Vu au Sud - Vu du Sud

Agroalimentaire : pourquoi la faillite de Saf Cacao
va secouer la Côte d’Ivoire

Réservé aux abonnés | | Par

Si elle venait à se confirmer, la liquidation du négociant pourrait fragiliser le secteur bancaire avec des conséquences importantes pour l’ensemble de l’économie du pays.

La liquidation du géant du négoce Saf Cacao, prononcée le 18 juillet par le juge Yaya Ouattara, président du tribunal de Sassandra (Sud-Ouest), pour cessation de paiements continue de créer une onde de choc dans le secteur bancaire ivoirien. Elle est intervenue à la suite d’une plainte du Conseil café-cacao (CCC) – chargé par l’État de gérer la filière –, qui en février lui réclamait 72 milliards de F CFA (110 millions d’euros).

La dizaine de banques partenaires de Saf Cacao avait introduit un recours contre cette décision, finalement jugée irrecevable. Le dossier est suivi par Léonce Yace, directeur général de NSIA Bank. La créance globale de l’entreprise est estimée à environ 160 milliards de F CFA. La décision de justice la rend irrécouvrable, mais les banques, qui ne sont pas prêtes à abandonner, ont fait appel.

Cette procédure a connu un nouveau rebondissement le 22 août devant la cour d’appel du tribunal de première instance de Daloa, dans le centre-ouest du pays, où l’affaire a été délocalisée. « Lors de cette audience, nous espérions au moins la suspension de la décision de liquidation. Mais cela n’a pas été le cas, le jugement a été renvoyé au mois d’octobre. Pendant ce temps, la procédure se poursuit puisqu’elle est exécutoire. Nous voulons un plan de redressement car Saf Cacao nous a montré sa bonne foi », a confié à Jeune Afrique un patron de banque, qui ajoute que rien n’oblige le probable repreneur de Saf Cacao à endosser toute la dette.

Une réforme à l’étude pour redonner du souffle aux entreprises locales

Ses actifs, estimés à 60 milliards de F CFA, ne couvrent pas la dette bancaire, tout comme le stock de 60 000 t de fèves de cacao, valorisé à 75 milliards de F CFA, dont la qualité s’est détériorée. Pour les banques, redresser l’entreprise est la seule chance de recouvrer tout ou partie de leurs créances. Selon certains, au regard des cours actuels, l’entreprise aurait la capacité de rembourser les sommes dues. « Les banques ne doivent s’en prendre qu’à elles-mêmes. Il ne fallait pas laisser Saf Cacao aller aussi loin », estime en off un ministre.

saf cacao


            JA/Source : APBEF-CI

Tous les établissements d’Abidjan mettent en garde contre les conséquences en matière de financement de la liquidation de l’entreprise fondée en 2004 par les entrepreneurs ivoiro-libanais Ali Lakiss, Adnan Amer et Ahmed Amer. Les banques pourraient se montrer plus réticentes à octroyer des prêts non seulement aux acteurs de la filière, mais aussi à l’ensemble de l’économie ivoirienne et même à l’État. Selon les estimations de l’Association professionnelle des banques et établissements financiers de Côte d’Ivoire, les crédits pourraient être amputés de plus de 1 000 milliards de F CFA en 2019 si les banques n’arrivent pas à recouvrer leurs créances.


>>> À LIRE – Côte d’Ivoire : les milliards envolés de la campagne cacao de 2016-2017


Certains prêteurs, comme BGFI et le groupe NSIA (NSIA Bank et Diamond Bank), seront plongés dans le rouge car leurs fonds propres sont limités. C’est d’autant plus grave que leurs consœurs plus solides risquent de limiter fortement les financements qu’elles leur auraient habituellement accordés. « Plusieurs établissements ont fait preuve de légèreté sur une matière première dont les cours sont très volatils. Le prix à payer risque d’être élevé », remarque un observateur du secteur financier. Résultat : toutes les banques devraient limiter leur concours aux acteurs ivoiriens du cacao, favorisant la reformation d’un cartel constitué de multinationales aux moyens illimités. Les mastodontes Cargill, Olam, Cémoi, Sucden, Touton ou Barry Callebaut devraient être les grands bénéficiaires de la chute de Saf Cacao.

