Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

« Des consensus sur l’écologie sont possibles »

 
entretien
  • Laurence De NervauxDirectrice du laboratoire d'idées et d'actions Destin Commun

Une importante majorité des Français se sent aujourd’hui concernée par les questions environnementales, sans pour autant tous avoir les mêmes attentes. L’étude menée par le think tank Destin Commun distingue ainsi six profils de citoyens. Sa directrice, Laurence de Nervaux analyse les points de convergence possibles sur ce sujet qui divise.

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  • Recueilli par Quentin Le Van, 
« Des consensus sur l’écologie sont possibles »
 
73 % des Français se disent prêts à la sobriété selon l’étude de Destin Commun.LOÏC SÉCHERESSE

La Croix L’Hebdo : À lire votre travail, le cliché d’une population française frileuse sur écologie serait infondée ?

Laurence de Nervaux: Oui, c’est faux ! Dans notre étude, nous observons que 87 % des Français considèrent la question de l’environnement et du changement climatique comme importante. La nuance, c’est qu’ils ne se considèrent pas tous comme écologistes, malgré leurs pratiques. Un exemple m’a marquée, une femme qui nous disait : « Moi, j’ai acheté un vélo électrique pour faire des économies sur l’essence, je fais mes courses avec le souci de ne pas gaspiller et avec l’argent économisé, je me suis acheté un bac à compost. Attention, je n’ai pas dit que j’étais écolo, moi je fais des économies. »

Pour nous, cela montre deux points. Premièrement, l’étiquette d’écologiste braque encore les gens. Deuxièmement, il est possible de parler changement climatique à n’importe qui, mais il faut s’adapter à la réalité de chacun. Certains, par exemple, seront plus à même de parler climat si on le lie aux problématiques de pouvoir d’achat.

Pour mieux cerner ces motivations, vous avez distingué six « familles » au sein de la population française. Quelles sont-elles ?

L. de N. : D’abord, il y a les « militants désabusés ». Des profils plutôt jeunes et très ancrés à gauche, engagés sur les questions climatiques, mais marqués par une forme de pessimisme, conscients que leur vision du monde et de l’action est minoritaire dans la société. Ensuite, les « stabilisateurs », des modérés assez engagés au niveau local et très sensibles à la cohésion de la société, ou encore les « libéraux optimistes », des citoyens ayant pour boussole l’économie, le travail et la réussite individuelle. Résumé grossièrement, ça peut aller du chauffeur Uber au tradeur.

Et les trois autres ?

L. de N. : Il y a également les « attentistes », plutôt désengagés et davantage centrés sur le cocon familial que sur le collectif, et les « identitaires », qui cette fois sont portés par une vision pessimiste et décliniste de la société française, défiants vis-à-vis de l’immigration et des élites. Pour reprendre leurs termes : « L’ennemi du dehors et l’ennemi du dedans. » Enfin, il y a les « laissés-pour-compte », majoritaires dans la société française. Un groupe en colère qui se sent abandonné, exclu du système, victime d’incompréhension, voire de mépris.

Je précise toutefois que ces six familles ne sont pas des groupes sanguins ! Mais des catégories types, qui ont avant tout valeur d’indicateur. Nous veillons d’ailleurs à mettre à jour ces profils régulièrement, afin qu’ils restent cohérents avec les évolutions de la société.

Justement, quelle est la base méthodologique de votre enquête ?

L. de N. : Nous voulions nous émanciper des grilles de lecture traditionnelles des sondages et ne pas seulement prendre en compte l’âge ou les revenus des sondés. L’étude se fonde ainsi sur une méthode élaborée par Destin commun en 2019. Plusieurs dizaines d’indicateurs inspirés de la psychologie sociale sont utilisées, tout comme la théorie des fondements moraux de Jonathan Haidt. Concrètement, cela consiste à intégrer dans nos travaux des questions aussi diverses que le rapport à l’autorité, au pessimisme, à l’optimisme, la perception de la menace, etc.

