaque de Sévaré, de Bamako, l'homme qui fut le chef d' état-major de l'armée malienne dirigera un staff d'une centaine de militaires originaires de cinq pays membres du G5 (Mali, Niger, Mauritanie, Tchad et Burkina Faso).

Depuis sa création, la force n'a véritablement pas mené de combats corps-à-corps sur le terrain avec des groupes jihadistes. 80 % des 5 000 hommes sont déjà mobilisés, mais c'est seulement sur papier que le financement est bouclé.