Pour la campagne 2017-2018 en cours, Cargill a acheté plus de 300 000 t, ce qui lui confère déjà une position dominante. Pourtant, la réforme entamée en 2012 avec la création du CCC avait pour but de ne plus entretenir l’oligopole formé par les groupes occidentaux. Pour le gouvernement, l’avantage donné aux géants du secteur est un moindre mal à court terme. Le plus important pour lui est d’adosser l’économie du cacao à des acteurs solides afin de pouvoir garantir des débouchés à la production ivoirienne et de maximiser ses rentrées fiscales. Une nouvelle réforme serait à l’étude pour redonner du souffle aux entreprises locales. Très inquiets, les exportateurs nationaux se sont associés au sein d’un collectif pour mutualiser leur couverture de risques et leurs financements.

Un chiffre d’affaires annuel de plus de 200 milliards de F CFA

L’ascension de Saf Cacao dans la filière s’est bâtie à mesure que s’exacerbaient les ambitions de ses fondateurs. De petit intermédiaire d’achat de fèves et de cerises de café, Saf Cacao est devenu exportateur et s’est glissé dans le gotha des majors. De 40 000 t négociées au cours des années 2000, Saf Cacao était parvenu à acheter jusqu’à 150 000 t. La solidité apparente de ses opérations a mis en confiance les banques ivoiriennes et étrangères comme Afreximbank. La success-story de Saf Cacao s’est poursuivie avec la diversification de ses activités. L’entreprise est passée de moins de 50 milliards à plus de 200 milliards de F CFA de chiffre d’affaires annuel.

Saf Cacao a vite franchi le statut de courtier pour devenir transformateur de fèves comme ses concurrents. En 2010, elle a inauguré une usine de broyage (Choco Ivoire) d’une capacité de 100 000 t dans le port de San Pedro. L’investissement, estimé à 30 millions d’euros, a été financé par Ecobank, NSIA Bank et la SIB. Cependant, Choco Ivoire ne tournera jamais à plein régime, se limitant à 20 000 t de broyage à cause de l’adoption d’une fiscalité moins attrayante instaurée dans la filière en 2013. Les actionnaires de Saf Cacao ont également créé en 2014 à Lausanne, en Suisse, Origins SA, une centrale d’achats qui a fait l’acquisition en 2016 de la Compagnie ivoirienne de promotion pour l’exportation et pour l’importation (Cipexi), filiale du groupe néerlandais Amtrada.


>>> À LIRE – Côte d’Ivoire : pourquoi le chocolat est-il si peu commun chez le premier producteur mondial de cacao ?


Finalement plus portés sur le négoce que sur la transformation, les dirigeants avaient pris l’habitude de spéculer à outrance. « Au point de prendre des positions plus importantes que des géants comme Cargill. Pendant deux saisons, Saf Cacao a fait défaut sur des contrats, et nous fermions les yeux », se souvient un ex-cadre du CCC. La chute des cours du cacao en 2017, due aux effets conjugués du Brexit et de la surproduction des pays africains – qui représentent plus de 75 % de la production mondiale –, lui sera finalement fatale. À cette situation est venue s’ajouter la faillite de l’américain Transmar, l’un des principaux clients de Saf Cacao. En dépit d’une situation délicate, le CCC avait quand même accordé un agrément à l’entreprise en octobre 2017. Saf Cacao avait alors pris l’engagement de lui payer environ 22 milliards de F CFA pour les stocks et les contrats sur dix-huit mois. « Le CCC a tout fait pour aider Saf Cacao. Mais nous avons reçu plusieurs chèques sans provision », explique une source proche du dossier.

Sauvetage raté

Consciente du danger, l’Association des banques a plaidé dès octobre 2017 pour un sauvetage sur dix-huit mois de Saf Cacao, avec l’accord d’Adama Koné, le ministre de l’Économie et des Finances. Ce plan permettait à l’entreprise d’exporter ses stocks de cacao avec un règlement ultérieur des taxes, mais, au moment d’exécuter cet accord, les douanes placées sous la tutelle du secrétariat d’État auprès du Premier ministre ont bloqué les exportations. En dépit de nombreuses tentatives de conciliation, la renégociation d’un nouveau plan n’a pu aboutir. Le CCC a pu revendre les contrats de Saf Cacao sur le marché au moment où les cours étaient hauts, dégageant des marges.

Législatives en Mauritanie:
l'UPR et Tawassoul en tête

Une femme vote le 1er septembre 2018 dans un bureau de vote, à Nouakchott, pour les élections législatives, régionales et locales, le samedi 1er septembre 2018.
© AHMED OULD MOHAMED OULD ELHADJ / AFP

En Mauritanie, après une longue attente, la Commission électorale nationale indépendante (Céni) a rendu publics samedi tard dans la soirée, les résultats du premier tour des scrutins municipaux, régionaux et législatifs du 1er septembre dernier. Des résultats qui donnent le parti au pouvoir en tête au Parlement, suivi des islamistes du parti Tawassoul.