Entre « militants désabusés » et « identitaires », tout un système de valeurs s’oppose. Pensez-vous vraiment qu’un récit commun puisse réconcilier ces six familles ?

L. de N. : Nous restons pragmatiques. Penser que tout le monde peut être d’accord est effectivement illusoire. Mais au-delà des points de division, nous cherchons à discerner les préoccupations communes de ces groupes. Car en l’occurrence, ces six familles se sentent concernées par la crise environnementale, il y a donc des possibilités de consensus. Sur le problème des passoires thermiques, par exemple ; ou des publicités lumineuses la nuit.

La polarisation sur l’environnement serait donc moins forte qu’il n’y paraît ?

L. de N. : Difficile à dire. En sciences sociales, il y a deux types de polarisation. La première est idéologique, elle renvoie à l’écart plus ou moins important dans le spectre des idées sur une même thématique – cette polarisation a tendance à se réduire depuis la fin des années 1980 et le déclin du communisme en Europe. La seconde est affective : le fait de plus ou moins bien tolérer les partis et les idées adverses. Elle, pour le coup, a tendance à augmenter.

Comment l’expliquer ?

L. de N. : Les réseaux sociaux font évidemment partie du problème. Le fonctionnement même des algorithmes encourage cette polarisation des opinions et la culture du clash n’aide pas. Mais d’autres éléments entrent en ligne de compte. Par exemple, la nature du débat public aujourd’hui. Les sujets économiques y ont une place plutôt réduite, contrairement aux sujets sociétaux. Or, ces derniers jouent beaucoup plus sur les conflits de valeurs, car nous avons chacun des convictions intimes en la matière.

Votre étude indique que 73 % des Français se disent prêts à la sobriété. Un résultat inattendu, sur un sujet qui, justement, semble cliver…

L. de N. : Avoir une consommation plus sobre est une idée que les Français sont désormais majoritaires à accepter, même dans l’électorat d’extrême droite : 60 % chez les électeurs de Marine Le Pen, 54 % chez ceux d’Éric Zemmour. C’est l’un des enseignements importants de notre travail. D’autant qu’il n’y avait pas de confusion possible sur la définition du terme : la notion de sobriété était explicitement présentée aux sondés comme le fait de consommer moins.

Pourtant, l’actualité ne cesse de nous rapporter des points de crispation en France autour de ces questions…

L. de N. : Même si la sobriété n’est plus un horizon repoussoir, il reste évidemment des points de crispation. Dans notre étude, les témoignages des « attentistes » ou des « laissés-pour-compte » révèlent souvent un sentiment d’impuissance, par exemple. Une distinction très importante est à faire entre la sobriété choisie et la sobriété subie !

On l’a vu avec le chauffage à 19 °C. Plusieurs personnes nous ont dit : « La maison, c’est le seul endroit où on a encore le droit de décider ce que l’on fait. » Se voir imposer un certain nombre de contraintes dans cet univers-là, sur le chauffage notamment, est vécu comme une dépossession, une atteinte à la liberté. Nous avons baptisé ce phénomène la crainte de perte de souveraineté domestique.

Selon vous, ces observations sont-elles suffisamment prises en compte par la sphère politique ?

L. de N. : Nos dirigeants ne prennent pas assez en considération les indicateurs psychosociaux. Il faudrait un travail de formation approfondi sur les chantiers environnementaux. Y compris à l’échelle locale. Les conflits se multiplient sur le terrain, autour de l’accès à l’eau, de l’éolien. Il faut renouveler les méthodes de négociation autour de ces sujets. La préservation du lien social est en jeu.

Vous parlez d’éolien… Votre étude indique que préserver la beauté des sites naturels est un levier important dans la motivation des Français à « protéger l’environnement et à lutter contre le changement climatique ». Pourtant, l’éolien joue aussi un rôle important dans la plupart des scénarios de transition énergétique. N’y a-t-il pas contradiction ?