L'Union pour la République (UPR), à l’issue du premier tour, totalise déjà 67 siéges sur les 157 que comptera le futur Parlement mauritanien.

Le parti au pouvoir a réalisé ses meilleurs scores dans le centre et l’est du pays. Il devra cependant attendre le deuxième tour programmé le samedi 15 septembre pour avoir idée précise sur la nouvelle configuration du Parlement.

Une assemblée qui sera marquée par l’entrée en force des islamistes de Tawassoul qui remportent 14 sièges sur les 31 raflés par les partis d’opposition.

D’autres formations de l’opposition retrouveront l’hémicycle après une absence de cinq ans en raison du boycott. Elles avaient boycotté les municipales et législatives de 2013. C’est notamment le cas du Rassemblement des forces démocratiques, le RFD d’Ahmed ould Daddah et de l’Union des Forces de progrès (FNDU) de Mohamed ould Maouloud.

à (re)lire: Mauritanie: l’opposition participera à tous les scrutins électoraux

Seront également représentés au Parlement, le parti Adil (Pacte national pour la démocratie et le développement) de l’ancien Premier ministre Yahya Ould Ahmed El Waghef et l’APP, Alliance populaire progressiste de l’ancien président de l’Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheir.

Sénégal: les proches de Khalifa Sall accusent le pouvoir de chercher à l'isoler

Khalifa Sall salue ses partisans à son procès à Dakar le 5 février 2018.
© RFI

Au Sénégal, Khalifa Sall n'est plus maire de Dakar depuis le 5 septembre. Sa révocation par décret présidentiel lui a en effet été directement signifié à la prison. Si l'Etat indique que seule la loi est appliquée, pour ses proches, cette révocation n'a qu'un but : l'affaiblir au sein de la classe politique.

Plus de salaire, plus d'accès aux dossiers de la mairie, ni aux élus et à ses conseillers : y-a-t-il des manœuvres pour isoler politiquement Khalifa Sall, l'ex-maire de Dakar condamné en appel pour escroquerie sur des deniers publics ?

C'est ce que pense son fidèle bras droit Moussa Tine. « Plus personne ne peut aller le voir. Il va se limiter aux visites habituelles de ses amis tous les lundis, souligne-t-il. Donc l’enjeu dans cette affaire-là est d’abord de l’isoler, de semer la zizanie entre les maires et les différents conseillers municipaux, et peut-être en fin de compte d’arriver à une délégation spéciale au niveau de la mairie de Dakar. Ce qui serait une forte violation du droit de suffrage des Dakarois. »

Au sommet de l'Etat, on récuse ses accusations et on vante, au contraire, le bon fonctionnement de la justice, l'application stricte des règles et des lois. Et donc le droit du président Macky Sall de révoquer Khalifa Sall.

Mais pour Moussa Sow, conseiller municipal à Dakar, ce décret n'empêchera pas l’ex-maire de la capitale de participer à la présentielle. « Khalifa Sall en prison, avec ou sans ses droits civiques, il participera aux élections d’une manière ou d’une autre, assure-t-il. Je peux même vous dire qu’il est plus dangereux en prison que dehors. Les Sénégalais n’aiment pas qu’on traite comme ça leurs compatriotes. »

Sans visites autorisées six jours sur sept, Khalifa Sall, s'il reste député, doit donc désormais suivre la vie politique par l’intermédiaire des médias et se retrouve donc, pour la première fois de sa longue carrière, exclu des débats.

[Tribune] Pourquoi l’Afrique a tout à craindre

d’un Brexit dur

Réservé aux abonnés | |
Par

European Centre for Development Policy Management

En cas d'un Brexit dur, et sans période de transition, sans accord commercial UE - Royaume-Uni et sans plan de circonstance, les pays africains perdraient soudainement leur accès préférentiel au marché britannique, explique Emmanuel De Groof de l'European Centre for Development Policy Management.

Durant sa première tournée africaine, à la fin du mois d’août, le Premier ministre britannique, Theresa May, a affiché son ambition d’investir plus de 4 milliards de livres (4,4 milliards d’euros) en Afrique. Le Royaume-Uni a l’intention de devenir le premier investisseur des pays du G7 en Afrique avant 2022. Il compte déjà parmi les plus importants sur le continent (55 milliards de dollars d’investissements boursiers en 2016).

Le PIB du continent pourrait doubler entre 2015 et 2030

Après le Brexit, il sera désireux de se distinguer sur le plan international, notamment vis-à-vis d’un continent dont la population et les marchés ne cessent de croître. Theresa May a observé lors de son discours du 28 août au Cap que « le PIB du continent pourrait doubler entre 2015 et 2030. En 2050, un quart de la population mondiale et un quart des consommateurs du monde vivront en Afrique ».