L. de N. : Vous avez raison, l’éolien est un bon exemple de contradiction entre les mots et les actes. Vouloir tirer profit d’une infrastructure tout en refusant de subir de potentielles nuisances, cela s’appelle le syndrome Nimby, pour « not in my backyard » (pas dans mon arrière-cour, NDLR). Ce phénomène a déjà été observé pour le TGV ou les centrales nucléaires, et il ne faut pas sous-estimer la valeur accordée à la beauté et la préservation des sites naturels. Si c’est une façon de motiver l’engagement écologique des Français, il faut la prendre en compte. Dans notre mix énergétique, en privilégiant par exemple des solutions à moindre impact sur les paysages.

Construire du consensus sur l’environnement, est-ce suffisant face aux défis qui sont devant nous ?

L. de N. : Évidemment, les institutions et les acteurs économiques, comme les entreprises ou la finance, ont une grande part de responsabilité. Certainement la plus importante. Mais il faut reconnaître le rôle de chacun. Les gestes individuels ne suffiront pas, mais ils permettent de raccrocher les gens au collectif, à un effort commun. C’est fondamental, car cela tisse du lien social.

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L’invitée

Laurence de Nervaux est directrice de Destin commun, un think tank français dont la mission est de « redonner au commun le goût de l’évidence », en travaillant sur les sujets qui nous divisent et polarisent la société, mais aussi sur ceux qui peuvent nous rassembler. Diplômée de Sciences Po Paris et de l’ENS, elle travaillait auparavant à la Fondation de France, la plus grande fondation philanthropique de l’Hexagone.

Le propos

Dans le cadre de son programme Parlons climat, Destin commun réalise une série d’études consacrées aux rapports entre la crise climatique et la société française. Parmi celles-ci, « Environnement, crise climatique : l’opinion des Français, au-delà des clichés », explore la façon dont l’écologie est désormais une préoccupation partagée par une immense partie de la population, mais reste un objet de tensions entre les différentes « familles » de Français, identifiées par le think tank.

Au Mali, Ben le Cerveau envoyé en prison après avoir critiqué les autorités de transition

Figure médiatique pro-transition, le chef du mouvement Yerewolo – Debout sur les remparts a été interpellé lundi 4 septembre et placé sous mandat de dépôt. Il venait de se prononcer publiquement contre un prolongement de la transition.

Mis à jour le 5 septembre 2023 à 17:59
 

 

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Adama Diarra alias « Ben le Cerveau », fondateur du mouvement « Yerewolo », lors d’une manifestation contre la présence militaire française au Mali, à Bamako, le 19 février 2022. © Paloma Laudet

Ce mardi 5 septembre, Adama Ben Diarra, soutien affiché du président Assimi Goïta et membre du Conseil national de transition (CNT), aussi connu pour ses prises de positions pro-russes et anti-françaises, a été placé sous mandat de dépôt par le parquet du tribunal de la Commune VI de Bamako pour « atteinte au crédit de l’État ». Il séjournera à la Maison centrale d’arrêt de Bamako dans l’attente son procès, prévu vendredi 8 septembre à 10h (locale).

À LIREMali : Ben le Cerveau, l’homme qui veut voir les Russes à Bamako

Il a été interpellé après avoir invité, sur différents médias maliens, Assimi Goïta à respecter le calendrier de la transition qui prévoit une élection présidentielle en février 2024. Il s’en serait également pris à une autre (puissante) figure de la junte au pouvoir : le colonel Modibo Koné, le patron de la Sécurité d’État (SE, les services maliens de renseignement).

Soutien aux putschistes du Niger

C’est à la sortie du cimetière de Hamdallaye, au nord de Bamako – dans lequel reposent les anciens présidents Modibo Keïta, Moussa Traoré et Amadou Toumani Touré – qu’a été arrêté Adama Ben Diarra, lundi 4 septembre, selon son mouvement Yerewolo. Il y commémorait le septième anniversaire du décès d’Amadou Seydou Traoré, dit Amadou Djicoroni, figure politique dont il revendique l’héritage.

À LIREMali : Ben le Cerveau, nouvelle figure de la fronde contre Assimi Goïta ?

Connu pour être un fervent soutien de la junte dirigée par Assimi Goïta – à travers notamment son militantisme pour le départ de l’armée française et de la Minusma, la mission de maintien de la paix de l’ONU au Mali – Adama Ben Diarra s’était récemment exprimé pour condamner les sanctions américaines à l’encontre du ministre de la Défense, le colonel Sadio Camara. Début août, il avait également annoncé son soutien aux putschistes ayant pris le pouvoir au Niger fin juillet. « Tous les présidents qui ne vont pas se plier au mot d’ordre du panafricanisme vont tomber un à un », avait-il alors déclaré.

Pour le respect du calendrier électoral

Ce soutien des putschistes de la première heure, ancien membre du comité stratégique du Mouvement du 5 juin – Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) ayant mené à la chute de l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), en août 2020, aurait-il retourné sa veste ?

« Il a estimé qu’une prolongation de la transition au Mali mènerait à de nouvelles sanctions de la Cedeao, ce qui aurait des conséquences insoutenables pour les populations », affirme un journaliste malien qui a approché Ben le Cerveau récemment et qui souhaite rester anonyme. Si l’activiste s’est prononcé en faveur d’un maintien de l’élection présidentielle en février 2024, il a aussi précisé soutenir une éventuelle candidature d’Assimi Goïta.

À LIREAu Mali, Assimi Goïta cherche-t-il (encore) à se maintenir au pouvoir ?

Critiques contre Modibo Koné

« Il soutient toujours Goïta », assure un de ses confidents. Quelques heures après son arrestation, un message Facebook publié sur la page d’Adama Ben Diarra appelait ainsi ses partisans à continuer le combat « sous le leadership du président libérateur Assimi Goïta ». Pourtant, en novembre 2022, le leader de Yerewolo avait déjà défrayé la chronique en critiquant l’augmentation du budget de la présidence et du CNT.

Cette fois, c’est à Modibo Koné, chef de la redoutée SE, que s’en est pris Adama Diarra. « Il déplore le comportement de certains chefs militaires et a dénoncé plusieurs actions de la sécurité d’État, comme des cas de corruption », indique le journaliste précédemment cité.

À LIREAu Mali, la junte de Goïta arrête d’anciens ministres d’IBK

Depuis quelques semaines, Adama Diarra savait son siège au CNT en sursis et disait même « s’attendre à tout ». Le 27 août, il s’était pourtant prononcé pour la levée de l’immunité parlementaire d’un autre membre du CNT également dans le viseur de la junte, Mamadou Diarrassouba, ancien questeur de l’Assemblée nationale, en facilitant ainsi les poursuites pour fraudes contre ce dernier.

Coups d’État en Afrique : la démocratie pour les nuls, par Marwane Ben Yahmed

Contrairement à ce que pensent certains, qui la mettent en cause à chaque putsch ou crise politique, la démocratie n’est pas le problème. Elle est la solution.

Mis à jour le 4 septembre 2023 à 10:29
 
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ÉDITORIAL – Après le Mali (août 2020), la Guinée (septembre 2021), le Burkina (janvier 2022) – on vous passera les coups d’État dans le coup d’État à Bamako comme à Ouaga –, voici donc venu le tour du Niger et du Gabon, quatrième et cinquième dominos africains à tomber entre les mains de nos valeureux « sauveurs » en treillis.

Soyons clairs : nous avons condamné sans réserve les trois précédents putschs, quelles que soient les circonstances, les explications ou justifications, souvent fumeuses et hypocrites. Il en est de même pour ceux qui ont frappé Niamey et Libreville, et renversé Mohamed Bazoum et Ali Bongo Ondimba. Nous ne croyons ni en l’honnêteté, ni en la probité, ni aux intentions louables de ceux qui ont pris le pouvoir au prétexte, la main sur le cœur, de sauver la nation.