Le marché britannique absorbe une part significative des exportations africaines

À l’heure actuelle, la plupart des pays africains bénéficient d’un accès préférentiel au marché européen, donc au marché britannique. Ce dernier absorbe une part significative des exportations de nombreux pays africains (tels l’Afrique du Sud, le Botswana, l’Égypte, la Gambie, la Guinée équatoriale, le Kenya, le Malawi, Madagascar, le Maroc, Maurice, le Mozambique ou encore les Seychelles) ou de certains secteurs (comme le thé, le sucre, les légumes frais, la banane, les diamants, la viticulture ou encore l’horticulture).

Pour toute l’Afrique, la valeur ajoutée de l’accès préférentiel au marché britannique est évaluée à 391 millions d’euros par an.

Certains commentateurs considèrent que le Brexit constitue une chance pour le continent si les pays négocient en bloc. Le nouvel accord continental de libre-échange, signé à Kigali le 21 mars, consolide cet élan, d’autant plus que l’Afrique du Sud a rejoint l’initiative.

Cet accord ne pourra être un atout pour les pays du continent tant qu’il n’aura pas été signé par […] le Nigeria

Reste que cet accord ne pourra être un atout pour les pays du continent tant qu’il n’aura pas été signé par un autre poids lourd, le Nigeria, et qu’au moins 22 pays le ratifient afin d’assurer sa mise en œuvre. L’exécution de cet accord dépendra par ailleurs de la coopération entre les communautés régionales économiques. Le pouvoir de négociation des pays africains face au Royaume-Uni ne sera réellement renforcé qu’au terme d’une évolution du continent vers une union douanière permettant l’adoption de tarifs extérieurs communs.

L’annonce récente d’un accord entre le Royaume-Uni et les cinq pays de l’Union douanière de l’Afrique australe, rejoints par le Mozambique, laisse croire que les pays africains, avec des intérêts économiques divergents, pourraient opter pour la voie régionale (plutôt que continentale) ou bilatérale s’ils la jugent plus efficace. Autrement dit, l’accord africain de libre-échange pourrait certes offrir la possibilité de redéfinir les liens commerciaux entre le continent et le Royaume-Uni, mais plutôt à moyen ou long terme. La question est donc de savoir ce qu’il peut arriver à court terme.

Il s’agit, en premier lieu, d’exiger plus de clarté des partenaires européens, car beaucoup dépendra de la politique commerciale suivie par le Royaume-Uni et des termes d’un éventuel accord avec l’UE.

La probabilité d’un cliff-edge Brexit s’accroît

Le risque d’un cliff-edge Brexit (c’est-à-dire un Brexit sans accord ou période de transition) grandit de jour en jour. Le régime commercial britannique serait alors autonome de l’UE à partir du 29 mars 2019. Sans période de transition, sans accord commercial UE - Royaume-Uni et sans plan de circonstance, les pays africains perdraient soudainement leur accès préférentiel au marché britannique. Les nouvelles entraves au commerce (notamment de transit) affecteraient tous les partenaires de l’Europe, dont les pays africains.

Maintien de l’accès libre de droits pour les PMA

Le Royaume-Uni a toutefois déjà indiqué qu’il maintiendra l’accès libre de droits de douane aux pays les moins avancés.

Il s’agit en tout cas d’activer des plans de circonstance dans les plus brefs délais. Un premier plan de circonstance consiste à reproduire les accords existants pour éviter l’interruption soudaine des échanges commerciaux avec l’Afrique – c’est le mode opératoire que Theresa May vient d’adopter en Afrique australe et qui requiert bien sûr l’accord des partenaires commerciaux africains. Un second plan de circonstance consiste à adopter un régime préférentiel unilatéral (et de demander rétrospectivement l’aval de l’OMC).

Une période de transition permettrait au Royaume-Uni de continuer de faire partie du marché intérieur et de l’Union douanière entre le 29 mars 2019 et le 31 décembre 2020, lui laissant le temps d’entamer sérieusement les négociations avec l’UE sur leur future relation commerciale.

Il n’est pas exclu que le Royaume-Uni doive renégocier plus de 700 accords commerciaux

Si, au terme d’un accord conclu durant la transition, le Royaume-Uni fait partie de l’Union douanière, il continuera de suivre la politique commerciale de l’UE. S’il fait partie du marché unique, il devra harmoniser sa réglementation avec celle de l’UE.