Populisme éhonté

Examinons les maux qu’ils mettent en avant pour justifier l’injustifiable. Corruption et népotisme ? Ces militaires comptent parmi les plus corrompues des nomenklaturas locales, plus habiles à surfacturer des contrats d’armement et à imposer leurs commissions qu’à traquer les jihadistes dans la zone des « trois frontières », plus prompts à nommer leurs proches qu’à promouvoir les plus compétents.

À LIRELa militarisation du pouvoir : une solution pour le Sahel ?

Mauvaise gouvernance ? Depuis quand un obscur général, qui pendant des lustres a ciré les mocassins de son maître, et touché au passage de substantiels dividendes, serait plus apte qu’un civil formé à la gestion de l’État et de l’administration pour gouverner ? Quel diplôme, quelle expérience et, surtout, quelle élection, même imparfaite, autoriseraient des militaires à diriger une nation de plusieurs millions d’âmes, à décider de la trajectoire économique d’un pays ou encore à en penser le développement pour les générations à venir sans aucun contre-pouvoir ni opposition pour les ramener à la raison ?

Leurs promesses sont de la poudre aux yeux. Leur populisme éhonté – exacerber la fierté nationale et désigner des boucs émissaires est à la portée du premier petit satrape venu – n’est qu’un leurre destiné à tromper les foules. Dans le cas du Niger, le scénario est encore pire : le chef de la garde présidentielle, promis au limogeage, s’est subitement réveillé après avoir protégé douze ans durant le même régime (Issoufou d’abord, Bazoum ensuite). Pour défendre son pays, dit-il. Pour se défendre lui-même, en vérité. Depuis son élection il y a seulement deux ans, la trajectoire suivie par Bazoum en matière de lutte contre le terrorisme comme de réformes économiques incitait pourtant la plupart des observateurs à l’optimisme.

À LIREBurkina, Mali, Guinée : souverainisme de pacotille et marchands d’illusions, par Marwane Ben Yahmed

Aucun discours, aucune diatribe ou explication ne sauraient masquer l’égoïsme de la suicidaire aventure ainsi engagée. C’est un véritable crève-cœur que d’en voir certains défendre ces militaires qui, prétendument au nom de la démocratie, ne font qu’accaparer le pouvoir pour leur seul bénéfice. Comme par hasard, les transitions qu’ils entendent assurer sont toutes vouées à durer au moins trois ans. Le temps de se remplir les poches, certainement…

Nous sommes les seuls responsables de notre destin

La démocratie, parlons-en justement. Après chacun de ces coups d’État ou après chaque crise politique d’ampleur sur le continent, c’est précisément elle qui est mise en cause. Tout serait de sa faute ! Dans nos colonnes, il y a un mois (voir JA n° 3127), l’excellent analyste et chroniqueur Yann Gwet proposait d’ « oser en finir avec la démocratie, ce carcan », justifiant sa thèse par le fait qu’elle était paradoxalement « l’assurance-vie et l’oxygène des dictateurs », et appelant l’Afrique à « réfléchir librement à son organisation propre ».

Yann me pardonnera – après tout c’est le principe qui a toujours guidé Jeune Afrique, être un espace de débat, fût-il contradictoire, voire animé –, mais je suis en total désaccord avec sa théorie. Le problème n’est pas la démocratie, mais ce que nous, Africains, en avons fait. Nous sommes sur la même longueur d’onde quant au constat : le sentiment largement partagé que les élections, et hélas par association la démocratie, ne servent à rien et ne reflètent même pas la volonté réelle des citoyens. Sur un continent où le quotidien rime souvent avec chômage, flambée des prix, mal-vie, systèmes éducatifs défaillants, problèmes d’eau et d’électricité, etc., on peut comprendre la défiance générale à l’encontre des dirigeants censés surmonter ces écueils ou convaincre de leur bonne foi.

À LIREDu coût de l’eau et des priorités publiques

Nos avis divergent cependant largement sur les leçons à en tirer. La démocratie – le gouvernement par le peuple et pour le peuple – n’est pas fautive. L’Occident, qui prétendument nous l’imposerait, non plus. Nous sommes les seuls responsables de notre destin et de nos turpitudes politiques. C’est parce que les principes directeurs de la démocratie, en vigueur sous bien des latitudes, y compris dans des pays du Sud comme les nôtres, sont constamment foulés aux pieds que cela ne fonctionne pas ou pas assez sur le continent.

Ce n’est pas tant le système que son application qui est en cause. La démocratie n’est pas responsable de nos élections truquées, du manque d’indépendance de la justice, de la non-séparation des pouvoirs, du népotisme ou de la politisation des administrations, de la corruption, de la cupidité et de l’enrichissement illicite de nos classes dirigeantes (pouvoir comme opposition), du mépris de l’intérêt général, de l’absence d’États de droit ou, pis, d’États forts, efficaces, tournés vers le bien-être de leurs populations.

Besoin d’idées politiques nouvelles

Il suffit de regarder partout ailleurs dans le monde, à quelques exceptions près : nul militaire aux manettes mais, pour les plus méritants, un soin tout particulier apporté à l’éducation, à la formation, à la culture, à l’ouverture d’esprit, à l’innovation, à la science. Ce n’est pas la démocratie qui empêche cela, bien au contraire.

Quant à l’antienne qui voudrait que ce système nous soit imposé de l’extérieur – par « les Blancs » en somme – et ne correspondrait pas à nos spécificités culturelles, là encore l’argument ne tient pas. Les Japonais, les Indiens, les Coréens, les Israéliens, les Brésiliens et, plus près de nous, les Sud-Africains n’auraient-ils pas de spécificités culturelles ou identitaires ? Qui nous empêche d’adapter les nôtres à nos propres organisations nationales ou continentales pour rendre cette démocratie plus efficace ?

À LIREAchille Mbembe : « La critique de la Françafrique est devenue le masque d’une indigence intellectuelle »

Il y a d’autres alternatives que celles qui consistent à rejeter ou à copier l’Occident. Mais elles nécessitent au préalable l’engagement d’une réflexion. L’Afrique a besoin d’idées politiques nouvelles, de solutions adaptées au monde de demain. L’urgence est là, pas aux solutions paresseuses ou guidées par un nationalisme agressif et aveugle, à la désignation de pseudos-carcans ou bourreaux qui justifieraient à eux seuls nos propres échecs. La démocratie n’est pas le problème, elle est la solution. Mais si quelqu’un identifie une alternative crédible, un autre système politique plus propice à l’Afrique, arguments à l’appui, qu’il nous les signale. Nos colonnes, comme toujours depuis plus de soixante ans, lui sont ouvertes.

Guinée: les autorités imposent aux sociétés minières de rapatrier 50% des recettes d'exportation

En Guinée, l’ultimatum fixé par les autorités aux entreprises minières est arrivé à terme à minuit jeudi. Depuis ce 1er septembre, les sociétés qui exploitent les ressources du sous-sol guinéen doivent rapatrier au moins 50% de leurs recettes d’exportation. 

Une mine de la compagnie des bauxites en Guinée (Photo d'illustration) @Business Wire 2018 

 bauxite guinee

 

 

Avec notre correspondant à Conakry, Matthias Raynal

C’est une vieille mesure jamais appliquée que les autorités guinéennes ont décidé de mettre en oeuvre. Depuis ce vendredi, les sociétés minières du pays sont obligées de rapatrier au moins 50% de leurs recettes d’exportation.

Cette disposition figure dans le Code minier mais pourtant, des millions d’euros échappent depuis des années à la banque centrale. « Malheureusement, la gestion ou la gouvernance du secteur minier n’a pa permis à la Guinée d’appliquer cette loi », explique Alhassane Makanéra Kaké, consultant et spécialiste des finances publiques.