S’il ne fait partie ni de l’Union douanière ni du marché unique, la période de transition lui permettra de définir sa propre politique commerciale « en douceur », y compris vis-à-vis de l’Afrique. Il n’est pas exclu que le Royaume-Uni doive renégocier plus de 700 accords commerciaux et il voudra se concentrer sur ses partenaires les plus importants, sans doute au détriment de certains pays africains, nonobstant la récente offensive de charme de Theresa May.

Tout à gagner à une période de transition pour amorcer des négociations avec le Royaume-Uni

Les pays africains ont tout à gagner à une période de transition pour amorcer des négociations avec le Royaume-Uni, même si l’application de tout nouvel accord doit attendre 2021. Ils pourraient l’encourager à leur accorder des accès préférentiels supérieurs à ceux de l’UE en incluant par exemple les services.

En somme, sans l’articulation d’une politique visant à minimiser les perturbations des flux commerciaux entre le Royaume-Uni et les pays africains, l’effet du Brexit pour plusieurs pays africains, surtout les pays les moins avancés, pourrait être désastreux. Une période de transition serait de nature à réduire ce risque, et même à moyen ou à long terme, à inverser la tendance.

[Chronique] Mali : la rentrée scolaire,
premier défi post-électoral

|

Par

Damien Glez est dessinateur-éditorialiste franco-burkinabè

Voici venu septembre et les rentrées scolaires d’Afrique francophone. Le retour en classe des élèves maliens suscite l’inquiétude, entraînée par les soucis sécuritaires, climatiques ou encore la question des fonctionnaires fictifs...

En rangs légèrement dispersés, les enseignants d’Afrique francophone reprennent le chemin de l’école, conformément aux calendriers publiés, pendant l’été, par les ministres de l’Éducation. Pionniers, les écoliers camerounais devaient retrouver les classes dès le 3 septembre dernier. Quant aux élèves ivoiriens, c’est le lundi suivant, le 10 septembre, qu’ils doivent faire le deuil de leurs vacances échues. Dans certains pays, des perturbations sociales avaient transformé les choix de dates en casse-tête. C’est à la suite de grèves perlées au sein du système éducatif et après un réaménagement du calendrier de l’année scolaire 2017-2018 que la rentrée béninoise 2018-2019 a été fixée au 17 septembre.


>>> A LIRE – Mali : le fonctionnement des écoles publiques menacé par les jihadistes


Écoles toujours fermées

Dans un Mali où Soumaïla Cissé n’a pas encore reconnu la victoire annoncée du président sortant à l’élection du 12 août dernier, l’organisation de la reprise des cours relève de la quadrature du cercle. Déjà hors contexte post-électoral, la rentrée 2017-2018 des écoles publiques avait été reportée au 9 octobre, quelques jours à peine avant la date prévue du 2 octobre. Or, aux soucis sécuritaires toujours présents s’ajoutent des inondations qui provoquent des effondrements de logements momentanément remplacés par des salles de classe mobilisées.

Plus de 380 000 enfants devraient rester déscolarisés à la date de reprise des cours

Au centre et au nord du pays, singulièrement dans les régions de Mopti et de Kidal, le nombre d’écoles fermées pour cause de conflit inachevé augmente d’année en année. Selon un rapport de l’organisation des Nations unies pour l’enfance (Unicef), 400 établissements n’avaient pas pu ouvrir à la rentrée scolaire de 2017, soit 120 de plus qu’en 2016. Actuellement, l’agence des Nations unies estime que plus de 380 000 enfants devraient rester déscolarisés à la date de reprise des cours.

Certaines écoles du Mali touchaient même des bourses pour des… élèves fictifs

Fonctionnaires fictifs

À ces soucis climatiques et sécuritaires, les associations de parents d’élèves tiennent à ajouter des accusations contre les autorités académiques. À moins d’un mois de la rentrée, tous les élèves ayant obtenu le diplôme d’études fondamentales (DEF) n’auraient pas été orientés. De même, chacun se demande si la question des enseignants fictifs a été prise à bras-le-corps. En avril dernier, les autorités maliennes ouvraient encore des enquêtes pour situer les responsabilités, après la découverte de 10 000 postes fictifs sur les 16 000 que comptent les écoles communautaires. Des profs « virtuels » qui coûtaient à l’État plusieurs milliards de francs CFA par an, ces établissements bénéficiant de subventions publiques.

Sur les 5 000 écoles communautaires déclarées du pays, seules 1 700 ont été formellement identifiées à l’issue du dernier contrôle. Certaines écoles touchaient même des bourses pour des… élèves fictifs.