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Bauxite, or, fer, diamants… La terre de Guinée regorge de richesses qui ne profitent pas assez à l’économie du pays, estiment aujourd'hui les autorités. Et stocker à la banque centrale les devises issues de leur exportation offre des avantages car « cela va permettre de renforcer la valeur de la monnaie », ajoute le consultant. L’État pourrait ainsi disposer d’un levier pour agir sur l’inflation.

Des rencontres ont eu lieu entre les autorités et les sociétés minières tout le mois d’août. L’État se veut conciliant, en réclamant dans un premier temps le rapatriement de 50% des recettes d’importation, avant de demander 100% à terme. Les produits miniers représentent 90% des exportations totales de la Guinée.

Décoloniser la mode : les textiles africains, une ode à une fierté retrouvée

Un temps écrasés par la prédominance du wax, désormais massivement importé de Chine, les tissus traditionnels africains ont le vent en poupe. Une nouvelle génération de créatrices et créateurs réinvente les formes traditionnelles créées aux quatre coins du continent par une multitude de peuples tisserands.

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 1 septembre 2023 à 07:56
 
 

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© Photomontage : Jeune Afrique

 

À la question : « Quel est le tissu emblématique africain ? » Trop de personnes vous répondront : « Le wax. » Car si le tissu ciré inonde bien les marchés du continent, il n’a, au départ comme à l’arrivée, rien de très local. Importé à l’époque coloniale par les Néerlandais via leurs comptoirs indonésiens, d’où il est originaire, le batik est désormais produit en Chine, à bas prix et souvent sans cire. L’Afrique a pourtant la fibre textile dans la peau.

À LIRELe lamba, quand les créateurs revendiquent leur identité malgache

Le continent a connu une multitude de peuples tisserands qui ont inventé des étoffes aux couleurs et aux motifs inimitables. Ces artisans virtuoses ont, au fil des siècles, fait des arts textiles un vecteur d’identité et de prestige pour chaque royaume et nation.

Assurer la relève

Raphia, écorce, teintures à l’indigo, à la boue ou au henné, métiers à tisser complexes… Depuis la colonisation, ces extraordinaires savoir-faire se sont tristement érodés. La majorité des filatures ouest-africaines, construites au moment des indépendances pour reprendre la production textile en main, n’a pas résisté à la dévaluation du franc CFA dans les années 1990. Pourtant réputé pour sa qualité, le coton local est aujourd’hui souvent tissé à l’étranger ou remplacé par de la rayonne (de la viscose), plus économique. À Kano, au Nigeria, les dernières teintureries à l’indigo des Haoussas qui faisaient encore de la résistance ne parviennent plus, aujourd’hui, à faire front face au déferlement de teintures chimiques.

À LIRECameroun : le Ndop fait son retour dans le sillage du wax

Face à ce déclin, une génération de créateurs et créatrices engagés s’est lancé le défi de rendre à la mode africaine ses lettres de noblesse. Le styliste camerounais Imane Ayissi, qui habille ses modèles de raphia et de kente, est le premier créateur noir à être entré, en 2020, dans les défilés haute-couture. En janvier 2021, Virgil Abloh avait puisé dans ses origines ghanéennes pour, lui aussi, faire monter le kente sur le podium de Louis Vuitton.

À LIREManifeste pour une industrie du luxe « made in Africa »

I.AM.ISIGO à Lagos, Accra et Nairobi, LaurenceAirline à Grand-Bassam, L’Artisane ou NuNu Design by DK à Dakar sont autant de jeunes marques qui, à travers leurs collections, célèbrent les traditions en faisant appel à cet artisanat local oublié et en utilisant des méthodes plus humaines et durables. Après avoir fait porter de l’aso oke, un tissu yoruba, à Naomi Campbell ou Timothée Chalamet, le styliste nigérian Kenneth Izedonmwen a proposé pour sa collection automne 2023 un audacieux mélange entre patrimoine local et vêtements recyclés. La relève est assurée.

 

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